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03/01/2012 | FRANCE | N°10BX01578

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre (formation à 3), 03 janvier 2012, 10BX01578


Vu le recours, enregistré au greffe de la cour le 1er juillet 2010, présenté par le MINISTRE DE L'ECOLOGIE, DU DEVELOPPEMENT DURABLE, DES TRANSPORTS ET DU LOGEMENT ; le ministre demande à la cour d'annuler le jugement n° 0400445 du 30 avril 2010 par lequel le tribunal administratif de Fort-de-France a condamné l'Etat à verser à la société Balineau la somme de 378.516,42 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 27 janvier 2003 et capitalisation des intérêts à compter du 29 décembre 2009 ;

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Vu les autres pièces du dossier...

Vu le recours, enregistré au greffe de la cour le 1er juillet 2010, présenté par le MINISTRE DE L'ECOLOGIE, DU DEVELOPPEMENT DURABLE, DES TRANSPORTS ET DU LOGEMENT ; le ministre demande à la cour d'annuler le jugement n° 0400445 du 30 avril 2010 par lequel le tribunal administratif de Fort-de-France a condamné l'Etat à verser à la société Balineau la somme de 378.516,42 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 27 janvier 2003 et capitalisation des intérêts à compter du 29 décembre 2009 ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 décembre 2011 :

- le rapport de Mme Munoz-Pauziès, premier conseiller ;

- les observations de Me Pezin, avocat de la Sa Balineau ;

- les conclusions de M. Gosselin, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée aux parties ;

Considérant que, par un marché de travaux à prix global et forfaitaire notifié le 13 février 2001 pour un montant de 876.606,55 euros HT soit 951.118,11 euros TTC, le préfet a confié à la société Balineau les travaux de réfection du quai des phares et balises du port de Fort-de-France ; que lors de l'exécution des travaux, la société a été confrontée à des difficultés, notamment à la présence dans le sous-sol d'une couche de blocs d'andésite et à la découverte de l'épave d'une barge métallique échouée dan l'emprise de la cale de halage ; que ces difficultés ont conduit, d'une part, à l'établissement de deux prix nouveaux pour un montant total de 72.700 euros HT, montant intégré dans le prix initial des travaux après renonciation du maître d'ouvrage à certaines prestations, et d'autre part, à l'allongement du délai d'exécution des travaux ; que les travaux ayant été réceptionnés avec réserve le 14 mars 2002, le décompte général du marché a été notifié à la société Balineau le 13 août 2002 pour un montant de 932.753,55 euros TTC ; que le 25 août 2002 la société a notifié au maître d'oeuvre un mémoire de réclamation à hauteur de 613.738 euros HT, puis a saisi le comité consultatif de règlement des litiges relatifs aux marchés publics de Paris qui, dans un avis du 14 janvier 204, a proposé d'indemniser la société à hauteur de 430.000 euros HT et de lui consentir une prolongation de délai de 12 jours aboutissant à la suppression des pénalités de retard ; que le 30 juin 2004, l'Etat a versé à la société Balineau la somme de 59.294,58 euros ; que la société Balineau a alors saisi le tribunal administratif de Fort-de-France qui par jugement du 30 avril 2010 a condamné l'Etat à lui verser la somme de 378.516,42 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 27 janvier 2003 et capitalisation des intérêts à compter du 29 décembre 2009 ; que le MINISTRE DE L'ECOLOGIE, DU DEVELOPPEMENT DURABLE, DES TRANSPORTS ET DU LOGEMENT relève appel dudit jugement ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant qu'en vertu de l'article L. 5 du code de justice administrative, l'instruction des affaires est contradictoire ; que selon l'article R. 611-1 du même code, la requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties dans des conditions définies notamment par l'article R. 611-3 ; qu'aux termes de l'article R. 611-3 : Les décisions prises pour l'instruction des affaires sont notifiées aux parties (...). La notification peut être effectuée au moyen de lettres simples. Toutefois, il est procédé aux notifications de la requête, des demandes de régularisation, des mises en demeure, des ordonnances de clôture, des décisions de recourir à l'une des mesures d'instruction prévues aux articles R. 621-1 à R. 626-3 ainsi qu'à l'information prévue à l'article R. 611-7 au moyen de lettres remises contre signature ou de tout autre dispositif permettant d'attester la date de réception (...) ;

Considérant que le ministre soutient que le dossier n'a pas été communiqué à l'Etat ; qu'il ne ressort d'aucune pièce du dossier de première instance que les requêtes, mise en demeure et clôture d'instruction auraient été communiquées au préfet, ni même au ministre ; que, dès lors, le jugement doit être annulé ; qu'il y a lieu pour la cour de statuer immédiatement, par la voie de l'évocation, sur les conclusions présentées par la société Balineau devant le tribunal administratif ;

Sur les sujétions imprévues :

Considérant que les difficultés exceptionnelles et imprévisibles rencontrées dans l'exécution d'un marché à forfait ne peuvent ouvrir droit à une indemnité au profit des entrepreneurs que dans la mesure où ceux-ci justifient soit que ces difficultés ont eu pour effet de bouleverser l'économie du contrat, soit qu'elles sont imputables à un fait de l'administration ;

En ce qui concerne la couche d'andésite :

Considérant le dossier géotechnique qui, en application de l'article 2 du cahier des clauses administrative particulières, faisait partie des pièces contractuelles, et l'article 1.4.1 du cahier des clauses techniques particulières relatif à la géologie du site mentionnaient la présence de blocs d'andésite sous le seul terre-plein bétonné et sur une épaisseur limitée à 40 centimètres ; qu'au cours de l'exécution des travaux, il est apparu que le sous-sol marin comportait de l'andésite sur une épaisseur de deux mètres, constituant par sa dureté un obstacle infranchissable au battage des palplanches ; que l'étude géotechnique faisant partie des pièces contractuelles, le ministre ne peut soutenir que la réalisation d'une telle étude incombait à la société, le délai d'un mois imparti aux entreprises pour présenter leur offre ne leur permettant pas, au surplus, d'effectuer des sondages ni de procéder à une étude géologique sérieuse ; que si le ministre se prévaut de l'article 3.5.1 du cahier des clauses techniques particulières, qui prévoit que L'entreprise prendra toutes dispositions, notamment la reconnaissance du sol, son nettoyage, l'enlèvement d'obstacles, pour assurer l'implantation aussi exacte que possible du rideau de palplanches, ces stipulations faisaient seulement obligation à la société Balineau de vérifier l'état superficiel du sol marin et non d'effectuer un sondage du sous-sol ; que, de même, le ministre ne peut utilement soutenir que la société Balineau aurait dû réaliser une planche d'essai en application du fascicule 68 du cahier des clauses techniques générales, dès lors que la société disposait des données du dossier géotechnique et que rien ne laissait supposer que lesdites données étaient erronées ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment de l'avis du comité consultatif interrégional de règlement amiable de Paris du 14 juin 2004, que les difficultés ainsi rencontrées par la société Balineau dans l'exécution du marché ont entraîné un surcoût de 430.185 euros HT, liés à la mise en oeuvre infructueuse du premier tronçon du rideau principal, au déroctage de la couche d'andésite à la benne preneuse avec le ponton de battage au droit du rideau principal, au dragage de la couche d'andésite à la benne-preneuse avec le ponton de battage au droit de la cale de halage, à la perte de cadence pour le battage des palplanches de la cale et du rideau principal et au dragage de la surépaisseur de la couche d'andésite ; qu'ainsi, elles ont provoqué un bouleversement de l'économie du contrat et ouvraient droit à indemnisation du préjudice subi par l'entreprise ;

En ce qui concerne la découverte de l'épave :

Considérant que la société Balineau a découvert une épave coulée dans la zone des travaux ; que, toutefois, ces difficultés, qui ne sont pas imputables à l'administration, ont entraîné, selon le rapport du comité consultatif interrégional de règlement amiable de Paris, un surcoût à concurrence de 72.450 euros HT et n'ont dès lors pas eu pour effet de bouleverser l'économie du contrat ;

Sur les pénalités de retard :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que les difficultés et sujétions imprévues rencontrées par la société Balineau l'ont amenées à exécuter une partie des travaux pendant la saison des pluies, contrairement aux prévisions initiales ; que, par suite, la société est fondée à soutenir que les pénalités de retard, à concurrence de la somme de 3.506 euros, ne doivent pas lui être appliquées ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Balineau avait droit à la somme de 433.691 euros HT ; qu'il convient de déduire de ladite somme celle de 54.924,58 euros HT versées par l'Etat le 30 juin 2004 ; qu'ainsi, il y a lieu de faire droit à la demande de la société Balineau et de condamner l'Etat à lui verser la somme de 378.516,42 euros HT qu'elle demande ;

Sur les intérêts et la capitalisation des intérêts :

Considérant que la société Balineau a droit aux intérêts de la somme de 378.516,42 euros à compter du 30 août 2002, jour de la réception de son mémoire en réclamation ;

Considérant que la capitalisation des intérêts a été demandée le 29 décembre 2009 ; qu'à cette date, les intérêts étaient dus pour au moins une année entière ; qu'il y a lieu dès lors de faire droit à cette demande tant à cette date que à chaque échéance annuelle à compter de cette date ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1.500 euros au titre des frais exposés par la société Balineau et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Fort-de-France du 30 avril 2010 est annulé.

Article 2 : L'Etat versera à la société Balineau la somme de 378.516,42 euros HT. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 30 août 2002. Les intérêts seront capitalisés à la date du 29 décembre 2009 ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date.

Article 3 : L'Etat versera à la société Balineau une somme de 1.500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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No 10BX01578


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 10BX01578
Date de la décision : 03/01/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-03-03-02 Marchés et contrats administratifs. Exécution technique du contrat. Aléas du contrat. Imprévision.


Composition du Tribunal
Président : M. JACQ
Rapporteur ?: Mme Frédérique MUNOZ-PAUZIES
Rapporteur public ?: M. GOSSELIN
Avocat(s) : CABANES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2012-01-03;10bx01578 ?
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