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10/01/2012 | FRANCE | N°10BX02480

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre (formation à 3), 10 janvier 2012, 10BX02480


Vu la requête, enregistrée le 27 septembre 2010 par télécopie et le 1er octobre 2010 en original, présentée pour M. Alain A, demeurant ..., par Me Mayer ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler et à titre subsidiaire de réformer le jugement n° 0700639 du 17 juin 2010 par lequel le Tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 30 janvier 1978 par lequel le maire de la commune de Trois Bassins a interdit la pratique du nudisme sur tout le territoire de la commune et de la délibération en date

du 14 décembre 2005 du conseil municipal de la commune de Trois Bassins par ...

Vu la requête, enregistrée le 27 septembre 2010 par télécopie et le 1er octobre 2010 en original, présentée pour M. Alain A, demeurant ..., par Me Mayer ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler et à titre subsidiaire de réformer le jugement n° 0700639 du 17 juin 2010 par lequel le Tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 30 janvier 1978 par lequel le maire de la commune de Trois Bassins a interdit la pratique du nudisme sur tout le territoire de la commune et de la délibération en date du 14 décembre 2005 du conseil municipal de la commune de Trois Bassins par laquelle ledit conseil municipal a apporté son soutien à l'action du maire visant à faire respecter les dispositions de l'arrêté précité ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté susvisé du 30 janvier 1978 ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Trois Bassins, une somme de 2 500 euros en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative, outre celle de 500 euros au titre de la procédure de première instance ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ;

Vu le code des communes et le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code pénal ;

Vu la loi du 30 juin 1881 ;

Vu la loi du 20 mars 1907 ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 22 novembre 2011 :

- le rapport de M. Lamarche, président-assesseur ;

- les conclusions de M. Vié, rapporteur public ;

Considérant que M. A interjette régulièrement appel du jugement n° 0700639 du 17 juin 2010 par lequel le Tribunal administratif de Saint-Denis a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 30 janvier 1978 par lequel le maire de la commune de Trois Bassins a proscrit la pratique du naturisme sur tout le territoire de la dite commune et de la délibération en date du 14 décembre 2005 par laquelle le conseil municipal de cette commune a apporté son soutien à l'action du maire visant à faire respecter les dispositions de l'arrêté précité ;

Sur les conclusions présentées par la commune de Trois Bassins tendant au non-lieu à statuer :

Considérant qu'il est constant que M. Alain A est décédé le 16 février 2011 et qu'aucun héritier n'a repris l'instance ; que ses conclusions en annulation pour excès de pouvoir d'un arrêté pris en matière de police administrative ne peuvent être regardées comme une action présentant un caractère purement personnel ; qu'à la date du décès du requérant, le dossier était en état d'être jugé ; que, par suite, les conclusions présentées par la commune tendant à ce que la cour dise n'y avoir lieu à statuer doivent être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 30 janvier 1978 par lequel le maire de la commune de Trois Bassins a interdit la pratique du nudisme sur tout le territoire de la commune :

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la demande :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 131-2 du code des communes en sa rédaction vigueur à la date de l'édiction de l'arrêté attaqué : La police municipale a pour objet d'assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publique ; ° Tout ce qui intéresse la sûreté et la commodité du passage dans les rues, quais, places et voies publiques (...) ; que le maire de la commune de Trois Bassins tenait de ces dispositions le pouvoir de prévenir les troubles à l'ordre et à la tranquillité publiques sur l'ensemble du territoire communal y compris le domaine public maritime et avait compétence pour réglementer, par une mesure de police administrative, la pratique du naturisme sur les plages de la commune ;

Considérant que M. A, qui n'a pas présenté de moyen tiré de l'illégalité externe de la décision attaquée en première instance n'est pas recevable en appel à invoquer le défaut de motivation de l'arrêté, alors en tout état de cause que la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des décisions administratives n'était pas applicable à la date de l'édiction de l'arrêté, lequel présente au surplus un caractère réglementaire ;

Considérant qu'aux termes de l'article 10 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen : Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l'ordre public établi par la loi. ; qu'aux termes de l'article 5 de ladite déclaration : La loi n'a le droit de défendre que les actions nuisibles à la société. Tout ce qui n'est pas défendu par la loi ne peut être empêché, et nul ne peut être contraint à faire ce qu'elle n'ordonne pas. ; qu'aux termes de l'article 330 du code pénal en sa rédaction applicable à la date de l'édiction de l'arrêté attaqué : Toute personne qui aura commis un outrage public à la pudeur sera punie d'un emprisonnement de trois mois à deux ans, et d'une amende de 500 F à 15 000 F. ; qu'aux termes de l'article 222-32 du nouveau code pénal en sa rédaction applicable à la date de la demande présentée le 14 mars 2007 par M. A : L'exhibition sexuelle imposée à la vue d'autrui dans un lieu accessible aux regards du public est punie d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende. ;

Considérant que par des motifs pertinents que la cour adopte, les premiers juges ont exposé que la pratique du naturisme dans des lieux publics qui ne sont pas spécialement aménagés à cet effet pouvait, en 1978, être qualifiée par les juridictions pénales de délit d'outrage public à la pudeur et peut, depuis la réforme du code pénal, être qualifiée, par les juridictions compétentes, de délit d'exhibition sexuelle ; qu'ainsi, et nonobstant les affirmations de M. A selon lesquelles la pratique du naturisme relève d'une philosophie et partant d'une opinion protégée au sens des dispositions précitées de l'article 10 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, l'arrêté qui interdit la pratique du naturisme sur le territoire de la commune n'a ni pour objet ni pour effet de porter atteinte à une liberté publique, mais se borne à rappeler la réglementation applicable lorsque n'existe sur le territoire de la commune aucune aire aménagée en vue de la pratique du naturisme ; que les moyens tirés de la contrariété avec les dispositions du code pénal et du défaut de constitutionnalité des dispositions dudit arrêté ne sont par conséquent pas fondés ; que, par suite les moyens tirés de la méconnaissance de la liberté d'aller et venir et de la liberté d'opinion doivent être écartés ;

Considérant que l'autorisation de la pratique réglementée du naturisme relevant d'un régime dérogatoire, la mesure de police en cause ne peut être regardée comme présentant un caractère général et absolu ou disproportionné ; qu'enfin, la circonstance que les adeptes du naturisme ne souhaitent pas bénéficier d'un usage exclusif des lieux où ils s'adonnent à ce comportement n'est pas de nature, dès lors que les naturistes ne sont pas dans une situation identique aux autres usagers des lieux, à révéler que le principe de non discrimination aurait été méconnu ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué le Tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 30 janvier 1978 ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions précitées font obstacle à ce que M. A, partie perdante à l'instance, puisse obtenir le versement d'une quelconque somme au titre des dispositions précitées ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par la commune de Trois Bassins sur le fondement des dispositions précitées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la commune de Trois Bassins tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

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N° 10BX02480


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 10BX02480
Date de la décision : 10/01/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme FLECHER-BOURJOL
Rapporteur ?: M. Frantz LAMARCHE
Rapporteur public ?: M. VIE
Avocat(s) : MAYER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2012-01-10;10bx02480 ?
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