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26/01/2012 | FRANCE | N°10BX01866

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre (formation à 3), 26 janvier 2012, 10BX01866


Vu le recours, enregistré le 23 juillet 2010, présenté par le MINISTRE DE L'ECOLOGIE, DE L'ENERGIE, DU DEVELOPPEMENT DURABLE ET DE LA MER qui demande à la cour d'annuler le jugement n° 0801652 du tribunal administratif de Pau en date du 20 mai 2010 en tant qu'il a annulé l'arrêté du préfet des Hautes-Pyrénées en date du 6 mai 2008 en tant qu'il classe dans la liste des espèces d'animaux nuisibles dans son département pour la campagne 2008-2009 la fouine, le renard, la corneille noire, le geai des chênes et la pie bavarde ;

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Vu les au...

Vu le recours, enregistré le 23 juillet 2010, présenté par le MINISTRE DE L'ECOLOGIE, DE L'ENERGIE, DU DEVELOPPEMENT DURABLE ET DE LA MER qui demande à la cour d'annuler le jugement n° 0801652 du tribunal administratif de Pau en date du 20 mai 2010 en tant qu'il a annulé l'arrêté du préfet des Hautes-Pyrénées en date du 6 mai 2008 en tant qu'il classe dans la liste des espèces d'animaux nuisibles dans son département pour la campagne 2008-2009 la fouine, le renard, la corneille noire, le geai des chênes et la pie bavarde ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la directive n° 79/409/CEE du 2 avril 1979 concernant la conservation des oiseaux sauvages dite Oiseaux ;

Vu la directive n° 92/43/CEE du 21 mai 1992 concernant la conservation des habitats naturels de la faune et de la flore sauvage ;

Vu la directive 2009/147/CE du 30 novembre 2009 concernant la conservation des oiseaux sauvages ;

Vu le décret n° 88-940 du 30 septembre 1988 relatif à la destruction des animaux classés nuisibles ;

Vu l'arrêté modifié du 30 septembre 1988 fixant la liste des animaux susceptibles d'être classés nuisibles ;

Vu le code de l'environnement ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 15 décembre 2011 :

* le rapport de Mme Madelaigue, premier conseiller ;

* et les conclusions de M. Normand, rapporteur public ;

Sur l'intervention de la Fédération départementale des chasseurs des Hautes-Pyrénées :

Considérant que la Fédération départementale des chasseurs des Hautes-Pyrénées, qui a intérêt au maintien de l'arrêté contesté dans la mesure où certaines espèces classées nuisibles contribuent à réduire le potentiel cynégétique en détruisant le gibier, et qui est intervenue devant le tribunal administratif de Pau pour s'associer au mémoire en défense du préfet des Hautes-Pyrénées, est recevable à intervenir, en appel, au soutien du recours présenté par le ministre ;

Sur les fins de non-recevoir opposées par la Fédération départementale des chasseurs des Hautes-Pyrénées :

Considérant, en premier lieu, qu'il ressort de ses statuts que l'association pour la protection des animaux sauvages (ASPAS) a pour objet d'agir pour la protection de la faune, de la flore, la réhabilitation des animaux sauvages et la conservation du patrimoine naturel en général ; que, dès lors, elle justifie d'un intérêt lui donnant qualité pour agir à l'encontre de l'arrêté attaqué du préfet des Hautes-Pyrénées ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes des stipulations de l'article 10 des statuts de cette association : (...) le conseil d'administration dispose de tous pouvoirs pour décider d'agir en justice et pour représenter l'association dans le cadre d'action en justice tant en défense, en demande, qu'en intervention volontaire, devant toutes les juridictions nationales (et notamment civiles, pénales et administratives) européennes et internationales. Le conseil d'administration pourra décider de déléguer ce pouvoir d'agir en justice et/ou de représentation en justice conformément au dernier alinéa du présent article. (...) Le conseil d'administration peut déléguer une partie de ses attributions de façon permanente ou ponctuelle, au bureau, à un ou plusieurs administrateurs, au président, à tout salarié de l'association ou à tout représentant spécial, même non membre de l'association. Ce pouvoir est révocable sur simple délibération du conseil d'administration ;

Considérant que, par délibérations du 22 octobre 2005 et du 16 novembre 2008, produites devant le tribunal administratif, le conseil d'administration de l'ASPAS, dont le pouvoir de décider d'agir en justice n'est pas dévolu par les statuts précités à un autre organe de l'association, a, dans des conditions régulières, donné délégation permanente à Mme , directrice et salariée de cette association, signataire de la demande de première instance et représentante de l'association en appel, pour décider d'agir en justice et de la représenter devant toutes les juridictions ; que, dès lors, la fin de non-recevoir opposée par la Fédération départementale des chasseurs des Hautes-Pyrénées, tirée de ce qu'il ne serait pas justifié de la capacité de Mme à ester en justice au nom de l'ASPAS, doit être rejetée ;

Considérant, en dernier lieu, que la circonstance que les membres du conseil d'administration de l'ASPAS n'auraient pas été régulièrement renouvelés, que la qualité de certains d'entre eux ne serait pas établie ou que la convocation qui leur a été adressée pour la tenue d'un conseil ne serait pas produite, ne peut être utilement invoquée pour contester la qualité pour agir de Mme ;

Sur la légalité de l'arrêté attaqué :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 427-6 du code de l'environnement : Le ministre chargé de la chasse fixe la liste des espèces d'animaux susceptibles d'être classés nuisibles en application de l'article L. 427-8. Cette liste est établie après avis du Conseil national de la chasse et de la faune sauvage en fonction des dommages que ces animaux peuvent causer aux activités humaines et aux équilibres biologiques. Elle ne peut comprendre d'espèces dont la capture ou la destruction est interdite en application de l'article L. 411-1 ; qu'aux termes de l'article R. 427-7 du même code : I. Dans chaque département, le préfet détermine les espèces d'animaux nuisibles parmi celles figurant sur la liste prévue à l'article R. 427-6, en fonction de la situation locale, et pour l'un des motifs ci-après : 1° Dans l'intérêt de la santé et de la sécurité publiques ; 2° Pour prévenir des dommages importants aux activités agricoles, forestières et aquacoles ; 3° Pour assurer la protection de la flore et de la faune. II. L'arrêté du préfet est pris après avis de la commission départementale de la chasse et de la faune sauvage et de la fédération des chasseurs. III. L'arrêté est pris chaque année, pour la période allant du 1er juillet au 30 juin ;

Considérant qu'il résulte de ces dispositions qu'au titre d'une année considérée, il peut être légalement procédé au classement parmi les nuisibles, d'une espèce animale figurant sur la liste établie en application de l'article R. 427-6 précité par l'arrêté susvisé du 30 septembre 1988, dès lors que cette espèce est répandue de façon significative dans le département et que, compte tenu des caractéristiques géographiques, économiques et humaines de celui-ci, sa présence est susceptible de porter atteinte aux intérêts protégés par les dispositions précitées ou dès lors qu'il est établi qu'elle est à l'origine d'atteintes significatives à ces intérêts protégés ;

Considérant que pour annuler l'arrêté du préfet des Hautes-Pyrénées en tant qu'il classe dans la liste des espèces d'animaux nuisibles dans son département pour la campagne 2008-2009 la fouine, le renard, la corneille noire, le geai des chênes et la pie bavarde, les premiers juges, après avoir constaté que le nombre d'animaux capturés dans le département s'établissait à 3 896 renards, 734 fouines, 2 451 corneilles noires, 5 393 pies bavardes et 756 geais, ont considéré que le préfet ne décrivait pas précisément dans quelles conditions ces espèces sont, dans le département, susceptibles de causer des dégâts aux activités humaines ;

Considérant qu'il ressort des pièces produites en appel par le MINISTRE DE L'ECOLOGIE, DE L'ENERGIE, DU DEVELOPPEMENT DURABLE ET DE LA MER qu'en raison de la présence dans ce département de deux-cent quarante-huit exploitations qui ont produit plus de quatre millions de volailles pour l'année 2006, plus de la moitié étant élevées en plein air, en liberté ou sous un label qualité, d'une surface agricole utile de 221 775 hectares cultivée notamment en maïs et soja, des opérations de maintien et de conservation des populations des galliformes de montagne ou de repeuplement en lapins, ces espèces sont susceptibles de porter atteinte aux intérêts protégés par les dispositions précitées du I de l'article R. 427-7 du code de l'environnement ; qu'ainsi, et sans qu'y fasse obstacle la circonstance alléguée par l'ASPAS qu'il n'est pas établi que certaines de ces espèces sont dans ce département à l'origine d'atteintes effectives significatives à ces intérêts, le préfet des Hautes-Pyrénées a pu, sans méconnaître ces dispositions, classer ces différentes espèces animales parmi les espèces nuisibles au titre de l'année 2008-2009 ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le tribunal administratif de Pau s'est fondé sur le motif tiré de l'absence d'atteinte significative aux intérêts protégés par l'article R. 427-7 du code de l'environnement pour prononcer l'annulation partielle de l'arrêté contesté du préfet des Hautes-Pyrénées fixant la liste des animaux classés nuisibles du 1er juillet 2008 au 30 juin 2009 ;

Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par l'ASPAS devant le tribunal administratif de Pau et devant la cour ;

Considérant, en premier lieu, que l'arrêté en litige comporte les considérations de droit et de fait sur lesquelles il se fonde ; qu'il est ainsi suffisamment motivé ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'en vertu de l'article 9 de la directive européenne du 2 avril 1979 codifiée par la directive 2009/147/CE du 30 novembre 2009 concernant la conservation des oiseaux sauvages susvisée, il ne peut être dérogé à la protection dont bénéficient les oiseaux sauvages que s'il n'existe pas d'autres solutions satisfaisantes ; qu'à supposer même que la corneille noire, le geai des chênes et la pie bavarde soient significativement présents et susceptibles de porter atteinte à des intérêts protégés par la loi dans le département, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet des Hautes-Pyrénées ait recherché des méthodes alternatives à la destruction de ces oiseaux ; que, par suite, en classant dans la liste des espèces nuisibles ces oiseaux, sans avoir préalablement mis en oeuvre ou étudié des solutions alternatives, le préfet a commis une erreur de droit ;

Considérant, en troisième lieu, que la directive susvisée ne concernant que la protection des oiseaux sauvages, l'ASPAS ne peut utilement s'en prévaloir en ce qui concerne les mammifères et notamment la fouine et le renard ;

Considérant, en quatrième lieu, qu'en l'absence d'étude scientifique, les statistiques établies à partir des comptes rendus de piégeage effectués durant les campagnes précédentes dans le département constituent un indicateur suffisamment fiable de l'importance des populations d'animaux classés nuisibles dont l'ASPAS conteste l'inclusion dans la liste dressée par l'arrêté du préfet des Hautes-Pyrénées en date du 6 mai 2008 ; qu'il ressort des pièces produites au dossier recensant l'évolution du nombre total de prises recensées dans le département des Hautes-Pyrénées pendant la campagne cynégétique 2008-2009 que la fouine et le renard constituent des espèces animales répandues de façon significative dans le département des Hautes-Pyrénées ; que l'ASPAS ne critique pas utilement les données de capture en indiquant que le nombre de carnets de prélèvement retournés à la fédération a triplé entre les saisons 2005-2006 et 2006-2007 ; que dès lors, le préfet a fait une exacte appréciation de la situation locale en classant dans la catégorie des animaux nuisibles la fouine et le renard ;

Considérant, en cinquième lieu, que la circonstance que le renard puisse jouer un rôle de régulation est sans influence sur la légalité de l'arrêté préfectoral litigieux dès lors qu'il a été préalablement classé comme nuisible par l'arrêté ministériel du 30 septembre 1988 dont la légalité n'est pas, par ailleurs, contestée ;

Considérant, enfin, qu'aucune disposition ne faisait obligation au préfet d'examiner espèce par espèce l'opportunité du classement dans la catégorie des animaux nuisibles, dès lors que pour chacune d'entre elles peuvent être identifiés les intérêts protégés au sens des dispositions du code de l'environnement qui fondent la décision ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le MINISTRE DE L'ECOLOGIE, DE L'ENERGIE, DU DEVELOPPEMENT DURABLE ET DE LA MER est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a annulé l'arrêté du préfet des Hautes-Pyrénées en date du 6 mai 2008 en tant qu'il a classé dans la liste des animaux nuisibles le renard et la fouine ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État, la somme que l'ASPAS demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : L'intervention de la Fédération départementale des chasseurs des Hautes-Pyrénées est admise.

Article 2 : Le jugement du 20 mai 2010 du tribunal administratif de Pau est annulé en ce qu'il a annulé l'arrêté du 6 mai 2008 du préfet des Hautes-Pyrénées en tant que ce dernier a classé dans la liste des animaux nuisibles le renard et la fouine.

Article 3 : Le surplus du recours du MINISTRE DE L'ECOLOGIE, DE L'ENERGIE, DU DEVELOPPEMENT DURABLE ET DE LA MER est rejeté.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la demande présentée par l'ASPAS devant le tribunal administratif de Pau et ses conclusions devant la cour tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.

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N° 10BX01866


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 10BX01866
Date de la décision : 26/01/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

44-045-06-07-02 Nature et environnement.


Composition du Tribunal
Président : Mme RICHER
Rapporteur ?: Mme Florence MADELAIGUE
Rapporteur public ?: M. NORMAND
Avocat(s) : LAGIER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2012-01-26;10bx01866 ?
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