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29/03/2012 | FRANCE | N°11BX00677

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre - formation à 3, 29 mars 2012, 11BX00677


Vu la requête, enregistrée le 14 mars 2011, présentée pour la société VEOLIA PROPRETE, représentée par ses représentants légaux, dont le siège est 163 avenue Georges Clémenceau à Nanterre (92000), par l'association d'avocats Frêche et Associés, avocats ;

La société VEOLIA PROPRETE demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0700939 du 25 novembre 2010 du tribunal administratif de Saint-Denis de La Réunion rejetant sa demande tendant à la condamnation de la communauté intercommunale des Villes solidaires à lui verser au principal la somme de 793.036 eu

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Vu la requête, enregistrée le 14 mars 2011, présentée pour la société VEOLIA PROPRETE, représentée par ses représentants légaux, dont le siège est 163 avenue Georges Clémenceau à Nanterre (92000), par l'association d'avocats Frêche et Associés, avocats ;

La société VEOLIA PROPRETE demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0700939 du 25 novembre 2010 du tribunal administratif de Saint-Denis de La Réunion rejetant sa demande tendant à la condamnation de la communauté intercommunale des Villes solidaires à lui verser au principal la somme de 793.036 euros hors taxes en paiement de travaux de réalisation de trois alvéoles d'enfouissement d'ordures qu'elle n'a pu exploiter du fait de l'expiration de son contrat ;

2°) de condamner la communauté intercommunale des Villes solidaires à lui payer cette somme, assortie des intérêts moratoires à compter du 10 juillet 2007, date de sa demande ;

3°) de mettre à la charge de la communauté intercommunale des Villes solidaires la somme de 3.000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

............................................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu l'ordonnance du 17 janvier 2012 fixant en dernier lieu la clôture de l'instruction au 8 février 2012 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 1er mars 2012 :

- le rapport de M. Guillaume de La Taille Lolainville, conseiller ;

- les conclusions de M. David Katz, rapporteur public ;

- et les observations de Me Lambert, avocat de la société VEOLIA PROPRETE et de Me Thoinet, avocat de la communauté intercommunale des Villes solidaires ;

Considérant que le 10 novembre 1994, une convention de délégation de service public a été conclue pour sept ans, avec prise d'effet au 1er janvier 1995, entre un syndicat intercommunal et une société spécialisée pour la gestion et l'exploitation d'un centre d'enfouissement technique d'ordures ménagères, de résidus urbains et de déchets d'abattoirs au lieu-dit du " Pont de la Rivière Saint-Etienne " sur la commune de Saint-Pierre à La Réunion ; qu'aux parties initiales à cette convention ont été substituées à une date ultérieure, d'une part, la communauté intercommunale des Villes solidaires, et d'autre part, la société VEOLIA PROPRETE ; qu'au cours des années 2000 et 2001, le délégataire a aménagé sur le site trois alvéoles d'enfouissement supplémentaires identifiées " A ", " E " et " F " ; que la délégation de service public étant arrivée à son échéance normale le 31 décembre 2001, les investissements correspondants n'ont, selon la société VEOLIA PROPRETE, pas été complètement amortis ; que par divers courriers, et en dernier lieu par un courrier du 18 juillet 2007, la société VEOLIA PROPRETE a demandé en vain à la communauté intercommunale des Villes solidaires le paiement d'une somme de 793.036 euros hors taxes pour prix de ces investissements ; que la société VEOLIA PROPRETE relève appel du jugement n° 0700939 du 25 novembre 2010 par lequel le tribunal administratif de Saint-Denis de La Réunion a rejeté sa demande tendant à la condamnation au principal de la communauté intercommunale des Villes solidaires au paiement de cette somme ; que par la voie de l'appel incident, la communauté intercommunale des Villes solidaires demande la condamnation de la société VEOLIA PROPRETE à lui payer une indemnité de 51.979,37 euros en réparation de désordres apparus sur les alvéoles ; que par la voie de l'appel provoqué, elle appelle en outre en garantie le Territoire de la Côte Ouest et la Communauté d'agglomération du Sud au cas où elle serait condamnée ;

Sur la régularité du jugement :

Considérant que le tribunal administratif a rejeté les demandes de la société VEOLIA PROPRETE, non seulement en écartant toute responsabilité contractuelle de la communauté intercommunale des Villes solidaires à son égard, mais également en estimant que la société requérante n'était pas fondée à rechercher une réparation sur le terrain de l'enrichissement sans cause dont cet établissement public aurait bénéficié ; que ce faisant, le tribunal administratif a répondu à des conclusions que la société requérante avaient formulées dans sa demande, fondées sur l'argumentation selon laquelle " le cocontractant de l'administration qui réalise des investissements au bénéfice de cette dernière a vocation à en être indemnisé sur le fondement de la théorie de l'enrichissement sans cause dans la mesure où, à défaut, l'administration s'enrichirait à proportion de l'appauvrissement corrélatif de son cocontractant " ; qu'ainsi, le tribunal administratif a répondu, sans les dénaturer, aux écritures présentées par la société VEOLIA PROPRETE ; que dès lors, la société VEOLIA PROPRETE n'est pas fondée à demander l'annulation du jugement attaqué pour irrégularité ;

Sur la demande de règlement de la société VEOLIA PROPRETE :

Considérant en premier lieu, et d'une part, qu'aux termes de l'article 3 de la convention de délégation de service public en cause : " Le service régi par le présent contrat a pour objet la gestion d'une centre d'enfouissement technique d'ordures ménagères, de résidus urbains et de déchets d'abattoirs situé au lieu-dit " Pont de la Rivière Saint-Etienne " en aval rive gauche sur la commune de Saint-Pierre " ; qu'aux termes de son article 13 : " La rémunération Ro payée chaque année par [l'autorité concédante] est forfaitaire. Elle est déterminée en rapprochant le tonnage prévisionnel à traiter des fourchettes de tarifications de l'article 15 (...) " ; que ledit article 15 de la convention prévoit des prix à la tonne de déchets dégressifs en fonction des quantités traitées ; qu'aux termes de l'article 14 de ladite convention : " La rémunération comprend le coût annuel de fonctionnement du centre d'enfouissement technique et la part annuelle des investissements dont la réalisation est à la charge de l'entreprise (...) " ; qu'en vertu de l'article 18, cette rémunération par le paiement d'un prix doit être complétée par des redevances perçues sur les usagers ;

Considérant que d'autre part, aux termes de l'article 9 de la convention de la délégation de service public en cause : " L'entreprise assurera sous sa responsabilité et à ses frais, risques et périls, le fonctionnement et l'entretien de l'installation ainsi que du matériel et des bâtiments mis à sa disposition (...) " ; qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article 8 de cette convention : " [L'entreprise] devra faire son affaire personnelle de l'exécution de tous les règlements administratifs et de police ou autres (...) " ;

Considérant qu'il résulte de la combinaison de ces stipulations que la rémunération forfaitaire sur laquelle les parties s'étaient accordées, calculée à la tonne de déchets traitée, et augmentée de redevances perçues sur les usagers, devait couvrir tant les coûts de fonctionnement que ceux d'investissement supportés par le concessionnaire, y compris les aléas de l'exploitation ; qu'il était notamment de la commune intention des parties que les investissements rendus nécessaires par un changement réglementaire dans les conditions d'exploitation du centre d'enfouissement technique incomberaient en principe à l'exploitant ; qu'ainsi, il appartenait à la société VEOLIA PROPRETE de supporter les dépenses impliquées par l'intervention de l'arrêté du 28 juillet 1997 du préfet de La Réunion autorisant l'exploitation d'un centre d'enfouissement technique, et en particulier celles induites par l'article 2.2.1 de cet arrêté, exigeant que la surface en exploitation soit constituée d'une alvéole en cours de remplissage et d'une alvéole en attente, alors même qu'il avait été pris postérieurement à la signature de la convention de délégation de service public ; qu'il s'ensuit que, en refusant de payer en sus de la rémunération forfaitaire à la société VEOLIA PROPRETE le prix de l'aménagement des trois alvéoles " A ", " E " et " F ", la communauté intercommunale des Villes solidaires n'a pas méconnu les obligations contractuelles résultant pour elle des articles 13 et suivants de la convention de délégation de service public ;

Considérant en deuxième lieu que, ainsi qu'il a été dit, les travaux nécessaires au respect de l'arrêté préfectoral du 28 juillet 1997 étaient contractuellement dus ; qu'il résulte également de la convention en cause, et notamment de ses articles 8, intitulé " obligations de l'entreprise ", et 28, intitulé " pénalités ", que la société VEOLIA PROPRETE avait, par les modalités de son exploitation du centre d'enfouissement technique, à assurer la continuité du service public ; qu'en outre, et ainsi qu'il a également déjà été dit, l'ensemble des coûts supportés par la société VEOLIA PROPRETE devait se trouver couvert par le paiement d'un prix forfaitaire ainsi que par la perception de redevances ; que dès lors, la communauté intercommunale des Villes solidaires n'a pas manqué à son obligation d'exécuter de bonne foi le contrat auquel elle était partie en refusant de payer, au-delà du forfait, les investissements réalisés par la société VEOLIA PROPRETE et non amortis à la date d'expiration de la concession ;

Considérant en troisième lieu que la société VEOLIA PROPRETE, qui fait valoir notamment son droit au maintien de l'équilibre financier du contrat, doit être regardée comme sollicitant par son argumentation une indemnité au titre de l'imprévision ; qu'en l'espèce toutefois, et à s'en tenir aux écritures de la société requérante, le coût non amorti des alvéoles A, E et F le 31 décembre 2001, date de l'expiration de la convention, s'élevait à l'équivalent en francs de 629.164 euros, montant dont l'importance excessive rapportée à la rémunération totale perçue au titre de la convention n'est pas démontrée ; que de surcroît, la convention comportait, en son article 19, une clause de " révision du contrat " notamment " en cas de modification importante de la consistance et des conditions d'exécution du service " qui n'a pas été actionnée ; que dans ces conditions, il ne résulte pas de l'instruction que l'intervention de l'arrêté du 28 juillet 1997 aurait bouleversé l'économie du contrat ; qu'ainsi, et sans qu'il soit besoin de statuer sur leur recevabilité, la société VEOLIA PROPRETE n'est pas fondée à présenter des conclusions au titre de l'imprévision ;

Considérant en quatrième lieu qu'il suit de ce qui a déjà été dit qu'en jugeant que la réalisation des alvéoles en cause et leur remise, à l'expiration de la délégation de service public, à la communauté intercommunale des Villes solidaires, procédaient de la convention de délégation de service public et ne pouvaient par suite ouvrir droit à une indemnisation sur le fondement de l'enrichissement sans cause, le tribunal administratif n'a, contrairement à ce que la société VEOLIA PROPRETE soutient, commis aucune erreur de droit ;

Considérant en cinquième et dernier lieu que, d'une part, le concessionnaire a le droit, en l'absence de faute dans l'exécution du contrat, d'être indemnisé à hauteur de la valeur non amortie des investissements qu'il a financés et qui ont été remis au concédant, dans l'hypothèse où la convention de concession est dénoncée avant son terme ou en présence de stipulations contractuelles prévoyant cette indemnisation ; que d'autre part, aux termes de l'article 22 de la convention de délégation de service public en cause : " A l'expiration du contrat, l'entreprise sera tenue de remettre à la collectivité le terrain et les installations en état normal de service et effectuera à cette fin les travaux de petit et gros entretien et de renouvellement (...) " ; qu'il résulte de ces stipulations, et il n'est d'ailleurs pas contesté, que les alvéoles en cause constituaient des biens de retour destinés à revenir à la communauté intercommunale des Villes solidaires ; que toutefois, il résulte de l'instruction que la convention de délégation de service public est arrivée normalement à son terme le 31 décembre 2001 ; qu'aucune stipulation ne prévoyait en l'espèce l'indemnisation des biens de retour non encore amortis à cette date ; que dès lors, la société VEOLIA PROPRETE n'est pas fondée à soutenir qu'elle aurait eu vocation à percevoir une indemnité pour les biens de retour non amortis ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société VEOLIA PROPRETE n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Saint-Denis de La Réunion a rejeté sa demande de paiement au principal et en intérêts ;

Sur la demande indemnitaire de la communauté intercommunale des Villes solidaires :

Considérant que la demande de la communauté intercommunale des Villes solidaires tendant à la condamnation de la société VEOLIA PROPRETE au paiement de la somme de 51.979,37 euros toutes taxes comprises en réparation de désordres apparus sur les alvéoles d'enfouissement n'est fondée sur aucune des stipulations de la convention de délégation de service public et n'a pas pour objet le règlement financier de ce contrat ; que quels que soient ses mérites, elle soulève ainsi un litige distinct du litige principal, et doit par suite être rejetée comme irrecevable ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la communauté intercommunale des Villes solidaires, qui n'a pas la qualité de partie perdante, verse quelque somme que ce soit au titre des frais exposés pour l'instance et non compris dans les dépens ;

Considérant en revanche que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la société VEOLIA PROPRETE la somme de 1.500 euros au titre des frais exposés par la communauté intercommunale des Villes solidaires pour l'instance et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société VEOLIA PROPRETE est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la communauté intercommunale des Villes solidaires par la voie de l'appel incident sont rejetées.

Article 3 : La société VEOLIA PROPRETE versera à la communauté intercommunale des Villes solidaires la somme de 1.500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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No 11BX00677


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-05 Marchés et contrats administratifs. Exécution financière du contrat.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: M. Guillaume de la TAILLE LOLAINVILLE
Rapporteur public ?: M. KATZ
Avocat(s) : FRÊCHE et ASSOCIES

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Date de la décision : 29/03/2012
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 11BX00677
Numéro NOR : CETATEXT000025627948 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2012-03-29;11bx00677 ?
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