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10/04/2012 | FRANCE | N°11BX03090

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre - formation à 3, 10 avril 2012, 11BX03090


Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour le 25 novembre 2011, présentée pour Mme Fatma X, demeurant ..., par Me Sadek, avocat ;

Mme X demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1102219 du 8 novembre 2011 du tribunal administratif de Toulouse rejetant sa demande en annulation de l'arrêté du 20 avril 2011 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de renvoi ;

2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 20 avril 2011 ;

3°) d'

enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour, mention " vie privée et familiale "...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour le 25 novembre 2011, présentée pour Mme Fatma X, demeurant ..., par Me Sadek, avocat ;

Mme X demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1102219 du 8 novembre 2011 du tribunal administratif de Toulouse rejetant sa demande en annulation de l'arrêté du 20 avril 2011 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de renvoi ;

2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 20 avril 2011 ;

3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour, mention " vie privée et familiale " ou " visiteur " sous astreinte de 300 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à lui verser au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

.............................................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la décision en date du 19 mars 2012 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Bordeaux accordant l'aide juridictionnelle totale à Mme X ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 modifié ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 15 mars 2012 :

- le rapport de Mme Evelyne Balzamo, premier conseiller ;

- et les conclusions de M. David Katz, rapporteur public ;

Considérant que Mme X, de nationalité tunisienne, relève appel du jugement n° 1102219 du 8 novembre 2011 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 20 avril 2011 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois et a fixé la Tunisie comme pays de destination ;

Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l 'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ; que, pour l'application des stipulations précitées, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine ; qu'aux termes de l'article L. 411-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le ressortissant étranger qui séjourne régulièrement en France depuis au moins dix-huit mois, sous couvert d'un des titres d'une durée de validité d'au moins un an prévus par le présent code ou par des conventions internationales, peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre du regroupement familial, par son conjoint, si ce dernier est âgé d'au moins dix-huit ans, et les enfants du couple mineurs de dix-huit ans. " ; qu'aux termes de l'article L. 411-5 du même code : " Le regroupement familial ne peut être refusé que pour l'un des motifs suivants : 1° Le demandeur ne justifie pas de ressources stables et suffisantes pour subvenir aux besoins de sa famille. Sont prises en compte toutes les ressources du demandeur et de son conjoint indépendamment des prestations familiales et des allocations prévues à l'article L. 262-1 du code de l'action sociale et des familles, à l'article L. 815-1 du code de la sécurité sociale et aux articles L. 351-9, L. 351-10 et L. 351-10-1 du code du travail. Les ressources doivent atteindre un montant au moins égal au salaire minimum de croissance mensuel (...) " ;

Considérant que la mise en oeuvre des dispositions précitées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne saurait avoir pour effet de permettre à l'autorité administrative de prendre une mesure de refus de titre de séjour qui contreviendrait aux stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales garantissant le droit au respect de la vie familiale ;

Considérant que M. Mohammed X né en Tunisie en 1933, a épousé en décembre 1963 Mme Fatima X née en 1945, avec laquelle il a eu sept enfants, nés en 1969, 1973, 1977, 1979, 1984 et 1985, six d'entre eux vivant actuellement en Tunisie ; que, pour subvenir aux besoins de sa famille, il est venu travailler en France à compter de 1973 dans le secteur du bâtiment, puis a fait valoir ses droits à la retraite, et est demeuré sur le territoire français ; qu'il a demandé en 2003 le regroupement familial au profit de son épouse et de son plus jeune fils mais s'est vu opposer un refus en raison de l'insuffisance de ses ressources, sa pension de retraite étant inférieure au SMIC ; qu'il bénéficie d'une carte de résident de dix ans dont la validité expirera le 9 juillet 2016 ; qu'il ressort des pièces du dossier que depuis son arrivée en France, il a effectué de fréquents voyages en Tunisie afin de rejoindre son épouse et ses enfants ; que Mme X justifie que son époux est atteint d'une invalidité liée à son activité professionnelle d'un taux évalué à 30 % ; que, dans ces conditions, compte-tenu de l'ancienneté du mariage, de la permanence des liens entre les deux époux et de leur âge, malgré le fait que six des enfants du couple résident en Tunisie et alors que les ressources propres de M. X, qui ne sont pas susceptibles d'augmenter, ne lui permettent pas de solliciter avec succès le bénéfice du regroupement familial au profit de son épouse, c'est à tort que le tribunal administratif a estimé que le préfet de la Haute-Garonne, en refusant de délivrer un titre de séjour à Mme X n'avait pas porté au droit au respect de la vie privée et familiale de celle-ci une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il avait pris cette décision et n'avait pas méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, que Mme X est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande ;

Considérant que le présent arrêt implique nécessairement que le préfet de la Haute-Garonne délivre à Mme X une carte de séjour "vie privée et familiale" ; qu'il y a lieu de lui enjoindre d'y procéder dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt ;

Considérant que dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat le versement à l'avocat de Mme X d'une somme de 1.500 euros en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État à l'aide juridictionnelle ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Toulouse en date du 8 novembre 2011 et l'arrêté du 20 avril 2011 du préfet de la Haute-Garonne sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Haute-Garonne de délivrer à Mme X un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à Me Sadek avocat de Mme X, la somme de 1.500 euros en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.

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No 11BX03090


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 11BX03090
Date de la décision : 10/04/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: Mme Evelyne BALZAMO
Rapporteur public ?: M. KATZ
Avocat(s) : SADEK

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2012-04-10;11bx03090 ?
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