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29/05/2012 | FRANCE | N°10BX01853

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre (formation à 3), 29 mai 2012, 10BX01853


Vu la requête enregistrée le 22 juillet 2010 sous forme de télécopie et régularisée par courrier le 23 juillet 2010, présentée pour l'ASSOCIATION DIFFUPA, élisant domicile chez Mme Josiane Henry, au Bois Joli Locum à Maillere (74500), par Me Bastide ;

L'ASSOCIATION DIFFUPA demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0501482 du 30 mars 2010, par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, de contribution additionnelle audit impôt et d'imposition forfaitair

e annuelle auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 1998, des complé...

Vu la requête enregistrée le 22 juillet 2010 sous forme de télécopie et régularisée par courrier le 23 juillet 2010, présentée pour l'ASSOCIATION DIFFUPA, élisant domicile chez Mme Josiane Henry, au Bois Joli Locum à Maillere (74500), par Me Bastide ;

L'ASSOCIATION DIFFUPA demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0501482 du 30 mars 2010, par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, de contribution additionnelle audit impôt et d'imposition forfaitaire annuelle auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 1998, des compléments de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 1998 au 1er décembre 2000 par un avis de mise en recouvrement du 29 août 2003, ainsi que des pénalités y afférentes ;

2°) d'ordonner la décharge des impositions et pénalités contestées ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 mai 2012 :

- le rapport de Mme Dominique Boulard, président-assesseur ;

- et les conclusions de Mme Marie-Pierre Dupuy, rapporteur public ;

Considérant que les rappels réclamés à l'ASSOCIATION DIFFUPA, au titre de l'année 1998, en matière d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle audit impôt et, au titre de la période allant du 1er janvier 1998 au 1er décembre 2000, en matière de taxe sur la valeur ajoutée, dont, par le jugement qu'elle attaque, le tribunal administratif de Toulouse lui a refusé au fond la décharge, procèdent de ce que le service des impôts, à l'issue d'une vérification de comptabilité, a estimé qu'elle exerçait une activité lucrative ; que l'association fait appel de ce jugement ;

Sur la régularité du jugement et la portée de l'appel :

Considérant que les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à tous les arguments dont l'association a étayé ses moyens présentés à l'appui de ses conclusions en décharge, a suffisamment motivé sa réponse à ces moyens ; qu'ils ont, en particulier, exposé de manière suffisante les raisons pour lesquelles ils tenaient son activité pour lucrative ; qu'ils ont aussi indiqué le motif pour lequel ils regardaient comme irrecevables les conclusions dirigées par l'ASSOCIATION DIFFUPA contre une cotisation d'imposition forfaitaire annuelle au titre de 1998 à laquelle elle n'avait pas été effectivement assujettie ; que l'association ne conteste pas cette irrecevabilité en appel ;

Sur le principe de l'assujettissement de l'association aux impositions en litige :

Considérant qu'aux termes de l'article 206 du code général des impôts : " 1...sont passibles de l'impôt sur les sociétés quel que soit leur objet... toutes autres personnes morales se livrant à une exploitation ou à des opérations à but lucratif ... " ; qu'aux termes de l'article 207 du même code : " 1. Sont exonérés de l'impôt sur les sociétés :...5 bis. Les organismes sans but lucratif mentionnés à l'article 261-7-1°, pour les opérations à raison desquelles ils sont exonérés de taxe sur la valeur ajoutée ... " ; qu'aux termes de l'article 235 ter ZA du même code, dans sa rédaction applicable à l'espèce : " ...les personnes morales sont assujetties à une contribution égale à 10 p. 100 de l'impôt sur les sociétés calculé sur leurs résultats imposables aux taux mentionnés au I de l'article 219 ... " ; qu'enfin, aux termes de l'article 261 du même code, dans sa rédaction applicable à l'espèce : " Sont exonérés de la taxe sur la valeur ajoutée : ...7. (organismes d'utilité générale) 1° ...b. Les opérations faites au bénéfice de toutes personnes par des oeuvres sans but lucratif qui présentent un caractère social ou philanthropique et dont la gestion est désintéressée, lorsque les prix pratiqués ont été homologués par l'autorité publique ou que des opérations analogues ne sont pas couramment réalisées à des prix comparables par des entreprises commerciales, en raison notamment du concours désintéressé des membres de ces organismes ou des contributions publiques ou privées dont ils bénéficient ...d. Le caractère désintéressé de la gestion résulte de la réunion des conditions ci-après : -L'organisme doit être géré et administré à titre bénévole par des personnes n'ayant elles-mêmes, ou par personne interposée, aucun intérêt direct ou indirect dans les résultats de l'exploitation ; -L'organisme ne doit procéder à aucune distribution directe ou indirecte de bénéfice, sous quelque forme que ce soit ; -Les membres de l'organisme et leurs ayants droit ne doivent pas pouvoir être déclarés attributaires d'une part quelconque de l'actif, sous réserve du droit de reprise des apports ... " ;

Considérant que, pour l'application des dispositions précitées, les associations ne sont exclues du champ de l'impôt sur les sociétés et exonérées de taxe sur la valeur ajoutée que si, d'une part, leur gestion présente un caractère désintéressé, et, d'autre part, les services qu'elles rendent ne sont pas offerts en concurrence dans la même zone géographique d'attraction avec ceux proposés au même public par des entreprises commerciales exerçant une activité identique ; que, toutefois, même dans le cas où l'association intervient dans un domaine d'activité et dans un secteur géographique où existent des entreprises commerciales, elle reste exclue du champ de l'impôt sur les sociétés et continue de bénéficier de l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée si elle exerce son activité dans des conditions différentes de celles des entreprises commerciales, soit en répondant à certains besoins insuffisamment satisfaits par le marché, soit en s'adressant à un public qui ne peut normalement accéder aux services offerts par les entreprises commerciales, notamment en pratiquant des prix inférieurs à ceux du secteur concurrentiel et à tout le moins des tarifs modulés en fonction de la situation des bénéficiaires, sous réserve de ne pas recourir à des méthodes commerciales excédant les besoins de l'information du public sur les services qu'elle offre ;

Considérant que l'ASSOCIATION DIFFUPA, a été créée le 4 avril 1987, à l'initiative de M. Lucien , dit le Patriarche, qui en est resté le " président d'honneur " notamment au cours d'années comprises dans la période vérifiée ; que son objet social est décrit par ses statuts en vigueur au titre de cette période, comme visant à lutter contre la toxicomanie et à réinsérer les toxicomanes ; que ses moyens d'action procèdent en particulier, aux termes des mêmes statuts, de l'élaboration et de la diffusion de " l'information et de la prévention ", notamment par des études expérimentales, des rencontres et séminaires, des livres, publications et documents, et tout support médiatique privé ou public ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment des pièces de la procédure pénale menée à l'encontre de membres de l'ASSOCIATION DIFFUPA et des associations étroitement liées à elle ayant abouti à la condamnation de M. , pièces que l'administration qui en a obtenu la communication auprès de l'autorité judiciaire a pu régulièrement utiliser et qui ne sont pas dénuées de valeur probante dans le présent litige fiscal, qu'à la faveur d'irrégularités comptables, dont des écritures fictives, et de pièces justificatives volontairement lacunaires, une confusion a été délibérément entretenue entre les trésoreries des associations Addepos et Dianova et celle de l'ASSOCIATION DIFFUPA, et que les fonds, en particulier ceux en espèces, provenant des activités de cette dernière association, notamment celle dite de " prévention-information " collectant des dons du public, ont été systématiquement et massivement détournés, via notamment des dépôts en espèces opérés sur des comptes suisses, en faveur de sociétés holding de droit luxembourgeois et d'autres sociétés commerciales françaises, dont les bénéficiaires réels étaient M. ou certains membres des associations créées par lui ; que l'existence matérielle de ces faits, précisément et régulièrement décrits par la notification de redressements du 21 décembre 2001, confirmée le 29 avril 2002, qui ont commencé avant la période vérifiée et ont continué pendant cette période, est établie pour ladite période ; qu'en outre, il résulte également de l'instruction que l'association requérante avait pris en charge, encore pendant la période en litige, des dépenses personnelles de certains de ses membres dits actifs, en particulier des frais de déménagement ou des frais de scolarité de leurs enfants dans des écoles privées et qu'ils étaient bénéficiaires de contrats d'assurance de la compagnie Winterthur Assurance, pour des montants significatifs, leur assurant notamment une épargne pour leur retraite ; qu'au surplus, les moyens d'action de l'association, en fonction d'objectifs chiffrés qu'elle imposait aux membres chargés de diffuser ses produits, relevaient d'une méthode commerciale ; que l'ensemble de ces conditions effectives d'activité de l'association fait obstacle à ce que sa gestion puisse être tenue pour désintéressée au titre de la période en litige ; que cette activité, à supposer même qu'elle ait une utilité sociale, doit donc être regardée comme lucrative sur le terrain de la loi fiscale ; qu'à cet égard, l'association ne peut faire utilement valoir que d'autres membres oeuvraient dans un but d'intérêt général et que ses dirigeants apparents évoluaient " dans un contexte d'emprise et de soumission " ;

Considérant que, sur le terrain de la doctrine, les premiers juges relèvent que l'ASSOCIATION DIFFUPA ne peut invoquer, en se prévalant de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, des précisions apportées par l'administration en 1999 à la Délégation interministérielle à l'innovation sociale et à l'économie sociale, dans une note interne non publiée qui ne lui est pas opposable, admettant de tenir compte de l'attitude des autres dirigeants que celui qui a bénéficié des malversations pour ne pas remettre en cause le caractère désintéressé d'une association si son utilité sociale est reconnue ; qu'ils ajoutent qu'elle ne peut non plus utilement se prévaloir de l'absence de redressements lors d'un précédent contrôle effectué en 1997, qui ne constitue pas une prise de position formelle sur sa situation de fait, au sens de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales ; qu'il convient d'adopter cette motivation retenue à juste titre par les premiers juges ;

Sur le montant des impositions :

Considérant, en premier lieu, que le chiffre d'affaires soumis à la taxe sur la valeur ajoutée, selon la procédure de taxation d'office, a été déterminé à partir de l'examen de la comptabilité afférente à la période vérifiée et, en particulier, selon les données du poste 754 intitulé " dons " ; qu'il résulte de l'instruction que ce poste retrace des recettes liées à la vente des brocantes, journaux, diverses publications et à des prestations de conseils intitulées " prévention-information " ; que ce compte fait notamment apparaître au titre des exercices 1998 et 1999 un montant de recettes non déclarées de 618 524 francs ; que le total des recettes réalisées au cours de la période correspondant à ces exercices, ramenées en hors taxe, soit un montant en bases de 78 186 euros, a été soumis à la taxe sur la valeur ajoutée au taux normal, soit un montant en droits de 16 106 euros ; que l'ASSOCIATION DIFFUPA n'établit pas le caractère exagéré de ses bases d'imposition évaluées d'office ; que, si l'association demande à bénéficier du taux réduit de TVA, prévu par les dispositions du 6° de l'article 278 bis du code général des impôts, sur les ventes de sa revue " Antitox ", en faisant valoir qu'elle présente les caractéristiques d'un livre au sens desdites dispositions, la comptabilisation globale des produits résultant de ses activités ne permet pas de les différencier selon leur nature ; que son moyen doit donc être écarté ;

Considérant, en second lieu, qu'il résulte de l'instruction que les rappels effectués au titre de l'exercice clos en 1998, en matière d'impôt sur les sociétés, pour un montant en droits de 332 470 euros, et de contribution additionnelle à cet impôt, pour un montant en droits de 33 247 euros, procèdent du rejet du passif que l'administration a estimé injustifié à la clôture dudit exercice ; que ce passif correspondait à des dettes de l'association, comptabilisées par elle, libellées au profit des associations précitées Addepos et Dianova ou au profit du " Patriarche Espagne " ou encore du " Patriarche Norvège ", dettes que le service des impôts a regardées comme fictives et destinées à masquer des transferts de fonds ; que ce redressement, qui rectifie le passif de l'exercice clos en 1998, ne saurait être regardé comme reposant sur des données étrangères à cet exercice ; que l'association, à laquelle incombe la charge d'établir la réalité des dettes portées par elle à son passif, même lorsque la procédure contradictoire est mise en oeuvre, n'apporte pas d'éléments de nature à les justifier ni par conséquent à remettre en cause les rappels effectués à ce titre ; qu'elle ne saurait utilement se prévaloir de ce que les services de police se seraient abstenus, lors de l'enquête pénale, de procéder à un " chiffrage précis des dissimulations " ;

Sur les pénalités :

Considérant que la notification précitée du 21 décembre 2001 expose de manière suffisante les raisons pour lesquelles les pénalités prévues en cas de mauvaise foi par la loi fiscale qu'elle cite seront appliquées aux rappels de droits en litige ; que ces pénalités sont ainsi suffisamment motivées ; que, même si les dissimulations de recettes ou les inscriptions de dettes fictives, commises de manière délibérée pour masquer des détournements de fonds, n'ont pas eu un but exclusivement fiscal, elles suffisent cependant à établir la volonté d'éluder l'impôt ; que la passivité, revendiquée par l'association, de certains de ses membres, dont elle soutient qu'ils ne se sont pas personnellement enrichis, ne la dispense pas de supporter l'impôt majoré de la pénalité de mauvaise foi prévue par la loi ; qu'elle ne peut utilement se prévaloir à cet égard de l'attitude de " coopération " de sa présidente au cours des opérations de vérification ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'ASSOCIATION DIFFUPA n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande en décharge des rappels en litige ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que l'Etat n'étant pas, dans la présente instance, la partie perdante, les conclusions de l'ASSOCIATION DIFFUPA tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de l'ASSOCIATION DIFFUPA est rejetée.

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No 10BX01853


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