La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

12/06/2012 | FRANCE | N°11BX03127

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre (formation à 3), 12 juin 2012, 11BX03127


Vu la requête, enregistrée le 1er décembre 2011 en télécopie, confirmée par courrier le 2 décembre 2011, présentée par le PREFET DE LA VIENNE ;

Le PREFET DE LA VIENNE demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1101817 du 2 novembre 2011 par lequel le tribunal administratif de Poitiers, d'une part, a annulé son arrêté du 13 juillet 2011 refusant la délivrance d'un titre de séjour à M. Asem A, l'obligeant à quitter le territoire français et fixant le pays de destination d'une éventuelle mesure de reconduite, et, d'autre part, lui a enjoint de délivrer

à l'intéressé une carte de séjour temporaire mention " vie privée et familiale " ...

Vu la requête, enregistrée le 1er décembre 2011 en télécopie, confirmée par courrier le 2 décembre 2011, présentée par le PREFET DE LA VIENNE ;

Le PREFET DE LA VIENNE demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1101817 du 2 novembre 2011 par lequel le tribunal administratif de Poitiers, d'une part, a annulé son arrêté du 13 juillet 2011 refusant la délivrance d'un titre de séjour à M. Asem A, l'obligeant à quitter le territoire français et fixant le pays de destination d'une éventuelle mesure de reconduite, et, d'autre part, lui a enjoint de délivrer à l'intéressé une carte de séjour temporaire mention " vie privée et familiale " sous astreinte ;

2°) de rejeter les demandes présentées devant le tribunal par M. Asem A ;

-----------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 14 mai 2012 :

- le rapport de M. Patrice Lerner, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Jean-Marc Vié, rapporteur public ;

Considérant que M. A, né le 21 mars 1963 en Syrie et qui a obtenu ensuite la nationalité libyenne est entré irrégulièrement en France en 2001 ; qu'il a bénéficié, en juillet 2008, de la délivrance d'un titre de séjour en tant que conjoint de Français à la suite de son mariage avec Mme B ; que, par arrêté du 13 juillet 2011, le PREFET DE LA VIENNE lui a refusé le renouvellement de ce titre de séjour au motif que la communauté de vie avait cessé, a assorti cette décision d'une obligation de quitter le territoire national dans le délai d'un mois et fixé, comme destination de renvoi, le pays dont l'intéressé a la nationalité ; que le préfet fait régulièrement appel du jugement du 2 novembre 2011 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a annulé ces trois décisions et lui a enjoint de délivrer à M. A une carte de séjour temporaire mention vie privée et familiale ;

Considérant que si M. A a eu avec Mme C, ressortissante algérienne, deux enfants nés en France les 21 octobre 2003 et 20 mars 2005, il n'établit pas, par la seule production d'une attestation de Mme C et d'un jugement du 10 juin 2010 du juge aux affaires familiales de Reims, qui constate que les parents sont séparés et que Mme C assigne M. A en vue de le faire condamner au versement d'une pension alimentaire, participer effectivement à l'entretien et à l'éducation des enfants ; que, par ailleurs, s'il a ensuite contracté mariage avec Mme B, de nationalité française, il ne vivait plus avec son épouse à la date de la décision attaquée ; qu'une procédure de divorce avait été engagée au cours de laquelle une ordonnance de non-conciliation avait été rendue le 4 mai 2010 ; qu'enfin, M. A ne justifie pas bénéficier d'un emploi stable en France par la production de bulletins de salaire pour des emplois intérimaires de maçon qui présentent plusieurs solutions de continuité ; que, par suite, en estimant que M. A, qui n'est pas dépourvu de famille en Libye, où il a notamment un fils, avait le centre de ses intérêts privés et familiaux en France, le tribunal a inexactement qualifié les faits de l'espèce ; que, dans ces conditions, le PREFET DE LA VIENNE est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Poitiers s'est fondé sur ce motif pour annuler l'arrêté litigieux ;

Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A tant en première instance qu'en appel ;

Sur la légalité de la décision portant refus de titre de séjour :

Considérant, en premier lieu, que, par arrêté du 28 janvier 2011, le PREFET DE LA VIENNE a donné délégation de signature à M. Setbon, secrétaire général de la préfecture à l'effet de signer toute décision relevant de l'application du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par suite, celui-ci était bien compétent pour signer l'arrêté contesté ;

Considérant, en deuxième lieu, que l'arrêté litigieux vise les textes dont il fait application, notamment la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par ailleurs, cet arrêté, qui décrit la situation administrative et familiale de l'intéressé, énonce les considérations de fait sur lesquelles il se fonde ; que, dès lors, le moyen tiré de l'insuffisance de sa motivation ne saurait être accueilli ;

Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 4° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français (...) " ; qu'il ressort des pièces du dossier, ainsi qu'il a été dit précédemment, qu'à la date de l'arrêté contesté, la communauté de vie entre M. A et son épouse avait cessé et qu'une ordonnance de non-conciliation avait été rendue ; que, par suite, M. A ne pouvait prétendre, en application de ces dispositions, à un titre de séjour en tant que conjoint de Français en dépit de la circonstance que le divorce n'avait pas encore été prononcé ;

Considérant qu'eu égard aux éléments précédemment mentionnés et notamment à la circonstance que M. A ne produit aucune pièce permettant d'établir qu'il participait à l'entretien de ses enfants et qu'il prenait part à leur éducation, la décision portant refus de titre de séjour n'a pas porté au droit de l'intimé au respect de sa vie privée et familiale, tel qu'il est notamment garanti par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, une atteinte disproportionnée au regard des buts en vu desquels il a été pris ; que, pour les mêmes motifs, le préfet n'a pas méconnu l'intérêt supérieur de ces enfants qui, selon l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant, devait être une considération primordiale pour la prise de sa décision ;

Sur la légalité des décisions portant obligation de quitter le territoire français :

Considérant que, pour les motifs qui viennent d'être exposés, la décision portant obligation de quitter le territoire n'a méconnu ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni celles de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable à la date de la décision contestée : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français ou d'une mesure de reconduite à la frontière (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays de renvoi (...) ; que si M. A produit un certificat médical selon lequel il souffrirait d'une maladie respiratoire chronique extrêmement sévère, il ne ressort pas des pièces du dossier, et notamment de l'avis du médecin inspecteur du 21 avril 2008, que le défaut de prise en charge de cette affection entraînerait pour lui des conséquences d'une extrême gravité ou l'empêcherait de voyager ; qu'il est d'ailleurs retourné en Libye à la fin du premier semestre en 2008 pour revenir en France le 5 juillet 2008 ; que, par suite, la décision l'obligeant à quitter le territoire n'a pas méconnu les dispositions précitées de l'article L. 511-4 ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays dont l'intéressé à la nationalité ou tout autre pays pour lequel il établirait être légalement admissible comme destination de renvoi :

Considérant que si M. A évoque en termes généraux la situation politique en Libye et en Syrie pour soutenir que son renvoi dans l'un ou l'autre de ces pays l'exposerait à des risques graves pour sa vie ou sa liberté, il n'établit pas encourir personnellement des risques prohibés par l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas d'éloignement vers l'une de ces destinations ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DE LA VIENNE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a annulé son arrêté en date du 13 juillet 2011 et lui a enjoint de délivrer à M. A un titre de séjour " vie privée et familiale " ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse au conseil de M. A la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

DECIDE

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Poitiers est annulé.

Article 2 : La demande d'annulation présentée par M. A devant le tribunal administratif de Poitiers ensemble ses conclusions présentées devant la cour sont rejetées.

''

''

''

''

4

N°11BX03127


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 11BX03127
Date de la décision : 12/06/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme FLECHER-BOURJOL
Rapporteur ?: M. Patrice LERNER
Rapporteur public ?: M. VIE
Avocat(s) : BREILLAT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2012-06-12;11bx03127 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award