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21/06/2012 | FRANCE | N°11BX01248

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre - formation à 3, 21 juin 2012, 11BX01248


Vu la requête, enregistrée le 23 mai 2011 par télécopie, régularisée le 25 mai 2011, présentée pour M. et Mme Gérard A, demeurant au lieu-dit ..., par Me Repain, avocat ;

Les époux A demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement n°s 0901039 et 0902766 du 24 mars 2011 du tribunal administratif de Poitiers rejetant leurs recours pour excès de pouvoir contre, en premier lieu, l'arrêté du 4 décembre 2008 par lequel le préfet des Deux-Sèvres a délivré à la SARL Eolienne de Gâtine le permis de construire trois aérogénérateurs aux lieux-dits " La Rémanière

" et " La Croix Chénier " sur le territoire de la commune de Saint-Aubin-le-Cloud, en d...

Vu la requête, enregistrée le 23 mai 2011 par télécopie, régularisée le 25 mai 2011, présentée pour M. et Mme Gérard A, demeurant au lieu-dit ..., par Me Repain, avocat ;

Les époux A demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement n°s 0901039 et 0902766 du 24 mars 2011 du tribunal administratif de Poitiers rejetant leurs recours pour excès de pouvoir contre, en premier lieu, l'arrêté du 4 décembre 2008 par lequel le préfet des Deux-Sèvres a délivré à la SARL Eolienne de Gâtine le permis de construire trois aérogénérateurs aux lieux-dits " La Rémanière " et " La Croix Chénier " sur le territoire de la commune de Saint-Aubin-le-Cloud, en deuxième lieu, la décision du 24 février 2009 par laquelle cette autorité a rejeté leur recours gracieux contre cet arrêté, en troisième lieu, l'arrêté du 2 juillet 2009 par lequel le préfet des Deux-Sèvres a modifié le permis de construire initial du 4 décembre 2008, et en quatrième lieu, la décision du 24 septembre 2009 par laquelle cette même autorité a rejeté leur recours gracieux contre ce second arrêté ;

2°) d'annuler ces décisions ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3.000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'environnement ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 24 mai 2012 :

- le rapport de M. Guillaume de La Taille Lolainville, conseiller ;

- les conclusions de M. David Katz, rapporteur public ;

- et les observations de Me Harpillard, avocat des époux B ;

Vu la note en délibéré enregistrée le 18 juin 2012, présentée pour M. et Mme B ;

Considérant que par un arrêté du 4 décembre 2008, le préfet des Deux-Sèvres a autorisé la SARL Eolienne de Gâtine à construire trois éoliennes aux lieux-dits " La Rémanière " et " La Croix Chénier " dans la commune de Saint-Aubin-le-Cloud ; que par un second arrêté, daté du 2 juillet 2009, la même autorité a délivré à cette société un permis de construire modificatif ; que les époux A relèvent appel du jugement n°s 0901039 et 0902766 du 24 mars 2011 du tribunal administratif de Poitiers rejetant leurs recours pour excès de pouvoir contre ces arrêtés ;

Sur la régularité du jugement :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés " ;

Considérant en premier lieu qu'après avoir rappelé les termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme, le tribunal administratif a jugé " qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment de l'étude acoustique contenue dans l'étude d'impact réalisée sur la base d'un parc de trois éoliennes, que les normes réglementaires fixées en matière de bruit ne [seraient] pas dépassées à l'occasion du fonctionnement des machines et que la gêne sonore induite [n'excèderait] pas ce qui est normalement admissible au sens des valeurs limites autorisées par le code de la santé publique ; que si les mesures effectuées en nocturne sur le site de La Chagnée [faisaient] apparaître une erreur de calcul ayant pour effet de porter de 3 dBA à 3,5 dBA le niveau de l'émergence sonore prévisionnelle, cette différence, qui ne porte que sur les mesures par temps de vent fort, n'est pas de nature à démontrer que les seuils d'émergence du bruit [seraient] atteints alors que les aérogénérateurs choisis ont une puissance modérée de 850 Kw ; qu'en outre, l'autorité administrative [avait] assorti le permis d'une prescription en vue de " faire réaliser des mesures de contrôle afin de confirmer les calculs de bruits effectués, et au besoin recaler la régulation de la puissance acoustique des éoliennes " ; que dans ces conditions, les requérants [n'étaient] pas fondés à soutenir que le préfet aurait commis une erreur manifeste dans son appréciation des atteintes à la salubrité publique au regard des prescriptions de l'article R. 111-2 précité du code de l'urbanisme " ; que contrairement à ce que les époux A soutiennent, à supposer même qu'ils aient ainsi procédé à une qualification erronée des faits de l'espèce, et dès lors qu'ils n'étaient pas tenus de répondre à chacun des arguments des parties, les premiers juges ont suffisamment motivé leur décision quant aux nuisances sonores que le projet est susceptible d'engendrer ;

Considérant en second lieu que le tribunal administratif, après avoir rappelé les termes de l'article R. 421-1-1 du code de l'urbanisme en vigueur à la date du permis initial, et ceux des articles R. 423-1 et R. 431-5 du même code, dans leur rédaction applicable à la date du permis modificatif, et après avoir constaté que la société pétitionnaire ne bénéficiait pas initialement d'un titre l'habilitant à construire, a jugé " que, toutefois, il ressort des pièces du dossier qu'à la suite de la demande de permis modificatif présentée par la société Eolienne de Gâtine le 10 juin 2009, le préfet [avait] pu, en application des articles R. 423-1 et R. 431-5 du même code en vigueur depuis le 1er octobre 2007, régulièrement délivrer le 2 juillet 2009 un permis modificatif à la pétitionnaire sans que celle-ci ait [eu] à obtenir au préalable un transfert du permis de construire initialement accordé dès lors qu'elle en était la seule bénéficiaire " ; qu'il a ensuite relevé " que la pétitionnaire [avait] indiqué dans le formulaire de demande qu'elle avait qualité pour déposer la demande et [avait] attesté appartenir à l'une des catégories de personnes mentionnées à l'article R. 423-1 du code de l'urbanisme comme pouvant légitimement présenter une telle autorisation ", avant d'en tirer la conséquence que " le moyen tiré de l'absence de justification d'un titre habilitant la société pétitionnaire à construire [devait] être écarté " ; que ce faisant, et notamment par le renvoi explicite aux dispositions du code de l'urbanisme qu'il appliquait, le tribunal administratif a suffisamment motivé sa réponse à l'argumentation des époux A relative au défaut de titre habilitant la SARL Eolienne de Gâtine à construire ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les époux A ne sont pas fondés à soutenir que le jugement serait entaché d'irrégularité ;

Sur la légalité des arrêtés contestés :

Considérant en premier lieu que, d'une part, aux termes de l'article R. 421-28 du code de l'urbanisme, propre aux communes dans lesquelles un plan local d'urbanisme n'a pas été approuvé, et dans sa rédaction restée applicable au permis de construire initial : " A l'issue de l'instruction, le responsable du service de l'Etat dans le département, chargé de l'urbanisme formule un avis et le transmet, accompagné d'un projet de décision comportant, le cas échéant, les prescriptions nécessaires, à l'autorité compétente pour statuer sur la demande. / Cet avis est, suivant le cas, un avis favorable sans prescriptions, un avis favorable avec prescriptions, un avis défavorable ou une proposition de sursis à statuer ; dans ces trois derniers cas, l'avis doit être motivé " ;

Considérant que d'autre part, lorsqu'un permis de construire a été délivré en méconnaissance des dispositions législatives ou réglementaires relatives à l'utilisation du sol ou sans que soient respectées des formes ou formalités préalables à la délivrance des permis de construire, l'illégalité qui en résulte peut être régularisée par la délivrance d'un permis modificatif dès lors que celui-ci assure le respect des règles de fond applicables au projet en cause, répond aux exigences de forme ou a été précédé de l'exécution régulière de la ou des formalités qui avaient été omises ; que les irrégularités ainsi régularisées ne peuvent plus être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre le permis initial ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le directeur départemental de l'équipement, chef du service de l'Etat chargé de l'urbanisme dans le département des Deux-Sèvres, n'a été saisi, à l'occasion de la demande de permis de construire modificatif, que d'un dossier partiel visant exclusivement à régulariser le défaut de titre habilitant à construire de la SARL Eolienne de Gâtine ; que c'est d'ailleurs sur ce seul aspect du projet modifié qu'il a rendu un avis le 22 juin 2009 ; qu'en revanche, lors de l'instruction du permis de construire modificatif, il n'a pas été saisi de l'ensemble du dossier ; que dans ces conditions, les époux A sont fondés à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a jugé que le permis de construire modificatif du 2 juillet 2009 était venu régulariser le vice dont pouvait être affecté le permis initial à raison de l'absence d'avis du directeur départemental de l'équipement ;

Considérant toutefois qu'il ressort également des pièces du dossier, et notamment d'une production du préfet après l'audience au tribunal administratif, qui a été communiquée aux parties au cours de l'instance d'appel, que le directeur départemental de l'équipement des Deux-Sèvres a bien rendu le 17 novembre 2008 un avis, au demeurant visé par l'arrêté contesté du 4 décembre 2008, sous une forme écrite et motivée ; que dès lors, le moyen tiré de ce que le permis du 4 décembre 2008 aurait été pris au terme d'une procédure irrégulière, à défaut de l'avis écrit et motivé requis par l'article R. 421-28 du code de l'urbanisme, doit être écarté comme manquant en fait ;

Considérant en deuxième lieu qu'aux termes du II de l'article R. 122-3 du code de l'environnement, dans sa rédaction applicable : " L'étude d'impact présente successivement : / (...) 2° Une analyse des effets directs et indirects, temporaires et permanents du projet sur l'environnement, et en particulier sur la faune et la flore, les sites et paysages, le sol, l'eau, l'air, le climat, les milieux naturels et les équilibres biologiques, sur la protection des biens et du patrimoine culturel et, le cas échéant, sur la commodité du voisinage (bruits, vibrations, odeurs, émissions lumineuses) ou sur l'hygiène, la santé, la sécurité et la salubrité publique (...) " ; que le tribunal administratif n'a pas écarté le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions en se fondant sur la seule circonstance que l'autorité administrative aurait été suffisamment informée, mais a également conclu, au terme d'un examen d'ailleurs minutieux du contenu de l'étude d'impact, qu'elle satisfaisait de manière générale à leurs prescriptions ; qu'il a ainsi estimé, implicitement mais nécessairement, que cette étude d'impact avait également permis au public de présenter utilement des observations ; que dès lors, les époux A ne sont pas fondés à soutenir que le tribunal administratif aurait écarté le moyen tiré de l'insuffisance de l'étude d'impact sans vérifier si celle-ci avait pu abuser le public ;

Considérant en troisième lieu qu'il ressort des pièces du dossier que l'étude d'impact comportait, en ses pages 35, 46, 80 et suivantes des informations relatives aux risques pour la sécurité publique en cas de rupture de mât ou de projection de pales, présentant notamment, par des données chiffrées et des graphiques, l'évolution statistique du danger en fonction de la distance aux installations ; que dès lors, et ainsi que le tribunal administratif l'a jugé, le moyen tiré de ce que l'étude d'impact n'analyserait pas suffisamment les risques pour la sécurité publique de l'éventualité d'un bris du matériel doit être écarté comme manquant en fait ;

Considérant en quatrième lieu qu'en vertu de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme, le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que le projet consiste en l'implantation de trois aérogénérateurs d'une hauteur de 71 mètres au sommet du mât et de 100 mètres en bout de pale ; que l'étude d'impact, qui n'est pas contredite sur ce point par les pièces du dossier, rapporte que le risque individuel de mortalité, par bris d'élément d'une éolienne de 140 mètres de haut, est inférieur à une chance sur un milliard par an au-delà d'une distance de 200 mètres ; que la maison d'habitation la plus proche, située au lieu-dit " Les Quaquinières ", est implantée à une distance du projet d'au moins 453 mètres ; que la distance précise à laquelle sont implantées les trois habitations de loisir que les requérants exploitent au lieu-dit " La Chagnée " ne ressort pas des pièces du dossier ; qu'aucune des autorités publiques consultées n'a émis de réserve liée spécifiquement au risque que ferait courir, dans les circonstances de l'espèce, le bris d'une pale ou d'un mât ; que dans ces conditions, et ainsi que le tribunal administratif l'a jugé, en autorisant le projet en cause, le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme ;

Considérant en cinquième et dernier lieu qu'en vertu de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme, le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales ; qu'en application de ces dispositions, le préfet a pu légalement tenir compte de l'ampleur du projet dans son appréciation de l'atteinte au site ; qu'il ressort des pièces du dossier que le projet, composé de trois aérogénérateurs de taille modérée, est situé dans une zone agricole sans caractère spécifique et ne faisant l'objet d'aucune protection particulière ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il se trouverait en covisibilité avec certains monuments historiques ; que la commission départementale de la nature a rendu à son sujet un avis favorable le 1er octobre 2008, estimant notamment que les enjeux environnementaux et paysager de son site d'implantation n'apparaissaient pas comme majeurs ; que dans ces conditions et comme le tribunal administratif l'a jugé, en autorisant le projet litigieux, le préfet des Deux-Sèvres n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les époux A ne sont pas fondés à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté leurs recours pour excès de pouvoir ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la SARL Eolienne de Gâtine, qui n'a pas la qualité de partie perdante, verse quelque somme que ce soit au titre des frais exposés pour l'instance et non compris dans les dépens ;

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la SARL Eolienne de Gâtine tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE :

Article 1er : La requête des époux A est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la SARL Eolienne de Gâtine tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

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N° 11BX01248


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 11BX01248
Date de la décision : 21/06/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-03 Urbanisme et aménagement du territoire. Permis de construire.


Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: M. Guillaume de la TAILLE LOLAINVILLE
Rapporteur public ?: M. KATZ
Avocat(s) : REPAIN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2012-06-21;11bx01248 ?
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