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27/06/2012 | FRANCE | N°11BX02919

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre (formation à 3), 27 juin 2012, 11BX02919


Vu la requête, enregistrée le 3 novembre 2011 sous forme de télécopie et régularisée par courrier le 7 novembre 2011, présentée pour Mme Knarik A, demeurant ..., par Me Bonneau ;

Mme A demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1101347 du 6 octobre 2011 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 23 mai 2011 par lequel le préfet de la Charente a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois et a fixé

le pays de renvoi ;

2°) d'annuler l'arrêté contesté ;

3°) d'enjoindre au préfe...

Vu la requête, enregistrée le 3 novembre 2011 sous forme de télécopie et régularisée par courrier le 7 novembre 2011, présentée pour Mme Knarik A, demeurant ..., par Me Bonneau ;

Mme A demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1101347 du 6 octobre 2011 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 23 mai 2011 par lequel le préfet de la Charente a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois et a fixé le pays de renvoi ;

2°) d'annuler l'arrêté contesté ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Charente, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 150 euros par jour de retard et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quarante-huit heures à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des articles 35 et 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 ;

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la directive n° 2008/115/CE du 16 décembre 2008 ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

L'affaire ayant été dispensée de conclusions sur proposition du rapporteur public en application de l'article L. 732-1 du code de justice administrative ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 31 mai 2012

- le rapport de Mme Michèle Richer, président-rapporteur ;

Considérant que Mme A, de nationalité arménienne, née le 4 avril 1959 à Bakou en Azerbaïdjan, est entrée en France le 23 juin 2009 en provenance de Russie ; qu'après le rejet de sa demande d'asile par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 26 février 2010 et par la Cour nationale du droit d'asile le 16 février 2011, elle a sollicité un titre de séjour auprès du préfet de la Charente le 4 mai 2011 ; que par un arrêté du 23 mai 2011, le préfet de la Charente a refusé de faire droit à sa demande de séjour et a pris à son encontre une obligation de quitter le territoire français en fixant le pays de destination ; que Mme A fait appel du jugement en date du 6 octobre 2011 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande à fin d'annulation de cet arrêté ;

Sur le refus de titre de séjour :

Considérant, en premier lieu, que l'arrêté attaqué, qui vise les articles L. 313-7, L. 313-11 et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et qui fait état, notamment, de ce que Mme A est entrée irrégulièrement en France en 2009, que sa demande d'asile a été rejetée tant par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides que par la Cour nationale du droit d'asile, que sa situation telle qu'elle est exposée dans son courrier du 4 mai 2011 ne répond à aucune considération humanitaire, qu'elle n'a pas d'attache familiale en France et qu'elle ne démontre pas être exposée à des risques réels et personnels en cas de retour dans son pays d'origine, comporte les éléments de droit et de fait qui fondent le refus de séjour attaqué ; que cette motivation qui se réfère à la situation personnelle de l'intéressée ne peut être qualifiée de stéréotypée ; que, dès lors, le moyen tiré du défaut de motivation manque en fait ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que Mme A a indiqué dès le deuxième paragraphe de sa demande de titre en date du 4 mai 2011 " je suis en possession d'une promesse d'embauche pour un emploi en CDI et à ce titre vous sollicite afin que vous m'autorisiez à séjourner en France. " ; que, par suite, c'est à bon droit que le préfet de la Charente a estimé être saisi d'une demande de titre de séjour mention " salarié " sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'en outre, contrairement à ce que soutient la requérante, il résulte des termes mêmes de la décision attaquée que le préfet a examiné la possibilité de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement des articles L. 313-11 7° et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, dès lors, le moyen tiré de l'erreur commise par le préfet sur le fondement de la demande de titre doit être écarté ;

Considérant, en troisième lieu, que Mme A fait valoir qu'elle est intégrée en France, qu'elle fait de nombreux efforts afin de maîtriser la langue française, qu'elle dispose d'une promesse d'embauche et qu'elle n'a plus de lien avec sa famille restée dans son pays d'origine ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que le séjour en France de Mme A est récent et qu'elle est sans attache familiale sur le territoire national ; qu'ainsi, eu égard à la durée et aux conditions de son séjour en France, le préfet n'a pas, par la décision en litige, porté une atteinte disproportionnée au droit de la requérante au respect de sa vie privée et familiale ; que, par suite, le moyen tiré de la violation de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté ;

Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d' asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 sur le fondement du troisième alinéa de cet article peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 (...) " ;

Considérant que si Mme A fait valoir qu'elle encourt des risques de persécution en cas de retour en Azerbaïdjan, compte tenu de ses origines arméniennes et de l'hostilité de sa belle-famille depuis le décès de son mari, elle n'apporte aucun élément probant à l'appui de ses allégations ; que, de même, la seule référence à la situation particulièrement instable de ce pays ne suffit pas à établir l'existence d'un risque personnel auquel elle serait exposée ; que, par suite, en l'absence de motifs exceptionnels ou de considérations humanitaires, le moyen tiré de la violation de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut qu'être écarté ;

Considérant, en cinquième lieu, qu'aux termes de l'article L. 312-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans chaque département est instituée une commission du titre de séjour (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 312-2 de ce code : " La commission est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné aux articles L. 314-11 et L. 314-12, ainsi que dans le cas prévu à l'article L. 431-3 " ; qu'aux termes, enfin, de l'article R. 312-2 de ce même code : " Le préfet (...) saisit pour avis la commission lorsqu'il envisage de refuser de délivrer ou de renouveler " un des titres mentionnés aux articles L. 313-11, L. 314-11 et L. 314-12 à l'étranger qui remplit effectivement les conditions qui président à leur délivrance " ; que Mme A n'est pas au nombre des étrangers pouvant obtenir de plein droit un titre de séjour sur le fondement des dispositions des articles L. 313-11, L. 314-11 et L. 314-12 du code ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de la procédure prévue à l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté ;

Sur l'obligation de quitter le territoire :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 12 paragraphe 1 de la directive n° 2008/115/CE du 16 décembre 2008 : " Les décisions de retour (...) sont rendues par écrit, indiquent leurs motifs de fait et de droit et comportent des informations relatives aux voies de recours disponibles " ; que cet article, dont le délai de transposition imparti aux Etats membres expirait, en vertu du paragraphe 1 de l'article 20 de la directive, le 24 décembre 2010, énonce des obligations en termes non équivoques, qui ne sont assorties d'aucune condition et ne sont subordonnées dans leur exécution ou dans leurs effets à aucun acte des institutions de l'Union européenne ou des Etats membres ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative qui refuse la délivrance (...) d'un titre de séjour à un étranger (...), pour un motif autre que l'existence d'une menace à l'ordre public, peut assortir sa décision d'une obligation de quitter le territoire français, laquelle fixe le pays à destination duquel l'étranger sera renvoyé s'il ne respecte pas le délai de départ volontaire prévu au troisième alinéa. L'obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation. (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions que les motifs de la décision portant obligation de quitter le territoire français se confondent avec ceux du refus de titre de séjour dont elle découle ; que comme il a été dit ci-dessus, l'arrêté contesté du 23 mai 2011 contient l'exposé des motifs de droit et de fait sur lesquels s'est fondé le préfet de la Charente pour rejeter la demande de titre de séjour présentée par Mme A ; que, par suite, cette dernière n'est pas fondée à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français serait insuffisamment motivée et méconnaîtrait, pour ce motif, les dispositions de l'article 12 de la directive n° 2008/115/CE du 16 décembre 2008 ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet se serait cru tenu d'assortir sa décision de refus de titre de séjour d'une obligation de quitter le territoire français et de fixer le délai qui lui était laissé pour exécuter volontairement cette obligation à trente jours ; qu'il s'ensuit que le moyen tiré de ce que le préfet aurait méconnu l'étendue de sa compétence doit être écarté ;

Considérant, en troisième lieu, qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, la requérante ne peut prétendre à un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'elle n'est dès lors pas fondée à soutenir qu'elle ne peut faire l'objet d'une mesure d'éloignement ;

Considérant, en quatrième lieu, que pour les mêmes motifs que précédemment, le moyen tiré de ce que le préfet de la Charente aurait porté une atteinte disproportionnée à son droit de mener une vie privée et familiale normale en décidant de l'éloigner du territoire doit être écarté ;

Considérant, en cinquième lieu, que Mme A ne peut utilement invoquer les risques qu'elle encourrait, selon elle, dans son pays d'origine à l'encontre de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français qui n'a ni pour objet ni pour effet de fixer le pays de destination ;

Sur la décision fixant le pays de renvoi :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui est obligé de quitter le territoire français ou qui doit être reconduit à la frontière est éloigné : 1° A destination du pays dont il a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile lui a reconnu le statut de réfugié ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile ; 2° Ou à destination du pays qui lui a délivré un document de voyage en cours de validité ; 3° Ou à destination d'un autre pays dans lequel il est légalement admissible. Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 " ; qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ;

Considérant, d'une part, que si la décision fixant le pays de destination indique que Mme A est de nationalité arménienne, celle-ci n'apporte pas d'éléments de nature à établir, comme elle l'allègue, que du seul fait qu'elle est née en 1959 de parents d'origine arménienne en Azerbaïdjan, qui était alors, selon ses termes rattaché à l'Union des républiques socialistes soviétiques, elle aurait aujourd'hui, alors que l'Azerbaïdjan est un état indépendant, la nationalité azerbaïdjanaise ; que, par suite, le moyen tiré de ce que ladite décision serait entachée d'une erreur de fait doit être écarté ;

Considérant, d'autre part, que Mme A, dont la demande d'admission au statut de réfugié a été rejetée par décision de l'Office français pour la protection des réfugiés et apatrides le 26 février 2010, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 16 février 2011, soutient qu'elle court des risques de persécution en cas de retour en Arménie en raison de son mariage avec un azéri ; que, toutefois, elle n'apporte pas d'éléments suffisamment probants de nature à établir la réalité de risques personnels et actuels ; que, dans ces conditions, la réalité des menaces dont fait état Mme A ne peut être regardée comme établie ; que, dès lors, en fixant l'Arménie comme pays à destination duquel la requérante doit être renvoyée, le préfet n'a méconnu ni les stipulations précitées de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme A est rejetée.

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N° 11BX02919


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Reconduite à la frontière.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : Mme RICHER
Rapporteur ?: Mme Michèle RICHER
Rapporteur public ?: M. NORMAND
Avocat(s) : SCP ARTUR BONNEAU CALIOT

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre (formation à 3)
Date de la décision : 27/06/2012
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 11BX02919
Numéro NOR : CETATEXT000026089864 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2012-06-27;11bx02919 ?
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