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05/07/2012 | FRANCE | N°11BX00962

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre - formation à 3, 05 juillet 2012, 11BX00962


Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour le 19 avril 2011, présentée pour le CABINET D'ASSURANCES AXA A, représenté par M. Claude B, dont le siège est ..., par la SCP Tucoo-Chala, avocats ;

Le CABINET D'ASSURANCES AXA A demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0900430 du 24 février 2011 du tribunal administratif de Pau rejetant sa demande tendant à l'annulation de la décision du 17 décembre 2008 par laquelle l'office public 64 de l'habitat (OPH) des Pyrénées-Atlantiques n'a pas retenu son offre pour le lot n° 1 " assurances des dommages aux biens

et risques annexes " du marché public de services ;

2°) d'annuler la procé...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour le 19 avril 2011, présentée pour le CABINET D'ASSURANCES AXA A, représenté par M. Claude B, dont le siège est ..., par la SCP Tucoo-Chala, avocats ;

Le CABINET D'ASSURANCES AXA A demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0900430 du 24 février 2011 du tribunal administratif de Pau rejetant sa demande tendant à l'annulation de la décision du 17 décembre 2008 par laquelle l'office public 64 de l'habitat (OPH) des Pyrénées-Atlantiques n'a pas retenu son offre pour le lot n° 1 " assurances des dommages aux biens et risques annexes " du marché public de services ;

2°) d'annuler la procédure de passation dudit marché, la décision du 17 décembre 2008 l'évinçant du marché du lot n° 1, et le marché relatif au lot n° 1 conclu avec la société MMA ;

3°) de mettre à la charge de l'OPH 64 des Pyrénées-Atlantiques la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 juin 2012 :

- le rapport de Mme Evelyne Balzamo, premier conseiller ;

- les conclusions de M. David Katz, rapporteur public ;

- et les observations de Me Tucoo-Chala, avocat du CABINET D'ASSURANCES AXA A et celles de Me Jean, avocat de la Mutuelle du Mans (MMA) ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 22 juin 2012, présentée pour le CABINET D'ASSURANCES AXA A ;

Considérant qu'en 2008, l'office public 64 de l'Habitat a organisé une procédure d'appel d'offres ouvert en vue de la passation de marchés publics d'assurances ; qu'à la suite de la publication d'avis d'appel à la concurrence, le CABINET D'ASSURANCES AXA A a présenté, le 22 juillet 2008, une offre pour le lot n° 1 " assurance des dommages aux biens et risques annexes " ; que par décision du 27 octobre 2008, l'office public 64 de l'Habitat l'a informé que son offre était rejetée ; qu'après contestation du CABINET D'ASSURANCES AXA A, l'office l'a informé que l'attribution du lot n° 1 à la société SMACL étant entachée d'une erreur d'analyse, la commission d'appel d'offres allait de nouveau examiner les offres présentées ; que par décision du 17 décembre 2008, l'office a informé le CABINET D'ASSURANCES AXA A que son offre était rejetée et que le marché était attribué au cabinet MMA Côte Basque ; que le CABINET D'ASSURANCES AXA A relève appel du jugement n° 0900430 du 24 février 2011 du tribunal administratif de Pau rejetant sa demande d'annulation de cette décision ainsi que de la procédure de passation et du marché conclu avec la société MMA Côte Basque le 23 décembre 2008 ;

Sur la recevabilité des conclusions du CABINET D'ASSURANCES AXA A :

Considérant que, indépendamment des actions dont les parties au contrat disposent devant le juge du contrat, tout concurrent évincé de la conclusion d'un contrat administratif est recevable à former devant ce même juge un recours de pleine juridiction contestant la validité de ce contrat ou de certaines de ses clauses, qui en sont divisibles, assorti, le cas échéant, de demandes indemnitaires ; que ce recours doit être exercé, y compris si le contrat contesté est relatif à des travaux publics, dans un délai de deux mois à compter de l'accomplissement des mesures de publicité appropriées, notamment au moyen d'un avis mentionnant à la fois la conclusion du contrat et les modalités de sa consultation dans le respect des secrets protégés par la loi ; qu'à partir de la conclusion du contrat, et dès lors qu'il dispose du recours ci-dessus défini, le concurrent évincé n'est, en revanche, plus recevable à demander l'annulation pour excès de pouvoir des actes préalables qui en sont détachables ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que le marché relatif au lot n° 1 a été signé le 23 décembre 2008 avec la société MMA Côte Basque ; qu'il résulte de ce qui précède que depuis cette date, le CABINET D'ASSURANCES AXA A, qui dispose du recours de pleine juridiction contestant la validité du contrat, n'est plus recevable à demander l'annulation des actes préalables détachables de ce contrat ; que, par suite, les conclusions tendant à l'annulation de la procédure de passation du marché et à la décision du 17 décembre 2008 rejetant son offre ne peuvent qu'être rejetées ; qu'en revanche, les conclusions du CABINET D'ASSURANCES AXA A tendant à l'annulation du marché sont recevables ;

Sur la validité du marché conclu le 23 décembre 2008 :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 80 du code des marchés publics, dans sa rédaction alors applicable : " I. - 1° Pour les marchés et accords-cadres passés selon une des procédures formalisées, le pouvoir adjudicateur avise, dès qu'il a fait son choix sur les candidatures ou sur les offres, tous les autres candidats du rejet de leurs candidatures ou de leurs offres, en indiquant les motifs de ce rejet. Un délai d'au moins dix jours est respecté entre la date à laquelle la décision de rejet est notifiée aux candidats dont l'offre n'a pas été retenue et la date de signature du marché ou de l'accord-cadre... " ;

Considérant que le courrier du 17 décembre 2008, reçu le 19 décembre suivant, informe le CABINET D'ASSURANCES AXA A que l'offre qu'il a présentée pour le lot n° 1 n'a pas été acceptée, sans d'ailleurs comporter aucun élément d'information sur les raisons pour lesquelles cette offre a été rejetée ; que le marché a été signé dès le 23 décembre suivant avant l'expiration du délai de dix jours prévu par l'article 80 précité du code des marchés publics ; que ni la circonstance que la commission d'appel d'offres s'était réunie une première fois le 27 octobre 2008 et avait estimé que l'offre de la société SMACL était économiquement la plus avantageuse, ni la transmission du rapport d'analyse des offres lors de cette réunion, ni enfin le fait d'avoir avisé le CABINET D'ASSURANCES AXA A de ce que les offres allaient de nouveau être examinées par la commission le 2 décembre 2008 n'étaient de nature à exonérer l'office de respecter le délai de dix jours prévu par l'article 80 ; qu'en particulier, l'office ne peut utilement soutenir que le CABINET D'ASSURANCES AXA A n'avait aucune chance d'emporter le marché compte tenu des prix proposés par les autres candidats, dès lors que les conditions financières ne constituaient pas l'unique critère de sélection des offres ; qu'il ne peut davantage soutenir que le CABINET D'ASSURANCES AXA A ne justifie pas avoir été privé de la possibilité d'intenter une action en référé précontractuel puisqu'il n'avait pas demandé l'annulation des actes détachables du contrat lors du premier rejet de son offre, dès lors qu'un nouvel examen des offres a eu lieu le 2 décembre 2008 ; que le requérant est donc fondé à soutenir que, contrairement à ce qu'a estimé le tribunal administratif, en ne respectant pas les dispositions de l'article 80 du code des marchés publics, l'office a méconnu ses obligations de transparence et de mise en concurrence des candidats ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 35 I 1° du code des marchés publics dans sa rédaction alors applicable : " (..) Une offre irrégulière est une offre qui, tout en apportant une réponse au besoin du pouvoir adjudicateur, est incomplète ou ne respecte pas les exigences formulées dans l'avis d'appel public à la concurrence ou dans les documents de la consultation.(...) " ; que le règlement de consultation du marché litigieux prévoit dans son article 8 que " le dossier de consultation comporte une offre de base et des options. Les concurrents devront répondre impérativement à la formule de base et aux options,- à défaut l'offre sera considérée comme irrecevable. Les variantes sont autorisées et devront présenter les caractéristiques suivantes : elles ne devront pas altérer les dispositions du CCTG ; elles pourront notamment porter sur les franchises, ou toute autre disposition du CCTP ou du CCAP. " ; que l'acte d'engagement figurant au dossier de consultation précise en son article 3.4 que dans le cas où des variantes sont proposées, le candidat doit indiquer leur nature précise et le coût HT et TTC de ces variantes ; qu'il résulte de l'ensemble de ces stipulations que les candidats au marché étaient tenus de présenter une offre correspondant à " l'offre de base " mais pouvaient en outre présenter des offres modifiant, dans certaines limites fixées par les dispositions précitées du règlement de consultation, cette offre de base ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment de l'acte d'engagement, que l'offre présentée par la société MMA Côte Basque comportait une annexe énumérant seize " réserves " apportées par ce candidat au projet de marché figurant au dossier de consultation ; que neuf de ces " réserves " ont pour objet de modifier les stipulations du CCTG et notamment d'exclure des garanties certains évènements naturels pourtant visés par les stipulations du CCTG, tels les glissements et affaissements de terrains qui ne font pas l'objet d'un arrêté de catastrophe naturelle ; que ces réserves excluent également des garanties certains dommages aux clôtures, certains dégâts des eaux et les dommages subis par certaines installations tels les chéneaux et conduites d'évacuation des eaux pluviales, les toitures, terrasses, balcons et ciels vitrés ; que sont également exclus des garanties prévues par l'article 2.10 du CCTG les dommages autres que les incendies ou les explosions consécutifs à la cessation du travail, les dommages causés aux verres, vitres et glaces faisant partie du bâtiment à moins qu'ils ne soit dus à un incendie ou une explosion, les vols avec ou sans effraction ; que s'agissant des risques informatiques et bris de machines, sont exclus certains vols relatifs au matériel informatique ; que ces " réserves " ont également pour objet de ramener le plafond d'indemnisation due en cas d'effondrement d'immeubles, de 20 millions d'euros à 1 million d'euros et excluent certaines causes d'effondrement du champ d'application de cette garantie ; que le plafond d'indemnisation relatif aux frais de déplacement-replacement et entrepôt des biens mobiliers nécessaires à la remise en état des bâtiments est limité à 20 % des dommages directs indemnisés sur une période maximale de douze mois au lieu des frais réels prévus par le CCTP ; que le plafond d'indemnisation des frais de démolition, déblaiement, clôture provisoire (...) est ramené des frais réels à 20 % de l'indemnité ; que les frais d'architectes et de maîtres d'oeuvre sont limités à 15 % de l'indemnité ; que le plafond d'indemnisation des dégâts des eaux de 500 000 euros est ramené à 100 000 euros pour les eaux de ruissellement et à 7 600 euros pour les pertes d'eau après compteur ; que de telles modifications portent sur les garanties financières et matérielles du contrat d'assurances ; qu'elles constituent en réalité, non de simples réserves ou précisions mais des propositions différentes de la solution de base figurant au dossier de consultation ; que contrairement à ce que prévoit le règlement de consultation du marché, la société MMA Côte Basque n'a pas présenté de manière distincte une offre répondant à la " formule de base " figurant au dossier de consultation et une offre comportant les variantes qu'elle souhaitait apporter à cette solution de base et permettant notamment d'en apprécier les différences ; que l'office public 64 de l'Habitat n'établit pas que les propositions modificatives, dont le nombre et l'ampleur modifient substantiellement les garanties demandées, n'auraient qu'un impact limité sur le montant du marché ; que, par suite, le CABINET D'ASSURANCES AXA A est fondé à soutenir que l'offre de la société MMA Côte Basque était irrégulière et aurait dû être rejetée par l'office public 64 de l'Habitat ;

Considérant qu'il appartient au juge saisi par le concurrent évincé, lorsqu'il constate l'existence de vices entachant la validité du contrat, d'en apprécier les conséquences ; qu'il lui revient ainsi, après avoir pris en considération la nature de l'illégalité éventuellement commise, soit de prononcer la résiliation du contrat ou de modifier certaines de ses clauses, soit de décider de la poursuite de son exécution, éventuellement sous réserve de mesures de régularisation par la collectivité contractante, soit d'accorder des indemnisations en réparation des droits lésés, soit enfin, après avoir vérifié si l'annulation du contrat ne porterait pas une atteinte excessive à l'intérêt général ou aux droits du cocontractant, d'annuler, totalement ou partiellement, le cas échéant avec un effet différé, le contrat ;

Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction que des motifs d'intérêt général s'opposeraient à l'annulation de ce contrat dont l'échéance est fixée au 31 décembre 2012 ; que, dans ces conditions, et compte tenu de la nature des illégalités commises, il y a lieu d'annuler le contrat conclu le 23 décembre 2008 entre l'office public 64 de l'Habitat et la société MMA Côte Basque ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le CABINET D'ASSURANCES AXA A est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté sa demande ;

Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soient mises à la charge du CABINET D'ASSURANCES AXA A, qui n'est pas partie perdante, les sommes demandées par l'office public 64 de l'Habitat et la société MMA Côte Basque au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'office public 64 de l'Habitat la somme de 1 500 euros au titre des mêmes dispositions ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Pau du 24 février 2011, ensemble le contrat conclu le 23 décembre 2008 par l'office public 64 de l'Habitat et la société MMA Côte Basque, sont annulés.

Article 2 : L'office public 64 de l'Habitat versera au CABINET D'ASSURANCES AXA A la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

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No 11BX00962


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 11BX00962
Date de la décision : 05/07/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-02 Marchés et contrats administratifs. Formation des contrats et marchés.


Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: Mme Evelyne BALZAMO
Rapporteur public ?: M. KATZ
Avocat(s) : CALIOT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2012-07-05;11bx00962 ?
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