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24/07/2012 | FRANCE | N°12BX00657

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre (formation à 3), 24 juillet 2012, 12BX00657


Vu la requête, enregistrée le 14 mars 2012 sous forme de télécopie et régularisée par courrier le 15 mars 2012, présentée pour M. Tengisi A demeurant ..., par Me Masson ;

M. A demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1102583 du 16 février 2012 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa contestation de l'arrêté du préfet de la Vienne du 25 octobre 2011 refusant de lui délivrer un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français et fixant le pays de destination ;

2°) d'annuler l'arrêté contesté ;

3°) d

'enjoindre au préfet, sous astreinte, de lui délivrer, à titre principal, une carte de séjour te...

Vu la requête, enregistrée le 14 mars 2012 sous forme de télécopie et régularisée par courrier le 15 mars 2012, présentée pour M. Tengisi A demeurant ..., par Me Masson ;

M. A demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1102583 du 16 février 2012 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa contestation de l'arrêté du préfet de la Vienne du 25 octobre 2011 refusant de lui délivrer un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français et fixant le pays de destination ;

2°) d'annuler l'arrêté contesté ;

3°) d'enjoindre au préfet, sous astreinte, de lui délivrer, à titre principal, une carte de séjour temporaire et, à titre subsidiaire, une autorisation provisoire de séjour dans l'attente du réexamen de sa demande ;

4°) de condamner l'Etat à verser à son conseil la somme de 2 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 ;

Vu la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 26 juin 2012 :

- le rapport de M. Henri Philip de Laborie, premier conseiller ;

- les conclusions de Mme Marie-Pierre Dupuy, rapporteur public ;

Considérant que M. A, de nationalité géorgienne, né en 1959, serait entré en France, selon ses déclarations en janvier 2005 ; que sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 27 février 2007 confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 8 juillet 2008 ; que l'intéressé ayant sollicité le réexamen de sa demande, celle-ci a également été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 14 août 2008 ; que, par une demande du 22 mars 2011, M. A a sollicité son admission au séjour en qualité d'accompagnant d'étranger malade, son épouse ayant elle-même demandé le renouvellement de son titre de séjour en qualité d'étranger malade ; que, le 25 octobre 2011, le préfet de la Vienne a édicté à l'encontre du requérant un arrêté portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire et fixant le pays de renvoi ; que M. A, fait appel du jugement du 16 février 2012 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté son recours pour excès de pouvoir dirigé contre cet arrêté ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

Considérant, que l'arrêté attaqué a été signé pour le préfet de la Vienne par M. Jean-Philippe Setbon, secrétaire général de la préfecture de la Vienne qui, par un arrêté du 22 août 2011 du préfet de la Vienne, régulièrement publié au recueil des actes administratifs du 24 août 2011, avait reçu délégation à l'effet de signer toutes les décisions prises sur le fondement du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté doit être écarté ;

En ce qui concerne la légalité de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :

Considérant, en premier lieu, que la décision attaquée, qui vise les textes applicables et prend en compte les éléments de la situation de l'intéressé, comporte ainsi les considérations de droit et de fait qui la fondent et n'est donc pas entachée d'insuffisance de motivation ;

Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ; qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République " ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A est entré irrégulièrement en France à l'âge de 46 ans ; que son épouse, dont le recours à l'encontre du refus de séjour qui lui a été opposé le 25 octobre 2011 fait l'objet d'un rejet par un arrêt de ce jour, fait, elle aussi, l'objet d'une mesure d'éloignement ; que leurs enfants étaient âgés seulement de quatre et deux ans à la date de l'arrêté attaqué ; que, par suite, compte tenu des circonstances de l'espèce et en l'absence d'obstacle avéré qui mettrait les intéressés dans l'impossibilité de poursuivre leur vie familiale hors de France, le refus de séjour contesté n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit du requérant au respect de sa vie privée et familiale et n'a, dès lors, pas méconnu les stipulations et dispositions précitées ;

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction issue de la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011 transposant les dispositions de l'article 7 de la directive du 16 décembre 2008 susvisée : " Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification et peut solliciter, à cet effet, un dispositif d'aide au retour dans son pays d'origine. Eu égard à la situation personnelle de l'étranger, l'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours. " ;

Considérant, d'une part, que le délai d'un mois accordé à M. A pour exécuter spontanément cette obligation étant le délai de principe fixé au II de l'article L. 511-1, la fixation d'un tel délai n'avait, en tout état de cause, pas à faire l'objet d'une motivation particulière ; que, d'autre part, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en retenant ce délai d'un mois en l'espèce, le préfet de la Vienne ait commis une erreur manifeste d'appréciation ;

Considérant, en deuxième lieu, que pour les mêmes motifs énoncés précédemment, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut être accueilli ;

Considérant, en troisième lieu, que l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant stipule que : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ; qu'il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ;

Considérant que, compte tenu de l'âge des enfants de M. A et de l'absence de circonstance s'opposant à la reconstitution de la cellule familiale et à la poursuite de la scolarisation des enfants hors de France, la décision attaquée ne peut être regardée comme méconnaissant les stipulations précitées de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant ;

Considérant, toutefois, que la mise à exécution d'une mesure éloignant M. A vers la Géorgie et son épouse vers l'Arménie aurait pour effet d'entraîner un éclatement de la cellule familiale et conduirait nécessairement à une séparation des enfants avec l'un de leurs parents et ce, pour une durée indéterminée ; que la mise à exécution, dans de telles conditions, des décisions fixant le pays de destination de chacun des membres du couple méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que celles de l'article 3-1 de la convention de New York ; que, dès lors, l'arrêté litigieux doit être annulé en tant qu'il rend possible l'éloignement de M. A à destination d'un pays différent du pays de renvoi de son conjoint ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

Considérant, en premier lieu, qu'en relevant que l'intéressé n'établissait pas être exposé à des peines ou traitement contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine, le préfet a suffisamment motivé la décision fixant le pays de renvoi ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet, pour apprécier la réalité des risques que serait susceptible d'encourir le requérant se serait estimé lié par les décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et de la Cour nationale du droit d'asile ;

Considérant enfin, que si M. A dont les demandes d'asile ont été rejetées, soutient craindre d'être toujours persécuté en cas de retour en Géorgie, les documents qu'il produit, à savoir la photocopie d'une convocation d'un juge d'instruction dénuée de toute précision sur les motifs de cette convocation et une lettre tout aussi évasive de la personne qui lui a adressé cette convocation, ne constituent pas des éléments suffisamment probants pour démontrer la réalité des risques allégués ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de renvoi méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut être accueilli ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A est seulement fondé à demander l'annulation de l'arrêté contesté en tant qu'il rend possible son éloignement à destination d'un pays différent du pays de renvoi de son conjoint et la réformation en ce sens du jugement attaqué ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

Considérant que le présent arrêt n'implique ni que le préfet délivre à M. A un titre de séjour, ni qu'il réexamine la situation de ce dernier au regard du droit au séjour ; que, par suite, les conclusions à fin d'injonction présentées par M. A doivent être rejetées ;

Sur les conclusions au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de la requête présentées au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

DECIDE

Article 1er : L'arrêté du préfet de la Vienne en date du 25 octobre 2011 est annulé en tant qu'il rend possible l'éloignement de M. A à destination d'un pays différent du pays de renvoi de son conjoint.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Poitiers en date du 16 février 2012 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

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N° 12BX00657 - 5 -


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 12BX00657
Date de la décision : 24/07/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour - Motifs.

Étrangers - Reconduite à la frontière - Légalité interne.


Composition du Tribunal
Président : M. DE MALAFOSSE
Rapporteur ?: M. Henri de LABORIE
Rapporteur public ?: Mme DUPUY
Avocat(s) : MASSON

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2012-07-24;12bx00657 ?
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