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18/11/2014 | FRANCE | N°12BX01879

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre (formation à 3), 18 novembre 2014, 12BX01879


Vu le recours, enregistré le 17 juillet 2012, sous forme de télécopie et régularisé par courrier le 20 juillet suivant, présenté par la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie ;

La ministre demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1000741 du 23 février 2012 par lequel le tribunal administratif de Limoges a, à la demande de l'association de défense des eaux et des vallées, annulé l'arrêté du préfet de la Creuse du 23 mars 2010 autorisant la création d'une zone de développement de l'éolien (ZDE) sur le territoire de la commu

ne de Vidaillat ;

2°) de rejeter la demande de l'association de défense des eaux ...

Vu le recours, enregistré le 17 juillet 2012, sous forme de télécopie et régularisé par courrier le 20 juillet suivant, présenté par la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie ;

La ministre demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1000741 du 23 février 2012 par lequel le tribunal administratif de Limoges a, à la demande de l'association de défense des eaux et des vallées, annulé l'arrêté du préfet de la Creuse du 23 mars 2010 autorisant la création d'une zone de développement de l'éolien (ZDE) sur le territoire de la commune de Vidaillat ;

2°) de rejeter la demande de l'association de défense des eaux et des vallées devant le tribunal administratif de Limoges ;

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code de l'environnement ;

Vu la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité ;

Vu la loi n° 2005-781 du 13 juillet 2005 de programme fixant les orientations de la politique énergétique ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 21 octobre 2014 :

- le rapport de Mme Béatrice Duvert, premier conseiller,

- et les conclusions de Mme Déborah De Paz, rapporteur public ;

1. Considérant qu'à la demande de la communauté intercommunale d'aménagement du territoire (CIATE) Creuse Thaurion Gartempe, le préfet de la Creuse a, par arrêté du 23 mars 2010, instauré une zone de développement de l'éolien (ZDE) sur le territoire de la commune de Vidaillat ; que sur saisine de l'association de défense des eaux et des vallées (ADEV), le tribunal administratif de Limoges a, par un jugement du 23 février 2012, annulé cet arrêté ; que la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie interjette appel de ce jugement ;

Sur le bien-fondé du jugement :

2. Considérant qu'en application de l'article 10 de la loi susvisée du 10 février 2000, dans sa rédaction applicable à la date de l'arrêté contesté, les installations de production d'électricité d'origine éolienne implantées dans les zones de développement de l'éolien bénéficient, dans les conditions prévues par cet article, d'une obligation d'achat par Electricité de France et les distributeurs non nationalisés, à un tarif réglementaire, de l'électricité produite ; qu'aux termes de l'article 10-1 de la loi du 10 février 2000 : " Les zones de développement de l'éolien sont définies par le préfet du département en fonction de leur potentiel éolien, des possibilités de raccordement aux réseaux électriques et de la protection des paysages, des monuments historiques et des sites remarquables et protégés. Elles sont proposées par la ou les communes dont tout ou partie du territoire est compris dans le périmètre proposé ou par un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre, sous réserve de l'accord de la ou des communes membres dont tout ou partie du territoire est compris dans le périmètre proposé. / La proposition de zones de développement de l'éolien en précise le périmètre et définit la puissance installée minimale et maximale des installations produisant de l'électricité à partir de l'énergie mécanique du vent pouvant bénéficier, dans ce périmètre, des dispositions de l'article 10. Elle est accompagnée d'éléments facilitant l'appréciation de l'intérêt du projet au regard du potentiel éolien, des possibilités de raccordement aux réseaux électriques et de la protection des paysages, des monuments historiques et des sites remarquables et protégés. / La décision du préfet du département intervient sur la base de la proposition dans un délai maximal de six mois à compter de la réception de celle-ci, après avis de la commission départementale compétente en matière de nature, de paysages et de sites et des communes limitrophes à celles dont tout ou partie du territoire est compris dans la zone de développement de l'éolien. (...) / Les zones de développement de l'éolien s'imposent au schéma régional éolien défini au I de l'article L. 553-4 du code de l'environnement " ;

3. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que la création d'une ZDE, qui ouvre droit à un régime préférentiel d'achat de l'électricité produite, est subordonnée à l'existence d'un potentiel éolien significatif ; que, cependant, ni le législateur, ni le pouvoir réglementaire n'ont précisé les éléments au vu desquels doit être apprécié le potentiel éolien d'une zone ; que pour pouvoir se livrer à une telle appréciation, l'autorité préfectorale doit disposer de données recueillies selon une méthode scientifique de nature à établir le potentiel éolien de la zone à une échelle géographique et avec une précision suffisante ; qu'aux termes de l'article L. 553-4 du code de l'environnement dans sa rédaction applicable à la date de l'arrêté contesté, les régions peuvent mettre en place un schéma régional éolien qui " indique les secteurs géographiques qui paraissent les mieux adaptés à l'implantation d'installations produisant de l'électricité en utilisant l'énergie mécanique du vent " ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que pour apprécier le potentiel éolien du projet de zone, le préfet de la Creuse s'est fondé sur les données fournies par l'atlas du potentiel éolien dressé dans le cadre du schéma régional de l'éolien dont la région Limousin s'est dotée le 22 juin 2006 ; que ce schéma a été établi sur la base d'informations fournies par une modélisation réalisée par Météo-France, permettant de reconstituer, à partir des données climatiques moyennes d'un territoire, les régimes des vents, avec une précision géographique d'un kilomètre ; que cette modélisation, dont les résultats ont été confirmés par les relevés obtenus dans quatorze stations météorologiques de la région Limousin, a conduit à une estimation de la vitesse moyenne du vent sur un an, à quatre-vingts mètres de hauteur au-dessus de la zone concernée, supérieure, en tout point du secteur, à quatre mètres et cinquante centimètres par seconde, avec une majorité de la zone où se dégage une vitesse du vent supérieure à cinq mètres par seconde et, même, à l'ouest de la zone, une vitesse allant au-delà de cinq mètres cinquante centimètres par seconde ; que l'ADEV n'apporte aucun élément de nature à établir le caractère erroné de ces résultats ; que, dans ces conditions, les données issues du schéma régional éolien du Limousin, retenues par le préfet de la Creuse, n'étaient pas, en elles-mêmes, suffisantes pour permettre d'évaluer le potentiel éolien de la zone en application de l'article 10-1 de la loi du 10 février 2000 ; qu'il suit de là que c'est à tort que, pour annuler l'arrêté du 23 mars 2010, le tribunal administratif de Limoges s'est fondé sur l'insuffisance de pertinence des données prises en compte par le préfet de la Creuse ;

5. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par l'ADEV ;

Sur la légalité de l'arrêté du préfet de la Creuse du 23 mars 2010 autorisant la création d'une ZDE sur le territoire de la commune de Vidaillat :

6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, d'une part, que la proposition transmise au préfet de la Creuse comporte une étude paysagère qui, si elle contient des développements généraux sur un territoire plus vaste que la ZDE de Vidaillat, contient également des développements spécifiques à ladite zone comprenant des précisions sur les unités paysagères concernées, les principes généraux d'implantation, un croquis desdits principes, des cartes et photomontages ; que l'ADEV n'établit pas que ces développements auraient été insuffisants pour apprécier l'intérêt du projet au regard de la protection des paysages ; que, d'autre part, le dossier transmis au préfet comporte l'indication des principaux monuments historiques et des sites remarquables et protégés concernés par le secteur d'étude ; que la circonstance que le sanctuaire gallo-romain du Puy Lautard situé au sud de la zone n'ait, à tort, pas été mentionné dans le dossier de proposition n'a pas été de nature à fausser l'appréciation que le préfet a portée sur ladite proposition, dès lors que cette omission a été relevée dans le cadre de l'instruction tant par l'architecte des bâtiments de France que par le directeur départemental de l'agriculture et de la forêt et que, d'ailleurs, le préfet a, par l'arrêté contesté, décidé d'exclure ce site du tracé de la ZDE créée sur la commune de Vidaillat ; que si l'ADEV fait valoir que d'autres éléments de patrimoine proches de la ZDE projetée n'ont pas été prises en compte, elle n'établit pas que ces éléments, compte tenu d'une visibilité ou d'une covisibilité de la zone en cause, auraient dû nécessairement figurer dans le dossier à titre d'élément d'appréciation ; que, dans ces conditions, et alors même que la direction régionale de l'environnement a rendu un avis négatif sur le projet, lequel au demeurant n'engageait pas le préfet, et que l'arrêté contesté comprend, pour tenir néanmoins compte de cet avis, des prescriptions sur la composition ultérieure d'un dossier d'installation d'éoliennes sur la zone relativement aux éléments paysagers et patrimoniaux à préciser, le moyen tiré de ce que l'autorité administrative n'aurait pas suffisamment été mise à même d'apprécier l'incidence du projet au regard de la protection des paysages, des monuments historiques et des sites remarquables et protégés, en méconnaissance des dispositions de l'article 10-1 précité de la loi du 10 février 2000, doit être écarté ;

7. Considérant que la circonstance que le préfet de la Creuse ait, ainsi qu'il pouvait légalement le faire, prescrit dans l'arrêté contesté la production de compléments d'information dans l'éventualité d'un dépôt ultérieur d'un dossier d'installation d'éoliennes dans la ZDE en cause n'est pas de nature à établir le caractère incomplet du dossier de proposition de création de ladite zone ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit aux points 4, 6 et 7 que les moyens tirés des vices de procédure résultant du caractère irrecevable du dossier de proposition compte tenu de son caractère incomplet et de la consultation irrégulière, sur la base d'un tel dossier, des autorités administratives concernées, doivent être écartés ;

9. Considérant qu'en créant une ZDE sur le territoire de la commune de Vidaillat, en raison d'un potentiel éolien estimé significatif, alors que la création d'une telle zone n'a vocation à définir ni la localisation, ni le nombre, ni les caractéristiques des éoliennes qui pourraient y être implantés, le préfet de la Creuse ne peut être regardé comme favorisant le mitage du territoire ou méconnaissant l'objectif de cohérence au sein du département ; qu'il en résulte que le moyen tiré de ce que le préfet n'aurait pas exercé son pouvoir d'appréciation au regard de la cohérence du projet sur le plan départemental ne peut qu'être écarté ;

10. Considérant, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, que pour apprécier le potentiel éolien existant sur le secteur de la commune de Vidaillat, le préfet de la Creuse s'est fondé sur les données, dont l'ADEV n'établit pas le caractère erroné, fournies par l'atlas du potentiel éolien dressé dans le cadre du schéma régional de l'éolien dont la région Limousin s'est dotée le 22 juin 2006 qui permet de conclure, au regard de l'estimation de la vitesse moyenne du vent sur un an supérieure, en tout point du secteur, à quatre mètres et cinquante centimètres par seconde à quatre-vingts mètres de hauteur, à une situation de gisement éolien favorable ; que l'arrêté qui fixe à 8 et 10 mégawatts les puissances installées minimale et maximale des installations produisant de l'électricité à partir de l'énergie mécanique du vent pouvant bénéficier, dans le périmètre en cause, de l'obligation d'achat d'électricité définie alors par les dispositions de l'article 10 de la loi du 10 février 2000, bénéficie d'une possibilité de raccordement aux réseaux électriques, par le poste de Mansat ; que, dans ces conditions, et alors, d'une part, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la production potentielle d'énergie devrait être qualifiée de faible et, d'autre part, qu'il résulte de ce qui a déjà été dit ci-dessus que le projet en cause ni ne favorise un mitage du territoire, ni ne contrevient à la protection des paysages, monuments et sites le préfet de la Creuse n'a pas entaché l'arrêté contesté d'une erreur de fait ou d'une erreur d'appréciation ;

11. Considérant que si la vitesse moyenne des vents sur un an, à quatre-vingt mètres de hauteur au-dessus de la zone concernée, n'est supérieure à cinq mètres cinquante centimètres par seconde que sur la partie ouest de la ZDE créée, il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que le potentiel éolien n'est pas pour autant insuffisant sur le reste de la zone où se dégage une vitesse moyenne du vent toujours supérieure à quatre mètres et cinquante centimètres par seconde et même, en majorité, supérieure à cinq mètres par seconde ; que, par suite, l'ADEV n'est pas fondée à soutenir que le préfet de la Creuse aurait dû limiter le tracé de la ZDE en cause à la seule partie de ladite zone bénéficiant d'une vitesse moyenne des vents supérieure à cinq mètres cinquante centimètres par seconde à quatre-vingts mètres de hauteur ;

12. Considérant que l'ADEV ne peut utilement se prévaloir de la circulaire interministérielle du 19 juin 2006 sur les dispositions relatives à la création des zones de développement de l'éolien terrestre, qui est dépourvue de caractère réglementaire ;

13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a annulé l'arrêté du 23 mars 2010 du préfet de la Creuse ;

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

14. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que l'ADEV demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 23 février 2012 du tribunal administratif de Limoges est annulé.

Article 2 : La demande de l'association de défense des eaux et des vallées (ADEV) présentée devant le tribunal administratif de Limoges et ses conclusions présentées en appel au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

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N° 12BX01879


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 12BX01879
Date de la décision : 18/11/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

29-035 Energie.


Composition du Tribunal
Président : M. LALAUZE
Rapporteur ?: Mme Béatrice DUVERT
Rapporteur public ?: Mme DE PAZ
Avocat(s) : BADIN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2014-11-18;12bx01879 ?
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