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02/02/2015 | FRANCE | N°14BX01524

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre (formation à 3), 02 février 2015, 14BX01524


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés respectivement le 21 mai 2014 et le 11 septembre 2014, présentés pour M. B...A..., demeurant au..., par Me Baganina ;

M. A...demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1204424 du 20 mars 2014 du tribunal administratif de Bordeaux qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 19 octobre 2012 du préfet de la Gironde lui refusant la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;<

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2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde de lui dél...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés respectivement le 21 mai 2014 et le 11 septembre 2014, présentés pour M. B...A..., demeurant au..., par Me Baganina ;

M. A...demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1204424 du 20 mars 2014 du tribunal administratif de Bordeaux qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 19 octobre 2012 du préfet de la Gironde lui refusant la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde de lui délivrer une carte de séjour temporaire dans le délai d'un mois à compter de la décision à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 19 juillet 1991 ;

Il soutient que :

- la décision attaquée est insuffisamment motivée dès lors qu'elle se borne à reproduire une formule stéréotypée sans faire état de sa situation familiale, de l'ancienneté de sa résidence en France et encore moins de son état de santé ;

- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation en se prévalant uniquement des condamnations dont il a fait l'objet ;

- la menace à l'ordre public n'a pas été analysée indépendamment de ces condamnations ;

- il souffre de troubles graves de la personnalité depuis de nombreuses années que ni le préfet de la Gironde ni les premiers juges n'ont jugé utile de pendre en compte ;

- le jugement attaqué est lui-même insuffisamment motivé et de ce fait entaché d'une irrégularité externe dès lors qu'il ne comporte aucun considérant indiquant que l'ensemble des faits qui lui sont reprochés n'ont aucun lien avec son état de santé mentale ;

- l'arrêté contesté porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale ;

- il n'a jamais connu ses parents et est arrivé en France à l'âge de quatorze ans où il a été pris en charge par les services de l'aide sociale à l'enfance et placé dans une famille d'accueil jusqu'à sa majorité ; des titres de séjour lui ont été délivrés alors qu'il avait déjà fait l'objet de condamnations pénales ; il a suivi une formation de soudeur et a toujours exercé une activité salariée depuis qu'il a atteint sa majorité ; il ne dispose d'aucune attache au Mali où il est né, et encore moins en Côte-d'Ivoire où il a grandi et n'a aucun souvenir de ce pays qu'il a quitté dans son adolescence ; il serait totalement isolé en cas de retour dans son pays d'origine ; sa vie privée et familiale se déroule exclusivement en France ;

- il est hospitalisé à l'UMD de Cadillac depuis le 24 août 2011 ; le juge des libertés et de la détention a décidé, le 18 juillet 2012, du maintien de son hospitalisation, confirmée par une ordonnance du 15 janvier 2014 ; il est atteint d'une héboïdophrénie, c'est-à-dire d'une forme rare de schizophrénie à expression antisociale ; les soins psychiatriques dont il a besoin ne lui sont pas accessibles dans son pays d'origine ; il a bénéficié de l'allocation adulte handicapé jusqu'à la fin de validité de son dernier titre de séjour ; le préfet a pris sa décision sans avoir toutes les informations relatives à son état de santé, contrairement à ce que prévoit le 11° de l'article L. 313-11 ;

- à titre subsidiaire, le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation des conséquences du refus de séjour sur sa situation personnelle et médicale ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense enregistré le 21 octobre 2014, présenté par le préfet de la Gironde, qui conclut au rejet de la requête en se référant à ses observations de première instance tout en précisant que M. A...a été condamné, en septembre 2014, à sept ans de réclusion ;

Vu le mémoire en production de pièces enregistré le 10 novembre 2014 présenté pour M.A... ;

Vu l'ordonnance fixant la clôture de l'instruction au 27 novembre 2014 ;

Vu la décision du bureau d'aide juridictionnelle du 25 mai 2014 admettant M. A... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 janvier 2015 :

- le rapport de M. Philippe Delvolvé, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Pierre Bentolila, rapporteur public ;

- et les observations de Me Baganina, avocat de M.A... ;

1. Considérant que M.A..., de nationalité malienne, soutient être entré en France à l'âge de quatorze ans ; qu'il a été pris en charge par le service de l'aide sociale à l'enfance de Paris et placé dans une famille d'accueil jusqu'à sa majorité ; qu'il a obtenu une première carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale " en 2004 ; qu'il a été hospitalisé pour des problèmes psychiatriques graves de 2004 à 2009 ; qu'il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade par l'intermédiaire d'une assistante sociale du centre hospitalier de Cadillac où il est hospitalisé depuis le 24 août 2011 ; que le préfet de la Gironde a rejeté sa demande par une décision du 19 octobre 2012 au motif que sa présence en France constitue une menace pour l'ordre public ; qu'il fait appel du jugement du 20 mars 2014 du tribunal administratif de Bordeaux qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 313-3 du même code : " La carte de séjour temporaire peut être refusée à tout étranger dont la présence en France constitue une menace pour l'ordre public. " ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui (...) - restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police ; (...) ", et qu'aux termes de l'article 3 de la même loi : " La motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. " ;

4. Considérant que la décision du 19 octobre 2012 se borne à mentionner que la présence en France de M. A...constitue une menace à l'ordre public en faisant état de condamnations pénales dont il a fait l'objet sans apporter de précisions sur celles-ci et sur le comportement de l'intéressé ; que, par suite, cette décision ne satisfait pas aux exigences de motivation posées par les dispositions précitées de la loi du 11 juillet 1979 ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. A...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision contestée ;

6. Considérant que l'annulation pour un motif de forme de la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour à M. A...implique seulement que le préfet procède au réexamen de la demande de celui-ci ; que, dès lors, les conclusions du requérant tendant à ce que la cour enjoigne au préfet de la Gironde de lui délivrer une carte de séjour temporaire ne peuvent être accueillies ;

7. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'Etat la somme dont M. A...demande le versement à son conseil au titre de ces dispositions et de celles de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

DECIDE

Article 1er : Le jugement n° 1204424 du 20 mars 2014 du tribunal administratif de Bordeaux et la décision du 19 octobre 2012 du préfet de la Gironde refusant à M. A...la délivrance d'un titre de séjour sont annulés.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A...est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...A...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera transmise au préfet de la Gironde

Délibéré après l'audience du 5 janvier 2015 à laquelle siégeaient :

M. Bernard Chemin, président,

M. Jean-Louis Joecklé, président-assesseur,

M. Philipe Delvolvé, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 2 février 2015.

Le rapporteur,

Philippe Delvolvé

Le président,

Bernard Chemin

Le greffier,

Cindy Virin

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition certifiée conforme.

Le greffier

Cindy Virin

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No 14BX01524


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour. Motivation.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. CHEMIN
Rapporteur ?: M. Philippe DELVOLVÉ
Rapporteur public ?: M. BENTOLILA
Avocat(s) : BAGANINA

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre (formation à 3)
Date de la décision : 02/02/2015
Date de l'import : 06/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 14BX01524
Numéro NOR : CETATEXT000030189344 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2015-02-02;14bx01524 ?
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