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26/04/2016 | FRANCE | N°14BX00427

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre (formation à 3), 26 avril 2016, 14BX00427


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SCI 52 avenue Gambetta a demandé au tribunal administratif de Poitiers, à titre principal, de condamner la commune d'Angoulême à lui verser la somme de 181 512,82 euros à parfaire, avec intérêts de droit à compter de la demande préalable du 2 novembre 2010 et, à titre subsidiaire, d'ordonner, avant de statuer sur sa requête, une expertise aux fins de déterminer le montant total du préjudice qu'elle a subi du fait des fautes commises par la commune d'Angoulême.

Par un jugement n° 1100425 du

10 décembre 2013, le tribunal administratif de Poitiers a mis à la charge de la co...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SCI 52 avenue Gambetta a demandé au tribunal administratif de Poitiers, à titre principal, de condamner la commune d'Angoulême à lui verser la somme de 181 512,82 euros à parfaire, avec intérêts de droit à compter de la demande préalable du 2 novembre 2010 et, à titre subsidiaire, d'ordonner, avant de statuer sur sa requête, une expertise aux fins de déterminer le montant total du préjudice qu'elle a subi du fait des fautes commises par la commune d'Angoulême.

Par un jugement n° 1100425 du 10 décembre 2013, le tribunal administratif de Poitiers a mis à la charge de la commune d'Angoulême la somme de 5 000 euros au titre du préjudice moral subi par la SCI 52 avenue Gambetta, assortie des intérêts au taux légal à compter du 2 novembre 2010, ainsi que de la capitalisation de ces intérêts à compter du 22 mai 2013 et à chaque échéance annuelle ultérieure ; il a par ailleurs rejeté le surplus des conclusions de la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 11 février 2014, et deux mémoires en réplique enregistrés respectivement les 30 septembre 2014 et 12 novembre 2014, la SCI 52 avenue Gambetta, représentée par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 10 décembre 2013 en tant qu'il a limité à 5 000 euros la somme mise à la charge de la commune d'Angoulême ;

2°) à titre principal, de condamner la commune d'Angoulême à lui verser la somme de 176 512,82 euros à parfaire, avec intérêts de droit à compter de la demande préalable du 2 novembre 2010 et capitalisation des intérêts à compter du 22 mai 2013 ;

3°) à titre subsidiaire, d'ordonner, avant de statuer sur sa requête, une expertise aux fins de déterminer le montant total du préjudice qu'elle a subi du fait des fautes commises par la commune d'Angoulême ;

4°) de mettre à la charge de la commune d'Angoulême, la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Sylvie Cherrier ;

- les conclusions de M. de La Taille Lolainville, rapporteur public,

- et les observations de MeA..., représentant la SCI 52 avenue Gambetta, et de MeB..., représentant la commune d'Angoulème.

Considérant ce qui suit :

1. La société civile immobilière (SCI) 52 avenue Gambetta a déposé le 23 septembre 2004 une demande de permis de construire aux fins de transformer des bureaux en logements dans un immeuble sis au 56, avenue Gambetta à Angoulême. Par un arrêté en date du 14 mars 2005, le maire de cette commune a refusé de faire droit à sa demande. Par un jugement n° 0502036 du 9 novembre 2006, devenu définitif, le tribunal administratif de Poitiers a annulé cet arrêté et a enjoint à la commune d'Angoulême de prendre une nouvelle décision après instruction de la demande de permis de construire déposée par la SCI. Le maire de la commune d'Angoulême a finalement délivré à la SCI, par un arrêté du 9 janvier 2007, le permis de construire sollicité. Cette société a alors saisi le tribunal administratif de Poitiers d'une demande en indemnisation du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait de la délivrance tardive de cette autorisation d'urbanisme. Elle relève régulièrement appel du jugement n° 1100425 du 10 décembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a limité l'indemnisation due à ce titre par la commune d'Angoulême à la somme de 5 000 euros, destinée à réparer le préjudice moral ayant résulté du refus illégal de lui délivrer un permis de construire en date du 14 mars 2005.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article R. 611-1 du code de justice administrative : " La requête et les mémoires, ainsi que les pièces produites par les parties, sont déposés ou adressés au greffe. / La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes dans les conditions prévues aux articles R. 611-3, R. 611-5 et R. 611-6. / Les répliques, autres mémoires et pièces sont communiqués s'ils contiennent des éléments nouveaux. (...) ". L'article R. 613-2 dispose que : " Si le président de la formation de jugement n'a pas pris une ordonnance de clôture, l'instruction est close trois jours francs avant la date de l'audience indiquée dans l'avis d'audience prévu à l'article R. 711-2. Cet avis le mentionne. (...) ". Selon l'article R. 613-4 du même code : " Le président de la formation de jugement peut rouvrir l'instruction par une décision qui n'est pas motivée et ne peut faire l'objet d'aucun recours. (...) / La réouverture de l'instruction peut également résulter d'un jugement ou d'une mesure d'investigation ordonnant un supplément d'instruction. / Les mémoires qui auraient été produits pendant la période comprise entre la clôture et la réouverture de l'instruction sont communiqués aux parties. " .

3. Il résulte de ces dispositions que, lorsqu'il décide de verser au contradictoire après la clôture de l'instruction un mémoire qui a été produit par les parties avant ou après celle-ci, le président de la formation de jugement doit être regardé comme ayant rouvert l'instruction. S'il s'abstient de prendre une ordonnance fixant une nouvelle clôture d'instruction, celle-ci se trouve close trois jours francs avant la date de l'audience mentionnée dans l'avis d'audience adressé aux parties.

4. En l'espèce, le tribunal administratif de Poitiers a communiqué à la SCI 52 avenue Gambetta le 3 juillet 2013, c'est-à-dire après la date de clôture d'instruction fixée au 1er juillet 2013 par une ordonnance du 31 mai 2013, un mémoire produit par la commune d'Angoulême. Cette communication a dès lors eu pour effet de rouvrir l'instruction. La date de l'audience ayant été fixée au 28 novembre 2013, le mémoire en réplique produit par la SCI 52 avenue Gambetta, enregistré au greffe du tribunal administratif le 22 novembre 2013, a donc été déposé avant la clôture de l'instruction, laquelle est intervenue, en l'absence d'une ordonnance du président de la formation de jugement ayant fixé une nouvelle date de clôture, le 24 novembre à minuit. Dans cet ultime mémoire, la SCI 52 avenue Gambetta a soutenu que les écritures en défense de la commune étaient irrecevables faute pour le maire de la commune d'avoir justifié qu'il était habilité à cette fin par le conseil municipal. Le tribunal administratif n'a pas analysé cette fin de non-recevoir dans les visas de son jugement et ne s'est pas prononcé sur celle-ci. Le jugement attaqué est, dès lors, entaché d'une irrégularité qui entraîne son annulation. La SCI ne contestant toutefois pas le jugement en tant qu'il a indemnisé son préjudice moral, il y a lieu d'annuler le jugement en tant seulement qu'il a statué sur les autres chefs de préjudices invoqués par cette société et de statuer par voie d'évocation sur ces seuls chefs de préjudice.

Sur la qualité à agir en défense du maire de la commune d'Angoulême :

5. Le maire est recevable à agir en défense au nom de la commune d'Angoulême dès lors qu'il y est habilité en vertu de la délégation générale qui lui a été donnée par délibération du conseil municipal en date du 14 avril 2014.

Sur les conclusions tendant à la réparation des préjudices autres que le préjudice moral :

6. L'arrêté en date du 14 mars 2005 refusant de délivrer un permis de construire à la SCI 52 avenue Gambetta a fait l'objet d'une annulation devenue définitive au motif que le maire avait commis des erreurs d'appréciation en estimant que le projet concerné méconnaissait les dispositions des articles R. 111-2 et R.111-4 du code de l'urbanisme. L'illégalité entachant la décision de refus de permis de construire est par suite de nature à engager la responsabilité de la commune d'Angoulême à l'égard de la SCI, laquelle ne peut toutefois prétendre qu'à la réparation du préjudice direct et certain résultant du refus de permis de construire qui lui a été opposé.

7. La commune d'Angoulême a soutenu, dans un mémoire enregistré le 16 septembre 2014, que les travaux autorisés par l'arrêté du 9 janvier 2007 n'avaient, à cette date du 16 septembre 2014, pas démarré, et que la SCI 52 avenue Gambetta avait par ailleurs sollicité deux permis modificatifs successifs qui lui ont été délivrés respectivement les 12 juillet 2012 et 7 novembre 2013, aux termes desquels le nombre des logements initialement prévus a été porté à quatre, les six autres appartements ayant été remplacés par des bureaux. La SCI 52 avenue Gambetta n'a pas contesté ces allégations et n'a établi, ni même allégué, que les travaux autorisés le 9 janvier 2007 auraient finalement été réalisés. Elle n'a par ailleurs donné aucune précision sur les motifs pour lesquels ces travaux n'ont pas été entrepris à la suite de la délivrance du permis de construire en litige. Dans ces conditions, le surcoût lié au retard subi dans la réalisation de son projet, outre qu'il ne présente qu'un caractère éventuel, ne peut en l'espèce être regardé comme étant la conséquence directe de l'illégalité du refus de permis de construire en date du 14 mars 2005.

8. De la même façon, et si la SCI 52 avenue Gambetta invoque un poste de préjudice tenant à la perte de loyers, un tel préjudice ne peut être regardé comme présentant un caractère certain dès lors que l'intéressée n'établit ni que les bureaux existant actuellement dans l'immeuble en litige n'auraient pas été loués durant la période allant du 14 mars 2005 au 9 janvier 2007, ni que les bureaux et logements projetés, qui n'étaient susceptibles de donner lieu à perception de loyers qu'à compter de leur date de location effective et en tout état de cause après la date d'achèvement des travaux, auraient été de nature à lui procurer un revenu net global supérieur à celui résultant de la location des bureaux existants. Par ailleurs, et compte tenu de ce qui a été dit au point 7, l'absence de perception des loyers afférents aux dix logements prévus dans le projet ayant fait l'objet de la demande de permis de construire rejetée par l'arrêté du 4 mars 2005 ne présente pas un lien de causalité directe avec l'illégalité entachant ce rejet.

9. La SCI 52 avenue Gambetta n'est par ailleurs pas fondée à réclamer le remboursement des intérêts de l'emprunt qu'elle soutient avoir contracté pour l'achat de l'immeuble en litige, lesquels s'élèveraient à la somme totale de 52 000 euros sur la période allant du 14 mars 2005 au 9 janvier 2007, une telle somme n'étant pas en lien direct avec la faute tirée de l'illégalité du refus de permis de construire en date du 14 mars 2005 dès lors qu'elle devait être engagée même si ledit permis lui avait été accordé dès cette date. S'agissant par ailleurs du coût de l'emprunt contracté pour la réalisation des travaux, il ne présente pas davantage de lien direct avec la faute commise par la commune d'Angoulême dans la mesure où il appartenait à la SCI 52 Avenue Gambetta de ne contracter d'emprunt à cette fin qu'après l'obtention d'une autorisation de construire.

10. Les frais d'huissiers dont la SCI 52 avenue Gambetta demande qu'ils lui soient remboursés se rapportent à deux constats d'huissiers dressés respectivement les 9 décembre 2004 et 28 et 30 juin 2005. Le premier de ces constats, antérieur à la date du refus de permis de construire du 14 mars 2005, ne présente aucun lien avec celui-ci. Quant au second constat, qui portait sur différents éléments et caractéristiques de l'immeuble en litige et du fonds voisin, la société requérante n'établit pas en quoi il aurait permis d'établir l'illégalité entachant le refus de permis de construire en date du 14 mars 2005. Il ne peut dès lors être regardé come présentant un lien direct avec l'illégalité fautive commise par la commune.

11. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'ordonner l'expertise sollicitée par la SCI 52 avenue Gambetta, que les conclusions indemnitaires présentées par celle-ci devant le tribunal administratif de Poitiers, et tendant à la réparation des préjudices matériels et financiers qui auraient résulté du refus de permis de construire en date du 14 mars 2005, doivent être rejetées.

Sur les conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. La commune n'étant pas la partie perdante, elle ne saurait être condamnée au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de la SCI la somme demandée par la commune au titre de ces mêmes dispositions.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1100425 en date du 10 décembre 2013 du tribunal administratif de Poitiers est annulé en tant qu'il a statué sur la réparation des préjudices matériels et financiers invoqués par la SCI 52 avenue Gambetta.

Article 2 : Les conclusions de la SCI 52 avenue Gambetta devant le tribunal administratif de Poitiers tendant à la réparation des préjudices matériels et financiers que lui aurait causé le refus de permis de construire du 14 mars 2005 sont rejetées.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties devant le tribunal administratif de Poitiers, ainsi que les conclusions formées en appel au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sont rejetés.

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N° 14BX00427


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. DE MALAFOSSE
Rapporteur ?: Mme Sylvie CHERRIER
Rapporteur public ?: M. de la TAILLE LOLAINVILLE
Avocat(s) : DESCRIAUX

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre (formation à 3)
Date de la décision : 26/04/2016
Date de l'import : 06/05/2016

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 14BX00427
Numéro NOR : CETATEXT000032469559 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2016-04-26;14bx00427 ?
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