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12/01/2017 | FRANCE | N°15BX00742

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre - formation à 3, 12 janvier 2017, 15BX00742


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe de condamner le recteur de l'académie de la Guadeloupe à lui verser le traitement qu'elle aurait perçu pour la période du 1er septembre 2010 au 28 février 2013 si elle n'avait pas fait l'objet du licenciement illégalement prononcé le 2 juillet 2010.

Par un jugement n° 1300957 du 18 décembre 2014, le tribunal administratif de la Guadeloupe a d'une part, condamné l'Etat à verser à Mme A...une somme de 5 000 euros en réparation du pré

judice moral et des troubles dans les conditions d'existence qu'elle a subis en rai...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe de condamner le recteur de l'académie de la Guadeloupe à lui verser le traitement qu'elle aurait perçu pour la période du 1er septembre 2010 au 28 février 2013 si elle n'avait pas fait l'objet du licenciement illégalement prononcé le 2 juillet 2010.

Par un jugement n° 1300957 du 18 décembre 2014, le tribunal administratif de la Guadeloupe a d'une part, condamné l'Etat à verser à Mme A...une somme de 5 000 euros en réparation du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence qu'elle a subis en raison de son licenciement illégal, prononcé le 2 juillet 2010 par le recteur de l'académie de la Guadeloupe et d'autre part, rejeté le surplus des conclusions de la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 6 mars 2015 et le 10 septembre 2015, MmeA..., représentée par MeC..., demande à la cour :

1°) de réformer le jugement du tribunal administratif de la Guadeloupe en tant qu'il a rejeté le surplus des conclusions de la demande et en tant qu'il a limité à la somme de 5 000 euros la condamnation de l'Etat en réparation du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence ;

2°) d'annuler son licenciement intervenu le 28 mars 2013 ;

3°) d'ordonner le réexamen du dossier de titularisation par le directeur académique des services de l'éducation nationale à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de condamner l'Etat à lui verser la somme totale de 71 746,10 euros en réparation de l'ensemble des préjudices subis ;

5°) de condamner l'Etat à verser à son conseil la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et L. 761-1 du Code de justice administrative.

Elle soutient que :

- contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, sa demande ne comportait pas que des conclusions indemnitaires mais également des conclusions dirigées contre la décision de licenciement du 28 mars 2013 ;

- le tribunal n'a pas statué sur le licenciement dont elle a fait l'objet le 28 mars 2013 ; le jury académique était constitué des mêmes membres que celui qui l'avait licenciée en juillet 2010 ; le document de composition du jury n'était pas émargé ; l'avis de l'inspecteur de l'éducation nationale du 7 juin 2010 était favorable à sa titularisation ;

- elle a donc perdu une chance sérieuse d'être titularisée et a droit à 30 mois de salaires d'un professeur des écoles débutant (69 000 euros) et à l'indemnisation des frais engagés pour retourner en Martinique (2 740,10 euros) ;

Par un mémoire en défense, enregistré le 22 février 2016, la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche conclut au rejet de la requête et par la voie de l'appel incident à la réformation du jugement en tant qu'il a condamné l'Etat à verser à Mme A...la somme de 5 000 euros.

Elle fait valoir que :

- c'est à bon droit que le tribunal s'est estimé saisi exclusivement de conclusions indemnitaires, en dépit d'une motivation quelque peu ambiguë de la demande sur ce point ;

- les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté de licenciement du 28 mars 2013 sont donc nouvelles en appel et par suite irrecevables ;

- subsidiairement sur la légalité de cet arrêté :en application des dispositions de l'article 12 du décret n° 90-680 du 1er août 1990 relatif au statut particulier des professeurs des écoles, la titularisation ne peut être prononcée que sur proposition du jury académique ; le recteur se trouve par conséquent en situation de compétence liée pour prononcer le licenciement d'un stagiaire dont le jury n'a pas proposé la titularisation à l'issue d'une seconde année de stage, et les moyens dirigés contre la décision du 28 mars 2013 sont inopérants ;

- aucune disposition légale ni aucun principe général du droit ne s'opposent à ce que des personnes ayant déjà siégé dans un jury l'année précédente fassent à nouveau partie du jury ; la circonstance que le jury était composé de façon identique est donc sans incidence sur la régularité de la délibération ;

- aucun texte, ni aucun principe général du droit n'oblige les membres du jury à émarger la délibération ;

- l'arrêté de licenciement du 2 juillet 2010 a été annulé pour un vice de procédure, ce qui ne faisait en rien obstacle à ce que la même décision fût prise à l'égard de la requérante sur le même fondement en rectifiant cette illégalité externe ;

- son licenciement était justifié sur le fond ; si l'avis du 7 juin 2010 est favorable à la titularisation de Mme A...et met en évidence des améliorations et des " progrès encourageants ", ceux-ci sont constatés par rapport aux aptitudes professionnelles de départ de la requérante et n'attestent nullement de l'acquisition des compétences normalement attendues d'un professeur en fin de stage, alors que les trois fiches de visite des maîtres formateurs en date des 10 novembre 2009, 9 mars 2010 et 16 mars 2010 et celle de la formatrice IUFM du 21 avril 2010 démontrent au contraire de nombreuses insuffisances ;

- les préjudices invoqués par Mme A...ne trouvent pas leur cause adéquate dans l'illégalité externe relevée par le tribunal dans son précédent jugement, mais dans l'insuffisance professionnelle de l'intéressée ; le tribunal ne pouvait donc pas condamner l'Etat à indemniser le préjudice moral de la requérante.

Par ordonnance du 4 mai 2016, la clôture d'instruction a été fixée au 8 juin 2016 à 12 heures.

Mme A...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 7 mai 2015.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le décret n° 90-680 du 1er août 1990 portant statut particulier des professeurs des écoles ;

- l'arrêté du 9 mai 2007 relatif aux conditions de délivrance du diplôme professionnel de professeur des écoles ;

- le code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jean-Claude Pauziès,

- les conclusions de M. Nicolas Normand, rapporteur public,

- et les observations de Me C...représentant Mme A...;

Considérant ce qui suit :

1. Mme A...a été nommée professeur des écoles stagiaire consécutivement à son admission à la session 2008 du concours externe de professeur des écoles. Elle n'a pas été titularisée à l'issue de son année de stage et a été autorisée à accomplir une seconde année de stage. Par arrêté du 2 juillet 2010, le recteur de l'académie de la Guadeloupe l'a licenciée à l'issue de cette seconde année de stage. Par un jugement en date du 28 décembre 2012, le tribunal de la Guadeloupe a annulé l'arrêté rectoral du 2 juillet 2010 au motif que les dispositions de l'arrêté du 9 mai 2007 relatif aux conditions de délivrance du diplôme professionnel de professeur des écoles prévoyant que les professeurs des écoles stagiaires peuvent consulter leur dossier de compétences avant l'entretien avec le jury n'avaient pas été respectées. Il a également enjoint au recteur de réexaminer la situation de l'intéressée dans un délai de deux mois. Par arrêté rectoral du 28 mars 2013, Mme A...a été à nouveau licenciée à compter du 28 février 2013. Mme A... relève appel du jugement du tribunal administratif de la Guadeloupe en tant qu'il a limité à 5 000 euros la somme qu'il a condamné l'Etat à lui verser en réparation du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence qu'elle a subis en raison de son licenciement illégal, et rejeté le surplus des conclusions de sa demande. Par la voie de l'appel incident, le ministre conclut à la réformation du jugement en tant qu'il a condamné l'Etat à verser à Mme A...la somme de 5 000 euros.

Sur l'appel principal :

En ce qui concerne la recevabilité des conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 28 mars 2013 :

2. Mme A...n'a pas demandé au tribunal d'annuler la décision du 28 mars 2013, même si elle a critiqué cette décision à l'appui d'un mémoire ampliatif développant ses conclusions indemnitaires. Ces conclusions à fin d'annulation, présentées pour la première fois en appel, sont donc irrecevables.

En ce qui concerne la régularité du jugement :

3. Mme A...soutient que le jugement est irrégulier dès lors qu'il n'a pas statué sur ses conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 28 mars 2013 par lequel le recteur de l'Académie de la Guadeloupe a prononcé son licenciement à compter du 28 février 2013. Ainsi qu'il vient d'être dit, il ne ressort pas des écritures de première instance de la requérante qu'elle ait présenté des conclusions à fin d'annulation de cet arrêté. Par suite, le jugement n'est pas entaché d'irrégularité.

En ce qui concerne les conclusions indemnitaires :

4. A l'appui de ses conclusions indemnitaires, Mme A...fait valoir que l'arrêté de licenciement du 28 mars 2013 est illégal.

5. Mme A...soutient en premier lieu que la composition du jury académique qui s'est prononcé sur sa situation le 28 février 2013 était irrégulière dès lors qu'il était constitué, à une exception près, des mêmes membres que celui qui avait émis un avis sur sa titularisation avant la première décision de licenciement du 2 juillet 2010. Toutefois, en l'absence de disposition contraire, rien n'interdisait à l'administration de désigner à nouveau, pour siéger au jury qui s'est prononcé sur la titularisation de MmeA..., des membres ayant siégé lors de l'examen de sa précédente demande de titularisation. La seule circonstance que les capacités de Mme A...aient été examinées par certains membres du jury qui avaient déjà eu à se prononcer sur ses mérites antérieurement n'entache pas d'irrégularité la composition du jury.

6. Mme A...fait valoir en deuxième lieu que la délibération du jury était irrégulière en l'absence d'émargement de ses membres. Toutefois, le procès-verbal de la réunion du 28 février 2013 permet de connaître la composition du jury et aucune disposition législative ou réglementaire n'impose une telle formalité.

7. La requérante soutient en dernier lieu que la décision de licenciement n'était pas justifiée et elle se prévaut d'un avis favorable émis par l'inspecteur de l'éducation nationale de circonscription. L'article 5 de l'arrêté du 9 mai 2007 relatif aux conditions de délivrance du diplôme de professeur des écoles prévoit que : " Après délibération, le jury établit la liste des professeurs stagiaires qu'il estime aptes à se voir délivrer le diplôme professionnel de professeur des écoles. Les stagiaires non admis au diplôme professionnel de professeur des écoles doivent avoir subi un entretien avec le jury ou avoir été inspectés. Le jury peut procéder à un entretien avec le stagiaire même si son dossier de compétences comporte un rapport d'inspection. " Il résulte de ces dispositions qu'en organisant une audition de l'intéressée alors même qu'elle bénéficiait d'un avis d'inspecteur, le jury ne s'est pas prononcé au terme d'une procédure irrégulière. Par ailleurs, il ressort du bilan de compétences réalisé à l'issue du stage de la requérante que parmi les compétences dont la maîtrise est attendue, six ont été évaluées " en cours d'acquisition ", deux ont été notées " acquise " et deux " non acquise ", avec l'observation que la sécurité des élèves n'est pas assurée correctement et que le travail de préparation n'est pas régulier. Si l'avis émis le 7 juin 2010 par l'inspecteur de l'éducation nationale est favorable à sa titularisation, le jury, dont l'appréciation ne peut être discutée devant la juridiction, a estimé au vu notamment des autres bulletins de visite produits au dossier que MmeA..., en dépit de ses progrès, rencontrait toujours des difficultés notamment en matière de gestion du temps, de conception et de structuration de son enseignement. Par suite, Mme A...ne peut utilement soutenir que la décision contestée du recteur, lequel était tenu de suivre la proposition du jury, serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses capacités.

8. Il résulte de ce qui précède que Mme A...n'est pas fondée à soutenir que la décision de licenciement du 28 mars 2013 serait entachée d'illégalité. Par voie de conséquence, ses conclusions indemnitaires ne peuvent qu'être rejetées.

Sur l'appel incident :

9. L'annulation de la décision de licenciement du 2 juillet 2010 a été prononcée au motif que Mme A...n'avait pas pu consulter l'intégralité de son dossier de compétence avant son entretien avec le jury académique et que ce n'est que postérieurement à cet entretien, après avoir formé un recours devant la commission d'accès aux documents administratifs, qu'elle a pu obtenir communication de l'ensemble des pièces dudit dossier. L'intéressée n'a ainsi pas été en mesure de se préparer à l'entretien qui a déterminé la position du jury et a perdu une chance de convaincre celui-ci de la sévérité des appréciations portées sur son travail en situation devant les élèves. Dans ces conditions, et au vu des fiches d'appréciation versées au dossier, la somme de 5 000 euros que le tribunal a accordée à Mme A...doit être regardée comme constituant une juste appréciation du préjudice moral subi par la requérante et le ministre n'est pas fondé à se plaindre de ce que le tribunal a condamné l'Etat à verser cette somme au titre du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

10. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions de la requérante, n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions à fin d'injonction ne peuvent être accueillies.

Sur les frais irrépétibles :

11. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante, la somme demandée par l'appelante au titre de ces frais.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme A...et l'appel incident du ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche sont rejetés.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...A...et à la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.

Délibéré après l'audience du 15 décembre 2016 à laquelle siégeaient :

Mme Catherine Girault, président,

M. Jean-Claude Pauziès, président-assesseur,

M. Paul-André Braud, premier-conseiller.

Lu en audience publique, le 12 janvier 2017.

Le rapporteur,

Jean-Claude PAUZIÈSLe président,

Catherine GIRAULT

Le greffier,

Delphine CÉRON

La République mande et ordonne au ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

6

No 15BX00742


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15BX00742
Date de la décision : 12/01/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-12-03-01 Fonctionnaires et agents publics. Agents contractuels et temporaires. Fin du contrat. Licenciement.


Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: M. Jean-Claude PAUZIÈS
Rapporteur public ?: M. NORMAND
Avocat(s) : DELLA-LIBERA

Origine de la décision
Date de l'import : 24/01/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2017-01-12;15bx00742 ?
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