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14/02/2017 | FRANCE | N°15BX00359

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre - formation à 3, 14 février 2017, 15BX00359


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SAS Airbus a demandé au tribunal administratif de Toulouse de prononcer la décharge de l'amende d'un montant de 7 864 583 euros mise à sa charge par un avis de mise en recouvrement en date du 20 décembre 2010.

Par un jugement n° 1104076 du 2 décembre 2014, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire en réplique enregistrés respectivement les 30 janvier 2015 et 1er octobre 2015 la SAS Airbus, représentée

par Me A... et MeC..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administrat...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SAS Airbus a demandé au tribunal administratif de Toulouse de prononcer la décharge de l'amende d'un montant de 7 864 583 euros mise à sa charge par un avis de mise en recouvrement en date du 20 décembre 2010.

Par un jugement n° 1104076 du 2 décembre 2014, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire en réplique enregistrés respectivement les 30 janvier 2015 et 1er octobre 2015 la SAS Airbus, représentée par Me A... et MeC..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 2 décembre 2014 ;

2°) de prononcer la décharge de l'amende contestée ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Sylvie Cherrier,

- et les conclusions de M. B... de la Taille Lolainville, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. A la suite d'une vérification de comptabilité, diligentée par la direction des vérifications nationales et internationales, à l'encontre de la SAS Airbus France, absorbée depuis par la SAS Airbus Opérations, l'administration a constaté qu'une créance d'un montant de 157 291 674 euros avait été comptabilisée au 31 décembre 2004 sur la SAS Airbus, société mère du groupe fiscalement intégré Airbus. Cette créance, correspondant à l'imputation du déficit de l'exercice de 2004 sur les bénéfices des exercices antérieurs déjà transmis à l'intégration fiscale, a été regardée par le vérificateur comme une subvention intra-groupe. L'administration, constatant que cette subvention n'avait pas été mentionnée sur l'état des subventions directes ou indirectes et des abandons de créance visé à l'article 46 quater-0 ZL de l'annexe III au code général des impôts, a infligé à la SAS Airbus, en tant que société tête de groupe, une amende d'un montant de 7 864 583 euros sur le fondement des dispositions du c) de l'article 1763-I du code général des impôts. La SAS Airbus fait régulièrement appel du jugement du 2 décembre 2014 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande de décharge de l'amende ainsi mise à sa charge.

Sur le bien-fondé de l'amende contestée :

2. Aux termes de l'article 223 A du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à l'année 2004 : " Une société peut se constituer seule redevable de l'impôt sur les sociétés dû sur l'ensemble des résultats du groupe formé par elle-même et les sociétés dont elle détient 95 % au moins du capital, de manière continue au cours de l'exercice, directement ou indirectement par l'intermédiaire de sociétés du groupe. (...) / Les sociétés du groupe restent soumises à l'obligation de déclarer leurs résultats qui peuvent être vérifiés dans les conditions prévues par les articles L. 13, L. 47 et L. 57 du livre des procédures fiscales. La société mère supporte, au regard des droits et des pénalités visées à l'article 2 de la loi n° 87-502 du 8 juillet 1987 modifiant les procédures fiscales et douanières, les conséquences des infractions commises par les sociétés du groupe. (...) / Chaque société du groupe est tenue solidairement au paiement de l'impôt sur les sociétés, de l'imposition forfaitaire annuelle et, le cas échéant, des intérêts de retard, majorations et amendes fiscales correspondantes, dont la société mère est redevable, à hauteur de l'impôt et des pénalités qui seraient dus par la société si celle-ci n'était pas membre du groupe. ". Aux termes de l'article 223 B du même code, dans sa rédaction applicable : " Le résultat d'ensemble est déterminé par la société mère en faisant la somme algébrique des résultats de chacune des sociétés du groupe, déterminés dans les conditions de droit commun ou selon les modalités prévues à l'article 217 bis. (...) / L'abandon de créance ou la subvention directe ou indirecte consenti entre des sociétés du groupe n'est pas pris en compte pour la détermination du résultat d'ensemble. La société mère est tenue de joindre à la déclaration du résultat d'ensemble de chaque exercice un état des abandons de créance ou subventions consentis à compter du 1er janvier 1992. Un décret fixe le contenu de ces obligations déclaratives. (...) ". Selon l'article 223 E de ce code : "Les déficits retenus pour la détermination du résultat d'ensemble ne sont pas déductibles des résultats de la société qui les a subis. Il en est de même des moins-values nettes à long terme retenues pour le calcul de la plus-value ou de la moins-value nette à long terme d'ensemble. ". L'article 223 N du même code dispose que : "1. Chaque société du groupe est tenue de verser les acomptes prévus à l'article 1668 pour la période de douze mois ouverte à compter du début de l'exercice au titre duquel cette société entre dans le groupe. Si la liquidation de l'impôt dû à raison du résultat imposable de cette période par la société mère fait apparaître que les acomptes versés sont supérieurs à l'impôt dû, l'excédent est restitué à la société mère dans le délai prévu au 2 de l'article 1668. / 2. Lorsqu'une société cesse d'être membre du groupe, les acomptes dus par celle-ci pour la période de douze mois ouverte à compter du début de l'exercice au titre duquel la société ne fait plus partie du groupe sont versés pour le compte de cette société par la société mère. ". Aux termes du premier alinéa de l'article 223 R du code : " En cas de sortie du groupe de l'une des sociétés mentionnées au sixième alinéa de l'article 223 B, les subventions indirectes qui proviennent d'une remise de biens composant l'actif immobilisé (...)pour un prix différent de leur valeur réelle, déduites pour la détermination du résultat des exercices ouverts à compter du 1er janvier 1992, sont rapportées par la société mère au résultat d'ensemble de l'exercice de sortie de l'une de ces sociétés. De même, la société mère rapporte à ce résultat les autres subventions indirectes, les subventions directes et les abandons de créances, également mentionnés à cet alinéa, qui ont été déduits du résultat d'ensemble de l'un des cinq exercices précédant celui de la sortie s'il a été ouvert à compter du 1er janvier 1992. ".

3. Par ailleurs, selon l'article 46 quater-0 ZL de l'annexe III à ce code : " La déclaration du résultat d'ensemble visée à l'article 223 Q du code général des impôts comprend les éléments nécessaires à la détermination et au contrôle de ce résultat. La société mère doit joindre à cette déclaration : 1. Un état des subventions directes ou indirectes et des abandons de créances consentis ou reçus par chacune des sociétés membres du groupe, à compter du 1er janvier 1992, indiquant la dénomination des sociétés concernées ainsi que la nature et le montant de ces subventions ou abandons (...) ".

4. Ni les dispositions de l'article 223 A du code général des impôts, en vertu desquelles une société mère peut devenir seule redevable de l'impôt sur les sociétés calculé sur l'ensemble des résultats du groupe qu'elle constitue avec ses filiales et chaque société est tenue solidairement au paiement de l'impôt du groupe à hauteur des sommes qu'elle devrait acquitter en l'absence d'intégration, dispositions qui ne concernent que le recouvrement des impositions, ni les dispositions des articles 223 B et 223 E du même code, relatives aux règles de détermination du résultat d'ensemble imposable, ni celles de l'article 223 N, relatives aux conditions de paiement de l'impôt, ni celles de l'article 223 R, relatives aux conséquences de la sortie du groupe d'une société ou de la cessation du régime du groupe, ni aucune autre disposition, ne déterminent les conditions de répartition de la charge de l'impôt entre les sociétés d'un groupe intégré. Aucune disposition n'implique, dans le silence de la loi sur ce point, que l'économie d'impôt résultant, le cas échéant, de leur application ne bénéficie qu'à la société mère. Par suite, les sociétés membres d'un groupe intégré sont libres de prévoir par une convention d'intégration les modalités de répartition entre elles de la charge de l'impôt ou, le cas échéant, de l'économie d'impôt résultant du régime d'intégration. Dès lors que les stipulations de cette convention procèdent à une répartition tenant compte des résultats propres de chaque société du groupe dans des conditions telles que cette répartition ne porte atteinte ni à l'intérêt social propre de chaque société ni aux droits des associés ou des actionnaires minoritaires et ne constitue pas, par suite, un acte anormal de gestion, elles ne peuvent être regardées comme conduisant au versement d'une somme ayant le caractère d'une subvention intragroupe au sens de l'article 223 B du même code.

5. Il résulte de l'instruction que la SAS Airbus, société mère du groupe intégré qu'elle forme notamment avec la SAS Airbus France, a imputé le déficit d'ensemble constaté à l'issue de l'exercice 2004 sur les bénéfices constatés au cours des trois exercices précédents (opération dite de " carry back "), dans les conditions alors prévues par les articles 220 quinquies et 223 G du code général des impôts. L'excédent d'impôt sur les sociétés en résultant a fait naître à son profit une créance d'égal montant à l'encontre du Trésor et a par ailleurs donné lieu à la constatation d'une créance de " carry back " d'un montant de 157 291 674 euros, de la filiale sur sa société mère, au 31 décembre 2004.

6. En premier lieu, la société requérante soutient, sans être contredite, que l'inscription dans la comptabilité de la SAS Airbus France d'une créance sur sa société mère, et l'inscription dans la comptabilité de celle-ci de la dette correspondante, ne se sont pas traduites, au cours de l'exercice clos en 2004, par le versement effectif d'une quelconque somme. Par suite, et pour ce seul motif, l'opération litigieuse ne peut être regardée comme révélant une subvention directe consentie au cours de cet exercice par la société mère à sa filiale.

7. En deuxième lieu, il est exact, comme le relève l'administration, que l'article 1.1 de la convention d'intégration conclue le 1er juin 2002 entre la SAS Airbus France et la SAS Airbus stipule qu'" A la sortie d'un exercice déficitaire, la Filiale ne sera titulaire à raison de cette situation d'aucune créance sur la Société Mère ". Toutefois, rien n'interdit par principe aux deux parties à une convention d'intégration de déroger ponctuellement à celle-ci, s'agissant notamment des modalités de répartition, entre elles, de l'économie d'impôt ayant résulté d'une opération de " carry back " mise en oeuvre par la mère, à la condition qu'une telle dérogation ne soit pas constitutive d'un acte anormal de gestion. En l'espèce, la SAS Airbus France et la SAS Airbus ont concomitamment procédé dans leurs comptes respectifs, sous l'appellation commune " intégration fiscale ", aux écritures relatives à la créance litigieuse et ont ainsi entendu déroger ponctuellement à la règle posée par l'article 1.1 de la convention d'intégration rappelée ci-dessus. Il n'est pas soutenu par l'administration que cet accord sur la répartition entre elles de la créance d'impôt serait constitutif d'un acte anormal de gestion. Dans ces conditions, les modalités de répartition dont il a été ainsi convenu ne traduisent pas l'existence d'une subvention indirecte devant être mentionnée, sous peine de l'infliction de l'amende au taux de 5 % prévue à l'article 1734 bis du code général des impôts, par la SAS Airbus dans l'état prévu par l'article 46 quater-0 ZL de l'annexe III précité à joindre à sa déclaration de résultats de l'exercice 2004.

8. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner la régularité de l'avis de mise en recouvrement en date du 20 décembre 2010, la SAS Airbus est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à la décharge de l'amende d'un montant de 7 864 583 euros mise à sa charge en application de l'article 1734 bis du code général des impôts.

Sur les conclusions au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la SAS Airbus et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Toulouse en date du 2 décembre 2014 est annulé.

Article 2 : La SAS Airbus est déchargée de l'amende d'un montant de 7 864 583 euros mise à sa charge en application de l'article 1734 bis du code général des impôts.

Article 3 : L'Etat versera à la SAS Airbus une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

2

N° 15BX00359


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Contentieux fiscal

Analyses

19-04-02-01-04-083 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. Bénéfices industriels et commerciaux. Détermination du bénéfice net. Relations entre sociétés d'un même groupe.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. DE MALAFOSSE
Rapporteur ?: Mme Sylvie CHERRIER
Rapporteur public ?: M. de la TAILLE LOLAINVILLE
Avocat(s) : CMS BUREAU FRANCIS LEFEBVRE

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Date de la décision : 14/02/2017
Date de l'import : 24/02/2017

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 15BX00359
Numéro NOR : CETATEXT000034056004 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2017-02-14;15bx00359 ?
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