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21/03/2017 | FRANCE | N°15BX01506

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre - formation à 3, 21 mars 2017, 15BX01506


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...B...a demandé au tribunal administratif de Pau de condamner le centre communal d'action sociale de la commune d'Arcangues à lui verser la somme de 4 651,25 euros au titre de l'indemnité de préavis prévue par les dispositions des articles 39 et 40 du décret n° 88-145 du 15 février 1988, la somme de 3 776,36 euros au titre de l'indemnité de licenciement prévue par les dispositions des articles 45 et 46 du même décret et la somme de 75 000 euros en réparation du préjudice qu'elle estime avoir sub

i du fait de la perte injustifiée de son emploi.

Par un jugement n° 1301974...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...B...a demandé au tribunal administratif de Pau de condamner le centre communal d'action sociale de la commune d'Arcangues à lui verser la somme de 4 651,25 euros au titre de l'indemnité de préavis prévue par les dispositions des articles 39 et 40 du décret n° 88-145 du 15 février 1988, la somme de 3 776,36 euros au titre de l'indemnité de licenciement prévue par les dispositions des articles 45 et 46 du même décret et la somme de 75 000 euros en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait de la perte injustifiée de son emploi.

Par un jugement n° 1301974 en date du 5 mars 2015, le tribunal administratif de Pau, après avoir condamné le centre communal d'action sociale d'Arcangues à verser à Mme B...la somme de 4 000 euros au titre de l'indemnité de préavis et l'indemnité de licenciement prévue à l'article 43 du décret n° 88-145 du 15 février 1988, calculée selon les modalités définies aux article 45 et 46 du même décret, a rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 5 mai 2015, des pièces et un mémoire complémentaires enregistrés les 13 et 18 janvier 2017, Mme A...B..., représenté par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Pau en date du 5 mars 2015 en tant qu'il rejette sa demande tendant à la condamnation du centre communal d'action sociale d'Arcangues à lui payer la somme de 75 000 euros en réparation du préjudice qu'elle a subi du fait de la perte injustifiée de son emploi ;

2°) de condamner le centre communal d'action sociale à lui payer cette somme ;

3°) de mettre à la charge du centre communal d'action sociale d'Arcangues la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée portant droits et obligations des fonctionnaires ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;

- la loi n° 2012-347 du 12 mars 2012 relative à l'accès à l'emploi titulaire et à l'amélioration des conditions d'emploi des agents contractuels dans la fonction publique, à la lutte contre les discriminations et portant diverses dispositions relatives à la fonction publique ;

- le décret n° 88-145 du 15 février 1988 modifié pris pour l'application de l'article 136 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et relatif aux agents non titulaires de la fonction publique territoriale ;

- le décret n° 95-31 du 10 janvier 1995 portant statut particulier des emplois des éducateurs territoriaux de jeunes enfants ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Philippe Delvolvé ;

- et les conclusions de M. David Katz, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B...a été recrutée par le centre communal d'action sociale (CCAS) d'Arcangues (Pyrénées-Atlantiques) à compter du 6 novembre 2008 en qualité d'éducatrice de jeunes enfants contractuelle pour exercer les fonctions de directrice de la crèche de la commune. Ce contrat à durée déterminée de trois mois a été prolongé par arrêtés pris pour une durée déterminée d'un an, jusqu'au 6 février 2013. Un nouveau contrat d'un an lui a été proposé le 13 février 2013 pour assurer les mêmes fonctions de directrice de la crèche. Par lettre du même jour, la requérante a sollicité le bénéfice d'un contrat à durée indéterminée sur le fondement des dispositions de la loi du 12 mars 2012 relative à l'accès à l'emploi titulaire et à l'amélioration des conditions d'emploi des agents contractuels dans la fonction publique, à la lutte contre les discriminations et portant diverses dispositions relatives à la fonction publique. Par courriel du 15 février 2013, la requérante a été dessaisie par le maire et président du CCAS d'Arcangues de ses responsabilités de directrice de la crèche de la commune à compter du 18 février 2013. Par un jugement en date du 5 mars 2015, le tribunal administratif de Pau a condamné le CCAS d'Arcangues à lui verser la somme de 4 000 euros au titre de l'indemnité de préavis et de l'indemnité de licenciement prévue à l'article 43 du décret n° 88-145 du 15 février 1988, calculée selon les modalités définies aux articles 45 et 46 du même décret et a rejeté le surplus de sa demande. Mme B...relève appel de ce jugement en tant qu'il rejette sa demande tendant à la condamnation du CCAS à lui payer la somme de 75 000 euros à titre de dommages et intérêts.

Sur les conclusions indemnitaires :

2. Aux termes de l'article 21 de la loi du 12 mars 2012 : " A la date de publication de la présente loi, la transformation de son contrat en contrat à durée indéterminée est obligatoirement proposée à l'agent contractuel, employé par une collectivité territoriale ou un des établissements publics mentionnés à l'article 2 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 précitée conformément à l'article 3 de la même loi, dans sa rédaction antérieure à celle résultant de la présente loi, qui se trouve en fonction ou bénéficie d'un congé prévu par le décret pris en application de l'article 136 de ladite loi. / Le droit défini au premier alinéa du présent article est subordonné à une durée de services publics effectifs, accomplis auprès de la même collectivité ou du même établissement public, au moins égale à six années au cours des huit années précédant la publication de la présente loi. Toutefois, pour les agents âgés d'au moins cinquante-cinq ans à cette même date, la durée requise est réduite à trois années au moins de services publics effectifs accomplis au cours des quatre années précédant la même date de publication. Les cinquième et dernier alinéas du I de l'article 15 de la présente loi sont applicables pour l'appréciation de l'ancienneté prévue aux deuxième et troisième alinéas du présent article. (...) Le contrat accepté par l'agent intéressé est réputé avoir été conclu à durée indéterminée à compter de la date de publication de la présente loi. ". Il résulte de ces dispositions que les agents territoriaux non titulaires ne peuvent bénéficier de la transformation de leur engagement en contrat à durée indéterminée, par application de ces dispositions, sans justifier d'une durée de services publics effectifs accomplis auprès de la même collectivité territoriale ou du même établissement public au moins égale à six années au cours des huit années précédant le 13 mars 2012 ou, pour les agents âgés d'au moins cinquante-cinq ans, d'une durée de services publics effectifs réduite à trois années au moins accomplis au cours des quatre années précédant le 13 mars 2012.

3. Pour reconnaître le droit de Mme B...à bénéficier d'un contrat à durée indéterminée, les premiers juges ont relevé qu'elle avait exercé ses fonctions, en qualité d'agent contractuel de droit public du CCAS de la commune d'Arcangues, par des contrats successifs, entre le 6 novembre 2008 et le 23 février 2013 correspondant à une durée totale de services publics, au sens des dispositions précitées, de quatre ans, trois mois et dix-huit jours, qu'à la date du 12 mars 2012, elle remplissait la condition d'ancienneté dérogatoire, pour les agents âgés d'au moins cinquante-cinq ans, de trois années au moins de services publics effectifs accomplis au cours des quatre années précédentes et accomplis auprès de la même collectivité pour bénéficier, de droit, de la transformation de son contrat en contrat à durée indéterminée. Il y a lieu de confirmer le raisonnement retenu par les premiers juges, qui n'est d'ailleurs pas contesté en appel, par adoption de ces motifs.

4. Il résulte également de l'instruction que le dernier contrat de travail en date du 7 février 2012 de Mme B...précise que la requérante est nommée en qualité d'éducatrice de jeunes enfants et embauchée comme directrice de la crèche municipale. Un nouveau contrat à durée déterminée lui a été proposé le 13 février 2013 pour exercer les mêmes fonctions. Par lettre du 13 février 2013, l'intéressée a refusé de signer un tel contrat de travail en raison de sa durée déterminée. Ce n'est que par courriel du 15 février 2013 que le président du CCAS lui a signifié le retrait de ses fonctions de directrice pour manque de confiance et restructuration de l'organisation de la crèche. Un tel courriel, qui doit être regardé comme comprenant implicitement mais nécessairement un refus d'accorder à Mme B...un contrat à durée indéterminée, doit être analysée comme une décision de licenciement d'un agent ayant droit à un contrat à durée indéterminée. Une telle décision, prise sans respect de la procédure de licenciement et qui méconnaît les dispositions législatives précitées, est illégale et, par suite, fautive, et engage la responsabilité du CCAS vis-à-vis de MmeB....

5. En vertu des principes généraux qui régissent la responsabilité de la puissance publique, un agent public irrégulièrement évincé a droit à la réparation intégrale du préjudice qu'il a effectivement subi du fait de la mesure illégalement prise à son encontre. Sont ainsi indemnisables les préjudices de toute nature avec lesquels l'illégalité commise présente, compte tenu de l'importance respective de cette illégalité et des fautes relevées à l'encontre de l'intéressé, un lien direct de causalité. Pour l'évaluation du montant de l'indemnité due, doit être prise en compte la perte du traitement ainsi que celle des primes et indemnités dont l'intéressé avait, pour la période en cause, une chance sérieuse de bénéficier, à l'exception de celles qui, eu égard à leur nature, à leur objet et aux conditions dans lesquelles elles sont versées, sont seulement destinées à compenser des frais, charges ou contraintes liés à l'exercice effectif des fonctions. Enfin, il y a lieu de déduire, le cas échéant, le montant des rémunérations que l'agent a pu se procurer par son travail au cours de la période d'éviction.

6. Pour rejeter la demande de dommages et intérêts présentée par MmeB..., le tribunal administratif de Pau a estimé qu'il était reproché à Mme B...d'avoir contribué à la dégradation des relations professionnelles au sein de la crèche et d'avoir fait preuve de carences dans son rôle d'encadrement, que ces difficultés de management avaient d'ailleurs provoqué l'organisation par le CCAS de deux réunions en date des 7 novembre 2011 et 26 janvier 2012 rassemblant des élus en charge du centre communal d'action sociale et les membres de la crèche municipale et que, par lettre du 15 février 2012, le président du CCAS l'informait qu'il envisageait de lui retirer l'élaboration des plannings du personnel, les facturations ainsi que les contrats.

7. Cependant, Mme B...soutient, sans être contestée, qu'un nouveau contrat à durée déterminée pour exercer les fonctions de directrice de la crèche lui a été proposé le 13 février 2013 sans aucune restriction quant à l'étendue des fonctions qu'elle exerçait jusque là. Ce nouveau contrat manifestait l'intention claire du CCAS de maintenir l'intéressée sans ses fonctions malgré les difficultés auxquelles elle s'était heurtée en 2011 et 2012, soit plus d'un an avant le nouveau contrat. Les faits ainsi avancés par le CCAS à la suite de la demande de la requérante à bénéficier d'un contrat à durée indéterminée ne peuvent, à l'évidence, justifier du bien fondé de la décision de licenciement qui est intervenue, non seulement à l'issue d'une procédure irrégulière, mais également sans aucune justification autre que celle de ne pas respecter la loi du 12 mars 2012.

8. Comme en première instance, la requérante ne justifie que partiellement la nature et le calcul de son préjudice en se bornant à produire une attestation de paiement de Pôle emploi relative au versement de l'allocation de retour à l'emploi pour un montant total de 15 340,95 euros au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2014 alors que le préjudice financier subi jusqu'à son départ à la retraite ne demeure qu'éventuel. Il résulte de l'instruction que l'intéressée percevait un revenu mensuel moyen de 2 000 euros avant d'être licenciée. Mme B... justifie donc de son préjudice financier pour l'année 2014, dont il sera fait une juste appréciation en le fixant à la somme de 9 000 euros. En revanche, le préjudice financier invoqué pour l'année 2013 et après 2014 n'est pas justifié et ne peut donc donner lieu à indemnisation.

9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B...est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande tendant à la condamnation du CCAS à lui payer des dommages et intérêts en réparation des préjudices qu'elle a subi à la suite de son licenciement. Il y a lieu de condamner le CCAS à lui payer la somme de 9 000 euros à ce titre.

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du centre communal d'action sociale d'Arcangues une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1301974 en date du 5 mars 2015 du tribunal administratif de Pau, est annulé en tant qu'il rejette la demande de Mme B...tendant à la condamnation du centre communal d'action sociale d'Arcangues à l'indemniser des préjudices qu'elle a subis à la suite de son licenciement.

Article 2 : Le centre communal d'action sociale d'Arcangues est condamné à payer à Mme B...une somme de 9 000 euros en réparation de ses préjudices.

Article 3 : Le centre communal d'action sociale d'Arcangues versera à Mme B...une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

2

No 15BX01506


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15BX01506
Date de la décision : 21/03/2017
Type d'affaire : Administrative

Analyses

36-12-03-01 Fonctionnaires et agents publics. Agents contractuels et temporaires. Fin du contrat. Licenciement.


Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: M. Philippe DELVOLVÉ
Rapporteur public ?: M. KATZ
Avocat(s) : SCP ETCHEVERRY-ETCHEGARAY

Origine de la décision
Date de l'import : 31/03/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2017-03-21;15bx01506 ?
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