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21/03/2017 | FRANCE | N°15BX01554

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre - formation à 3, 21 mars 2017, 15BX01554


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...A...a demandé au tribunal administratif de La Réunion de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à lui verser la somme de 82 023,53 euros avec intérêts au taux légal à compter du 23 juillet 2012 et capitalisation des intérêts, en réparation du préjudice subi du fait de l'aggravation d'un fibrome hépatique, ainsi que la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrativ

e.

Par un jugement n° 1301462 du 26 février 2015, le tribunal administrati...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...A...a demandé au tribunal administratif de La Réunion de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à lui verser la somme de 82 023,53 euros avec intérêts au taux légal à compter du 23 juillet 2012 et capitalisation des intérêts, en réparation du préjudice subi du fait de l'aggravation d'un fibrome hépatique, ainsi que la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1301462 du 26 février 2015, le tribunal administratif de La Réunion a condamné l'ONIAM à verser à Mme A...une indemnité de 20 963,06 euros ainsi qu'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 7 mai 2015 et un mémoire enregistré le 11 août 2015, l'ONIAM représenté par l'association Vatier et associés, avocats, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 26 février 2015 du tribunal administratif de la Réunion ;

2°) de limiter l'indemnisation de Mme A...à 265 euros au titre des dépenses de santé et 4 928,19 euros au titre des pertes de revenus ;

3°) de rejeter les conclusions d'appel de MmeA....

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code de la santé publique ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- la loi n° 2008-1330 du 17 décembre 2008 ;

- le décret n° 93-55 du 15 janvier 1993 ;

- le décret n° 96-1028 du 27 novembre 1996 ;

- le décret 2010-251 du 1er juin 2010 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Elisabeth Jayat,

- les conclusions de M. David Katz, rapporteur public,

- et les observations de MeC..., représentant MmeA....

Considérant ce qui suit :

1. MmeA..., professeur agrégé de lettres modernes, a été contaminée en 1981 par le virus de l'hépatite C à l'occasion d'une intervention chirurgicale réalisée à l'hôpital Foch au cours de laquelle des produits sanguins lui ont été administrés. Par jugement du 14 octobre 2003, le tribunal administratif de Paris, constatant que les produits administrés à Mme A...provenaient du centre départemental de transfusion sanguine d'Asnières, alors géré par le département des Hauts-de-Seine, a condamné celui-ci à verser à Mme A...une indemnité totale de 20 000 euros au titre des frais médicaux restés à sa charge, des troubles de toute nature dans ses conditions d'existence et des souffrances physiques et morales endurées. Par arrêt du 5 juillet 2006, la cour administrative d'appel de Paris a confirmé ce jugement. Estimant subir une aggravation de son état de santé, Mme A...a saisi l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) d'une demande tendant à l'indemnisation de l'aggravation de son préjudice. Elle a accepté l'indemnisation à hauteur de 7 867,07 euros proposée le 30 novembre 2011 par l'ONIAM au titre de son préjudice extrapatrimonial et des frais d'aide par une tierce personne mais a, en revanche, refusé la proposition de l'ONIAM du 29 octobre 2013 portant sur une indemnisation de 296 euros au titre de frais de santé et de 4 928,19 euros au titre de pertes de revenus. Elle a saisi le tribunal administratif de La Réunion d'une demande tendant à la condamnation de l'ONIAM à lui verser la somme de 82 023,53 euros avec intérêts au taux légal à compter du 23 juillet 2012 et capitalisation des intérêts. Par jugement du 26 février 2015, dont l'ONIAM relève appel, le tribunal administratif de La Réunion a condamné cet établissement public à verser à Mme A...une indemnité de 20 963,06 euros. Par la voie de l'appel incident, Mme A... demande que la condamnation de l'ONIAM soit portée à 84 907,12 euros avec intérêts au taux légal à compter du 23 juillet 2012 et capitalisation des intérêts.

2. Aux termes de l'article L. 1221-14 du code de la santé publique : " Les victimes de préjudices résultant de la contamination par le virus de l'hépatite B ou C ou le virus T-lymphotropique humain causée par une transfusion de produits sanguins ou une injection de médicaments dérivés du sang réalisée sur les territoires auxquels s'applique le présent chapitre sont indemnisées au titre de la solidarité nationale par l'office mentionné à l'article L. 1142-22 dans les conditions prévues à la seconde phrase du troisième alinéa de l'article L. 3122-1, aux deuxième et troisième alinéas de l'article L. 3122-2, au premier alinéa de l'article L. 3122-3 et à l'article L. 3122-4, à l'exception de la seconde phrase du premier alinéa. / (...) / L'offre d'indemnisation visant à la réparation intégrale des préjudices subis du fait de la contamination est faite à la victime dans les conditions fixées aux deuxième, troisième et cinquième alinéas de l'article L. 1142-17. / La victime dispose du droit d'action en justice contre l'office si sa demande d'indemnisation a été rejetée, si aucune offre ne lui a été présentée dans un délai de six mois à compter du jour où l'office reçoit la justification complète des préjudices ou si elle juge cette offre insuffisante (...) ".

Sur les frais de santé :

3. L'ONIAM ne conteste pas que Mme A...a exposé des frais d'un montant de 265 euros pour l'achat d'une prothèse capillaire nécessité par la maladie contractée à la suite de l'infection dont elle a été victime. L'offre faite par l'Office à Mme A...portait d'ailleurs notamment sur cette somme dont Mme A...a justifié en produisant la facture correspondante. Ainsi, c'est à bon droit que le tribunal administratif a estimé que l'ONIAM devait verser une somme de ce montant à MmeA....

Sur les pertes de revenus :

4. Mme A...a été affectée à Mayotte à compter de la rentrée scolaire 2004/2005 pour une durée de deux ans renouvelée ensuite pour une nouvelle période de deux ans. Par un arrêté du 11 janvier 2007, elle a été placée en congé de longue maladie non imputable au service, à plein traitement, pour la période du 26 septembre 2006 au 26 juin 2007 puis, par un arrêté du 12 juin 2007, elle a été maintenue en congé de longue maladie non imputable au service, à plein traitement, pour la période du 27 juin au 26 septembre 2007 et à demi-traitement, pour la période du 27 septembre 2007 au 26 juin 2008. Elle soutient avoir perdu, du fait de l'aggravation de son état de santé, des primes d'un montant de 5 823,55 euros au titre de la période du 27 septembre 2006 au 26 septembre 2007, des traitements et primes d'un montant de 22 807,05 euros au titre de la période du 27 septembre 2007 au 26 juin 2008 et, enfin, la seconde fraction de l'indemnité d'éloignement d'un montant de 53 392,93 euros.

5. En ce qui concerne la période du 27 septembre 2006 au 26 septembre 2007, durant laquelle Mme A...a perçu l'intégralité de son traitement, les premiers juges ont condamné l'ONIAM à verser à l'intéressée une somme de 2 000 euros au titre des primes dont elle a perdu le bénéfice, notamment la part fixe de l'indemnité de suivi et d'orientation. Si elle soutient que ces bulletins de paie font ressortir la perte de montants mensuels moyens de 446,45 euros au titre de l'indemnité de suivi et d'orientation supplémentaire et des majorations pour heures supplémentaires, il résulte de la comparaison entre ses bulletins de paie concernant la période du mois de septembre 2005 au mois d'août 2006 et ceux concernant la période durant laquelle elle a été en congé de longue maladie, une différence d'environ 150 euros mensuels entre la moyenne des montants nets imposables perçus avant cette période de congé de longue maladie et ceux perçus durant cette période, le montant des primes perçues étant variable d'un mois à l'autre. Si l'ONIAM a proposé à Mme A...une somme de 4 928,19 euros, cette proposition s'appuie sur la différence entre les revenus professionnels mentionnés sur les avis d'imposition des années 2003, 2004 et 2005, d'une part, et sur ceux mentionnés sur les avis d'imposition des années 2006 et 2007 d'autre part. Or, en l'absence d'éléments contraires, il y a lieu d'estimer que l'avis d'imposition de l'année 2004 porte notamment sur des revenus incluant la première fraction de l'indemnité d'éloignement de 37 060,73 euros, perçue par Mme A...le 26 août 2004, qui n'a pas à être prise en compte pour évaluer les pertes de revenus des années 2006 et 2007. Ainsi, en estimant à 2 000 euros, soit environ 166 euros par mois, le montant des primes que Mme A...a perdu une chance de percevoir, entre la fin du mois de septembre 2006 et le mois de septembre 2007, le tribunal n'a pas fait une appréciation insuffisante de ce chef de préjudice.

6. En ce qui concerne la période du 27 septembre 2007 au 26 juin 2008, durant laquelle Mme A...a été maintenue en congé de longue maladie à demi-traitement, l'ONIAM conteste sa condamnation par les premiers juges à verser à l'intéressée une indemnité correspondant aux pertes de traitements et de primes en faisant valoir qu'à compter de 2007, Mme A...a souffert d'un cancer du sein et n'a plus suivi le traitement qui lui avait été initialement prescrit contre l'hépatite C. Toutefois, ainsi que l'ont estimé les premiers juges, l'arrêté du 12 juin 2007 plaçant Mme A...en congé de longue maladie a été justifié par son état de santé du fait de sa contamination par le virus de l'hépatite C pour lequel l'intéressée a suivi un traitement jusqu'au mois de septembre 2007. Au surplus, et ainsi que l'ont également relevé les premiers juges, Mme A... a dû être placée à compter du 27 septembre 2007 en congé de longue maladie à demi-traitement par suite de l'épuisement de ses droits à congés de longue maladie à plein traitement, limités à un an en application de l'article 34 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984, l'épuisement de ses droits à plein traitement ayant pour origine le congé de longue maladie accordé à Mme A...du 27 septembre 2006 au 26 septembre 2007 à raison de l'hépatite C contractée par voie transfusionnelle. Ainsi, la perte de la moitié de son traitement à compter du 27 septembre 2007 doit être regardée comme directement imputable à sa contamination par le virus de l'hépatite C, alors même qu'à compter du mois de septembre 2007, Mme A...a cessé le traitement qui lui avait été prescrit au titre de cette maladie, qui était incompatible avec le traitement contre le cancer qu'elle dû suivre. Il n'est pas contesté que ces pertes de traitement s'élèvent à la somme de 16 963,60 euros, ainsi que l'a estimé le tribunal administratif. Compte tenu de ce qui a été dit au point 5, en évaluant à 2 000 euros les primes que Mme A...a perdu une chance de percevoir pendant cette période, les premiers juges n'ont pas fait une appréciation insuffisante de ce chef de préjudice.

7. Enfin, l'indemnité d'éloignement prévue par le décret n° 96-1028 du 27 novembre 1996 a pour objet de compenser les sujétions résultant d'un séjour effectif notamment à Mayotte. Par suite, alors même que Mme A...a dû quitter Mayotte pour rejoindre la métropole, en raison de la difficulté pour elle de bénéficier à Mayotte d'un traitement adapté à son état de santé, avant d'avoir atteint la durée de séjour qui lui aurait permis de percevoir la seconde fraction de l'indemnité, elle ne peut être regardée comme ayant subi un préjudice de ce fait. Par ailleurs, à supposer que Mme A...remplirait les conditions légales pour bénéficier de cette indemnité, le paiement de la somme correspondante incomberait, en tout état de cause, à l'employeur de Mme A...et non à l'ONIAM. Par suite, elle n'est pas fondée à se plaindre de ce que le tribunal administratif a rejeté sa demande sur ce point.

8. Il résulte de ce qui précède que l'ONIAM n'est pas fondé à demander l'annulation ou la réformation du jugement du tribunal administratif et que Mme A...est fondée à demander la réformation de ce jugement en tant qu'il a condamné l'ONIAM à lui verser une somme limitée à 20 963,06 euros alors que la somme de ses préjudices réparables s'établit, ainsi que cela résulte du total des montants retenus ci-dessus, à 21 228,06 euros.

Sur l'actualisation, les intérêts et la capitalisation des intérêts :

9. MmeA..., qui n'invoque pas d'omission à statuer sur ce point, a droit aux intérêts au taux légal sur la somme de 21 228,06 euros à compter de la date de réception par l'ONIAM de sa demande du 23 juillet 2012. Elle ne justifie en revanche, du fait du retard de l'ONIAM à lui verser cette somme, d'aucun préjudice distinct de celui qui est réparé par l'allocation des intérêts au taux légal et ne peut, par suite, demander en plus de ces intérêts, l'actualisation des sommes auxquelles l'ONIAM est condamné.

10. La capitalisation des intérêts a été demandée en appel le 30 juillet 2015. A cette date, il était dû au moins une année d'intérêts. Dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil, il y a lieu de faire droit à la demande à cette date ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date.

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'ONIAM une somme de 1 500 euros au titre des frais d'instance exposés par Mme A...et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La somme que l'ONIAM a été condamné à verser à Mme A...par le jugement du tribunal administratif de la Réunion du 26 février 2015 est portée à 21 228,06 euros.

Article 2 : La somme de 21 228,06 euros portera intérêts à compter de la date de réception par l'ONIAM de la réclamation de Mme A...du 23 juillet 2012. Les intérêts échus à la date du 30 juillet 2015 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de La Réunion du 26 février 2015 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : L'ONIAM versera à Mme A...la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : La requête de l'ONIAM et le surplus des conclusions d'appel de Mme A...sont rejetés.

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N° 15BX01554


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15BX01554
Date de la décision : 21/03/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-04-01 Responsabilité de la puissance publique. Réparation. Préjudice.


Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: Mme Elisabeth JAYAT
Rapporteur public ?: M. KATZ
Avocat(s) : CABINET VATIER et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 31/03/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2017-03-21;15bx01554 ?
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