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20/04/2017 | FRANCE | N°15BX00512

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre - formation à 3, 20 avril 2017, 15BX00512


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...F...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la décision du 2 août 2011 du président du conseil général de la Haute-Garonne et la décision implicite du maire de Beaumont-sur-Lèze rejetant ses demandes d'indemnisation de son préjudice consécutif à des coulées de boue dans sa propriété, de condamner les deux collectivités locales à lui verser la somme de 1 000 euros en réparation de ce préjudice et de leur enjoindre de faire procéder à la réalisation des travaux préconis

s par l'expert judiciaire.

Par un jugement n° 1104289 du 29 décembre 2014, le trib...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...F...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la décision du 2 août 2011 du président du conseil général de la Haute-Garonne et la décision implicite du maire de Beaumont-sur-Lèze rejetant ses demandes d'indemnisation de son préjudice consécutif à des coulées de boue dans sa propriété, de condamner les deux collectivités locales à lui verser la somme de 1 000 euros en réparation de ce préjudice et de leur enjoindre de faire procéder à la réalisation des travaux préconisés par l'expert judiciaire.

Par un jugement n° 1104289 du 29 décembre 2014, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande et a mis à la charge de M.F..., du département de la Haute-Garonne et de la commune de Beaumont-sur-Lèze, à parts égales, les frais d'expertise.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 11 février 2015, M. D...F..., représenté par la SELARL Callon avocat et conseil, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 29 décembre 2014 ;

2°) d'annuler les décisions contestées ;

3°) de condamner le département de la Haute-Garonne et la commune de Beaumont-sur-Lèze à exécuter, à leurs frais, les travaux préconisés par l'expert judiciaire dans son rapport dans un délai de six mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 1 000 euros par mois ;

4°) de condamner le département de la Haute-Garonne et la commune de Beaumont-sur-Lèze à lui verser la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts ;

5°) de mettre à la charge du département de la Haute-Garonne et de la commune de Beaumont-sur-Lèze la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens.

Il soutient que :

- contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, la responsabilité de la commune peut être recherchée, même en l'absence de faute, dès lors qu'il a subi, à la suite des coulées de boue dans sa propriété, des dommages matériels importants dus, indirectement au remembrement réalisé en 1990, et directement à l'insuffisante capacité des fossés bordant le chemin rural de Brunet, propriété de la commune, pour assurer l'évacuation des eaux pluviales dans de bonnes conditions ;

- compte tenu du caractère anormal et spécial de son préjudice, il est fondé à en demander l'indemnisation ; en effet, après chaque orage violent, sa propriété est inondée de gravats et de terre ;

- la commune n'est pas en droit de s'affranchir de sa responsabilité en invoquant la faute d'un tiers ;

- le tribunal administratif a considéré, à tort, que la responsabilité du département ne pouvait pas être retenue ; il ressort précisément du rapport d'expertise judiciaire que le fossé de la RD 43, appartenant à cette collectivité, doit être aménagé pour assurer une évacuation convenable des eaux de surface ;

- sa demande de dommages et intérêts à hauteur de 1 000 euros est légitime.

Par un mémoire en défense, enregistré le 11 décembre 2015, la commune de Beaumont-sur-Lèze, représentée par MeC..., conclut au rejet de la requête et demande la mise à la charge de M. F...de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens.

Elle soutient que :

- la requête est irrecevable car fondée sur une demande nouvelle dès lors que M. F... prétend que son préjudice serait imputable à la défectuosité des fossés longeant le chemin rural Brunet et non plus aux opérations de remembrement ; elle est mal dirigée car les opérations connexes au remembrement relèvent de la compétence de la commission d'aménagement foncier ; enfin, la demande de l'intéressé est prescrite ;

- les préjudices allégués n'étant survenus ni au cours de la réalisation de travaux publics ni à la suite d'un défaut d'entretien d'un ouvrage communal, le requérant n'est pas fondé à se prévaloir de la théorie des dommages de travaux publics ; sa demande est prescrite au plus tôt depuis 1995, au plus tard depuis 2005 ; en outre, non seulement un chemin rural n'est pas tenu d'avoir des fossés, contrairement à ce que soutient M.F..., mais l'intéressé n'établit pas le lien de cause à effet existant entre une éventuelle insuffisante évacuation des fossés et les dommages exposés ; compte tenu de la date d'acquisition de sa propriété, dix années après le remembrement, le requérant ne pouvait ignorer les risques auxquels il s'exposait au vu de la configuration des lieux ; le préjudice ne présente pas un caractère anormal et spécial dès lors qu'une coulée de boue n'a été constatée que durant l'année 2001 ; M. F...ne démontre pas le lien de causalité entre le sinistre et les travaux réalisés à l'occasion du remembrement, d'autant qu'aucun ruissellement de boue n'a été constaté depuis que l'exploitant laboure transversalement la parcelle 510 ;

- si la commune est considérée comme responsable du ravinement, elle accepte de prendre à sa charge les travaux d'un montant de 3 138 euros, correspondant à la première solution préconisée par l'expert ; sinon, elle demande que soit retenue la solution qu'elle a proposée au cours de l'expertise ; par ailleurs, il appartiendra au département de financer les opérations d'élargissement des ouvrages de canalisation de la route départementale 43.

Par un mémoire en défense, enregistré le 22 décembre 2015, le département de la Haute-Garonne, représenté par la société d'avocats Thévenot et associés, conclut au rejet de la requête et demande la mise à la charge de M. F...de la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- M. F...suggère, à tort, que les conclusions de l'expert impliqueraient la responsabilité du département ;

- la circonstance que les coulées de boue traversent la RD 43 est insuffisante pour engager sa responsabilité ; il ressort d'ailleurs clairement de l'expertise que celles-ci sont dues au remembrement dont la seule commune est responsable ; en outre, la dimension des ouvrages hydrauliques existants est suffisante pour récupérer et évacuer les eaux de ruissellement de la chaussée.

Par un mémoire en réplique, enregistré le 26 avril 2016, M.F..., représenté par la Selarl Callon avocat et conseil, reprend les conclusions de sa requête ;

Il soutient que :

- il est fondé à faire valoir pour la première fois en appel que ses préjudices sont imputables à l'insuffisance des fossés dès lors que le régime de la responsabilité sans faute, dont relève sa demande, est un moyen d'ordre public ;

- sa requête est bien dirigée puisque les dommages subis ont pour origine un défaut d'entretien normal d'un ouvrage public ;

- son action ne saurait être prescrite compte tenu des divers éléments qui ont interrompu les délais ;

- la commune ne peut s'exonérer de sa responsabilité car il lui appartenait d'entretenir les chemins ruraux à la suite du remembrement afin que les riverains soient préservés de tout risque d'inondation ;

- le préjudice lié aux coulées de boue subies revêt un caractère anormal et spécial ;

- la responsabilité du département est également engagée eu égard au sous-dimensionnement du fossé longeant la RD 43 et de l'aqueduc.

Par ordonnance du 29 avril 2016, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 8 juin 2016 à 12h00.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu le code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M.B...,

- les conclusions de M. E...de la Taille Lolainville, rapporteur public,

- et les observations de MeA..., représentant M.F....

Considérant ce qui suit :

1. M. F...possède sur le territoire de la commune de Beaumont-sur-Lèze un terrain sur lequel est implantée son habitation. Il se plaint de ce que sa propriété, située à l'intersection de deux voies, est régulièrement envahie par des coulées de boue occasionnant des dégâts. A sa demande, le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse a ordonné, le 26 mars 2009, une mesure d'expertise en vue notamment de décrire les désordres constatés, d'en connaître les causes, de fournir des éléments de nature à permettre une évaluation des dommages subis et de déterminer les responsabilités. L'expert a déposé son rapport au tribunal administratif le 25 mars 2010. M. F...relève appel du jugement du 29 décembre 2014 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du maire de Beaumont-sur-Lèze et du président du conseil général de la Haute-Garonne rejetant ses demandes tendant à l'indemnisation de son préjudice, à la condamnation des deux collectivités locales à lui verser la somme de 1 000 euros en réparation de ce préjudice et à ce qu'il leur soit enjoint de faire procéder à la réalisation des travaux préconisés par l'expert judiciaire.

2. Le terrain dont M. F...est propriétaire depuis l'année 2000 est situé le long de la route départementale n° 43, en contrebas d'une grande parcelle cultivée à flanc de coteau, cadastrée n° 510, que borde le chemin rural de Brunet. Il soutient que la commune de Beaumont-sur-Lèze et le département de la Haute-Garonne sont solidairement responsables des dommages causés à sa propriété par les coulées de boue survenues depuis qu'il en a fait l'acquisition et qui résultent notamment, selon lui, de la conjonction des effets des travaux connexes au remembrement communal intervenu en 1990, et de l'insuffisance des dispositifs de recueil et d'évacuation des eaux pluviales et de ruissellement jouxtant le chemin rural de Brunet et la RD 43.

3. La propriété de M. F...a été affectée à quatre reprises entre 2000 et 2007, lors d'orages particulièrement intenses, par des eaux de ruissellement chargées de gravats et de boue, provenant de la parcelle agricole située en surplomb de son terrain et dévalant le chemin rural de Brunet avant de traverser la route départementale. Il ne résulte toutefois d'aucun élément de l'instruction, contrairement à ce qu'allègue le requérant, que les fossés d'évacuation des eaux pluviales bordant le chemin rural de Brunet seraient insuffisamment dimensionnés au regard de la nature de cette voie et de son environnement. Il n'apparaît pas davantage que les dommages invoqués aient pu être causés par un défaut de conception ou d'aménagement de la RD 43, que les ruissellements occasionnels n'ont fait que traverser lors de très fortes précipitations. Il ressort en revanche des mentions du rapport d'expertise que les coulées ont été largement favorisées par les pratiques de labourage alors mises en oeuvre par l'exploitant de la parcelle n° 510, lequel avait pour usage de tracer des sillons dans le sens de la pente, ce qui avait pour effet, associé à la forte déclivité du terrain, de drainer les eaux de ruissellement vers le chemin rural, puis vers le terrain de M. F...situé en contrebas. A supposer, enfin, que le remembrement ait pu amplifier ce phénomène en raison des suppressions de haies et des arasements de talus qui en ont résulté, les opérations de remembrement, en l'état de la législation en vigueur à la date à laquelle elles ont été réalisées dans la commune, étaient effectuées au nom de l'Etat de sorte que, ainsi que l'a relevé le jugement attaqué, la responsabilité de la commune et du département ne peut être recherchée à ce titre. Par suite, aucun des griefs soulevé par M. F...à l'encontre de la commune de Beaumont-sur-Lèze et du département de la Haute-Garonne et susceptible de leur être imputé ne peut être regardé comme étant la cause déterminante des dommages causés à sa propriété et du préjudice dont il demande réparation. Par suite, le requérant n'est en tout état de cause pas fondé à rechercher la responsabilité solidaire de ces deux collectivités locales.

4. Pour les motifs qui viennent d'être exposés, et dès lors que M. F...ne les assortit pas d'autres moyens que ceux invoqués au soutien de sa demande indemnitaire, ses conclusions tendant à ce que soient annulées les décisions du maire de Beaumont-sur-Lèze et du président du conseil général de la Haute-Garonne refusant de faire réaliser les travaux préconisés par l'expert, ainsi que ses conclusions tendant à ce que la cour prescrive à la commune et au département l'exécution desdits travaux, ne peuvent en tout état de cause qu'être rejetées.

5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les fins de non-recevoir opposées par la commune de Beaumont-sur-Lèze, que M. F...n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de maintenir la répartition de la charge des frais d'expertise telle qu'elle a été fixée par le tribunal administratif. Les conclusions présentées par le requérant sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative à l'encontre des deux collectivités locales, qui ne sont pas parties perdantes, ne peuvent qu'être rejetées. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la commune et du département présentées au titre de ces mêmes dispositions.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. F...est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la commune de Beaumont-sur-Lèze et le département de la Haute-Garonne au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D...F..., au département de la Haute-Garonne et à la commune de Beaumont-sur-Lèze.

Délibéré après l'audience du 28 mars 2017 à laquelle siégeaient :

M. Aymard de Malafosse, président,

M. Laurent Pouget, président-assesseur,

Mme Marie-Pierre Beuve-Dupuy, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 20 avril 2017.

Le rapporteur,

Laurent B...Le président,

Aymard de MALAFOSSELe greffier,

Virginie MARTY

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

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N° 15BX00512


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15BX00512
Date de la décision : 20/04/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Responsabilité de la puissance publique - Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité.

Travaux publics - Différentes catégories de dommages - Dommages causés par l'existence ou le fonctionnement d'ouvrages publics - Conception et aménagement de l'ouvrage.


Composition du Tribunal
Président : M. DE MALAFOSSE
Rapporteur ?: M. Laurent POUGET L.
Rapporteur public ?: M. de la TAILLE LOLAINVILLE
Avocat(s) : SELARL CALLON AVOCAT et CONSEIL

Origine de la décision
Date de l'import : 02/05/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2017-04-20;15bx00512 ?
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