La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

22/06/2017 | FRANCE | N°15BX00761

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre - formation à 3, 22 juin 2017, 15BX00761


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le préfet de la région Martinique a demandé au tribunal administratif de la Martinique d'annuler la décision du 3 juin 2014 par laquelle le maire de la commune du Gros-Morne a délivré un certificat de permis d'aménager tacite à Mme E...A....

Par un jugement n° 1400576 du 30 décembre 2014, le tribunal administratif de la Martinique a annulé la décision du 3 juin 2014.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 6 mars 2015 et le 10 octobre 2016, Mme

E... A..., représentée par MeC..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal a...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le préfet de la région Martinique a demandé au tribunal administratif de la Martinique d'annuler la décision du 3 juin 2014 par laquelle le maire de la commune du Gros-Morne a délivré un certificat de permis d'aménager tacite à Mme E...A....

Par un jugement n° 1400576 du 30 décembre 2014, le tribunal administratif de la Martinique a annulé la décision du 3 juin 2014.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 6 mars 2015 et le 10 octobre 2016, Mme E... A..., représentée par MeC..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de la Martinique du 30 décembre 2014 ;

2°) de rejeter le déféré du préfet de la région Martinique ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative

Elle soutient que :

- le préfet n'a pas assorti son déféré de la notification, prévue par l'article R.600-1 du code de l'urbanisme, à la mairie de Gros-Morne et à la bénéficiaire du permis d'aménager ;

- le jugement est irrégulier ; les premiers juges ont retenu un moyen tiré du non respect de " l'article 12 de l'arrêté du 1er décembre 2008 ", pris par le préfet de la Martinique, portant déclaration d'utilité publique et instaurant une distance de 15 mètres entre un captage d'eau destiné à la consommation humaine et une nouvelle construction, alors que ce moyen n'avait pas été soulevé par le préfet ; le préfet a seulement soulevé le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 13 de l'arrêté du 11 décembre 2008 en se référant au classement de la parcelle Z 362 en zone NC et non pas à la distance de 15 mètres entre les constructions et les berges des cours d'eau ;

- le jugement est entaché d'une erreur de fait ; la distance de 15 mètres prévue par les dispositions de l'arrêté du 11 décembre 2008 est bien respectée ; il appartient au préfet de prouver le contraire, et si la cour en disconvenait il lui reviendrait de désigner un géomètre-expert pour mesurer la distance entre les berges de la Lézarde et la parcelle n° Z 740 ; le permis litigieux a pour objet la réalisation de quatre lots et ne prévoit l'édification d'aucune construction ;

- en modifiant le zonage de la parcelle Z 362, d'une zone NAud à une zone NC, réservée à l'agriculture, l'élevage ou à l'exploitation de carrière, l'arrêté du 11 décembre 2008 est entaché de détournement de pouvoir, d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que le terrain n'a aucune vocation agricole et qu'aucune parcelle n'est située en zone NC à proximité ; le classement en zone NC est incompatible avec l'article R. 1321-13 du code de la santé publique, dès lors que les activités agricoles, d'élevage ou de carrières emportent une pollution des eaux ;

Par des mémoires en défense, enregistrés le 18 aout 2016 et le 9 novembre 2016, la commune de Gros-Morne, représentée par MeB..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de Mme A...la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens.

Elle soutient que :

- le déféré a bien été notifié conformément aux dispositions de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme ;

- le préfet, en soulevant la méconnaissance de l'ensemble des dispositions de l'article 13 de son arrêté du 11 décembre 2008, a entendu se prévaloir à la fois du non respect de la distance de 15 mètres entre les constructions et extensions et le captage d'eau, et de la modification du zonage du terrain d'assiette de l'aménagement envisagé ; Mme A...n'a pas justifié du respect de la distance de protection du captage d'eau en se prévalant d'une simple mesure par Géoportail;

- le tribunal, en se fondant sur l'article 12 de l'arrêté du 1er décembre 2008 au lieu de l'article 13 de l'arrêté du 11 décembre 2008, a simplement commis une erreur de plume ;

- le classement en zone NC est justifié ; l'absence de parcelles classées en zone NC aux environs ne suffit pas à démontrer l'illégalité du classement de la parcelle Z 362 en zone NC ; aucun projet susceptible de justifier la modification du zonage n'est actuellement envisagé sur la parcelle ; dans ces conditions, la désignation d'un géomètre-expert pour mesurer la distance aux berges est inutile.

Par ordonnance du 10 octobre 2016, la clôture d'instruction a été fixée au 10 novembre 2016 à 12h00.

Les parties ont été informées par lettre du 12 mai 2017 qu'en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de la méconnaissance du champ d'application de la loi : le refus d'instruction opposé le 11 juillet 2013 devant être regardé comme un rejet de la demande, aucun permis tacite n'a pu naître et le maire ne pouvait donc délivrer un certificat de permis tacite en application de l'article L. 424-2 du code de l'urbanisme.

En réponse à la communication de ce moyen d'ordre public, la commune de Gros Morne a présenté des observations par un mémoire enregistré le 18 mai 2017.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jean-Claude Pauziès ;

- les conclusions de M. Nicolas Normand, rapporteur public ;

- et les observations de MeD..., représentant Mme A...;

Considérant ce qui suit :

1. Mme A...est propriétaire d'une parcelle Z 362 située Chemin Rivière-Lézarde sur le territoire de la commune de Gros Morne. Cette parcelle a fait l'objet d'une division en cinq parcelles désormais cadastrées Z 736 à 740. Mme A...a déposé le 10 juillet 2013 une demande de permis d'aménager pour la réalisation d'un lotissement " Le Clos d'Eulalie " sur les parcelles Z 737 à 740. Par courrier en date du 11 juillet 2013, le maire de la commune de Gros Morne a indiqué à Mme A...que sa demande était " irrecevable " faute d'être présentée par un architecte. Après que Mme A...a demandé le 25 avril 2014 la délivrance d'un certificat de permis d'aménager tacite, le maire de la commune de Gros Morne a délivré le 3 juin 2014 ce certificat. Le préfet de la Martinique a déféré devant le tribunal administratif de la Martinique ladite décision, qui a été annulée par un jugement du 30 décembre 2014 dont Mme A...relève régulièrement appel.

Sur la régularité du jugement

2. Mme A...soutient que le tribunal administratif a méconnu son office en retenant un moyen tiré de la méconnaissance de " l'article 12 de l'arrêté du préfet de la Martinique du 1er décembre 2008 ", alors que le préfet n'avait soulevé que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 13 de l'arrêté du 11 décembre 2008.

3. Il ressort du jugement attaqué que le tribunal a commis une simple erreur de plume dans la numérotation de l'article et de la date de l'arrêté visé. En effet, si les premiers juges ont bien cité à tort l'article 12 de l'arrêté du 1er décembre 2008, ils se sont expressément référés aux dispositions de l'article 13 de l'arrêté du 11 décembre 2008 sur lesquelles ils se fondent pour annuler la décision du 3 juin 2014.

4. Dans son mémoire présenté devant le tribunal, le préfet de la Martinique s'est borné à invoquer l'article 13 de l'arrêté du 11 décembre 2008 en tant qu'il a fixé le classement de la parcelle Z 362 en zone NC, et il n'a pas soulevé le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de cet article relatives à la distance de 15 mètres entre les constructions nouvelles et les berges des cours d'eau. Ainsi, les premiers juges ont soulevé d'office un moyen qui n'est pas d'ordre public. Toutefois, pour annuler la décision du 3 juin 2014, le tribunal a également retenu le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article NC du règlement du plan d'occupation des sols, lequel suffisait à justifier l'annulation de la décision du 3 juin 2014. Dans ces circonstances, cette irrégularité n'est pas de nature à entraîner l'annulation du jugement.

Sur la légalité de la décision du 3 juin 2014 :

Sans qu'il soit besoin de statuer sur les moyens de la requête :

5. Aux termes de l'article L. 424-2 du code de l'urbanisme : " Le permis est tacitement accordé si aucune décision n'est notifiée au demandeur à l'issue du délai d'instruction. / Un décret en Conseil d'Etat précise les cas dans lesquels un permis tacite ne peut être acquis. " Aux termes de l'article R. 424-1 du même code : " A défaut de notification d'une décision expresse dans le délai d'instruction déterminé comme il est dit à la section IV du chapitre III ci-dessus, le silence gardé par l'autorité compétente vaut, selon les cas : b) Permis de construire, permis d'aménager ou permis de démolir tacite. " Aux termes de l'article R. 424-13 du même code : " En cas de permis tacite ou de non-opposition à un projet ayant fait l'objet d'une déclaration, l'autorité compétente en délivre certificat sur simple demande du demandeur, du déclarant ou de ses ayants droit. "

6. Il ressort des pièces du dossier que par lettre en date du 11 juillet 2013, le maire de la commune de Gros Morne a informé Mme A...de ce que sa demande était " irrecevable " faute d'être présentée par un architecte. Dans les termes où il est rédigé, ce courrier doit être regardé comme une décision de rejet de la demande de permis d'aménager. Dès lors, aucun permis tacite n'a pu naître et le maire de la commune de Gros Morne ne pouvait dans ces conditions délivrer un certificat de permis tacite. Par suite, la décision du 3 juin 2014 ne pouvait qu'être annulée.

7. Il résulte de ce qui précède que Mme A...n'est pas fondée à se plaindre de ce que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de La Martinique a annulé la décision du 3 juin 2014 par laquelle le maire de Gros-Morne lui a délivré un certificat de permis d'aménager tacite.

Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :

8. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme A...est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la commune de Gros-Morne présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de la cohésion des territoires, à Mme E...A..., à la commune de Gros Morne, et au préfet de la Martinique.

Délibéré après l'audience du 24 mai 2017 à laquelle siégeaient :

Mme Catherine Girault, président,

M. Jean-Claude Pauziès, président-assesseur,

M. Paul-André Braud, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 22 juin 2017.

Le rapporteur,

Jean-Claude PAUZIÈSLe président,

Catherine GIRAULTLe greffier,

Vanessa BEUZELIN

La République mande et ordonne au ministre de la cohésion des territoires en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

5

No 15BX00761


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15BX00761
Date de la décision : 22/06/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-04 Urbanisme et aménagement du territoire. Autorisations d`utilisation des sols diverses.


Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: M. Jean-Claude PAUZIÈS
Rapporteur public ?: M. NORMAND
Avocat(s) : BOISSY AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2017-06-22;15bx00761 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award