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27/07/2017 | FRANCE | N°15BX00251

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre - formation à 3, 27 juillet 2017, 15BX00251


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme C...A...ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis de l'année 2006.

Par un jugement n°1303243 du 25 septembre 2014, le tribunal administratif de Bordeaux a accordé décharge à M. et MmeA..., en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au ti

tre de l'année 2006 et mis à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros au titre de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme C...A...ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis de l'année 2006.

Par un jugement n°1303243 du 25 septembre 2014, le tribunal administratif de Bordeaux a accordé décharge à M. et MmeA..., en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2006 et mis à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administratif.

Procédure devant la cour :

Par un recours et des mémoires enregistrés les 21 janvier 2015, 29 septembre 2015, 10 décembre 2015 et 13 janvier 2016, le ministre des finances et des comptes publics demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 25 septembre 2014 ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. et Mme A...devant le tribunal administratif de Bordeaux.

Il soutient que :

- les dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales n'ont pas été méconnues ; l'obligation de communication des documents obtenus de tiers ne porte que sur les documents ayant effectivement servi à établir l'imposition, et ne s'étend pas aux documents dont le contenu est nécessairement connu des contribuables ou librement accessible au public ; le requérant n'a pas demandé la communication de la proposition de rectification adressée le 29 juillet 2009 à la société MBRI et de la délibération du conseil de surveillance du 13 avril 2006 laquelle ne décide pas de l'octroi de la prime, et ces documents n'ont au demeurant pas fondé les impositions litigieuses ; aucun des quatre documents dont le contribuable demandait la communication dans son courrier du 24 décembre 2012 , reçu le 28 décembre 2012, n'avait à lui être communiqué ; en effet :

- l'avis de la commission nationale des impôts n'a pas été obtenu d'un tiers et ne fonde pas l'imposition litigieuse ;

- la convention collective " cadres " est un document à caractère officiel, accessible au public à partir du site du journal officiel, et dont la force obligatoire est subordonnée par sa parution au journal officiel ;

- le salarié est en possession de son contrat de travail ;

- s'agissant de la délibération du conseil de surveillance du 13 avril 2006, un passage en est reproduit par le contribuable dans ses observations formulées le 28 décembre 2009 en réponse à la proposition de rectification, de sorte que ce document était en sa possession ;

- c'est à tort que les premiers juges ont qualifié de traitements et salaires la prime exceptionnelle perçue en 2006 par M. A...; le tribunal administratif de Montreuil a pour sa part estimé que l'administration établissait le caractère excessif des primes exceptionnelles versées en 2006 par la société MBRI, et ladite société s'est désistée de l'appel présenté devant la cour administrative d'appel de Versailles, ne contestant ainsi plus la qualification faite par le service ; le caractère excessif de la prime litigeuse est établi ; ainsi :

- les primes en cause représentent entre 25 % et 361 % du salaire net des bénéficiaires ; M.A..., dont la rémunération annuelle brute hors prime se montait en 2006 à 167 677 euros, a perçu une prime exceptionnelle brute se montant à 513 700 euros, soit 3, 06 fois le montant de sa rémunération brute annuelle ;

- les travaux supplémentaires effectués par les cadres et mentionnés dans le procès-verbal de la réunion du conseil de surveillance du 13 avril 2006, relevaient de l'exécution normale du contrat de travail et aient donc couverts par le salaire annuel ; la participation du directeur marketing et export Groupe aux opérations de restructuration relève de l'exécution de son contrat de travail ; l'intéressé a d'ailleurs participé auparavant, de 2002 à 2004, à plusieurs opérations de restructuration de groupes, sans que les travaux occasionnés par cette participation ne donnent lieu à une rémunération supplémentaire ; M. A...ayant été directeur marketing du groupe L'Oréal pour la zone Pacifique et Moyen-Orient puis directeur marketing de la société de négoce en vins CVBG Dourthe Kresmann, il a été recruté pour son expertise dans les opérations de restructuration et sa connaissance du secteur des vins ;

- il n'est pas justifié de ce que les travaux supplémentaires représentaient en volume trois fois les tâches incombant à l'intéressé ; la rémunération du contribuable comportait une part variable de nature à prendre en compte les évènements exceptionnels intervenus en cours d'année ;

- les tâches effectivement rémunérées par la prime litigieuse ne sont évoquées qu'au travers de grandes catégories de travaux ; aucun recensement, même approximatif, des tâches effectuées, n'est apporté, de sorte qu'il est impossible de corréler selon des critères objectifs le travail fourni avec le montant de la prime ;

- le temps passé sur ces travaux n'est pas précisé par une simple affirmation d'ordre général selon laquelle l'intéressé s'y serait consacré " sept jours sur sept, jours et nuits, pendant plusieurs mois " ; en tout état de cause, la circonstance que les travaux auraient été effectués en dehors des horaires habituels de travail est inopérante au regard de la qualité de cadres dirigeants des bénéficiaires des primes ;

- les justifications au versement de cette prime figurant dans le procès-verbal de la réunion du conseil de surveillance du 13 avril 2006, qui prend acte de la réunion du comité des ressources humaines du 29 mars 2006, diffère de celles avancées dans l'attestation de M. B..., ancien président du directoire ; en effet, selon cette attestation, le montant a été fixé en prenant compte de l'accroissement du résultat d'exploitation de l'entreprise entre 2004 et 2005, des résultats fin juin 2006, du niveau de responsabilité et de l'ancienneté dans l'entreprise ; toutefois, la prise en compte du résultat fin juin 2006 ne pouvait être le motif de versement de la prime, décidé antérieurement à cette circonstance, soit par décision du comité des ressources humaines du 29 mars 2006 ;

- la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires de la Gironde a estimé par son avis du 26 octobre 2012 que le contribuable n'apportait aucune précision sur les modalités de calcul de la prime et les travaux rémunérés par celle-ci ;

- ne connaissant pas le détail des travaux rémunérés par la prime, l'administration n'est pas en mesure de prouver par la mise en oeuvre d'une méthode comparative le caractère exagéré de cette rémunération ;

- la prime litigieuse s'apparente à un intéressement aux bénéfices, non prévu contractuellement, ainsi que cela résulte d'ailleurs de l'attestation de M.B..., qui indique que le montant de la prime a été fixé en tenant compte de l'accroissement du résultat d'exploitation depuis 2004 et " saluait également la qualité du travail fourni par l'équipe pendant les cinq années précédentes " ; un intéressement aux bénéfices ne saurait être imposé dans la catégorie des traitements et salaires s'il est effectué comme en l'espèce en dehors du cadre du code de travail, qui impose qu'il soit versé conformément à l'accord signé au sein de l'entreprise ou au contrat de travail ;

- ainsi que l'indique la proposition de rectification du 30 novembre 2009, les rectifications sont fondées sur les dispositions des articles 109-1 1°, 111 c et 111 d du code général des impôts ; la prime litigieuse, qui s'apparente à une allocation des bénéfices de l'entreprise, a été à juste titre imposée dans la catégorie de revenus de capitaux mobiliers.

Par des mémoires en défense enregistrés les 31 mars 2015, 26 octobre 2015, 23 décembre 2015 et 14 janvier 2016, M. et Mme C...A..., représentés par MeD..., concluent au rejet du recours et à la mise à la charge de l'Etat d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- les décisions rendues à l'égard de la société MBRI ne leur sont pas opposables ;

- la procédure d'imposition est entachée d'une irrégularité tenant à la méconnaissance des dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales ; en l'espèce, leur demande portait sur l'ensemble des documents utilisés par le service et cités dans la proposition de rectification et dans le rapport du service vérificateur produit devant la commission départementale des impôts , et non pas seulement sur les documents cités ; certains des documents sur lesquels l'administration s'est fondée ne leur ont été communiqués qu'après la mise en recouvrement des impositions litigieuses ; le contrat de travail de M. A...et l'avis de la commission départementale des impôts relatif au contrôle de la société MBRI ne leur ont pas été communiqués ; il n'existe aucune obligation légale ayant pour objet de rendre accessible au public les documents dont la communication était demandée ; contrairement à ce qu'indique l'administration, l'obligation de communication porte aussi sur les documents détenus par le contribuable ; les documents dont la communication a été demandée ont servi à établir les impositions en cause ;

- le service, qui a la charge de la preuve, a qualifié à tort la prime litigieuse de revenu distribué ; en effet :

- l'administration a admis le caractère effectif du travail exceptionnel effectué par M. A..., tant devant la commission départementale des impôts que devant le tribunal ; l'administration a également admis que cette prime constituait un complément de salaire s'agissant du directeur finance et stratégie et du directeur des comptabilités du groupe, qui ont bénéficié de primes moins élevées ; c'est donc bien le montant des primes qui est en cause, et non pas la réalité des travaux fournis ;

- l'administration ne démontre pas le caractère excessif de la prime ; M. A...n'est ni dirigeant, ni associé de la société MBRI et n'appartenait pas au comité des ressources humaines qui a décidé le versement de la prime en cause ; la commission départementale des Yvelines a pour sa part estimé que l'administration n'établissait pas le caractère exagéré des primes versées par la société MBRI en s'abstenant de toute référence au coût qu'aurait engendré la fourniture des prestations en cause par un cabinet d'audit ; le montant de la prime ne saurait être excessif en lui-même ; le coefficient multiplicateur mis en avant par le service n'est pas un argument pertinent compte tenu des travaux exceptionnels réalisés sur une période allant jusqu'a cinq années ; la prime est d'ailleurs proportionnelle à l'ancienneté des bénéficiaires dans l'entreprise depuis 2001 ; l'administration ne fournit aucun élément de comparaison ; elle ne démontre pas davantage le caractère non crédible de l'affirmation de M. A...sur la charge de travail impliquée par les travaux exceptionnels réalisés ; l'attestation de M. B...ne contredit pas le procès-verbal de réunion du conseil de surveillance du 13 avril 2006 ;

- les missions rémunérées par la prime n'étaient pas incluses dans les objectifs annuels fixés dans le cadre du versement des primes contractuelles ;

- les primes représentent une part infime du chiffre d'affaires de la société MBRI ;

- en admettant que la prime s'apparente à un intéressement aux bénéfices, elle entre de toute façon dans la catégorie des traitements et salaires ;

- l'administration n'a pas mis en oeuvre les critères de qualification d'une rémunération excessive prévus par la documentation administrative 4 C-441 n°12 du 30 octobre 1997.

Par ordonnance du 14 décembre 2015, la clôture d'instruction a été fixée au 18 janvier 2016 à 12 heures.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy,

- les conclusions de M. Guillaume de La Taille Lolainville, rapporteur public,

- et les observations de MeD..., représentant M. et MmeA....

Des notes en délibéré présentées pour M. et Mme A...ont été enregistrées les 4 et 6 juillet 2017.

Considérant ce qui suit :

1. M.A..., qui exerçait les fonctions de directeur marketing groupe et directeur export au sein de la société Marie Brizard et Roger International (MBRI), dont il était également membre du comité exécutif, a perçu en juillet 2006 une prime exceptionnelle d'un montant brut de 513 700 euros. Par une proposition de rectification du 26 novembre 2009, l'administration fiscale a remis en cause l'imposition de cette prime dans la catégorie des traitements et salaires, estimant qu'elle devait être imposée comme revenu distribué sur le fondement des dispositions des articles 109-1 1° et 111 d) du code général des impôts. M. et Mme A...ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont en conséquence été assujettis au titre de l'année 2006. Par un jugement n°1303243 du 25 septembre 2014, le tribunal les a déchargés, en droits et pénalités, desdites impositions. Le ministre des finances et des comptes publics relève appel de ce jugement.

2. Aux termes de l'article 39 du code général des impôts : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment : 1° Les frais généraux de toute nature, les dépenses de personnel et de main-d'oeuvre, le loyer des immeubles dont l'entreprise est locataire. Toutefois les rémunérations ne sont admises en déduction des résultats que dans la mesure où elles correspondent à un travail effectif et ne sont pas excessives eu égard à l'importance du service rendu. Cette disposition s'applique à toutes les rémunérations directes ou indirectes, y compris les indemnités, allocations, avantages en nature et remboursements de frais ". Aux termes de l'article 109 du même code : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital ... ". L'article 111 du même code dispose : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : ... d) La fraction des rémunérations qui n'est pas déductible en vertu de l'article 39-1-1°. ".

3. Le versement de la prime exceptionnelle litigieuse est justifié, selon la délibération du 13 avril 2006 du conseil de surveillance de la société MBRI, par les travaux exceptionnels fournis " en dehors des horaires habituels de travail " dans le cadre d'opérations de restructuration du groupe ayant consisté, au cours de l'année 2005, en l'acquisition et l'intégration au groupe de la société William Pitters International (WPI), puis, au cours de la période allant de septembre 2005 à février 2006, en la cession du groupe à la société Belvédère. Ainsi que l'administration le fait valoir, alors que la prime en cause de 513 700 euros versée à M. A...est plus de trois fois supérieure à sa rémunération annuelle brute hors prime, la teneur et le volume des travaux supplémentaires qu'elle est censée rémunérer ne sont pas identifiés. Sur ce point, M. A...explique, sans précision, avoir étudié plusieurs dossiers de marques ou d'entreprises de scotch whiskies potentiellement à vendre, effectué des études préalables à l'offre d'acquisition de la société WPI et participé à l'intégration opérationnelle de cette société. Ainsi que le soutient le service, sa participation telle que susdécrite à cette opération de restructuration relevait des missions qui lui étaient assignées en qualité de directeur marketing groupe et directeur export, et aucun élément précis n'est au demeurant apporté permettant d'évaluer le temps de travail consacré aux tâches y afférentes. Par ailleurs, l'intéressé n'a donné aucune précision sur les tâches supplémentaires qu'il aurait été conduit à assumer dans le cadre de l'opération de cession de la société MBRI à la société Belvédère. L'administration fait en outre valoir que la rémunération annuelle du contribuable comportait une part variable d'environ 20 %, qui lui a été versée en 2006, ayant vocation à prendre en compte les évènements exceptionnels intervenus en cours d'année. Il ressort enfin de l'attestation établie par l'ancien président du directoire de la société MBRI, selon laquelle le versement de la prime en cause visait également à " saluer la qualité du travail fourni pendant les cinq années précédentes, qui a permis un redressement spectaculaire de la société MBRI ", que le versement de cette prime n'a pas eu pour contrepartie la réalisation par l'intéressé de tâches autres que celles lui incombant normalement. Dès lors, l'administration démontre que la somme litigieuse ne constitue pas la rémunération d'un travail excédant les tâches qui incombaient à M. A...en sa qualité de directeur marketing groupe et directeur export au sein de la société MBRI et qui avaient pour contrepartie la rémunération prévue par son contrat de travail, et qu'elle présente, dès lors, le caractère d'une rémunération excessive constituant un revenu distribué au sens des dispositions précitées du d) de l'article 111 du code général des impôts.

4. Il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le tribunal administratif de Bordeaux s'est fondé sur le motif tenant à la méconnaissance par l'administration des dispositions précitées des articles 109 et 111 d du code général des impôts pour prononcer la décharge des impositions litigieuses. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. et Mme A...à l'appui de leur contestation de ces impositions.

5. Aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande ".

6. Il incombe à l'administration, quelle que soit la procédure d'imposition mise en oeuvre, et au plus tard avant la mise en recouvrement, d'informer le contribuable dont elle envisage soit de rehausser, soit d'arrêter d'office les bases d'imposition, de l'origine et de la teneur des renseignements obtenus auprès de tiers qu'elle a utilisés pour fonder les impositions, avec une précision suffisante pour permettre à l'intéressé de demander que les documents qui contiennent ces renseignements soient mis à sa disposition avant la mise en recouvrement des impositions qui en procèdent. Lorsque le contribuable en fait la demande à l'administration, celle-ci est tenue de lui communiquer les documents ou copies de documents contenant les renseignements obtenus auprès de tiers qui lui sont opposés ; il en va ainsi alors même que le contribuable a pu avoir connaissance de ces renseignements ou de certains d'entre eux, afin notamment de lui permettre d'en vérifier, et le cas échéant d'en discuter, l'authenticité et la teneur.

7. Il résulte de l'instruction que par un courrier du 24 décembre 2012, reçu le 28 décembre suivant, M. A...a, sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales, sollicité " une copie de l'ensemble des éléments invoqués par vos services dans le cadre de la rectification en cause et dont je ne dispose pas dans mes dossiers (contrat de travail, convention collective, décision du conseil de surveillance MBRI décidant l'octroi de la prime, avis de la commission nationale des impôts directs, etc ) ". L'intéressé fait valoir, d'une part, que la délibération du 13 avril 2006 par laquelle le conseil de surveillance de la société MBRI a décidé de lui octroyer une prime exceptionnelle et le contrat de travail qu'il avait conclu avec cette société ne lui ont été transmis que le 15 février 2013, postérieurement à la mise en recouvrement des impositions, d'autre part, que les autres documents dont il avait sollicité la transmission ne lui ont pas été communiqués.

8. En admettant même que le courrier du contribuable du 24 décembre 2012 puisse être regardé comme visant également la proposition de rectification du 29 juillet 2009 adressée à la société MBRI, ce document, établi par l'administration fiscale, n'a pas été obtenu par les services auprès d'un tiers. Il ne résulte au demeurant pas de l'instruction que la proposition de rectification adressée à la société MBRI aurait contenu des renseignements ayant servi à établir les suppléments d'imposition assignés à M. A...sans que ces renseignements ne soient portés à sa connaissance dans la proposition de rectification qui lui a été adressée. N'entre pas davantage dans le champ d'application des dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales l'avis du 9 novembre 2011 de la commission nationale des impôts directs de taxes sur le chiffre d'affaires sur le différend opposant l'administration fiscale et la société MBRI, avis qui a en tout état de cause été émis postérieurement à l'établissement des impositions litigieuses. Puis, la référence faite par le service à la " convention collective cadres ", destinée à appuyer ses observations relatives au droit du travail applicable aux cadres en termes d'horaires de travail, ne permet pas de considérer que l'administration se serait effectivement fondée sur cette convention pour fonder les rectifications.

9. En revanche, contrairement à ce que soutient l'administration, le courrier susmentionné adressé le 28 décembre 2012 par M. A...tendait à ce que lui soit transmise la délibération du 13 avril 2006 par laquelle le conseil de surveillance de la société MBRI a approuvé l'octroi, à son profit, d'une prime exceptionnelle, et exposé les motifs de ce versement. Les renseignements contenus dans ce document, qui ont conduit le service à requalifier la prime en cause en revenu distribué, ont servi à établir les impositions litigieuses. Il en va de même du contrat de travail conclu entre le contribuable et la société MBRI. Si l'administration fait valoir que l'intéressé était en possession tant de son contrat de travail que de ladite délibération, dont il a cité un extrait dans ses observations formulées sur la proposition de rectification, cette circonstance ne permet toutefois pas de considérer que M. A...a bénéficié de la garantie instituée par l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales, qui consiste notamment, ainsi qu'il a été dit, à permettre au contribuable de vérifier, et le cas échéant, de discuter l'authenticité et la teneur des documents contenant les renseignements obtenus auprès de tiers qui lui sont opposés. Or, il résulte de l'instruction qu'en méconnaissance des dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales, le contrat de travail conclu entre M. A...et ladite délibération du conseil de surveillance de la société MBRI n'ont été transmis à l'intéressé que le 15 février 2013, postérieurement à la mise en recouvrement des impositions intervenue le 31 décembre 2012. Les impositions litigieuses ont par suite été établies à l'issue d'une procédure irrégulière qui, ayant privé M. A...d'une garantie, entraîne la décharge desdites impositions.

10. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens invoqués par M. et MmeA..., que le ministre des finances et des comptes publics n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a prononcé la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles les intéressés ont été assujettis au titre de l'année 2006.

11. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de quelque somme que ce soit en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : Le recours du ministre des finances et des comptes publics est rejeté.

Article 2 : Les conclusions présentées par M. et Mme A...sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme C...A...et au ministre de l'action et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 4 juillet 2017 à laquelle siégeaient :

M. Aymard de Malafosse, président,

M. Laurent Pouget, président-assesseur,

Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 27 juillet 2017.

Le rapporteur,

Marie-Pierre BEUVE DUPUYLe président,

Aymard de MALAFOSSE

Le greffier,

Virginie MARTY

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics, en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 15BX00251


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15BX00251
Date de la décision : 27/07/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Généralités - Règles générales d'établissement de l'impôt - Contrôle fiscal - Droit de communication.

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières - Revenus des capitaux mobiliers et assimilables - Revenus distribués - Notion de revenus distribués - Imposition personnelle du bénéficiaire.


Composition du Tribunal
Président : M. DE MALAFOSSE
Rapporteur ?: Mme Marie-Pierre DUPUY
Rapporteur public ?: M. de la TAILLE LOLAINVILLE
Avocat(s) : BOUCLIER

Origine de la décision
Date de l'import : 04/08/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2017-07-27;15bx00251 ?
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