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03/02/2000 | FRANCE | N°96DA01337

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre, 03 février 2000, 96DA01337


Vu l'ordonnance, en date du 30 août 1999, par laquelle le président de la cour administrative d'appel de Nancy a, en application du décret n 99-435 du 28 mai 1999 portant création d'une cour administrative d'appel à Douai et modifiant les articles R 5, R 7 et R 8 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, transmis à la cour administrative d'appel de Douai la requête présentée pour Mme Marie-Louise Y..., demeurant à Lataule (60490), par Me X..., avocat ;
Vu ladite requête, enregistrée le 22 avril 1999 au greffe de la cour administrative d'appel de

Nancy, par laquelle Mme Y... demande à la Cour :
1 ) d'annul...

Vu l'ordonnance, en date du 30 août 1999, par laquelle le président de la cour administrative d'appel de Nancy a, en application du décret n 99-435 du 28 mai 1999 portant création d'une cour administrative d'appel à Douai et modifiant les articles R 5, R 7 et R 8 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, transmis à la cour administrative d'appel de Douai la requête présentée pour Mme Marie-Louise Y..., demeurant à Lataule (60490), par Me X..., avocat ;
Vu ladite requête, enregistrée le 22 avril 1999 au greffe de la cour administrative d'appel de Nancy, par laquelle Mme Y... demande à la Cour :
1 ) d'annuler le jugement n 91-1588 en date du 20 février 1996 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à la décharge des impositions supplémentaires à l'impôt sur le revenu mises à sa charge au titre des années 1985, 1986 et 1987 ;
2 ) de lui accorder la décharge de la somme de 247 276 F y compris les intér ts moratoires y afférents ainsi que de la contribution sociale généralisée mise à la charge de Mme Y... pour un montant de 12 666 F ;
3 ) de prononcer le sursis à exécution du jugement ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Vu le décret n 99-435 du 28 mai 1999 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 janvier 2000
- le rapport de Mme Tandonnet-Turot, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Mulsant, commissaire du gouvernement ;

Considérant que Mme Y..., qui exerce dans l'Oise la profession d'agricultrice, a, le 30 avril 1987, apporté son exploitation agricole à la SCEA de la Somme d'Or dont elle et son fils sont les seuls associés ; qu'elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité qui a porté sur les exercices clos les 30 septembre 1985, 30 septembre 1986 et 30 avril 1987 à l'issue de laquelle le service lui a notifié des redressements concernant l'intéressement versé à son fils en 1985 et 1986 en sa qualité d'associé d'exploitation, l'évaluation des améliorations du fonds lors de l'apport de son exploitation individuelle à la SCEA de la Somme d'Or et enfin l'évaluation des quatre cents parts de la SCEA Braines-Mouchy-Humières (B-M-H) reprises dans son patrimoine privé le 30 avril 1987 ; que Mme Y... conteste le bien-fondé de ces redressements ;
Sur la rémunération de l'associé d'exploitation :
Considérant qu'aux termes de l'article 2 de la loi du 13 juillet 1973 relative au statut des associés d'exploitation : "Dans chaque département une convention type ... prévoit obligatoirement : ... b) un intéressement aux résultats de l'exploitation dont le montant est au moins égal à celui de l'allocation prévue à l'article 4. Un décret en Conseil d'Etat déterminera les éléments à retenir par les parties, en vue de la fixation dudit intéressement ..." ; et qu'aux termes de l'article 1er du décret du 4 septembre 1974 : "L'intéressement des associés d'exploitation, lequel ne peut être inférieur au montant de l'allocation prévu à l'article 4 de la loi susvisée du 13 juillet 1973, est calculé à partir des résultats apparaissant au compte d'exploitation établi conformément au cadre annexé au présent décret ..." ; qu'il résulte nécessairement de ces dispositions que l'intéressement dont bénéficie l'associé d'exploitation représente une quote-part du résultat d'exploitation qui n'est déductible du bénéfice imposable qu'à hauteur de ce résultat ; que le moyen tiré de ce que cet intéressement est assimilé par l'article 4 de la loi de 1973 à un salaire et que cette rémunération correspondrait en l'espèce à un travail effectif est inopérant sur la déductibilité de ces sommes par la partie versante dès lors que ces dispositions ne concernent que les modalités d'imposition desdites sommes entre les mains de son bénéficiaire ; que la doctrine administrative invoquée par Mme Y... sur le fondement de l'article L80 A du livre des procédures fiscales n'est pas opposable à l'administration dès lors qu'elle ne traite pas des conditions de déductibilité par la partie versante des sommes versées au titre de l'intéressement mais du traitement fiscal de ces sommes au niveau de leur bénéficiaire ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que les résultats d'exploitation de l'entreprise de Mme

Y...

au titre des exercices clos en 1985 et 1986 s'élevaient respectivement à 32 480 F et 96 005 F ; que les rémunérations allouées à l'associé d'exploitation pour les montants respectifs de 60 000 F et 150 000 F étaient ainsi supérieures à ces résultats ; que c'est, par suite, à bon droit que la différence, à savoir les montants respectifs de 27 250 F et de 53 995 F, a été regardée comme une charge non justifiée et de ce fait non déductible ; que les conclusions de la requête dirigées contre ce redressement doivent, dès lors, être rejetées ;
Sur la créance d'amélioration des fonds :
Considérant qu'aux termes de l'article 72 du code général des impôts : "Le bénéfice réel de l'exploitation agricole est déterminé et imposé selon les principes généraux applicables aux entreprises industrielles et commerciales ..." ; qu'aux termes de l'article 38-1 du même code : "Le bénéfice imposable est le bénéfice net, déterminé d'après les résultats d'ensemble des opérations de toute nature effectuées par les entreprises, y compris notamment les cessions d'éléments quelconques de l'actif, soit en cours, soit en fin d'exploitation" ; et qu'aux termes de l'article 38 sexdecies OK de l'annexe III dudit code : "Les exploitants imposés d'après le bénéfice réel peuvent inscrire au bilan d'ouverture du premier exercice soumis à ce régime une somme correspondant à la valeur, à la date du changement de régime, des améliorations du fonds représentant le résultat des pratiques culturales, lorsque les transactions en usage dans leur région en font état. Cette valeur est appréciée d'après les usages locaux, et notamment ceux qui sont suivis en matière d'expropriation. La somme ainsi portée au premier bilan demeure inscrite aux bilans ultérieurs pour le même montant ; elle ne peut pas faire l'objet d'amortissements. Lors de la cession des améliorations du fonds, cette somme vient, pour le calcul de la plus-value imposable éventuelle, en déduction du prix reçu par le cédant" ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que, lors de son passage de régime du forfait au régime d'imposition d'après le bénéfice réel, Mme Y... a, au bilan d'ouverture du 1er janvier 1974 puis au 8 septembre 1982, valorisé les améliorations de son fonds au bilan de son entreprise individuelle ; qu'au bilan de clôture du 30 septembre 1986 figurait à ce titre un montant total de 522 496 F ; que lors de l'apport de son exploitation à la SCEA de la Somme d'Or, le bilan de cessation d'activité de l'exploitation établi au 30 avril 1987 a fait apparaître une moins-value du même montant que le total des améliorations apparaissant au titre d'ouverture de cet exercice, soit au 1er octobre 1986 ;

Considérant que, pour justifier cette écriture, Mme Y... fait valoir que l'indemnité due par le bailleur correspondant aux améliorations de fonds n'est versée qu'à l'expiration du bail en vertu des dispositions de l'article L.411-69 du code rural et que son bail n'étant pas expiré à la date de l'apport de son exploitation à la SCEA de la Somme d'Or, elle ne pouvait prétendre au versement de cette indemnité ; qu'elle soutient qu'elle ne pouvait transférer cette valeur d'amélioration au nouvel exploitant, la SCEA de la Somme d'Or, dès lors que les dispositions de l'article L.411-74 du même code interdisent, sous peine de poursuites pénales, à tout bailleur, tout preneur sortant ou tout intermédiaire "d'imposer la reprise de biens mobiliers à un prix ne correspondant pas à la valeur vénale de ceux-ci" ; qu'elle doit ainsi être regardée comme ayant établi la perte de la créance détenue sur son bailleur et correspondant aux améliorations inscrites au bilan d'ouverture du dernier exercice pour le montant de 522 496 F ; qu'elle est, dès lors, fondée à soutenir que c'est à tort que l'administration a considéré qu'en l'absence de cession ou d'apport en société de ces améliorations, lesdites améliorations avaient été transférées de son patrimoine professionnel à son patrimoine privé et à demander la décharge de redressement correspondant à la plus-value taxée à son nom en raison de ce transfert ;
Sur l'évaluation des parts de la SCEA Braines-Monchy-Humières :
Considérant qu'il résulte des dispositions précitées de l'article 38-1 du code général des impôts que le bénéfice net de l'entreprise est déterminé en tenant compte notamment des cessions d'éléments quelconques de l'actif, soit en cours, soit en fin d'exploitation ; que ces dispositions sont applicables en cas de retrait d'un élément actif en vue de son incorporation au patrimoine privé de l'exploitant ;

Considérant que Mme Y... a repris, le 30 avril 1987, dans son patrimoine privé, 400 parts de la SCEA Braines-Monchy-Humières ; que la plus-value déclarée, à l'occasion de cette opération, a été remise en cause par le vérificateur ; qu'à défaut d'acte opposable à l'administration, les parts litigieuses ont été réévaluées sur la base des indications chiffrées figurant à l'actif et au passif du bilan de la SCEA, le plus proche de l'opération considérée, soit le 30 juin 1987 ; que cette référence fait apparaître une valeur unitaire de la part d'un montant de 1 188 F ; que le redressement en litige ayant été notifié à Mme Y... selon la procédure contradictoire, il incombe à l'administration d'en établir le bien-fondé ; que la requérante est dès lors fondée à soutenir qu'en rejetant les conclusions de sa demande relatives à ce redressement au motif qu'elle n'en établissait pas l'exagération, le tribunal a renversé la charge de la preuve et commis ainsi une erreur de droit ; que, toutefois, pour contester le calcul ainsi effectué, Mme Y... se borne à affirmer, sans fournir de justifications, que la valorisation des parts doit tenir compte non seulement des améliorations du fonds mais également de tout le contexte géo-économique des terrains ; que si elle invoque également une valeur vénale de 20 000 F l'hectare, le chiffre qu'elle avance n'est étayé par aucun élément de justification ; qu'il suit de là que l'administration, qui fait état de données chiffrées, précises et concordantes, justifie le redressement qu'elle a opéré et que Mme Y... n'est pas fondée à soutenir que la fraction de l'imposition supplémentaire de l'année 1987 reposant sur ce chef de redressement serait exagérée ;
Sur les conclusions relatives aux intér ts moratoires :
Considérant qu'en l'absence de litige né et actuel, les conclusions de Mme Y... tendant au versement des intér ts moratoires doivent être rejetées ;
Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que Mme Y... est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté les conclusions de sa demande tendant à la décharge de l'imposition correspondant à la créance d'amélioration de fonds d'un montant de 522 496 F et du prélèvement social exceptionnel y afférent ;
Article 1er : Mme Y... est déchargée de l'impôt sur le revenu et du prélèvement social exceptionnel mis à sa charge au titre de l'année 1987 correspondant à l'annulation de la perte déclarée pour un montant de 522 496 F.
Article 2 : Le jugement n 91.1588 du 20 février 1996 du tribunal administratif d'Amiens est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme Y... est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme Y... et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre
Numéro d'arrêt : 96DA01337
Date de la décision : 03/02/2000
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOTS SUR LES REVENUS ET BENEFICES - REVENUS ET BENEFICES IMPOSABLES - REGLES PARTICULIERES - BENEFICES INDUSTRIELS ET COMMERCIAUX - DETERMINATION DU BENEFICE NET - CHARGES SALARIALES.

CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOTS SUR LES REVENUS ET BENEFICES - REVENUS ET BENEFICES IMPOSABLES - REGLES PARTICULIERES - BENEFICES INDUSTRIELS ET COMMERCIAUX - ETABLISSEMENT DE L'IMPOT - BENEFICE REEL.


Références :

CGI 72, 38-1
CGI Livre des procédures fiscales L80 A
Code rural L411-69, L411-74


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Tandonnet-Turot
Rapporteur public ?: M. Mulsant

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2000-02-03;96da01337 ?
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