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17/05/2000 | FRANCE | N°98DA01231

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre, 17 mai 2000, 98DA01231


Vu, l'ordonnance du 30 août 1999 par laquelle le président de la cour administrative d'appel de Nancy a , en application du décret n 99-435 du 28 mai 1999 portant création d'une cour administrative d'appel à Douai et modifiant les articles R. 5, R. 7 et R. 8 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, transmis à la cour administrative d'appel de Douai la requête présentée pour la commune de Lens, représentée par son maire en exercice, par Me B..., avocat,
Vu, la requête enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Nancy le 11 juin 1

998 par laquelle la commune de Lens demande à la Cour :
1 ) d'...

Vu, l'ordonnance du 30 août 1999 par laquelle le président de la cour administrative d'appel de Nancy a , en application du décret n 99-435 du 28 mai 1999 portant création d'une cour administrative d'appel à Douai et modifiant les articles R. 5, R. 7 et R. 8 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, transmis à la cour administrative d'appel de Douai la requête présentée pour la commune de Lens, représentée par son maire en exercice, par Me B..., avocat,
Vu, la requête enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Nancy le 11 juin 1998 par laquelle la commune de Lens demande à la Cour :
1 ) d'annuler le jugement en date du 7 avril 1998 par lequel le tribunal administratif de Lille a annulé les délibérations du conseil municipal de Lens en date du 28 mars 1997 autorisant le maire à signer un avenant au marché conclu avec le bureau Veritas et un avenant au marché de maîtrise d'oeuvre conclu avec M. Z... dans le cadre de la réhabilitation du stade X... à Lens, ensemble les deux avenants dont il s'agit ;
2 ) de rejeter le déféré du préfet du Pas-de-Calais devant le tribunal administratif ;
3 ) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 10 000 francs au titre de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Elle soutient que, contrairement à ce qu'a indiqué le tribunal administratif, elle n'a jamais affirmé dans ses écritures que le bouleversement de l'économie des contrats de maîtrise d'oeuvre et de contrôle technique s'appréciait par rapport au montant global de l'opération ; que la ville s'est simplement appuyée sur les dispositions de l'article 255 bis du code des marchés publics ; qu'en vertu de ces dispositions, deux situations sont possibles : ou le contrat passé constitue un avenant ayant pour objet de permettre l'exécution du contrat initial et l'avenant ne peut modifier de manière substantielle le montant du marché que dans l'hypothèse de sujétions imprévues, ou dès lors que l'on considère qu'il y a bouleversement des conditions du marché initial, le contrat passé, quelle que soit sa qualification, constitue un nouveau contrat qui doit répondre aux règles de passation prévues par le code des marchés publics ; qu'il ressort des pièces fournies au dossier que les modifications globales des marchés de rénovation du stade X... constituent bien, au sens des dispositions de l'article 255 bis du code des marchés publics, des avenants nécessaires pour permettre l'exécution du marché initial et dont le montant est justifié par les sujétions imprévues résultant des exigences de sécurité et de communication émanant tant des autorités sportives que de l'Etat, inconnues de la ville au moment de l'élaboration des documents d'appel d'offres, et enfin du conseil régional du Nord/Pas-de-Calais pour permettre l'accueil de la coupe du monde de rugby à Lens ; que si la Cour estime qu'il y a bouleversement de l'économie des marchés, le jugement du tribunal administratif encourt également la censure ; qu'en effet, dans cette hypothèse, si les travaux supplémentaires sont constitutifs d'un nouveau marché et si, dès lors, les règles de passation des marchés s'imposent, le montant du nouveau marché ne doit pas être additionné
avec celui du marché initial pour l'appréciation du franchissement ou non du seuil ; que, dans cette hypothèse, la procédure de passation des marchés aurait été respectée tant en ce qui concerne le marché de contrôle technique qui pouvait être passé selon la procédure de marché négocié qu'en ce qui concerne le marché de maîtrise d'oeuvre qui pouvait être conclu sans recourir à un concours dans la mesure où l'attribution du marché est relative, comme en l'espèce, à la réutilisation ou à la réhabilitation d'ouvrages existants, conformément aux dispositions de l'article 314 du code des marchés publics ;
Vu le jugement et les délibérations et avenants attaqués ;
Vu, enregistré le 18 août 1999, le mémoire en défense présenté par le préfet du Pas-de-Calais tendant au rejet de la requête ; il soutient qu'en ce qui concerne le marché de maîtrise d'oeuvre, l'avenant bouleverse l'économie générale du contrat initial et dénature les caractéristiques de la procédure initiale de choix du maître d'oeuvre ; que les dispositions de l'article 314 bis du code des marchés publics ne pouvaient s'appliquer dès l'instant où les travaux neufs exécutés ne sont plus en minorité par rapport aux travaux de réutilisation ou de réhabilitation du stade ; qu'en ce qui concerne le marché de contrôle technique, l'augmentation de plus de 56 % de la rémunération du titulaire du contrat bouleverse de façon substantielle l'économie générale du marché et c'est à bon droit que le tribunal administratif l'a annulé ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des marchés publics ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Vu le décret n 99-435 du 28 mai 1999 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 avril 2000 où siégeaient M. Rivaux, président de la formation de jugement, Mme C..., M. A..., Mme Ballouhey, premiers conseillers et M. Rebière, conseiller :
- le rapport de M. Rivaux, président,
- les observations de Me Y..., avocat, substituant Me B..., pour la commune de Lens,
- et les conclusions de M. Mulsant, commissaire du gouvernement ;

Considérant que par deux marchés conclus le 7 avril 1995 et le 14 avril 1995, la commune de Lens a confié au bureau de contrôle technique Veritas et à M. Z..., architecte, respectivement le contrôle technique et la maîtrise d'oeuvre des travaux de réhabilitation et de rénovation du stade Felix X... à Lens ; que, par deux délibérations du 28 mars 1997, le conseil municipal de la commune de Lens a autorisé son maire à signer un avenant à chacun des marchés précités ; que, saisi d'un déféré du préfet du Pas-de-Calais, le tribunal administratif de Lille a, par le jugement attaqué, annulé les délibérations du conseil municipal de la commune de Lens du 28 mars 1997 autorisant le maire à signer les avenants aux marchés dont il s'agit et les avenants correspondants, reçus à la sous préfecture de Lens le 3 avril 1997;
Considérant qu'aux termes de l'article 255 bis du code des marchés publics : "Lorsque le montant des prestations exécutées atteint le montant fixé par le marché, la poursuite de l'exécution des prestations est subordonnée : -soit à la conclusion d'un avenant ; -soit si le marché le prévoit, à une décision de poursuivre prise par le collectivité ou l'établissement contractant. Sauf en cas de sujétions techniques imprévues ne résultant pas du fait des parties, avenants et décisions de poursuivre ne peuvent bouleverser l'économie du marché ni en changer l'objet." ;

Considérant que les marchés conclus les 7 et 14 avril 1995 avec le bureau de contrôle Veritas et M. Z..., architecte, avaient respectivement pour objet d'assurer le contrôle technique et de confier la maîtrise d'oeuvre des travaux de réhabilitation et de rénovation du stade Félix X... à Lens, décidés dans la perspective de la tenue à Lens de matchs lors de la coupe du monde de football, qui devait se dérouler en France en 1998, et consistant notamment en divers travaux de démolition et de reconstruction de tribunes, de leur mise aux normes de sécurité, d'installation d'un système de vidéo-surveillance ; qu'il résulte de l'instruction qu'à la suite de la venue à Lens, en septembre 1995, de membres de la FIFA et du comité français d'organisation de la coupe du monde de football, ces autorités sportives ont formulé des exigences particulières relatives à la sécurité des spectateurs et des supporteurs ainsi qu'à l'installation de locaux adaptés aux moyens de retransmission et de communication correspondant à l'importance mondiale de l'événement ; que, par ailleurs, le conseil régional Nord/Pas-de-Calais, qui avait accordé une subvention pour la mise aux normes du stade X..., a subordonné, par la suite, le versement de sa subvention à un projet d'étude destiné, notamment par l'agrandissement du terrain, à permettre l'organisation de matchs de rugby en vue de la candidature de la commune à la coupe du monde de rugby en 1999 ; que si la commune soutient que ces travaux exigés par des parties extérieures aux marchés en cause n'avaient pas pu être pris en compte lors de l'élaboration des documents d'appel d'offres initiaux et constituaient des sujétions techniques imprévues, il ne résulte pas cependant de l'instruction que ces travaux complémentaires, présentaient le caractère de sujétions techniques au sens de l'article 255 bis précité du code des marchés publics ; que ces avenants qui prévoient la réalisation de prestations qui n'étaient pas prévues dans les marchés initiaux et portaient le montant du marché de contrôle technique de 558 400 francs hors taxe à 872 400 francs hors taxe et le montant du marché de maîtrise d'oeuvre de 6 162 925 francs hors taxe à 10 010 000 francs hors taxe, bouleversaient l'économie des marchés et constituaient des nouveaux marchés dont la passation devait être effectuée après mise en concurrence préalable dans les conditions prévues par le code des marchés publics ;
Considérant que la commune de Lens fait néanmoins valoir que les avenants litigieux pouvaient être conclus selon la procédure négociée dès lors que le montant de l'avenant au marché de contrôle technique ne dépassait pas le seuil prévu pour la passation de marchés négociés et que le montant de l'avenant au marché de maîtrise d'oeuvre permettait de ne pas recourir à la procédure de concours dès lors qu'il s'agissait d'un marché de maîtrise d'oeuvre relatif à la réutilisation ou à la réhabilitation d'ouvrages existants ;

Considérant qu'aux termes de l'article 104-I 10 du code des marchés publics, rendu applicable aux marchés des collectivités territoriales par les dispositions de l'article 308 du même code : " I. Marchés négociés précédés d'une mise en concurrence. Les marchés sont passés après une mise en concurrence préalable dans les cas limitativement énumérés ci-dessous ... 10 Pour les travaux, fournitures ou services dont la valeur n'excède pas, pour le montant total de l'opération, un seuil de 700 000 francs TTC ..." et qu'aux termes de l'article 314 bis du même code : "Les dispositions spéciales suivantes sont applicables aux marchés de maîtrise d'oeuvre. Le marché est passé après mise en compétition sous réserve des dispositions du II de l'article 104. Il est précédé par un avis d'appel public à la concurrence dans les conditions prévues à l'article 38. Lorsque le montant estimé du marché est inférieur ou égal à un premier seuil fixé par un arrêté conjoint du ministre chargé de l'économie et des finances et du ministre chargé de l'équipement, la mise en compétition des candidats peut être limitée à l'examen de leur compétence et des moyens dont ils disposent . Le marché est ensuite librement négocié. Lorsque le montant estimé du marché est supérieur à ce premier seuil et inférieur ou égal à un deuxième seuil fixé par l'arrêté prévu à l'alinea précédent, la mise en compétition peut être limitée à l'examen des compétences, des références et des moyens des candidats. Le candidat à retenir est choisi par la collectivité ou l'établissement contractant après avis d'une commission composée comme le jury prévu à l'article 314 ter. Le marché est ensuite librement négocié. Lorsque le montant estimé du marché est supérieur au deuxième seuil ou, en deçà de ce seuil, sur décision de la collectivité ou de l'établissement contractant, la compétition comporte une remise de prestations. Elle est alors appelée Concours d'architecture et d'ingénierie, et est organisée dans les conditions fixées par l'article 314 ter. La collectivité ou l'établissement contractant n'est pas tenu de recourir au concours d'architecture et d'ingénierie lorsque le montant estimé du marché est supérieur au deuxième seuil dans les cas suivants : a) pour l'attribution d'un marché de maîtrise d'oeuvre relatif à la réutilisation ou à la réhabilitation d'ouvrages existants. .." ;
Considérant qu'en admettant même que les avenants en cause pouvaient être passés, comme le soutient la commune, selon la procédure de marché négocié, il résulte des dispositions précitées des articles 104 et 314 bis du code des marchés publics, que ces marchés négociés ne pouvaient l'être en tout état de cause qu'après avoir été précédés d'une mise en concurrence ; que la commune de Lens n'allègue ni n'établit qu'une telle mise en concurrence ait été organisée préalablement à la conclusion des avenants litigieux ;

Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la commune de Lens n'est pas fondée à se plaindre que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a annulé les délibérations du conseil municipal de la commune de Lens en date du 28 mars 1997 autorisant le maire à signer un avenant au marché conclu avec le bureau Véritas et un avenant au marché de maîtrise d'oeuvre conclu avec M. Milan Z... et les deux avenants dont il s'agit ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : " Dans toutes les instances devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation" ;
Considérant que les dispositions de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à la commune de Lens la somme de 10 000 francs qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Article 1er : La requête de la commune de Lens est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la commune de Lens, au préfet du Pas-de- Calais et au ministre de l'intérieur.


Type d'affaire : Administrative

Analyses

39-02-02 MARCHES ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - FORMATION DES CONTRATS ET MARCHES - MODE DE PASSATION DES CONTRATS


Références :

Code des marchés publics 255 bis, 104, 308, 314 bis
Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel L8-1


Publications
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Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Rivaux
Rapporteur public ?: M. Mulsant

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre
Date de la décision : 17/05/2000
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 98DA01231
Numéro NOR : CETATEXT000007596140 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2000-05-17;98da01231 ?
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