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27/07/2000 | FRANCE | N°96DA01996

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre, 27 juillet 2000, 96DA01996


Vu l'ordonnance du 30 août 1999 par laquelle le président de la cour administrative d'appel de Nancy a, en application du décret n 99-435 du 28 mai 1999 portant création d'une cour administrative d'appel à Douai et modifiant les articles R. 5, R. 7 et R. 8 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, transmis à la cour administrative d'appel de Douai la requête présentée pour la communauté urbaine de Dunkerque, dont le siège est situé Pertuis de la Marine à Dunkerque, représentée par son président en exercice, par Me X..., avocat ;
Vu, la requ

te enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Nanc...

Vu l'ordonnance du 30 août 1999 par laquelle le président de la cour administrative d'appel de Nancy a, en application du décret n 99-435 du 28 mai 1999 portant création d'une cour administrative d'appel à Douai et modifiant les articles R. 5, R. 7 et R. 8 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, transmis à la cour administrative d'appel de Douai la requête présentée pour la communauté urbaine de Dunkerque, dont le siège est situé Pertuis de la Marine à Dunkerque, représentée par son président en exercice, par Me X..., avocat ;
Vu, la requête enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Nancy le 19 juillet 1996 par laquelle la communauté urbaine de Dunkerque demande à la Cour :
1 ) d'annuler le jugement en date du 2 mai 1996 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à la condamnation conjointe et solidaire de M. B..., architecte, de Me Wiart en qualité de syndic de la société de constructions nouvelles et travaux (S.C.N.T.) et de la société de constructions nouvelles et travaux à réparer les conséquences des désordres affectant l'école maternelle Freinet à Grande Synthe (Nord) ;
2 ) de condamner conjointement et solidairement la société des constructions nouvelles et travaux représentée par Me Wiart, en qualité de syndic, et M. B..., architecte, à lui payer la somme de 298 735, 93 francs en réparation des désordres affectant l'école maternelle Freinet à Grande Synthe ainsi qu'une somme de 20 000 francs au titre de dommages-intérêts, d'ordonner la capitalisation des intérêts à compter du 28 septembre 1998 ;
3 ) de condamner la société des constructions nouvelles et travaux et M. B... à lui verser la somme de 20 000 francs au titre de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi du 28 Pluviôse An VIII ;
Vu le code des marchés publics ;
Vu le code civil ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Vu le décret n 99-435 du 28 mai 1999 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 11 juillet 2000
le rapport de M. Rivaux, président-assesseur,
les observations de Me Z..., avocat, substituant Me X... pour la communauté urbaine de Dunkerque, et de Me A..., avocat, substituant Me Y... pour M. B...,
et les conclusions de M. Mulsant, commissaire du gouvernement ;

Considérant que si le procès-verbal de réception définitive a été établi le 9 septembre 1981 sous réserve de l'exécution des travaux énumérés en annexe, il résulte de l'instruction qu'eu égard au caractère imprécis et à l'importance mineure des réserves ainsi émises, celles-ci n'étaient pas de nature à faire obstacle à ce que les travaux de construction de l'école maternelle Freinet à Grande-Synthe soient en état d'être reçus et étaient sans influence sur la réception de ceux-ci ; que, par suite, la communauté urbaine de Dunkerque est fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont estimé que la responsabilité des constructeurs ne pouvait pas être recherchée sur le fondement des principes dont s'inspirent les articles 1792 et 2270 du code civil et ont rejeté comme irrecevable sa demande présentée sur ce fondement ; qu'ainsi, le jugement du tribunal administratif de Lille en date du 2 mai 1996 doit être annulé ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la communauté urbaine de Dunkerque devant le tribunal administratif de Lille ;
Sur la responsabilité des désordres :
Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise que des infiltrations d'eau se sont produites en raison d'un défaut d'étanchéité des menuiseries, des trappes et des toitures-terrasse et ont affecté entre autres les salles de classes ; que ces désordres, dont l'ampleur ne s'est révélée que postérieurement à la réception, étaient, par leur importance, de nature à rendre les bâtiments de l'école impropres à leur destination et, par suite, à engager la responsabilité décennale des constructeurs ;
Considérant qu'il résulte également de l'instruction et notamment du rapport d'expertise que ces désordres sont imputables à la fois à une mauvaise exécution des travaux et à un défaut de conception de l'ouvrage qui présentait des risques importants ainsi qu'à un défaut de conseil et de surveillance de la part de l'architecte ; que, toutefois, selon l'expert, les conséquences de ces vices de construction ont été aggravées par l'absence d'entretien des toitures-terrasse par le maître de l'ouvrage ; qu'il sera fait une exacte appréciation des circonstances de l'affaire en déclarant la S.C.N.T., entrepreneur et M. B..., architecte, conjointement et solidairement responsables des désordres caractérisant l'école maternelle Freinet de Grande Synthe à proportion de 80 % et en laissant à la communauté urbaine de Dunkerque une part de responsabilité égale à 20 % du montant des réparations ;
Sur le montant de la réparation :

Considérant que les travaux destinés à remédier aux infiltrations d'eau ont été évalués par l'expert à la somme de 173 723, 40 francs hors taxe auxquels il y a lieu d'ajouter le montant des travaux de réparation effectués avant l'expertise admis par l'expert et évalués par celui-ci
à la somme de 70 413 francs hors taxe ; qu'ainsi, le montant total du préjudice subi par la communauté urbaine de Dunkerque au titre des travaux de réparation s'élève à la somme de 244 136, 40 francs hors taxe ; que compte tenu du partage de responsabilité auquel il doit être procédé ainsi qu'il a été dit ci-dessus, il y a lieu de condamner conjointement et solidairement la S.C.N.T. et M. B... à verser à la communauté urbaine de Dunkerque une indemnité de 195 309, 12 francs hors taxe ;
Considérant que le montant du préjudice dont le maître de l'ouvrage est fondé à demander réparation aux constructeurs en raison de désordres affectant l'immeuble qu'ils ont réalisé correspond aux frais qu'il doit engager pour les travaux de réfection ; que ces frais comprennent en règle générale la taxe sur la valeur ajoutée, élément indissociable de ce coût, lorsque ladite taxe grève les travaux ; que, toutefois, le montant de l'indemnisation doit, lorsque le maître de l'ouvrage relève d'un régime fiscal qui lui permet normalement de déduire tout ou partie de cette taxe de celle qu'il a perçue à raison de ses propres opérations, être diminué du montant de la taxe ainsi déductible ou remboursable ;
Considérant que, pour application de ces principes, il appartient normalement au maître de l'ouvrage, à qui incombe, de façon générale, la charge d'apporter tous éléments de nature à déterminer avec exactitude le montant de son préjudice, d'établir, s'il demande que l'indemnité correspondant au coût des travaux nécessaires englobe le montant de la taxe sur la valeur ajoutée, qu'il n'est pas susceptible, à la date normale d'évaluation du préjudice, de déduire ou de se faire rembourser ladite taxe ; qu'à défaut pour la communauté urbaine de Dunkerque d'apporter une telle justification, le montant de l'indemnité correspondant au coût des travaux nécessaires pour mettre fin aux désordres ne peut inclure le montant de la taxe sur la valeur ajoutée ; considérant que si la communauté urbaine demande que les constructeurs soient condamnés à lui verser une indemnité de 20 000 francs à titre de dommages-intérêts, elle ne justifie d'aucun préjudice de nature à fonder le versement d'une telle indemnité ;
Sur les intérêts :
Considérant que la communauté urbaine de Dunkerque a droit aux intérêts de la somme de 195 309, 12 francs à compter de la date d'enregistrement de sa demande devant le tribunal administratif, soit le 28 septembre 1988 ;
Sur les intérêts des intérêts :
Considérant que si la communauté urbaine de Dunkerque demande que les intérêts de la somme que les constructeurs ont été condamnés à lui verser soient capitalisés à la date du 28 septembre 1988, il n'était pas dû à cette date une année d'intérêts ; que, dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de rejeter cette demande ;
Sur la demande de garantie présentée par la S.C.N.T. :

Considérant que les désordres sont imputables, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, à la fois à une mauvaise exécution des travaux et à un défaut de conception de l'ouvrage ainsi qu'à un manque de conseil et de surveillance de la part de l'architecte ; qu'il sera fait une exacte appréciation de la part de responsabilité incombant à M. B... dans la survenance des désordres litigieux en le condamnant à garantir la S.C.N.T. dans la proportion de 30% du montant des condamnations laissées à la charge des constructeurs ;
Sur les frais d'expertise :
Considérant que les frais d'expertise ont été liquidés et taxés par une ordonnance du président du tribunal administratif en date du 3 novembre 1987 à la somme de 37 202,41 francs ; que la communauté urbaine de Dunkerque justifie de l'utilité des frais d'un montant de 7 748,88 francs HT qu'elle a dû supporter dans le cadre de cette expertise ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'affaire, de mettre les frais ainsi exposés d'un montant total de 44 951,29 francs à la charge de la S.C.N.T. et de M. B... ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : "Dans toutes les instances devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation" ;
Considérant que les dispositions de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel font obstacle à ce que la communauté urbaine de Dunkerque qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamnée à verser à M. B... la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, et de condamner la S.C.N.T. et M. B... à payer à la communauté urbaine de Dunkerque la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lille du 2 mai 1996 est annulé. Articl e 2 : La société de constructions nouvelles et travaux et M. Jacques B... sont condamnés conjointement et solidairement à verser à la communauté urbaine de Dunkerque la somme de 195 309, 12 francs hors taxe (cent quatre vingt quinze mille trois cent neuf francs douze centimes) avec intérêts au taux légal à compter du 28 septembre 1988.
Article 3 : Les frais d'expertise exposés en première instance d'un montant de 44 951,29 francs sont mis à la charge de la S.C.N.T. et de M. B... ;
Article 4 : Le surplus des conclusions de la demande de la communauté urbaine de Dunkerque est rejeté.
Article 5 : M. Jacques B... garantira la société de constructions nouvelles et travaux à concurrence de 30 % des condamnations prononcées à son encontre.
Article 6 : Les conclusions de M. Jacques B... tendant à l'application des dispositions de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel sont rejetées.
Article 7 : La présente décision sera notifiée à la communauté urbaine de Dunkerque, à Me Wiart, mandataire liquidateur de la société de constructions nouvelles de travaux, à M. Jacques B... et au ministre de l'équipement, des transports et du logement. Copie sera transmise au préfet de la région Nord/Pas-de-Calais, préfet du Nord.


Type d'affaire : Administrative

Analyses

39-06-01-04 MARCHES ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - RAPPORTS ENTRE L'ARCHITECTE, L'ENTREPRENEUR ET LE MAITRE DE L'OUVRAGE - RESPONSABILITE DES CONSTRUCTEURS A L'EGARD DU MAITRE DE L'OUVRAGE - RESPONSABILITE DECENNALE


Références :

Code civil 1792, 2270, 1154
Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel L8-1


Publications
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Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Rivaux
Rapporteur public ?: M. Mulsant

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre
Date de la décision : 27/07/2000
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 96DA01996
Numéro NOR : CETATEXT000007597110 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2000-07-27;96da01996 ?
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