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01/02/2001 | FRANCE | N°00DA00840

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1e chambre, 01 février 2001, 00DA00840


Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Douai le 24 juillet 2000, présentée pour l'association rurale de protection de l'environnement de Genech, dont le siège social est sis ..., représentée par son président en exercice, par Me X..., avocat ; l'association rurale de protection de l'environnement de Genech demande à la Cour :
1 ) d'annuler le jugement n 99-4631 en date du 22 juin 2000 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande dirigée contre l'arrêté en date du 18 octobre 1999 par lequel le préfet de la région Nord/Pa

s-de-Calais, préfet du Nord a autorisé la société Lecouffe-Darras...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Douai le 24 juillet 2000, présentée pour l'association rurale de protection de l'environnement de Genech, dont le siège social est sis ..., représentée par son président en exercice, par Me X..., avocat ; l'association rurale de protection de l'environnement de Genech demande à la Cour :
1 ) d'annuler le jugement n 99-4631 en date du 22 juin 2000 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande dirigée contre l'arrêté en date du 18 octobre 1999 par lequel le préfet de la région Nord/Pas-de-Calais, préfet du Nord a autorisé la société Lecouffe-Darras à exploiter une installation de décapage thermique des métaux à Genech ;
2 ) d'annuler ledit arrêté préfectoral ;
3 ) de condamner la société Lecouffe-Darras à lui verser la somme de 20 000 F au titre de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu l'ordonnance n 2000-914 du 18 septembre 2000 et le code de l'environnement (partie législative) ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu la loi n 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains, et notamment ses articles 4 et 43 ;
Vu le décret n 99-435 du 28 mai 1999 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 janvier 2001
le rapport de M. Laugier, président-assesseur,
les observations de Me Y..., avocat, pour l'association rurale de protection de l'environnement de Genech,
les observations de Me Z..., avocat, membre de la SCP Lebas et associés, pour la société Lecouffe-Darras,
et les conclusions de M. Bouchier, commissaire du gouvernement ;

Sur la fin de non-recevoir opposée par la société Lecouffe-Darras :
Considérant que l'association rurale de protection de l'environnement de Genech, dont l'objet social statutaire vise la protection et la valorisation du cadre de vie sur la commune de Genech, dispose d'un intérêt suffisant lui donnant qualité pour agir à l'encontre de l'arrêté préfectoral du 18 octobre 1999 autorisant la société Lecouffe-Darras à exploiter une installation de décapage thermique des métaux sur le territoire de la commune de Genech ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
Considérant qu'aux termes du troisième alinéa de l'article L. 123-5 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction en vigueur à la date de la présente décision : "Le plan rendu public est opposable à toute personne publique ou privée pour l'exécution de tous travaux, constructions, plantations, affouillements ou exhaussements des sols, pour la création de lotissements et l'ouverture des installations classées appartenant aux catégories déterminées dans le plan. Lorsqu'un plan a été rendu public avant le classement des carrières dans la nomenclature des installations classées, seules sont opposables à l'ouverture des carrières les dispositions du plan les visant expressément" ;
Considérant que la mention incluse dans cet article et relative à l'appartenance des installations en cause "aux catégories déterminées dans le plan" a été introduite par la loi n 93-3 du 4 janvier 1993 relative aux carrières ; qu'il résulte des dispositions de ladite loi, éclairées par ses travaux préparatoires, que le législateur, lorsqu'il a décidé de soumettre les carrières au régime des installations classées, a eu l'intention d'éviter que puisse être totalement exclue, par les auteurs d'un plan d'occupation des sols, l'ouverture de toute installation classée dans tout ou partie du territoire couvert par ledit plan, mais qu'il n'a pas entendu subordonner l'opposabilité des dispositions du plan d'occupation des sols à l'identification par le plan de différents types d'installations classées au sens de la législation propre à celles-ci ;

Considérant qu'aux termes de l'article NC 1 du réglement du plan d'occupation des sols, de la commune de Genech approuvé en 1993, applicable à la zone NC, définie comme une zone d'activités agricoles protégée : "Sont admis : ... les activités de caractère agricole ressortissant ou non de la législation sur les établissements classés dans la mesure o elles ne portent pas atteinte à l'intérêt agricole des lieux et ne compromettent pas le caractère de la zone ; ..." ; que, d'une part, ces dispositions n'ont ni pour objet ni pour effet d'exclure totalement de la zone NC les installations classées, dont, au contraire, le plan d'occupation des sols de Genech admet expressément la présence sous certaines conditions ; que, d'autre part, en décidant que les installations classées susceptibles d'être accueillies dans cette zone ne le seraient que si elles présentaient un caractère agricole et sous réserve de ne pas porter atteinte à l'intérêt agricole des lieux et de ne pas compromettre le caractère de la zone, les auteurs du plan d'occupation des sols ont suffisamment précisé, en l'espèce, quelles catégories d'installations classées, au sens des dispositions de l'article L. 123-5 du code de l'urbanisme susmentionnées, ils entendaient admettre dans ladite zone ; qu'il suit de là que le réglement du plan d'occupation des sols de Genech est opposable à l'ouverture d'installations classées, à laquelle doit être assimilée l'autorisation, délivrée à titre de régularisation, d'une installation en cours d'exploitation ; qu'ainsi, ladite autorisation se trouve assujettie aux dispositions de l'article R. 123-31 du code de l'urbanisme, aux termes duquel "les opérations, travaux et occupations du sol mentionnés à l'article R. 123-26 (1er alinéa)", qui incluent "l'ouverture d'installations classées soumises à autorisation", "ne peuvent être autorisés que s'ils sont compatibles avec les dispositions du plan d'occupation des sols " ;
Considérant que, comme il a été dit précédemment, le règlement de la zone NC du plan d'occupation des sols de Genech n'admet, en son article NC 1, la présence d'activités, ressortissant ou non à la législation des installations classées, que si ces activités revêtent un caractère agricole et sous les conditions susénumérées ; qu'aux termes de l'article NC 2 du même réglement : "Sont interdits tous les types d'occupation ou d'utilisation du sol non mentionnés à l'article NC1" ; qu'il résulte de l'instruction que la société Lecouffe-Darras, dont l'activité consiste, à 95 %, en des opérations de décapage thermique des métaux, ne peut être regardée comme exerçant une "activité de caractère agricole" au sens de l'article NC 1 précité du plan d'occupation des sols, même si une partie de la clientèle de l'entreprise est composée d'agriculteurs et quand bien même certains des produits qu'elle traite seraient destinés à l'agriculture ; qu'il résulte ainsi de l'instruction que, compte tenu de ses caractéristiques industrielles, de la nature de ses équipements et du type de procédés qu'elle met en oeuvre, ladite exploitation n'est pas compatible avec les dispositions réglementaires actuellement applicables à la zone d'implantation ; que, dès lors, le préfet ne pouvait, en application des dispositions précitées de l'article R. 123-31 du code de l'urbanisme, délivrer légalement l'autorisation susmentionnée ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'ordonner l'expertise subsidiairement sollicitée, que l'association rurale de protection de l'environnement de Genech est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ladite autorisation en date du 18 octobre 1999 ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions des articles L. 8-2, premier alinéa, et L. 8-3 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, actuellement reprises sous les articles L. 911-1 et L. 911-3 du code de justice administrative :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : "Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution." ; qu'aux termes de l'article L. 911-3 dudit code : "Saisie de conclusions en ce sens, la juridiction peut assortir, dans la même décision, l'injonction prescrite en application des articles L. 911-1 et L. 911-2 d'une astreinte qu'elle prononce dans les conditions prévues au présent livre et dont elle fixe la date d'effet." ;
Considérant, en premier lieu, que la société Lecouffe-Darras n'étant pas "une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public", les conclusions de l'association rurale de protection de l'environnement de Genech dirigées contre ladite société sur le fondement des dispositions de l'article L. 911-1 précitées ne sont pas recevables et ne peuvent, comme telles, qu'être rejetées ;
Considérant, en second lieu, que, compte tenu des motifs de la présente décision, l'exécution de celle-ci implique nécessairement que soient suspendues celles des activités de la société Lecouffe-Darras qui faisaient l'objet de l'autorisation délivrée par l'arrêté préfectoral du 18 octobre 1999 annulé ; que, par suite, il y a lieu, pour la Cour, de prescrire au préfet du Nord, de mettre en oeuvre, dans le délai d'un mois à compter de la notification de la présente décision, les pouvoirs qu'il tient du code de l'environnement susvisé, et notamment de son article L. 514-2 en cas de refus d'autorisation d'une installation classée, et ce sous astreinte de 1 000 F par jour de retard à compter de l'expiration dudit délai et jusqu'à la date à laquelle la présente décision aura reçu exécution ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, actuellement reprises sous l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant, d'une part, que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'association rurale de protection de l'environnement de Genech, qui n'est pas la partie perdante en l'instance, soit condamnée à payer à la société Lecouffe-Darras la somme que celle-ci demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

Considérant, d'autre part, qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner la société Lecouffe-Darras à payer à l'association rurale de protection de l'environnement de Genech une somme de 10 000 F au titre de ces mêmes dispositions ;
Article 1er : Le jugement n 99-4631 du tribunal administratif de Lille en date du 22 juin 2000 et l'arrêté du préfet de la région Nord/Pas-de-Calais, préfet du Nord en date du 18 octobre 1999 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de la région Nord/Pas-de-Calais, préfet du Nord de mettre en oeuvre, à l'égard de la société Lecouffe-Darras, dans le délai d'un mois à compter de la notification de la présente décision, les pouvoirs qu'il tient du code de l'environnement et notamment de son article L. 514-2.
Article 3 : Une astreinte est prononcée à l'encontre de l'Etat si le préfet de la région Nord/Pas-de-Calais, préfet du Nord ne justifie pas, dans le délai d'un mois suivant la notification de la présente décision, avoir exécuté ladite décision et jusqu'à la date de cette exécution. Le taux de cette astreinte est fixé à 1 000 F par jour à compter de l'expiration du délai d'un mois suivant la notification du présent arrêt.
Article 4 : Le préfet de la région Nord/Pas-de-Calais, préfet du Nord communiquera à la Cour la copie des actes justifiant des mesures prises pour exécuter le présent arrêt.
Article 5 : La société Lecouffe-Darras versera à l'association rurale de protection de l'environnement de Genech la somme de 10 000 F au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 6 : Le surplus des conclusions de la requête de l'association rurale de protection de l'environnement de Genech et les conclusions de la société Lecouffe-Darras tendant à la condamnation au paiement des frais exposés et non compris dans les dépens sont rejetés.
Article 7 : La présente décision sera notifée à l'association rurale de protection de l'environnement de Genech, au ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement, à la société Lecouffe-Darras et au préfet de la région Nord/Pas-de-Calais, préfet du Nord.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1e chambre
Numéro d'arrêt : 00DA00840
Date de la décision : 01/02/2001
Type d'affaire : Administrative

Analyses

NATURE ET ENVIRONNEMENT - INSTALLATIONS CLASSEES POUR LA PROTECTION DE L'ENVIRONNEMENT - REGIME JURIDIQUE - ACTES AFFECTANT LE REGIME JURIDIQUE DES ETABLISSEMENTS.

PROCEDURE - JUGEMENTS - EXECUTION DES JUGEMENTS - PRESCRIPTION D'UNE MESURE D'EXECUTION.

PROCEDURE - JUGEMENTS - EXECUTION DES JUGEMENTS - ASTREINTE - CONDAMNATION DE LA COLLECTIVITE PUBLIQUE.

URBANISME ET AMENAGEMENT DU TERRITOIRE - PLANS D'AMENAGEMENT ET D'URBANISME - PLANS D'OCCUPATION DES SOLS - APPLICATION DES REGLES FIXEES PAR LES P - O - S - OPPOSABILITE DU P - O - S.

URBANISME ET AMENAGEMENT DU TERRITOIRE - PLANS D'AMENAGEMENT ET D'URBANISME - PLANS D'OCCUPATION DES SOLS - APPLICATION DES REGLES FIXEES PAR LES P - O - S - COMPATIBILITE AVEC LE P - O - S - DE DIVERSES OPERATIONS OU TRAVAUX.


Références :

Code de justice administrative L911-1, L911-3, L761-1
Code de l'environnement L514-2
Code de l'urbanisme L123-5, R123-31, L8-2, L911-1
Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel L8-1
Loi 93-3 du 04 janvier 1993


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Laugier
Rapporteur public ?: M. Bouchier

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2001-02-01;00da00840 ?
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