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02/05/2001 | FRANCE | N°98DA00768

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3e chambre, 02 mai 2001, 98DA00768


Vu l'ordonnance en date du 30 août 1999 par laquelle le président de la cour administrative d'appel de Nancy a, en application du décret n 99-435 du 28 mai 1999 portant création d'une cour administrative d'appel à Douai et modifiant les articles R. 5, R. 7 et R. 8 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, alors applicables, transmis à la cour administrative d'appel de Douai le recours présenté par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ;
Vu le recours, enregistré le 8 avril 1998 au greffe de la cour administrative d'appel de Nan

cy, par lequel le ministre de l'économie, des finances et de...

Vu l'ordonnance en date du 30 août 1999 par laquelle le président de la cour administrative d'appel de Nancy a, en application du décret n 99-435 du 28 mai 1999 portant création d'une cour administrative d'appel à Douai et modifiant les articles R. 5, R. 7 et R. 8 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, alors applicables, transmis à la cour administrative d'appel de Douai le recours présenté par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ;
Vu le recours, enregistré le 8 avril 1998 au greffe de la cour administrative d'appel de Nancy, par lequel le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie demande à la Cour :
1 ) d'annuler les articles 2 et 3 du jugement en date du 6 novembre 1997 par lequel le tribunal administratif de Lille a partiellement déchargé M. Patrick Z... des suppléments d'impôt sur le revenu mis à sa charge au titre des années 1984, 1985 et 1986 ;
2 ) de remettre intégralement lesdites impositions à la charge de M. Z... ;
Il soutient que l'acte anormal de gestion est établi ; qu'il est faux d'affirmer que toutes les
charges d'exploitation de la clinique faisaient l'objet grâce au système de remboursement de la sécurité sociale d'une contrepartie financière complète ; qu'au contraire il n'est pas douteux que la clinique met son infrastructure à la disposition des praticiens, tels ses locaux, les sources d'énergie utilisées, ses moyens matériels et humains, la fourniture de services divers administratifs et financiers ; qu'il ressort de l'état des frais réels présentés par la clinique au titre de l'année 1986 qu'ils s'élèvent à 370 743 francs alors que le montant des honoraires reversés par les médecins n'est que de 284 288 francs ; qu'en outre ce relevé n'a pris en compte que 133 m, ce qui correspond à trois praticiens au lieu de six qui travaillent à la clinique, le septième possédant un cabinet de consultation en ville ; que les loyers prévus au contrat d'exercice n'ont pas été réclamés ; que le temps d'occupation du personnel n'est assorti d'aucun mode de détermination tangible ; que seul l'amortissement des machines à écrire a été pris en compte et ont été négligés les amortissements des agencements de l'immeuble et des équipements radio téléphoniques des praticiens et de façon plus générale ceux de l'infrastructure de la clinique ; que certaines dépenses, pourtant non couvertes par le forfait hospitalier, ont été écartées comme la rémunération des aides opératoires et anesthésistes (autre que le personnel infirmier), à la charge des praticiens selon les usages de la profession et certains produits, tels l'oxygène et les produits sanguins ; que la clinique, qui a retenu un taux forfaitaire, devait en vérifier la pertinence ; que l'utilisation du matériel et du personnel de la clinique est au moins égale pour les praticiens associés exerçant à plein temps à celle des praticiens extérieurs ; que la circonstance que les premiers concourent à la production des forfaits de salle d'opération et d'accouchement, ne peut justifier la différence entre les taux de redevances ; que cet apport de chiffre d'affaires leur revient par la distribution des bénéfices ; que, quelque soit la cotation des actes, les honoraires, indépendamment du lieu où s'exerce l'intervention, rémunèrent les
frais annexes ; que lorsque ces frais sont pris en charge par la clinique, où a lieu l'intervention, cette dernière assume les frais inhérents aux praticiens et réalise en l'absence de reversement ou en présence d'un reversement minoré, un acte anormal de gestion ; que les forfaits rémunèrent l'activité de la clinique et non celle des médecins ; que les médecins non associés, qui ont un cabinet en ville, génèrent des frais inférieurs aux médecins associés qui exercent à plein temps à la clinique ; que l'argumentation selon laquelle les lits généreraient une charge supplémentaire non rémunérée pour la clinique est inopérant ; que pour les années 1984 et 1985 il convient d'imposer personnellement les associés sur l'intégralité des rehaussements apportés aux résultats sociaux à raison de la libéralité dont ils ont bénéficié, et pour l'année 1986, l'avantage accordé sans contrepartie est imposable dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers ; que le tribunal ne pouvait accorder la compensation dès lors que le requérant n'avait pas comptabilisé en dépenses pour la détermination de ses bénéfices non commerciaux le montant des redevances qui lui sont réclamées ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 27 juillet 1998, présenté pour M. Z..., domicilié ..., par la société civile professionnelle d'avocats Z..., Deguines et X... Silva, qui conclut au rejet du recours et à la condamnation de l'Etat à lui payer la somme de 15 000 francs au titre des frais irrépétibles ; il soutient que la compensation est possible au profit de contribuable ayant fait l'objet d'un redressement lorsqu'il démontre qu'une taxation excessive a été établie à son détriment ou lorsque le redressement fait apparaître une double imposition ; qu'en l'espèce il est évident qu'en redressant les revenus du contribuable en BIC ou en RMC et en refusant la prise en charge au titre des BNC, l'administration a organisé une double imposition, au titre des redressements et au titre des BNC ; que la double imposition n'est pas contestable puisque les redevances n'ont pas été déduites des BNC ; que sur le fond l'administration n'apporte pas la preuve d'un acte anormal de gestion ; qu'un praticien n'exerçant pas en clinique, supporte tous les frais liés à sa profession ; qu'au contraire dans l'hospitalisation privée, les forfaits de salle d'opération et d'accouchement sont remboursés directement à l'établissement pour tenir compte du fait qu'une partie des frais professionnels des actes chirurgicaux est supportée par l'établissement et ainsi l'acte chirurgical coté K ou KC, qui rémunère le praticien, ne tient pas compte des frais liés à ces actes ; que les affirmations de l'administration fiscale sont contraires aux conventions passées avec les organismes de sécurité sociale, et reviennent à dire que ces organismes effectueraient un double paiement ; que la rémunération des aides opératoires est comprise dans les forfaits ; que les médecins anesthésistes sont payés à l'acte ; que l'oxygène est compris dans le prix de journée et les produits sanguins sont remboursés sur justificatifs ; que ces frais ne doivent donc pas être remboursés par les chirurgiens ; que les médecins non associés, c'est à dire les radiologues, cardiologues, biologistes, kinésithérapeutes, pneumologues, gastro-entérologues effectuent des actes cotés en Z, CS, B ou AMM, que cette nomenclature incorpore
l'amortissement du matériel et la prise en compte de personnel, contrairement aux actes en K et KC ; que d'ailleurs la clinique ne reçoit pas de forfait pour les actes de ces praticiens ; qu'il est donc logique qu'ils reversent une redevance qui en tienne compte ; qu'en outre le taux de redevance de 10 % qu'ils reversent n'engendre qu'une recette moyenne de 6 255 francs par an et par médecin contre 42 347 francs pour les chirurgiens et anesthésistes ; que l'administration fiscale entretient une confusion entre la propriété matérielle des lits et le droit de les exploiter ; que ces droits ne font pas partie du montant de la location donnée à la clinique par la SNC Bernard et Cie ; que le montant supérieur de la redevance des autres praticiens est partiellement la contrepartie de la mise à disposition temporaire d'une immobilisation corporelle ;
Vu le mémoire, enregistré le 30 mars 2001, présenté par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, qui conclut aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des tribunaux administratifs et cours administratives d'appel ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le livre des procédures fiscales ;
Vu le décret n 99-435 du 28 mai 1999 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 avril 2001 où siégeaient M. Jean-Antoine, président de chambre, M. Laugier, président-assesseur, M. Y... et Mme Brenne, premiers conseillers et M. Michel, conseiller :
- le rapport de Mme Brenne, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Evrard, commissaire du gouvernement ;

Considérant que M. Z... est associé de la société Clinique de la Tamise à Calais, au sein de laquelle il exerce son activité de chirurgien ; qu'à la suite d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 1984 au 31décembre 1986, l'administration fiscale a estimé que les redevances, calculées sur la base de 5 % de ses honoraires, qu'il payait à la clinique en contrepartie des moyens en personnel et en matériel que celle-ci mettait à sa disposition pour l'exercice de son activité, étaient inférieures aux frais réellement engagés à ce titre ; qu'elle les a évaluées à 10 % des honoraires du médecin, lequel a été regardé comme bénéficiaire d'un revenu distribué supplémentaire, imposable dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux au titre des années 1984 et 1985, pendant lesquelles la clinique avait le statut de société en nom collectif et dans celle des revenus de capitaux mobiliers au titre de l'année 1986 par suite de sa transformation en société à responsabilité limitée ; que le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie demande à la Cour d'annuler le jugement en date du 6 novembre 1997, par lequel le tribunal administratif de Lille a, sur sa demande, accordé à M. A... le bénéfice de la compensation prévue par l'article 205 du livre des procédures fiscales ;
Sur la compensation :
Considérant que l'article 205 du livre des procédures fiscales prévoit que la compensation est opérée " au profit du contribuable à l'encontre duquel l'administration effectue un redressement lorsque ce contribuable invoque une surtaxe ou lorsque le redressement fait apparaître une double imposition " ;
Considérant qu'aux termes de l'article 93 du code général des impôts : " Le bénéfice non commercial à retenir dans les bases de l'impôt sur le revenu est constitué par l'excédent des recettes totales sur les dépenses nécessitées par l'exercice de la profession " ; qu'il résulte de ces dispositions que sont seules admises en dépenses au titre d'un exercice les charges effectivement acquittées au cours dudit exercice ; qu'il est constant que M. Z... ne s'est pas acquitté au cours des exercices 1984, 1985 et 1986, de redevances supplémentaires correspondant au rehaussement de recettes que l'administration a opéré dans les résultats de la société Clinique de la Tamise au cours de ces mêmes exercices à raison de la sous-évaluation par cette société des prestations de services qu'elle rendait à certains de ses praticiens et qui auraient du être supportées par ceux-ci ; que dès lors, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie est fondé à soutenir que la réintégration dans son revenu global du bénéfice distribué par la clinique, au capital de laquelle il est associé, n'a pas fait apparaître une double imposition permettant de mettre en application les dispositions susmentionnées de l'article 205 du livres des procédures fiscales ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a déchargé M. Z... des suppléments d'imposition restant à sa charge et à demander l'annulation des articles 2 et 3 dudit jugement ;

Considérant toutefois qu'il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. Z... devant le tribunal administratif de Lille ;
Sur le bien-fondé des redressements :
Considérant qu'en vertu des dispositions combinées des articles 38 et 209 du code général des impôts, le bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés est celui qui provient des opérations de toute nature faites par la société, à l'exception de celles qui en raison de leur nature ou de leurs modalités, sont étrangères à une gestion commerciale normale ; que dans la mesure où ces dernières ont eu pour effet de diminuer le bénéfice net de la société en réduisant ses profits ou en augmentant ses charges, il y a lieu de procéder aux réintégrations correspondantes pour la détermination du bénéfice imposable ;
Considérant que l'administration a estimé que le fait, pour la société Clinique de la Tamise, d'avoir sous-évalué les prestations résultant de la mise à disposition de son personnel et de ses équipements en faveur des médecins associés de la clinique ne relevait pas d'une gestion normale ;
Considérant que les médecins associés ne peuvent être dispensés en tout ou partie de supporter les charges afférentes à la mise à disposition par la clinique de personnels et de matériels nécessaires à l'exercice de leur pratique médicale, en raison de leur seule qualité de porteur de parts dans la société ;
Considérant que, pour apporter la preuve qui lui incombe de la sous estimation des redevances que les médecins associés reversaient à la clinique à hauteur de 5 % de leurs honoraires, l'administration pouvait se fonder sur la situation comparable des autres praticiens exerçant leurs fonctions dans la clinique, sans être associés à son capital, et supportant des redevances au taux de 10 %, après avoir relevé que les redevances des médecins associés étaient inférieures au montant des prestations de services comptabilisées par la société en 1986, que les locaux pris en compte dans cette comptabilisation correspondaient à trois médecins au lieu de six et que les amortissements facturés se limitaient à ceux du matériel de bureaux à l'exclusion des amortissements de l'infrastructure elle-même ;

Considérant, d'une part, que si l'article 8 du décret n 73-183 du 22 février 1973 dispose que " les tarifs d'hospitalisation et de responsabilité doivent tenir compte du fait qu'une part des frais professionnels des praticiens et auxiliaires médicaux normalement couverte par les honoraires est supportée par l'établissement, notamment par la mise à disposition de personnels, locaux et matériels ", ces dispositions, qui ne concernent que les modalités de fixation des prix facturés aux patients, n'ont ni pour objet, ni pour effet, de couvrir l'établissement de l'intégralité des frais professionnels générés par la mise à disposition de l'ensemble des prestations qui sont offertes aux médecins qui y travaillent, en secrétariat et en matériels médicaux ; que, d'autre part, les honoraires que perçoivent les praticiens en rémunération tant de la consultation médicale que de l'utilisation du matériel, tiennent normalement compte des redevances qu'ils peuvent être amenés à reverser aux établissements dans lesquels ils travaillent ; qu'il suit de là que la circonstance que les médecins associés auraient des spécialités générant directement pour la clinique des recettes supplémentaires au titre des prix de journée et des forfaits de salle d'opération ne suffit pas pour démontrer que les prestations que la clinique leur assure par la mise à disposition de personnels et matériels sont d'un montant inférieur à celles dont bénéficiaient les autres praticiens non associés travaillant également dans la clinique ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie est fondé à demander de remettre intégralement les impositions contestées à la charge de M. Z... ;
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions susvisées font obstacle à ce que l'Etat qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante soit condamné à payer à M. Z... la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Article 1er : Les articles 2 et 3 du jugement du tribunal administratif de Lille en date du 6 novembre 1997 sont annulés
Article 2 : Les suppléments d'impôt sur le revenu auxquels M. Patrick Z... a été assujetti au titre des années 1984, 1985 et 1986 sont intégralement remis à sa charge.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et à M. Patrick Z.... Copie sera transmise au directeur de contrôle fiscal Nord.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

19-04-02-03-01-01-02 CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOTS SUR LES REVENUS ET BENEFICES - REVENUS ET BENEFICES IMPOSABLES - REGLES PARTICULIERES - REVENUS DES CAPITAUX MOBILIERS ET ASSIMILABLES - REVENUS DISTRIBUES - NOTION DE REVENUS DISTRIBUES - IMPOSITION PERSONNELLE DU BENEFICIAIRE


Références :

CGI 93, 2, 3, 38, 209
CGI Livre des procédures fiscales 205
Code de justice administrative L761-1
Décret 73-183 du 22 février 1973 art. 8


Publications
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Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Brenne
Rapporteur public ?: M. Evrard

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3e chambre
Date de la décision : 02/05/2001
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 98DA00768
Numéro NOR : CETATEXT000007598155 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2001-05-02;98da00768 ?
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