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17/05/2001 | FRANCE | N°99DA01493

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1e chambre, 17 mai 2001, 99DA01493


Vu l'ordonnance en date du 30 août 1999 par laquelle le président de la cour administrative d'appel de Nancy a, en application du décret n 99-435 du 28 mai 1999 portant création d'une cour administrative d'appel à Douai et modifiant les articles R. 5, R. 7 et R. 8 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, alors applicables, transmis à la cour administrative d'appel de Douai le recours présenté par la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement ;
Vu le recours, enregistré le 2 juillet 1999 par télécopie et le 6 juillet 1999 par

courrier, au greffe de la cour administrative d'appel de Nancy...

Vu l'ordonnance en date du 30 août 1999 par laquelle le président de la cour administrative d'appel de Nancy a, en application du décret n 99-435 du 28 mai 1999 portant création d'une cour administrative d'appel à Douai et modifiant les articles R. 5, R. 7 et R. 8 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, alors applicables, transmis à la cour administrative d'appel de Douai le recours présenté par la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement ;
Vu le recours, enregistré le 2 juillet 1999 par télécopie et le 6 juillet 1999 par courrier, au greffe de la cour administrative d'appel de Nancy, sous le n 99-1493, ainsi que le mémoire complémentaire, enregistré le 20 juillet 1999, par lesquels la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement demande à la Cour :
1 ) d'annuler le jugement n 97-2342 en date du 27 avril 1999 par lequel le tribunal administratif de Lille a, sur la demande de la société nouvelle Roger, annulé l'arrêté du 22 mai 1997 par lequel le préfet du Pas-de-Calais imposait à ladite société des prescriptions complémentaires au titre de la loi du 19 juillet 1976 ;
2 ) d'ordonner le sursis à exécution de ce jugement ;
3 ) de rejeter la demande présentée par la société nouvelle Roger devant le tribunal administratif de Lille ;
4 ) de condamner la société nouvelle Roger à lui payer la somme de 10 000 francs au titre de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ; ---- ---- -- Vu les autres pièces du dossier ;
Vu l'ordonnance n 2000-914 du 18 septembre 2000 et le code de l'environnement (partie législative) ;
Vu le décret n 77-1133 du 21 septembre 1977 modifié ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu le décret n 99-435 du 28 mai 1999 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 mai 2001
- le rapport de M. Laugier, président-assesseur,
- et les conclusions de M. Bouchier, commissaire du gouvernement ;

Sur la fin de non-recevoir opposée par la société nouvelle Roger aux conclusions à fin d'annulation :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le jugement attaqué du tribunal administratif de Lille a été notifié au ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement le 3 mai 1999 ; que le recours dirigé contre ce jugement a été enregistré au greffe de la cour administrative d'appel de Nancy le 2 juillet 1999 par télécopie, confirmée par courrier ; qu'ainsi, le recours du ministre a été formé dans le délai de deux mois imparti par l'article R. 229 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, alors applicable ; que, dès lors, la fin de non-recevoir opposée pour tardiveté par la société nouvelle Roger doit être rejetée ;
Au fond :
Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'environnement susvisé, reprenant les dispositions de l'article 1er de la loi du 19 juillet 1976 relative aux installations classées pour la protection de l'environnement : "Sont soumis aux dispositions du présent titre les usines, ateliers, dépôts, chantiers et, d'une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature et de l'environnement, soit pour la conservation des sites et des monuments. ..." ; qu'aux termes de l'article L. 512-3 dudit code, reprenant les dispositions du premier alinéa de l'article 6 de la loi du 19 juillet 1976 : "Les conditions d'installation et d'exploitation jugées indispensables pour la protection des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1, les moyens d'analyse et de mesure et les moyens d'intervention en cas de sinistre sont fixés par l'arrêté d'autorisation et, éventuellement, par des arrêtés complémentaires pris postérieurement à cette autorisation." ; et qu'aux termes de l'article L. 512-7 du même code, reprenant les dispositions du deuxième alinéa de l'article 6 de la loi du 19 juillet 1976 : "En vue de protéger les intérêts visés à l'article L. 511-1, le préfet peut prescrire la réalisation des évaluations et la mise en oeuvre des remèdes que rendent nécessaires soit les conséquences d'un accident ou incident survenu dans l'installation, soit les conséquences entraînées par l'inobservation des conditions imposées en application du présent titre. Ces mesures sont prescrites par des arrêtés pris, sauf cas d'urgence, après avis de la commission départementale consultative compétente." ;

Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 34-1 du décret du 21 septembre 1977 susvisé : "I.- Lorsqu'une installation classée est mise à l'arrêt définitif, son exploitant remet son site dans un état tel qu'il ne s'y manifeste aucun des dangers ou inconvénients mentionnés à l'article 1er de la loi du 19 juillet 1976 susvisée. Le préfet peut à tout moment imposer à l'exploitant les prescriptions relatives à la remise en état du site, par arrêté pris dans les formes prévues à l'article 18 ci-dessus. II.- L'exploitant qui met à l'arrêt définitif son installation notifie au préfet la date de cet arrêt au moins un mois avant celle-ci. Toutefois, dans le cas des installations autorisées pour une durée limitée définies à l'article 17-1, cette notification est adressée au préfet six mois au moins avant la date d'expiration de l'autorisation. III. - Dans le cas des installations soumises à autorisation, il est joint à la notification un dossier comprenant le plan à jour des terrains d'emprise de l'installation, ainsi qu'un mémoire sur l'état du site. Le mémoire précise les mesures prises ou prévues pour assurer la protection des intérêts visés à l'article 1er de la loi n 76-663 du 19 juillet 1976 susvisée, et pouvant comporter notamment : 1 L'évaluation ou l'élimination des produits dangereux, ainsi que des déchets présents sur le site ; 2 La dépollution des sols et des eaux souterraines éventuellement polluées ;
3 L'insertion du site de l'installation dans son environnement ; 4 En cas de besoin, la surveillance à exercer de l'impact de l'installation sur son environnement ..." ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société à responsabilité limitée Roger frères exploitait depuis 1977, sous le régime de l'autorisation, une usine de fabrication de machines agricoles, dans les locaux appartenant à l'indivision Roger et situés ... ; qu'après la mise en liquidation judiciaire de cette entreprise, la société nouvelle Roger a repris l'exploitation de ladite usine, sur le site de la rue Jean Moulin, de décembre 1987 jusqu'au 31 décembre 1993, date à laquelle -sans d'ailleurs que l'administration en soit avisée- l'entreprise a été transférée sur un autre site, dans la même commune ; que l'activité exercée rue Jean Moulin à Carvin utilisait divers équipements au nombre desquels figurait un transformateur contenant plusieurs centaines de litres de polychlorobiphéniles (P.C.B.) et de polychloroterphéniles (P.C.T.) ; qu'il résulte de l'instruction que, lors de plusieurs visites sur place menées en décembre 1996 et mars 1997, l'inspecteur des installations classées a constaté une importante pollution, par souillure aux P.C.B et P.C.T., des produits, sols et matériaux présents sur le site, à la suite de la détérioration par actes de vandalisme du transformateur susmentionné ; que, dès lors, la société nouvelle Roger, en sa qualité de dernier exploitant du site de la rue Jean Moulin, lequel présentait des dangers et inconvénients pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques et pour la préservation de l'environnement, pouvait se voir imposer légalement les mesures prescrites par les dispositions précitées de la loi du 19 juillet 1976 actuellement reprises sous l'article L. 512-7 du code de l'environnement ;

Considérant que la société nouvelle Roger ne peut se prévaloir utilement ni de la circonstance qu'elle aurait remis les locaux, en fin de bail, à l'indivision Roger, propriétaire des lieux, ses rapports de droit privé avec cette dernière étant inopposables à l'administration agissant en vertu de la police spéciale des installations classées, ni de ce que la contamination du site serait imputable à des actes de vandalisme, lesquels ne sauraient exonérer l'exploitant de ses responsabilités au regard de la législation régissant lesdites installations ; qu'enfin, la société nouvelle Roger n'est pas fondée à soutenir que la pollution constatée ne se rattacherait pas à son activité, dès lors qu'il est constant que le site qu'elle a exploité de 1987 à 1993 comportait le transformateur à l'origine de ladite pollution ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le tribunal administratif s'est fondé sur ce dernier motif pour annuler l'arrêté préfectoral du 22 mai 1997 ayant imposé à la société nouvelle des prescriptions relatives à la protection et la remise en état du site ;
Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la société nouvelle Roger devant le tribunal administratif de Lille ;
Considérant, en premier lieu, que si la société nouvelle Roger soutient que le préfet ne pouvait lui imposer des prescriptions "complémentaires" du fait qu'elle ne bénéficiait pas elle-même d'un arrêté principal d'autorisation d'exploiter, il résulte des termes précités des articles L. 512-3 et L. 512-7 du code de l'environnement, issus de l'article 6 de la loi du 19 juillet 1976 dont le préfet a fait application, que celui-ci est en droit de prendre de telles mesures de nature à protéger les intérêts visés par la loi ; que, dès lors qu'il est constant, ainsi qu'il a été dit précédemment, que la société nouvelle Roger a succédé comme exploitant sur le site, à la société à responsabilité limitée Roger frères, ce moyen ne peut donc qu'être écarté ;
Considérant, en deuxième lieu, que la requérante soutient que, son activité n'étant pas soumise à autorisation, il ne peut être mis à sa charge les obligations prévues par l'article 6 de la loi du 19 juillet 1976 ; que, toutefois, la circonstance, d'une part, que l'activité actuelle de la société nouvelle Roger sur son nouveau site d'implantation relève du régime de la déclaration est inopérante à l'égard des prescriptions relatives au site, en litige, sis rue Jean Moulin ; qu'il est constant, d'autre part, que la société nouvelle Roger a exploité, de décembre 1987 à décembre 1993, l'usine de la rue Jean Moulin, et que celle-ci fonctionnait sous le régime de l'autorisation ; que, par suite, le préfet du Pas-de-Calais était en droit d'imposer à ladite société, dernier exploitant de ce site, les mesures prescrites par les dispositions réglementaires précitées ;

Considérant, en troisième lieu, que, par arrêté du 16 avril 1997, soit plus d'un mois avant l'intervention de l'arrêté présentement en litige, le préfet du Pas-de-Calais a mis en demeure la société nouvelle Roger de produire dans le délai d'un mois le mémoire prévu à l'article 34-1-III précité du décret du 21 septembre 1977 ; que, par suite, et en tout état de cause, le moyen tiré du défaut de mise en demeure préalable doit être écarté ;
Considérant, en dernier lieu, qu'en vertu des dispositions précitées de l'article L. 512-7 du code de l'environnement, reprenant le deuxième alinéa de l'article 6 de la loi du 19 juillet 1976, les mesures prescrites en application de ces dispositions peuvent ne pas être soumises à l'avis de la commission départementale consultative compétente dans les "cas d'urgence" ; qu'il résulte de l'instruction que, compte tenu de l'importance et de la dangerosité de la contamination du site par les souillures aux P.C.B. et P.C.T. susévoquées, l'urgence s'attachait, en l'espèce, à ce qu'il soit porté remède à ladite pollution ; qu'il y a lieu, en conséquence d'écarter le moyen tiré par la société nouvelle Roger du défaut de saisine du conseil départemental d'hygiène ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a annulé l'arrêté du préfet du Pas-de-Calais en date du 22 mai 1997 imposant à la société nouvelle Roger des prescriptions relatives à la protection et à la remise en état du site de la rue Jean Moulin à Carvin ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, devenu article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant, d'une part, que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'est pas la partie perdante en l'instance, soit condamné à verser à la société nouvelle Roger la somme que celle-ci demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
Considérant, d'autre part, qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner la société nouvelle Roger à payer à l'Etat la somme que celui-ci demande, au titre de ces mêmes dispositions ;
Article 1er : Le jugement n 97-2342 du 27 avril 1999 du tribunal administratif de Lille est annulé.
Article 2 : La demande présentée par la société nouvelle Roger devant le tribunal administratif de Lille est rejetée.
Article 3 : Les conclusions du ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement et de la société nouvelle Roger tendant au bénéfice de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement et à la société nouvelle Roger. Copie sera transmise au préfet du Pas-de-Calais.


Type d'affaire : Administrative

Analyses

NATURE ET ENVIRONNEMENT - INSTALLATIONS CLASSEES POUR LA PROTECTION DE L'ENVIRONNEMENT - REGIME JURIDIQUE - POUVOIRS DU PREFET - MODIFICATION DES PRESCRIPTIONS IMPOSEES AUX TITULAIRES.

NATURE ET ENVIRONNEMENT - INSTALLATIONS CLASSEES POUR LA PROTECTION DE L'ENVIRONNEMENT - REGIME JURIDIQUE - POUVOIRS DU PREFET - CONTROLE DU FONCTIONNEMENT DE L'INSTALLATION.


Références :

Code de justice administrative L761-1
Code de l'environnement L511-1, L512-3, L512-7
Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel R229, L8-1
Décret 77-1133 du 21 septembre 1977 art. 34-1
Loi du 19 juillet 1976 art. 1, art. 6


Publications
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Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Laugier
Rapporteur public ?: M. Bouchier

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1e chambre
Date de la décision : 17/05/2001
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 99DA01493
Numéro NOR : CETATEXT000007596610 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2001-05-17;99da01493 ?
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