La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

11/07/2001 | FRANCE | N°98DA00272

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3e chambre, 11 juillet 2001, 98DA00272


Vu l'ordonnance en date du 30 août 1999 par laquelle le président de la cour administrative d'appel de Nancy a, en application du décret n 99-435 du 28 mai 1999 portant création d'une cour administrative d'appel à Douai et modifiant les articles R. 5, R. 7 et R. 8 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, alors applicables, transmis à la cour administrative d'appel de Douai la requête présentée pour la société Metalplast Recuperi dont le siège social est situé Via Pico 1/A 41037 Mirandola (Italie) représentée par la société à responsabilité l

imitée Utilis dont le siège social est situé ..., par Me X..., avo...

Vu l'ordonnance en date du 30 août 1999 par laquelle le président de la cour administrative d'appel de Nancy a, en application du décret n 99-435 du 28 mai 1999 portant création d'une cour administrative d'appel à Douai et modifiant les articles R. 5, R. 7 et R. 8 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, alors applicables, transmis à la cour administrative d'appel de Douai la requête présentée pour la société Metalplast Recuperi dont le siège social est situé Via Pico 1/A 41037 Mirandola (Italie) représentée par la société à responsabilité limitée Utilis dont le siège social est situé ..., par Me X..., avocat ;
Vu la requête, enregistrée le 6 février 1998 au greffe de la cour administrative d'appel de Nancy, par laquelle la société Métalplast Recuperi demande à la Cour :
1 ) d'annuler le jugement en date du 6 novembre 1997 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à la restitution des droits supplémentaires à la taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre du mois d'août 1989, à la saisine de la Cour de Justice des Communautés Européennes d'une question préjudicielle et à la condamnation de l'Etat sur le fondement des dispositions de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
2 ) de prononcer la décharge desdites impositions ;
3 ) de d'ordonner le sursis à exécution du jugement attaqué ;
4 ) de saisir, dans le cadre du renvoi préjudiciel prévu à l'article 177 du Traité de Rome, la Cour de Justice des Communautés Européennes ;
Elle soutient que l'exécution du jugement entraîne pour les sociétés Utilis et Métalplast Recuperi des conséquences irréparables ; que les moyens présentés sont sérieux et de nature à justifier l'annulation du jugement ; que les prestations que fournissait la société Metalplast Recuperi ne consistent pas en une simple prestation d'élimination de déchets hospitaliers dont la réalisation serait purement et simplement transférée par une société étrangère à une société française afin qu'elle les exécute matériellement et intégralement comme si elle s'était comportée comme un intermédiaire entre les sociétés françaises assurant l'élimination et les établissements hospitaliers italiens clients ; que le tribunal administratif de Lille a commis une erreur d'appréciation en considérant que son activité consistait en une simple prestation d'élimination de déchets et que la prestation en cause ayant été effectuée en France, elle y serait également imposable ; qu'elle entre dans le critère général d'imposition à la taxe sur la valeur ajoutée tel qu'il est défini à l'article 259 du code général des impôts ; qu'il y a lieu de retenir le lieu d'établissement de l'entreprise défini par l'article 9-1er alinéa de la 6e directive européenne du 17 mai 1977 ; qu'à ce titre elle a facturé à ses clients l'IVA italienne au taux de 19 % ; que si l'entreprise française qui assurait la destruction d'une certaine quantité de déchets à elle confiée a, à bon droit, appliqué la taxe sur la valeur ajoutée sur la prestation ainsi réalisée, il est erroné de considérer que l'entreprise qui lui a confié ce travail a pu se trouver, vis-à-vis de ses propres clients étrangers, placée
dans le champ d'application du même critère de territorialité ; que l'analyse ayant consisté à la soumettre au même régime de taxe sur la valeur ajoutée que l'entreprise française à laquelle elle avait confié diverses prestations d'élimination est contraire au principe posé par la 6e directive européenne ; que la position de l'administration est également contraire au principe de remboursement prévu dans une telle hypothèse par la 8e directive de 1979 ; qu'il y a violation du principe de neutralité de la taxe sur la valeur ajoutée ; que la position de l'administration a changé ; qu'il y a une atteinte caractérisée aux principes de légitime confiance et de sécurité juridique ; que l'application des intérêts de retard n'est pas justifiée ; qu'il y a lieu de s'interroger sur la qualification de l'opération d'élimination ; que le traitement de déchets ne saurait être considéré comme un travail portant sur des biens meubles corporels ; qu'il y a lieu de saisir la cour de justice des communautés européennes d'une question préjudicielle ; ---- ---- -- Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la sixième directive n 77-388-CEE du conseil des communautés européennes du 17 mai 1977 en matière d'harmonisation des législations des Etats membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires, système commun de taxe sur la valeur ajoutée, assiette uniforme ;
Vu la huitième directive n 79/1072/CEE du conseil des communautés européennes du 6 décembre 1979 en matière d'harmonisation des législations des Etats membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires. Modalités de remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée aux assujettis non établis à l'intérieur du pays ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le livre des procédures fiscales ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu le décret n 99-435 du 28 mai 1999 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 13 juin 2001
- le rapport de Mme Chelle, président-assesseur,
- les observations de Me X..., avocat, pour la société requérante,
- et les conclusions de M. Evrard, commissaire du gouvernement ;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête :
Sur les droits rappelés :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société Métalplast Récupéri, qui est établie en Italie et qui a pour activité l'élimination de déchets hospitaliers, a été chargée aux termes de contrats conclus avec ses clients établissements hospitaliers italiens d'une prestation complexe comprenant la collecte de déchets, leur tri et leur élimination ; qu'elle a facturé à ses clients preneurs de services la taxe sur la valeur ajoutée en Italie, l'Etat membre de son établissement sur la totalité du prix de la prestation complexe ; que l'élimination de certains déchets nécessitant un traitement technique particulier que la société Métalplast Récupéri n'était pas en mesure d'assurer en Italie, celle-ci a sous-traité à une société française établie en France l'élimination de ceux-ci ; qu'en l'absence d'établissement stable en France, la société Métalplast Récupéri a désigné la société à responsabilité limitée Utilis en qualité de représentant fiscal ; que, dans le cadre de cet engagement, la société Utilis a sollicité des remboursements de crédits de taxe sur la valeur ajoutée non imputable auprès de l'administration fiscale ; que ces remboursements ont été accordés, au titre de la période du mois d'août 1989 pour un montant total de 213 391francs ; qu'à la suite d'un contrôle des déclarations de taxe sur le chiffre d'affaires de la société Utilis l'administration a estimé que la société Métalplast Récupéri aurait dû acquitter la taxe sur la valeur ajoutée française sur son chiffre d'affaires généré par la prestation sous-traitée et réalisée matériellement en France ; que la société Métalplast Récupéri demande la décharge de ladite taxe au titre de la période du mois d'août 1989 ; que l'administration a refusé la décharge de ladite taxe en estimant que seule devait être prise en compte l'exécution matérielle en France d'une opération sur biens meubles corporels au sens de l'article 259 A 4 du code général des impôts ;

Considérant qu'aux termes de l'article 9 de la sixième directive n 77-388-CEE du conseil des communautés européennes du 17 mai 1977 en matière d'harmonisation des législations des Etats membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires : " 1. Le lieu d'une prestation de service est réputé se situer à l'endroit où le prestataire a établi le siège se son activité économique ou un établissement stable à partir duquel la prestation de services est rendue ou, à défaut d'un tel siège ou d'un tel établissement stable, au lieu de son domicile ou de sa résidence habituelle. 2. Toutefois : c) le lieu des prestations de service ayant pour objet : -des travaux portant sur des biens meubles corporels, est l'endroit où ces prestations sont matériellement exécutées " ; qu'aux termes de l'article 1er de la huitième directive n 79/1072/CEE du conseil des communautés européennes du 6 décembre 1979 : " Pour l'application de la présente directive, est considéré comme un assujetti qui n'est pas établi à l'intérieur du pays qui n'a eu dans ce pays ni le siège de son activité économique, ni un établissement stable à partir duquel les opérations sont effectuées, ni, à défaut d'un tel siège ou d'un tel établissement stable, son domicile ou sa résidence habituelle, et qui n'a effectué aucune livraison de biens ou prestation de service réputée se situer dans ce pays " ; qu'aux termes de l'article 2 de la même directive : " Chaque Etat membre rembourse à tout assujetti qui n'est pas établi à l'intérieur du pays mais qui est établi dans un autre Etat membre la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé des services qui lui sont rendus ou des biens meubles qui lui sont livrés à l'intérieur du pays par d'autres assujettis, ou ayant grevé l'importation de biens dans le pays " ;
Considérant que, pour faire produire des effets en droit interne à ces stipulations communautaires, le code général des impôts en vigueur au titre des périodes d'imposition en litige dispose : Article 259 : " Le lieu des prestations de service est réputé se situer en France lorsque le prestataire a en France le siège de son activité ou un établissement stable à partir duquel le service est rendu ou, à défaut, son domicile ou sa résidence habituelle " ; Article 259 A : " Par dérogation aux dispositions de l'article 259, sont imposables en France : 4 Les prestations ci-après lorsqu'elles sont matériellement exécutées en France : Travaux et expertises portant sur des biens meubles corporels " ; Article 242-0 M de l'annexe II du même code : " 1. Les assujettis établis à l'étranger peuvent obtenir le remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée qui leur a été régulièrement facturée si, au cours du trimestre civil ou de l'année civile auquel se rapporte la demande de remboursement, ils n'ont pas eu en France le siège de leur activité ou un établissement stable ou, à défaut, leur domicile ou leur résidence habituelle et n'y ont pas réalisé, durant la même période, d'opérations entrant dans le champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée au sens des articles 256 à 259 C du code général des impôts " ;

Considérant qu'il résulte des stipulations susmentionnées des sixième et huitième directives communautaires, telles qu'elles ont été interprétées par un arrêt en date du 25 janvier 2001, (affaire n C-429/97 Commission contre République Française) de la Cour de Justice des Communautés Européennes, que lorsque le titulaire d'un contrat principal portant sur une prestation complexe en matière d'élimination de déchets hospitaliers et industriels a son siège ou un établissement stable dans un Etat membre autre que la France, la prestation qu'il effectue est réputée se situer dans le premier Etat même s'il confie à un sous-traitant, assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée en France, l'élimination d'une partie des déchets, en acquittant la taxe sur la valeur ajoutée correspondante ; que les conditions auxquelles la huitième directive, subordonne le remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée étant ainsi remplies, le titulaire du contrat principal est fondé à exiger ensuite ce remboursement, sur le fondement de l'article 2 de la huitième directive ; qu'en l'espèce trouvent à s'appliquer, non pas les stipulations particulières du 2 de l'article 9 de la sixième directive, mais celles à portée générale du 1 du même article complétées par les articles 1er et 2 de la huitième directive et qui ont été reprises en droit interne à l'article 259 précité du code général des impôts et à l'article 242-OM de l'annexe II au même code ;
Considérant que la société Métalplast Récupéri est établie dans un Etat membre autre que la France et se trouve titulaire d'un contrat principal portant sur une prestation de services complexe en matière d'élimination de déchets hospitaliers ; qu'elle ne dispose pas d'un établissement stable en France au sens des dispositions de l'article 259 du code général des impôts ; que c'est à tort que le service fiscal s'est fondé sur celles de l'article 259-A-4 , reprenant les stipulations inapplicables en l'espèce du 2 de l'article 9 de la sixième directive pour assujettir son chiffre d'affaires à la taxe sur la valeur ajoutée à raison de la prestation de service qu'elle a réalisée en France lorsqu'elle a sous-traité à un assujetti établi en France une partie des travaux d'élimination de déchets, après remboursement de la taxe que lui a facturée ce sous-traitant ; que la société requérante peut donc prétendre à la décharge du rappel de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge par un avis de mise en recouvrement du 12 mai 1992, dès lors qu'elle devait seulement relever de la procédure prévue à l'article 242-OM de l'annexe II au code général des impôts lui permettant d'obtenir le remboursement de la taxe facturée par son sous-traitant français et sans être elle-même redevable de la taxe à raison de son chiffre d'affaires lié à cette opération de sous-traitance dans la mesure où cette taxe doit être collectée en Italie pour la même prestation de service ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Métalplast Récupéri peut prétendre à la décharge des droits maintenus à sa charge pour un montant en principal de 213 391 francs et d'intérêts de retard de 22 406 francs ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Métalplast Récupéri est ainsi fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande ;
Sur les intérêts moratoires :
Considérant que si la société requérante réclame en outre les intérêts moratoires sur les sommes à restituer, il n'existe, en l'espèce, aucun litige né et actuel entre le comptable public et la société concernant le versement desdits intérêts ; que, dès lors, ces conclusions sont prématurées et par suite irrecevables ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lille en date du 6 novembre 1997 est annulé.
Article 2 : La société Métalplast Récupéri est déchargée de la taxe sur la valeur ajoutée mise à sa charge au titre de la période du 1er août 1989 au 31 août 1989 pour un montant de 213 391 francs en droits ainsi que des intérêts de retard y afférents.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société Metalplast Recuperi représentée par la société Utilis et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Copie sera transmise au directeur de contrôle fiscal Est.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

19-06-02-01-02 CONTRIBUTIONS ET TAXES - TAXES SUR LE CHIFFRE D'AFFAIRES ET ASSIMILEES - TAXE SUR LA VALEUR AJOUTEE - PERSONNES ET OPERATIONS TAXABLES - TERRITORIALITE


Références :

CGI 259, 259 A
CGIAN2 242-0, 242


Publications
RTFTélécharger au format RTF
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Chelle
Rapporteur public ?: M. Evrard

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3e chambre
Date de la décision : 11/07/2001
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 98DA00272
Numéro NOR : CETATEXT000007596309 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2001-07-11;98da00272 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award