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05/12/2001 | FRANCE | N°99DA00665

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3e chambre, 05 décembre 2001, 99DA00665


Vu, l'ordonnance en date du 30 août 1999 par laquelle le président de la cour administrative d'appel de Nancy a, en application du décret n 99-435 du 28 mai 1999 portant création d'une cour administrative d'appel à Douai et modifiant les articles R. 5, R. 7 et R. 8 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, alors applicables, transmis à la cour administrative d'appel de Douai la requête présentée pour la société SA Financière Tartar, anciennement dénommée société Sabe S.A., dont le siège est situé rue de Lorraine à Arques (62510), représenté

e par son président en exercice, par Me de Saint-Chaffray, avocat ;
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Vu, l'ordonnance en date du 30 août 1999 par laquelle le président de la cour administrative d'appel de Nancy a, en application du décret n 99-435 du 28 mai 1999 portant création d'une cour administrative d'appel à Douai et modifiant les articles R. 5, R. 7 et R. 8 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, alors applicables, transmis à la cour administrative d'appel de Douai la requête présentée pour la société SA Financière Tartar, anciennement dénommée société Sabe S.A., dont le siège est situé rue de Lorraine à Arques (62510), représentée par son président en exercice, par Me de Saint-Chaffray, avocat ;
Vu la requête, enregistrée le 22 mars 1999 au greffe de la cour administrative d'appel de Nancy, par laquelle la société S.A. Financière Tartar demande à la Cour :
1 ) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Lille en date du 29 décembre 1998 qui a rejeté la demande de la société Sabe tendant à obtenir la décharge des suppléments d'imposition à l'impôt sur les sociétés mis à sa charge au titre des exercices clos les 31 mars des années 1987 à 1990 ;
2 ) de prononcer la décharge desdites impositions ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des tribunaux administratifs et cours administratives d'appel ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le livre des procédures fiscales ;
Vu le décret n 99-435 du 28 mai 1999 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 21 novembre 2001
- le rapport de Mme Brenne, premier conseiller,
- les observations de Me X..., avocat, pour la société Financière Tartar,
- et les conclusions de M. Evrard, commissaire du gouvernement ;

Considérant que la société Sabe, dénommée société Financière Tartar depuis le 27 mai 1993, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur les exercices clos le 31 mars des années 1987 à 1990 ; qu'elle relève appel d'un jugement en date du 29 décembre 1998, par lequel le tribunal administratif a rejeté sa demande tendant à la réduction des suppléments d'imposition auxquels elle a été assujettie au titre de ces exercices ;
Sur les redevances d'exploitation payées à la société Innofinance :
Considérant qu'aux termes de l'article 38 du code général des impôts, applicable en matière d'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : " 2) Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt, diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiées " ;
Considérant que, par contrat conclu le 21 mai 1985 pour une durée minimale de 3 ans et auquel seul l'acquéreur pouvait mettre fin avant le 31 décembre 2003, date d'expiration des brevets protégeant l'invention, la société hongroise Innofinance a concédé à une société anonyme dénommée " Sabe-Piky " le droit exclusif d'utiliser ou vendre une invention portant sur des jeux éducatifs dont le brevet avait été déposé le 31 janvier 1984 en Hongrie et, notamment, la possibilité de demander des brevets en son nom propre et de les vendre moyennant, d'une part, un versement en capital, ainsi que, d'autre part, une redevance de 4 % du chiffre d'affaires réalisé qui devait atteindre un montant minimum à compter du 1er janvier 1986 ; que ce contrat concédait également à la société " Sabe-Piky " le droit de sous-traiter la fabrication des produits issus de l'invention et d'octroyer des sous-licences mais excluait la cession de brevet obtenu par elle avant d'avoir fait une proposition identique à la société Innofinance ; que la société Sabe dont le dirigeant, faute d'existence réelle de la société Sabe-Piky, avait signé ledit contrat, a, moyennant le versement de redevances majorées d'un point par rapport aux redevances dues à la société Innnofinance, confié l'exploitation de la concession à la société anonyme Piky constituée en août 1985 et dans laquelle elle a, lors de l'augmentation de son capital en novembre 1985, pris une participation de 47,91 % , portée à 79,16 % le 31 mars 1988 puis ultérieurement à 99,97 % ; que le vérificateur, estimant que la concession de l'invention constituait pour la société Sabe un droit source régulière de profit, qui devait être comptabilisé parmi les éléments incorporels de l'actif du bilan, a réintégré aux résultats des exercices clos le 31 mars des années 1987 à 1990, comme non déductibles immédiatement en charges, les redevances versées par la société Sabe à la société Innofinance ;

Considérant que ces stipulations contractuelles ont conféré à la société Sabe des droits susceptibles de constituer une source régulière de profits dotée d'une pérennité suffisante ; que ni la circonstance que le contrat excluait de son champ d'application les pays appartenant au Conseil d'Aide Economique Mutuelle, ni celle qu'il prévoyait le partage en deux parts égales des revenus découlant de licences délivrées par la société Sabe, ne sont de nature à remettre en cause le droit exclusif que la société Innofinance accordait à la société Sabe, d'utiliser ou vendre l'invention dans les autres pays ; que les circonstances que le contrat réservait à l'inventeur le droit " de développer ou chercher de nouveaux design basés sur l'invention " et qu'une clause n'autorisait la société Sabe à vendre tout brevet obtenu par elle qu'après l'avoir proposé à la société Innofinance ne limitaient pas le droit de la requérante d'utiliser et vendre l'invention elle-même ; que par suite, il appartenait à la société Sabe de faire figurer les droits concédés parmi les éléments incorporels de l'actif immobilisé pour leur valeur d'acquisition réelle, laquelle était constituée par le montant stipulé au contrat, majoré de la valeur des redevances annuelles à verser ultérieurement, sans pouvoir en ce qui concerne ces dernières, les regarder comme des charges déductibles lors de leur paiement ; qu'il suit de là que la société Financière Tartar n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sur ces points sa demande ;
Sur les provisions pour dépréciation des créances détenues sur la société anonyme Piky :
Considérant qu'aux termes de l'article 39 du code général des impôts : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, notamment : 5 Les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des événements en cours rendent probables " ;
Considérant qu'au cours des exercices clos le 31 mars des années 1987 à 1990, la société Sabe a consenti à sa filiale la société Piky des avances en compte courant d'un montant respectif de 3 237 806 francs, 5 053 007 francs, 5 649 004 francs et 5 175 035 francs, après, pour ce dernier exercice, un abandon de créance de 1 000 000 francs ; que le 31 mars 1988 elle a constitué une provision de 3 031 804 francs pour dépréciation de sa créance correspondant à 60 % du total de ses avances ; que le vérificateur a réintégré cette somme aux résultats de l'exercice estimant que le risque de non recouvrement de sa créance par la société Sabe procédait d'une simple éventualité ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'à la date de constitution de ladite provision, l'actif net disponible de la S.A. Piky était débiteur de 1 644 838 francs ; que cet événement qui est apparu au cours de l'exercice de constitution de la provision, démontrait que la société Sabe ne pouvait recouvrer ses avances qui atteignaient alors 5 053 007 francs sans placer sa filiale en situation de cessation de paiement ; que, quand bien même les autres créanciers de la société anonyme Piky étaient ponctuellement payés, grâce au soutien financier de la société Sabe et que celle-ci a maintenu ce soutien au cours des exercices suivants, cette situation financière établit le risque d'irrecouvrabilité de la créance de la société requérante ;
Considérant que la société ne peut utilement se prévaloir des termes des paragraphes 6 et 7 de la documentation administrative de la direction générale des impôts référencée 4 E-43 du 15 décembre 1985, laquelle ne comporte pas une interprétation de la loi fiscale différente de celle dont il est fait application ;
Considérant toutefois que le risque d'irrecouvrabilité des avances consenties par la société Sabe, qui s'apprécie indépendamment du risque pour la société de perdre la totalité de la valeur de ses titres en cas de liquidation de la S.A. Piky, se limitait au montant de la situation nette débitrice de la S.A. Piky à la date du 31 mars 1988, compte non tenu de l'avance que lui avait consentie à cette date la société Sabe, soit 1 421 945 francs ; qu'il suit de là que la société Financière Tartar est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à la réduction de la base de l'impôt sur les sociétés auquel elle a été assujettie au titre de l'exercice clos le 31 mars 1988, à concurrence d'une somme de 1 421 945 francs ;
Sur la perte des avances consenties à la société Agrotecnica Itakiry :
Considérant qu'en application de l'article 39-1-1 du code général des impôts, il appartient toujours à l'entreprise, indépendamment de la procédure d'imposition suivie, de justifier dans leur principe comme dans leur montant de l'exactitude des écritures retraçant des charges qu'elle entend déduire de ses résultats pour la détermination de son bénéfice imposable ;

Considérant que la société Sabe a, en 1978, pris une participation de 15 % dans le capital de la société paraguayenne Agrotecnica Itakiry, qui avait pour objet la production de manioc, maïs et soja ainsi que d'une plante dénommée stevia rebaudiana contenant deux édulcorants, et la recherche de nouveaux produits notamment de graines de soja à haute teneur en huile et protéines, de maïs de qualité supérieure, ainsi que de produits issus de la stevia rebaudiana, sur laquelle la société Sabe finançait également des recherches de toxicologie en liaison avec l'université des sciences et techniques de Lille Flandres Artois ; que jusqu'en 1984, elle a consenti à cette société des avances en compte courant d'un montant global de 1 782 388 francs ; qu'à la clôture de l'exercice 1988, elle a constaté dans ses écritures comptables la perte de ces créances pour un montant net de 172 239 francs, compte tenu d'une reprise de 1 604 109 francs sur les provisions pour risques qu'elle avait constituées au cours des exercices clos en 1983 et 1984 ; que le vérificateur a réintégré la somme de 172 239 francs au résultat imposable de l'exercice au motif que la société Sabe ne justifiait pas de l'intérêt que ces avances avaient présenté pour sa propre activité ;
Considérant que si la société Financière Tartar soutient que les avances dont s'agit assuraient le financement des recherches menées par la société Agrotecnica Itakiry, lesquelles s'inscrivaient dans le prolongement direct des travaux qu'elle menait en France autour de la stevia rebaudiana et se justifiaient par le fait que les cultures du soja et du maïs de qualité supérieure entraient dans son processus de fabrication d'aliments pour le bétail, elle n'apporte aucune preuve de la réalité et de la consistance de l'activité de la société Agrotecnica Itakiry, ni d'ailleurs de l'existence de relations commerciales avec cette société qui n'a jamais réalisé de recettes, et, par suite, elle ne justifie pas de l'intérêt pour sa propre activité des avances qu'elle a consenties à sa filiale; que dès lors, faute d'apporter la preuve qui lui incombe du bien-fondé desdites avances, la société Financière Tartar n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa contestation de la réintégration dans ses résultats de la perte de sa créance ;
Sur la demande de compensation :
Considérant qu'aux termes de l'article L 204 du livre des procédures fiscales : " La compensation peut aussi être effectuée ou demandée entre les impôts suivants, lorsque la réclamation porte sur l'un d'eux : 1 A condition qu'ils soient établis au titre d'une même année, entre l'impôt sur le revenu, l'impôt sur les sociétés . " ;

Considérant que les conclusions par lesquelles la société Sabe demande la compensation entre l'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie à raison de la réintégration dans son résultat imposable au titre des exercices 1982-1983 et 1984-1985 des provisions pour dépréciation des créances détenues sur la société anonyme Piky et l'impôt qu'elle a acquitté par suite de la reprise de ces provisions effectuée au cours de l'exercice 1987-1988 ne peuvent être accueillies dès lors qu'elles concernent des impôts établis au titre d'années différentes ; qu'elle ne peut en outre utilement invoquer la doctrine administrative E-4122 du 26 novembre 1996, qui est postérieure aux impositions en litiges ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Financière Tartar est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille, a rejeté sa demande tendant à la réduction en base de l'impôt sur les sociétés auquel elle a été assujettie au titre de l'exercice clos le 31 mars 1988, à concurrence d'une somme de 1 421 945 francs ;
Article 1er : Les bases de l'impôt sur les sociétés mis à la charge de la société Financière Tartar, anciennement dénommée société Sabe, sont réduites d'une somme de 1 421 945 francs au titre de l'exercice clos le 31 mars 1988.
Article 2 : La société Financière Tartar est déchargée du complément d'impôt sur les sociétés mis à sa charge au titre de l'année 1988 correspondant à la réduction de la base d'imposition définie à l'article 1er.
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Lille en date du 29 décembre 1998 est réformé en ce qu'il a de contraire aux articles 1 et 2.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la société Financière Tartar est rejeté.
Article 5 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et à la société Financière Tartar. Copie sera transmise au directeur de contrôle fiscal Est.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3e chambre
Numéro d'arrêt : 99DA00665
Date de la décision : 05/12/2001
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

19-04-01-04-03 CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOTS SUR LES REVENUS ET BENEFICES - REGLES GENERALES - IMPOT SUR LES BENEFICES DES SOCIETES ET AUTRES PERSONNES MORALES - DETERMINATION DU BENEFICE IMPOSABLE


Références :

CGI 38, 209, 39
CGI Livre des procédures fiscales L204


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Brenne
Rapporteur public ?: M. Evrard

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2001-12-05;99da00665 ?
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