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20/12/2001 | FRANCE | N°98DA01562;98DA01668;98DA01847

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre, 20 décembre 2001, 98DA01562, 98DA01668 et 98DA01847


Vu les ordonnances en date du 30 août 1999 par lesquelles le président de la cour administrative d'appel de Nancy a, en application du décret n 99-435 du 28 mai 1999 portant création d'une cour administrative d'appel à Douai et modifiant les articles R. 5, R. 7 et R. 8 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, alors applicables, transmis à la cour administrative d'appel de Douai les requêtes présentées pour M. et Mme Hachemi Z..., demeurant ... par Me Bernard C..., avocat, pour la caisse primaire d'assurance maladie dont le siège est ... (59065) par M

e A..., avocat, et pour le centre hospitalier de Roubaix,...

Vu les ordonnances en date du 30 août 1999 par lesquelles le président de la cour administrative d'appel de Nancy a, en application du décret n 99-435 du 28 mai 1999 portant création d'une cour administrative d'appel à Douai et modifiant les articles R. 5, R. 7 et R. 8 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, alors applicables, transmis à la cour administrative d'appel de Douai les requêtes présentées pour M. et Mme Hachemi Z..., demeurant ... par Me Bernard C..., avocat, pour la caisse primaire d'assurance maladie dont le siège est ... (59065) par Me A..., avocat, et pour le centre hospitalier de Roubaix, en la personne de son directeur, dont le siège est ..., par Me Y... le Prado, avocat au Conseil d'Etat et à la cour de cassation ;
Vu 1 ) la requête n 98DA1562 et le mémoire complémentaire enregistrés les 27 juillet et 5 août 1998 au greffe de la cour administrative d'appel de Nancy, par lesquels M. et Mme Z... demandent à la Cour de réformer le jugement du tribunal administratif de Lille en date du 28 mai 1998 en tant qu'il a évalué les indemnités à eux attribuées, de diligenter une nouvelle expertise afin de déterminer les aides nécessaires à la jeune Noria Z... et de fixer le montant de la rente à 6 500 F par mois ;
Vu 2 ) la requête N 98DA01668 enregistrée le 3 août 1998 au greffe de la cour administrative d'appel de Nancy par laquelle la caisse primaire d'assurance maladie de Roubaix demande à la Cour de réformer le jugement en date du 28 mai 1998 du tribunal administratif de Lille en tant qu'il a déterminé ses débours et de condamner le centre hospitalier de Roubaix à lui payer les sommes de 1 231 298,47 F et de 8 943,10 F avec intérêts à compter du jour où les dépenses ont été engagées et la somme de 6 030 F au titre des frais irrépétibles ; Vu 3 ) la requête n 98DA1847 et le mémoire complémentaire enregistrés le 21 août 1998 et le 2 février 1999 au greffe de la cour administrative d'appel de Nancy par lesquels le centre hospitalier de Roubaix demande à la Cour d'annuler le jugement n 92-1080 du 28 mai 1998 par lequel le tribunal administratif de Lille, après l'avoir déclaré responsable des conséquences dommageables de l'accouchement de Mme Z..., l'a condamné à payer, d'une part, à M. et Mme Z... en tant que représentants légaux de leur fille Noria une somme de 25 000 F et une rente annuelle indexée de 48 000 francs par trimestres échus à compter du 12 mai 1989 jusqu'au 11 mai 2004 ainsi qu'en leur nom propre une somme de 25 000 francs chacun, d'autre part, à la caisse primaire d'assurance maladie de Roubaix une somme de 166 134,99 F, les sommes versées chaque trimestre par ladite caisse au titre de la rééducation exigée par l'incapacité physiologique de Mlle Noria Z... depuis sa naissance ainsi que celles exposées au même titre jusqu'au 11 mai 2004 lui étant remboursées par le centre
hospitalier par imputation sur la rente constituée au profit de l'intéressée par ledit jugement dans la limite des trois quarts de son montant ; Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de sécurité sociale ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu le décret n 99-435 du 28 mai 1999 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 11 décembre 2001 :
le rapport de Mme Lemoyne de Forges, président-assesseur,
les observations de Me X..., avocat, pour le centre hospitalier de Roubaix,
et les conclusions de M. Michel, commissaire du gouvernement ;

Considérant que les requêtes susvisées n 98DA1562, 98DA1668 et 98DA1847 sont dirigées contre le même jugement ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
Considérant que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille, après avoir déclaré le centre hospitalier de Roubaix responsable des conséquences dommageables de l'ischémie cérébrale dont la jeune Noria Z... est demeurée atteinte à l'issue de sa naissance à la maternité dudit centre hospitalier, l'a condamné à verser à M. et Mme Z..., en tant que représentants légaux de leur fille Noria une somme de 25 000 F et une rente annuelle indexée de 48 000 F par trimestres échus à compter du 12 mai 1989 jusqu'au 11 mai 2004, en leur nom propre une somme de 25 000 F chacun et à la caisse primaire d'assurance maladie de Roubaix une somme de 166 134,99 F et décidé que les sommes versées chaque trimestre par la caisse primaire d'assurance maladie de Roubaix au titre de la rééducation de la jeune Noria depuis sa naissance et jusqu'au 11 mai 2004 lui seront remboursées par le centre hospitalier de Roubaix par imputation sur la rente constituée au profit de l'intéressée dans la limite des trois quart de son montant ; que, par les appels susvisés, le centre hospitalier de Roubaix conteste le principe même de sa responsabilité, M. et Mme Z... demandent l'augmentation des indemnités qui leur ont été attribuées et la caisse primaire d'assurance maladie de Roubaix critique le mode de fixation de ses débours ;
Sur la responsabilité :
Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise des docteurs Jacques D... et Jean-Claude B... dont le centre hospitalier de Roubaix n'établit pas davantage en appel la partialité que Mme Z... est arrivée une première fois en urgence à 22H30 à la maternité du centre hospitalier de Roubaix ; qu'en dépit d'un tracé de monitorage qui faisait déjà apparaître un début de souffrance foetale et alors que les antécédents d'hypertension artérielle de Mme Z... étaient connus des services hospitaliers, la sage-femme l'a renvoyée chez elle ; que, lors de la seconde admission en maternité à 2H40 de Mme Z..., qui présentait les signes d'une importante hémorragie vulvaire et alors qu'une sage-femme de l'hôpital avait posé immédiatement le diagnostic d'hématome rétro-placentaire, les services hospitaliers ont à nouveau mis en oeuvre un monitorage qui a confirmé ce diagnostic au lieu de procéder immédiatement à l'extraction de l'enfant par césarienne, laquelle n'a finalement eu lieu qu'à 3H53 ; qu'ayant ainsi inhalé une quantité importante de liquide hémorragique, entraînant une détresse respiratoire et un ralentissement circulatoire, la jeune Noria Z... demeure affectée d'une hémiplégie gauche prédominante au membre supérieur et de crises d'épilepsie en relation directe avec les lésions résultant de l'ischémie cérébrale dont elle a été victime ;

Considérant qu'il résulte de l'ensemble des circonstances de l'affaire que tant l'abstention fautive de la sage-femme lors de la première admission de Mme Z... que le délai de plus d'une heure entre la seconde admission et l'extraction de l'enfant sont constitutifs de fautes dans le fonctionnement du service hospitalier en relation directe avec les séquelles dont reste atteint l'enfant ; que, par suite, le centre hospitalier de Roubaix n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, qui est au demeurant suffisamment motivé, le tribunal administratif de Lille a retenu sa responsabilité ;
Sur le préjudice :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que la jeune Noria Z... est affectée en raison des conditions de sa naissance d'une hémiplégie gauche avec prédominance au membre supérieur ; qu'elle a, par ailleurs, connu entre février 1993 et mars 1995 un épisode épileptique résultant des lésions cérébrales dont elle souffre ; que, toutefois, sa croissance est satisfaisante et sans aucun trouble de comportement ; que sa progression scolaire apparaît normale ; que si M. et Mme Z... soutiennent que leur fille Noria ayant besoin de l'assistance d'une tierce personne, la rente annuelle qui lui est servie est insuffisante, cette allégation n'est étayée par aucune pièce du dossier ; qu'il n'apparaît pas, dans ces conditions, et sans qu'il y ait lieu d'ordonner une nouvelle expertise alors que, par ailleurs, le taux définitif de l'invalidité dont Noria demeurera atteinte devrait être fixé en 2004, que le tribunal administratif ait fait une insuffisante évaluation des troubles dans les conditions d'existence de la jeune Noria Z... en fixant à 48 000 F la rente annuelle indexée sur laquelle s'impute régulièrement, par application de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, les débours de la caisse primaire d'assurance maladie de Roubaix correspondant à la part de prise en charge du handicap de la jeune Noria par ladite caisse ; qu'en revanche, les premiers juges ont fait une insuffisante appréciation du préjudice moral subi par les parents de l'enfant en leur allouant à chacun une indemnité de 25 000 F ; qu'il y a lieu de porter ce chef de préjudice à la somme de 50 000 F qui portera intérêts, ainsi qu'en a décidé à bon droit le tribunal, à compter du 4 novembre 1991, date de réception par le centre hospitalier de Roubaix de la demande d'indemnité de M. et Mme Z... et non à compter du 12 mai 1989, ainsi que demandé en appel et de réformer, par voie de conséquence, l'article 3 du jugement du tribunal administratif de Lille en date du 28 mai 1998 ;
Sur les droits de la caisse primaire d'assurance maladie de Roubaix :

Considérant que la caisse primaire d'assurance maladie de Roubaix justifiait en première instance avoir exposé au profit de Mlle Noria Z... en conséquence de son accident une somme totale s'élevant au 1er novembre 1997 à 1 240 241,57 F dont 8 943,10 F correspondant à l'hospitalisation de Mme Z... ; que, contrairement à ce que soutient en appel la caisse primaire d'assurance maladie de Roubaix, les premiers juges ont tenu compte des frais de rééducation de la jeune Noria pour évaluer le préjudice de la victime réparé par une rente sur laquelle s'imputent dans la limite des trois quarts de celle-ci les frais de rééducation exposés par la caisse primaire d'assurance maladie de Roubaix antérieurement et postérieurement au 1er novembre 1997 jusqu'à ce que l'enfant atteigne l'âge de 15 ans ; que la caisse primaire d'assurance maladie de Roubaix n'est donc pas fondée à demander la réformation du jugement attaqué sur ce point ;
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de condamner le centre hospitalier de Roubaix à payer tant à M. et Mme Z... qu'à la caisse primaire d'assurance maladie de Roubaix les sommes qu'ils demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;
Article 1er :La somme que le centre hospitalier de Roubaix a été condamné à verser à M. et Mme Hachemi Z... au titre de leur préjudice moral est portée à 50 000 F chacun.
Article 2 :L'article 3 du jugement du tribunal administratif de Lille en date du 28 mai 1998 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 3 :Le surplus des conclusions de la requête de M. et Mme Hachemi Z..., la requête du centre hospitalier de Roubaix et la requête de la caisse primaire d'assurance maladie de Roubaix sont rejetés.
Article 4 :La présente décision sera notifiée à M. et Mme Hachemi Z..., à la caisse primaire d'assurance maladie de Roubaix, au centre hospitalier de Roubaix et au ministre de l'emploi et de la solidarité. Copie sera adressée au préfet de la région Nord/Pas-de-Calais, préfet du Nord.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre
Numéro d'arrêt : 98DA01562;98DA01668;98DA01847
Date de la décision : 20/12/2001
Type d'affaire : Administrative

Analyses

RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - RESPONSABILITE EN RAISON DES DIFFERENTES ACTIVITES DES SERVICES PUBLICS - SERVICE PUBLIC DE SANTE - ETABLISSEMENTS PUBLICS D'HOSPITALISATION - RESPONSABILITE POUR FAUTE SIMPLE : ORGANISATION ET FONCTIONNEMENT DU SERVICE HOSPITALIER - EXISTENCE D'UNE FAUTE - RETARDS.

RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - REPARATION - MODALITES DE LA REPARATION - FORMES DE L'INDEMNITE - RENTE.


Références :

Code de justice administrative L761-1
Code de la sécurité sociale L376-1


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Lemoyne de Forges
Rapporteur public ?: M. Michel

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2001-12-20;98da01562 ?
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