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20/12/2001 | FRANCE | N°98DA01896

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre, 20 décembre 2001, 98DA01896


Vu l'ordonnance en date du 30 août 1999 par laquelle le président de la cour administrative d'appel de Nancy a, en application du décret n 99-435 du 28 mai 1999 portant création d'une cour administrative d'appel à Douai et modifiant les articles R. 5, R. 7 et R. 8 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, alors applicables, transmis à la cour administrative d'appel de Douai la requête présentée pour Mme Mireille X... demeurant ..., par Me B..., avocat ;
Vu la requête, enregistrée le 27 août1998 au greffe de la cour administrative d'appel de Nanc

y, par laquelle Mme Mireille X... demande à la Cour :
1 )d'an...

Vu l'ordonnance en date du 30 août 1999 par laquelle le président de la cour administrative d'appel de Nancy a, en application du décret n 99-435 du 28 mai 1999 portant création d'une cour administrative d'appel à Douai et modifiant les articles R. 5, R. 7 et R. 8 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, alors applicables, transmis à la cour administrative d'appel de Douai la requête présentée pour Mme Mireille X... demeurant ..., par Me B..., avocat ;
Vu la requête, enregistrée le 27 août1998 au greffe de la cour administrative d'appel de Nancy, par laquelle Mme Mireille X... demande à la Cour :
1 )d'annuler le jugement du tribunal administratif de Lille en date du 25 juin 1998 rejetant sa demande tendant à la condamnation solidaire de l'Etat et du département du Nord à réparer le préjudice qu'elle estime avoir subi du fait du décès de sa fille Margaux ;
2 )de condamner l'Etat et le département du Nord à verser solidairement la somme de 100 000 F avec intérêts et 5 000 F au titre des frais irrépétibles ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le rapport d'expertise déposé au greffe du tribunal administratif de Lille le 28 novembre 1997 ;
Vu l'ordonnance en date du 9 décembre 1997 par laquelle le président du tribunal administratif de Lille a liquidé et taxé à la somme de 2 250 F les frais et honoraires du docteur Dominique Y... ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu le décret n 99-435 du 28 mai 1999 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 11 décembre 2001 :
- le rapport de Mme Lemoyne de Forges, président de la formation de jugement,
- les observations de Me A..., avocat, substituant Me Z..., avocat, pour le département du Nord,
- et les conclusions de M. Michel, commissaire du gouvernement ;

Considérant que la jeune Margaux X..., laquelle fréquentait alors la crèche municipale de Cambrai, est décédée le 26 février 1995 d'une méningite à méningocoque ; que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté la demande de Mme Mireille X... tendant à la condamnation solidaire de l'Etat et du département du Nord à réparer le préjudice subi du fait du décès de sa fille et qu'elle impute tant aux conditions dans lesquelles a été organisée la prophylaxie de cette maladie contagieuse qu'à l'inertie du médecin de la protection maternelle et infantile ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que, le 23 février 1995 vers 18h15, le médecin inspecteur de la santé de la direction départementale des affaires sanitaires et sociales du Nord était informé par un praticien du centre hospitalier de Cambrai qu'un enfant, le jeune Julien, était hospitalisé à raison d'une suspicion de méningite à méningocoque ; que le médecin inspecteur de la santé confirmait alors au praticien hospitalier que la direction départementale des affaires sanitaires et sociales organiserait la prophylaxie de la maladie auprès des enfants et du personnel de la crèche de Cambrai fréquentée par le jeune Julien ; que, sans attendre la confirmation du diagnostic, le médecin inspecteur de la santé s'assurait de la disponibilité de l'antibiotique prophylactique recommandé dans ce cas, contactait le médecin départemental de la protection maternelle et infantile et informait la directrice de la crèche qu'elle aurait à mettre en oeuvre la prophylaxie dès la réception, le lendemain, des instructions qui lui seraient adressées par télécopie ; que ces instructions étaient transmises le 24 février sous couvert du centre communal d'action sociale de Cambrai, gestionnaire de la crèche ;
Considérant que la jeune Margaux X... qui fréquentait la crèche le 24 février était ce jour enrhumée et pâle ; que sa température qui était de 37 4 à 10h45 s'élevait à 38 2 à 11h45 et à 39 à 14h30 malgré l'administration d'un médicament antipyrétique ; que le médecin départemental de la protection maternelle et infantile présent prescrivait à 14h30 d'appeler sur le lieu de son travail la mère de l'enfant afin que celle-ci la conduise chez son médecin traitant ; que Mme X..., arrivée à 15h à la crèche, était informée de la maladie du jeune Julien et recevait de la directrice de la crèche toutes les consignes de prophylaxie ainsi qu'une ordonnance prescrivant le médicament utilisé pour la prophylaxie délivrée par le médecin du service de la protection maternelle et infantile ; que le médecin traitant consulté dans l'après-midi diagnostiquait une angine et ordonnait un autre antibiotique à visée thérapeutique ; que l'enfant, dont l'état devait toutefois se dégrader brutalement dans la soirée, était hospitalisé dans un état très grave au cours de la nuit et décédait le surlendemain au centre hospitalier régional de Lille ;
Sur la responsabilité de l'Etat :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que les mesures prophylactiques prévues par la circulaire de la direction générale de la santé du 5 février 1990 ont été mises en oeuvre par le médecin inspecteur de la santé le 24 février 1995 à 11h du matin dès que la direction départementale des affaires sanitaires et sociales, prévenue le 23 février 1995 vers 18h15, a transmis les documents nécessaires à la crèche municipale de Cambrai ; qu'ainsi, le délai évoqué par la circulaire du jour même ou du lendemain pour appliquer la prophylaxie a été respecté en l'espèce ; que, par suite, la responsabilité de l'Etat ne saurait, dans les circonstances de l'espèce, être engagée sur le terrain de la responsabilité pour faute ni, à supposer que la circulaire du 5 février 1990 ait un caractère réglementaire, sur celui de la responsabilité sans faute dès lors que l'application de la circulaire en cause n'implique aucune méconnaissance du principe d'égalité devant les charges publiques ;
Sur la responsabilité du département du Nord :
Considérant que le département du Nord n'est pas fondé à soutenir que le moyen tiré de la perte de chance pour Margaux de pouvoir guérir de l'infection dont elle était atteinte est invoqué pour la première fois en appel et irrecevable alors qu'il se rattache à la même cause juridique que celle soulevée devant les premiers juges ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport de l'expert que l'état de la jeune Margaux X..., souffrante depuis le 24 février 1995 au matin, pâle et somnolente à 14h30 avec une température s'élevant alors à 39 et sur l'omoplate gauche de laquelle avait été constatée une tache caractéristique de purpura, aurait dû alerter le médecin de la protection maternelle et infantile qui avait connaissance d'un cas de méningite purulente hospitalisé la veille dans le service de pédiatrie ; que ces circonstances auraient dû conduire le médecin du service départemental de la protection maternelle et infantile auquel, selon les dispositions du 3e alinéa de l'article L. 2112-6 du code de la santé publique, il appartient de prendre toutes mesures relevant de sa compétence propre à faire face à la situation lorsque les circonstances font obstacle à ce que l'enfant reçoive les soins nécessaires et compte-tenu du contexte de prophylaxie dans lequel il se trouvait justement placé, à conseiller formellement l'hospitalisation de la jeune Margaux au moins dès 15h au lieu d'inviter seulement Mme Mireille X... à consulter son médecin traitant et de lui prescrire l'antibiotique de prophylaxie ; qu'en ne prenant pas les mesures d'urgence qui s'imposaient alors, le médecin du service départemental de la protection maternelle et infantile a commis une faute de nature à engager la responsabilité du département du Nord sans que ce dernier puisse s'en exonérer en invoquant l'erreur de diagnostic commise par le médecin traitant de l'enfant dès lors que le fait du tiers n'a pas concourru de façon décisive à la réalisation du dommage ;
Sur le préjudice :

Considérant que, dans les circonstances de l'affaire, il sera fait une juste appréciation du préjudice moral subi par Mme Mireille X... en condamnant le département du Nord à lui verser une indemnité de 80 000 F ;
Sur les intérêts :
Considérant que Mme Mireille X... a droits aux intérêts de la somme de 80 000 F à compter de l'enregistrement de sa demande devant le tribunal administratif de Lille le 4 septembre 1995 ;
Sur les frais d'expertise :
Considérant qu'il y a lieu de mettre les frais d'expertise, taxés et liquidés à la somme de 2 250 F, à la charge du département du Nord ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de condamner le département du Nord à payer à Mme Mireille X... la somme de 5 000 F qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que Mme Mireille X... qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamnée à payer au département du Nord la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Article 1er :Le jugement en date du 25 juin 1998 du tribunal administratif de Lille est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions de Mme Mireille X... dirigées contre le département du Nord.
Article 2 :Le département du Nord est condamné à verser à Mme Mireille X... la somme de 80 000 F avec intérêts de droit à compter du 4 septembre 1995.
Article 3 :Les frais d'expertise, taxés et liquidés à la somme de 2 250 F, sont mis à la charge du département du Nord.
Article 4 :Le département du Nord versera à Mme Mireille X... la somme de 5 000 F au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 :Le surplus des conclusions de la requête de Mme Mireille X... est rejeté.
Article 6 :Les conclusions du département du Nord tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 7 :La présente décision sera notifiée à Mme Mireille X..., au département du Nord et au ministre de l'emploi et de la solidarité. Copie sera adressée au préfet de la région Nord/Pas-de-Calais, préfet du Nord.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre
Numéro d'arrêt : 98DA01896
Date de la décision : 20/12/2001
Type d'affaire : Administrative

Analyses

SANTE PUBLIQUE - PROTECTION SANITAIRE DE LA FAMILLE ET DE L'ENFANCE - PROTECTION MATERNELLE ET INFANTILE - PROTECTION DES ENFANTS.

SANTE PUBLIQUE - LUTTE CONTRE LES FLEAUX SOCIAUX - LUTTE CONTRE LA TUBERCULOSE - PROPHYLAXIE.


Références :

Circulaire du 05 février 1990
Code de justice administrative L761-1
Code de la santé publique L2112-6


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Lemoyne de Forges
Rapporteur public ?: M. Michel

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2001-12-20;98da01896 ?
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