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31/01/2002 | FRANCE | N°99DA20108

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1e chambre, 31 janvier 2002, 99DA20108


Vu l'ordonnance en date du 1er septembre 1999, enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Douai le 23 septembre 1999, par laquelle le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a transmis pour attribution à la Cour, en application de l'article R. 82 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, alors applicable, le recours présenté par le ministre de l'intérieur ;
Vu le recours, enregistré le 2 août 1999 sous le n 99PA02551 au greffe de la cour administrative d'appel de Paris, par lequel le ministre de l'intérieur demande

à la Cour :
1 ) d'annuler le jugement n 98-3900 en date du...

Vu l'ordonnance en date du 1er septembre 1999, enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Douai le 23 septembre 1999, par laquelle le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a transmis pour attribution à la Cour, en application de l'article R. 82 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, alors applicable, le recours présenté par le ministre de l'intérieur ;
Vu le recours, enregistré le 2 août 1999 sous le n 99PA02551 au greffe de la cour administrative d'appel de Paris, par lequel le ministre de l'intérieur demande à la Cour :
1 ) d'annuler le jugement n 98-3900 en date du 3 juin 1999 par lequel le tribunal administratif de Lille a, à la demande de M. Fethi X...
Y..., annulé l'arrêté ministériel du 8 décembre 1995 ayant prononcé l'expulsion de l'intéressé du territoire français ;
2 ) de rejeter la demande présentée par M. Ouni Y... devant le tribunal administratif de Lille ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance n 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 17 janvier 2002
le rapport de M. Laugier, président-assesseur,
et les conclusions de M. Yeznikian, commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article 23 de l'ordonnance susvisée du 2 novembre 1945 modifiée, dans sa rédaction applicable à la date de la décision attaquée : "Sous réserve des dispositions de l'article 25, l'expulsion peut être prononcée par arrêté du ministre de l'intérieur si la présence sur le territoire français d'un étranger constitue une menace grave pour l'ordre public ..." ; et qu'aux termes de l'article 25 de ladite ordonnance : "Ne peuvent faire l'objet d'un arrêté d'expulsion, en application de l'article 23 : ... 3 L'étranger qui justifie par tous moyens résider en France habituellement depuis plus de quinze ans ainsi que l'étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de dix ans ..." ;
Considérant que, par arrêté du 8 décembre 1995, le ministre de l'intérieur, en se fondant sur les dispositions de l'article 23 précité de l'ordonnance du 2 novembre 1945, a prononcé l'expulsion du territoire français de M. Fethi X...
Y..., ressortissant tunisien, pour menace grave à l'ordre public ; que le ministre de l'intérieur fait appel du jugement par lequel le tribunal administratif a annulé cette décision au motif que, résidant habituellement en France depuis plus de quinze ans, l'intéressé ne pouvait, conformément aux dispositions de l'article 25-3 précité de ladite ordonnance, faire l'objet d'un arrêté d'expulsion pris en application de l'article 23 ;
Considérant que si M. Ouni Y... de nationalité tunisienne, né en 1966, est entré en France en 1973 avec ses parents, il ressort des pièces du dossier qu'il a été condamné, d'une part, entre 1984 et 1993, à plusieurs peines d'emprisonnement qui lui ont valu un quantum total de peines privatives de liberté de cinq ans et six mois, et, d'autre part, durant la même période à plusieurs interdictions du territoire français, dont il est constant qu'une partie au moins a été exécutée, en 1990-1991 ; qu'ainsi, l'interruption du séjour en France à laquelle M. Ouni Y... a été astreint fait, en tout état de cause, obstacle à ce que lui soit reconnue, à la date de la décision attaquée, le 8 décembre 1995, une résidence habituelle en France depuis plus de quinze ans, et sans que puisse être utilement invoquée la circonstance que l'intéressé soit revenu irrégulièrement en France, à une date au demeurant non établie, antérieurement à l'expiration de cette peine complémentaire ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le tribunal administratif s'est fondé sur ce que M. Ouni Y... justifiait d'une résidence habituelle en France depuis plus de quinze ans et ne pouvait de ce fait être expulsé sur le fondement de l'article 23 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 susvisée, pour annuler l'arrêté ministériel du 8 décembre 1995 ;
Considérant toutefois qu'il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. Ouni Y... tant devant la Cour que devant le tribunal administratif de Lille ;

Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que l'arrêté attaqué, en date du 8 décembre 1995, a été signé par Mlle Z..., sous-directeur des étrangers et de la circulation transfrontalière à la direction des libertés publiques et des affaires juridiques du ministre de l'intérieur, qui bénéficiait à cet effet d'une délégation de signature régulière en date du 24 mai 1995, publiée au journal officiel du 31 mai 1995 ; que la circonstance que l'ampliation dudit arrêté n'était pas revêtue de la signature de son auteur est sans influence sur sa légalité ; que, par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte doit être écarté ;
Considérant, en deuxième lieu, que, si M. Fethi X...
Y... soutient que la décision attaquée n'avait pas procédé à une analyse véritable de l'ensemble de sa situation, en particulier du point de vue familial, il ne ressort pas des pièces du dossier que le ministre ne se serait pas livré à une appréciation de l'ensemble du comportement de l'intéressé et de tous les éléments caractérisant sa situation ; que ce moyen doit, dès lors, être également écarté ;
Considérant, en troisième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que M. Ouni Y... a été reconnu coupable de nombreux faits de vols, vols avec effraction et en réunion, d'usage et de trafic de stupéfiants ; que, dès lors, et compte tenu du nombre et de la gravité des infractions commises par l'intéressé, le moyen tiré par celui-ci de ce que sa présence ne constituerait pas une menace grave pour l'ordre public au sens de l'article 23 précité de l'ordonnance du 2 novembre 1945, ne peut qu'être écarté ;
Considérant, en dernier lieu, que si le requérant fait valoir qu'il est entré à l'âge de sept ans en France, où séjournent régulièrement ses parents, frères et soeurs, et que lui-même est père de quatre enfants français, il ressort des pièces du dossier que, d'une part, à la date de la décision attaquée, les liens de M. Ouni Y... avec sa famille d'origine et avec sa concubine et ses enfants, s'étaient distendus et que, d'autre part, eu égard à la gravité des faits commis par M. Ouni Y... et à l'ensemble de son comportement susrappelé, la mesure attaquée n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels ladite mesure a été prise ; que, par suite, l'arrêté d'expulsion attaqué n'a pas, dans les circonstances de l'espèce, contrairement à ce que soutient M. Ouni Y..., méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'intérieur est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a annulé son arrêté en date du 8 décembre 1995 ayant prononcé l'expulsion de M. Fethi X...
Y... du territoire français ;
Article 1er : Le jugement n 98-3900 du tribunal administratif de Lille en date du 3 juin 1999 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. Fethi X...
Y... devant le tribunal administratif de Lille est rejetée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'intérieur et à M. Fethi X...
Y.... Copie sera transmise au préfet du Nord


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1e chambre
Numéro d'arrêt : 99DA20108
Date de la décision : 31/01/2002
Type d'affaire : Administrative

Analyses

ETRANGERS - EXPULSION - PROCEDURE.

ETRANGERS - EXPULSION - MOTIVATION.

ETRANGERS - EXPULSION - MOTIFS.

ETRANGERS - EXPULSION - DROIT AU RESPECT DE LA VIE FAMILIALE.


Références :

Ordonnance 45-2658 du 02 novembre 1945 art. 23, art. 25, art. 25-3


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Laugier
Rapporteur public ?: M. Yeznikian

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2002-01-31;99da20108 ?
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