Vu l'ordonnance en date du 30 août 1999 par laquelle le président de la cour administrative d'appel de Nancy a, en application du décret n 99-435 du 28 mai 1999 portant création d'une cour administrative d'appel à Douai et modifiant les articles R. 5, R. 7 et R. 8 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, alors applicables, transmis à la cour administrative d'appel de Douai la requête présentée pour la société AIG Europe représentée par son président-directeur général, dont le siège social est Tour Américan International cedex 46 à Paris La Défense 2 (92079), par Me X..., avocat ;
Vu ladite requête, enregistrée le 18 mars 1999 au greffe de la cour administrative d'appel de Nancy, par laquelle la société AIG Europe demande à la Cour :
1 ) d'annuler le jugement en date du 15 décembre 1998 par lequel le tribunal administ ratif d'Amiens a rejeté sa requête ;
2 ) de condamner l'Etat à lui payer la somme de 277 239,36 francs avec intérêts au taux légal à compter du 20 février 1995 et la somme de 30 000 francs au titre de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi 83-8 du 7 janvier 1983, notamment son article 92 ;
Vu le code des assurances ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu le décret n 99-435 du 28 mai 1999 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 12 février 2002
le rapport de Mme Lemoyne de Forges, président-assesseur,
les observations de Me X..., avocat, pour la société AIG Europe,
et les conclusions de M. Michel, commissaire du gouvernement ;
Sur la responsabilité :
Considérant qu'aux termes de l'article 92 de la loi du 7 janvier 1983 : "L'Etat est civilement responsable des dégâts et des dommages résultant de crimes et de délits commis à force ouverte ou par violence par des attroupements ou rassemblements armés ou non armés soit contre les personnes, soit contre les biens" ; que ce texte, ne distinguant pas entre les causes de la formation de l'attroupement ou du rassemblement, est applicable à des ouvriers grévistes qui occupent les locaux de leur travail ;
Considérant que du 2 au 31 janvier 1992, l'usine de la société Filariane sise à Saint-Ouen (Somme) a été occupée par du personnel gréviste ; qu'au cours de cette occupation et à compter du 6 janvier 1992, les grévistes ont brûlé dans la cour de l'usine des stocks de produits chimiques appartenant à l'entreprise ; qu'en dépit de la plainte déposée par le directeur général de la société Filariane et des demandes réitérées d'intervention des forces de l'ordre et des sapeurs-pompiers, les foyers d'incendie n'ont pas été éteints ; que, dans ces conditions, la société AIG Europe, subrogée aux droits de son assurée, la société Filariane, est fondé à demander réparation de ces dommages à l'Etat sur le fondement des dispositions de l'article 92 de la loi du 7 janvier 1983, sans que le ministre puisse lui opposer les circonstances que le directeur général de l'usine ait préféré retirer le 17 janvier 1992 sa plainte et que les sapeurs-pompiers n'aient pu accéder aux foyers d'incendie en raison de l'opposition des grévistes ; que, par suite, la société AIG Europe est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande ;
Sur le préjudice :
Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment de la quittance subrogative en date du 8 février 1995 que la société AIG Europe a versé à son assurée la société Filariane la somme non contestée de 277 239,36 francs (42 264,87 euros) au titre du sinistre incendie ; qu'il y a lieu de condamner l'Etat à verser à la société AIG Europe cette somme majorée des intérêts au taux légal à compter du 21 février 1995, date de réception de sa demande préalable par le préfet de la Somme ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstance de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de condamner l'Etat à payer à la société AIG Europe une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lille en date du 15 décembre 1998 est annulé.
Article 2 : L'Etat est condamné à verser à la société AIG Europe la somme de 42 264,87 euros. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 21 février 1995.
Article 3 : L'Etat est condamné à verser à la société AIG Europe une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société AIG Europe et au ministre de l'intérieur. Copie sera transmise au préfet de la région Picardie, préfet de la Somme.