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14/03/2002 | FRANCE | N°98DA12373

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1e chambre, 14 mars 2002, 98DA12373


Vu l'ordonnance en date du 31 août 1999 par laquelle le président de la cour administrative d'appel de Nantes a, en application du décret n 99-435 du 28 mai 1999 portant création d'une cour administrative d'appel à Douai et modifiant les articles R. 5, R. 7 et R. 8 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, alors applicables, transmis à la cour administrative d'appel de Douai la requête présentée pour M. Hubert X..., demeurant 9, place de l'église à Pont Sainte Maxence (60700), par la SCP Vier et Barthelemy, avocat au Conseil d'Etat ;
Vu la requê

te, enregistrée le 2 octobre 1998 et le mémoire complémentaire...

Vu l'ordonnance en date du 31 août 1999 par laquelle le président de la cour administrative d'appel de Nantes a, en application du décret n 99-435 du 28 mai 1999 portant création d'une cour administrative d'appel à Douai et modifiant les articles R. 5, R. 7 et R. 8 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, alors applicables, transmis à la cour administrative d'appel de Douai la requête présentée pour M. Hubert X..., demeurant 9, place de l'église à Pont Sainte Maxence (60700), par la SCP Vier et Barthelemy, avocat au Conseil d'Etat ;
Vu la requête, enregistrée le 2 octobre 1998 et le mémoire complémentaire, enregistré le 7 décembre 1998, au greffe de la cour administrative d'appel de Nantes, par lesquels M. Hubert X... demande à la Cour :
1 ) de réformer le jugement n 93800 en date du 29 mai 1998 par lequel le tribunal administratif de Rouen a condamné l'Etat à lui verser une indemnité de 273 046 F majorée des intérêts de droit à compter du 29 décembre 1992, qu'il estime insuffisante, en réparation du préjudice causé par le refus illégal d'autoriser la création d'une clinique chirurgicale au Tréport ;
2 ) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 57 438 300 F, majorée des intérêts de droit , ainsi que des intérêts des intérêts ;
3 ) de condamner l'Etat à lui payer la somme de 20 000 F au titre des frais irrépéti bles ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n 70-1318 du 31 décembre 1970, modifiée ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu le décret n 99-435 du 28 mai 1999 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 28 février 2002
le rapport de M. Laugier, président-assesseur,
les observations de Me Y..., avocat au Conseil d'Etat, et à la Cour de Cassation, de la SCP Vier et Barthélémy, représentant M. X...,
et les conclusions de M. Yeznikian, commissaire du gouvernement ;

Sur la responsabilité :
Considérant que, par décision du 11 mars 1991, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a rejeté l'appel formé par le ministre de la solidarité, de la santé et de la protection sociale à l'encontre du jugement en date du 18 novembre 1988 par lequel le tribunal administratif de Rouen avait, à la demande de M. X..., annulé les décisions administratives retirant l'autorisation tacite acquise par ce dernier en vue de la création d'une clinique chirurgicale au Tréport et lui refusant l'autorisation de créer ladite clinique ; que, par arrêt en date du 28 juillet 1999, le Conseil d'Etat, statuant sur l'appel formé par M. X... contre un second jugement du tribunal administratif de Rouen en date du 18 janvier 1995, a annulé ce jugement ainsi que la décision implicite par laquelle le ministre de la santé et de l'action humanitaire a refusé de constater que le délai de validité de l'autorisation tacite acquise par M. X... avait été interrompu jusqu'à la notification de l'arrêt du Conseil d'Etat du 11 mars 1991 ;
Considérant que la responsabilité de l'Etat est engagée à raison des fautes ainsi commises par l'administration du fait de l'illégalité de ces décisions et doit réparation des préjudices en ayant résulté pour M. X... ;
Sur la réparation :
Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que M. X... a justifié de la perte définitive de sommes inutilement exposées du fait du retrait illégal de l'autorisation en cause ; qu'il en est ainsi des honoraires d'architecte, à hauteur de 153 056 F, des factures de géomètre-expert pour 3 515 F, de frais de bureau d'études, à concurrence de 37 952 F, ainsi que des factures de forages et sondages s'élevant à 28 523 F ; que le total des dépenses ainsi justifiées s'établit au montant retenu par le tribunal administratif de 223 046 F (34 003 euros) ;
Considérant que si l'appelant critique le chiffrage ainsi retenu par les premiers juges, il n'apporte cependant pas de précision ou de plus amples justificatifs qui permettraient de tenir ce montant pour insuffisant ; que, s'agissant des frais engagés pour l'acquisition du terrain d'assiette du projet, M. X... ne justifie pas que ces débours seraient restés à sa charge définitive ;
Considérant, en deuxième lieu, que le requérant ne peut être indemnisé de dépenses qu'il n'a pas effectuées ; qu'il en est ainsi du coût de la construction projetée, qui n'a pas reçu de commencement d'exécution, et du coût des immobilisations corporelles, qui n'ont pas vu le jour ; qu'en ce qui concerne, enfin, la valeur du fonds, dont l'indemnisation est demandée, le refus litigieux n'ouvre pas droit à réparation, dès lors que l'autorisation d'équipement hospitalier, si elle avait été délivrée à M. X..., n'aurait en tout état de cause ouvert au requérant aucun droit patrimonial susceptible par lui-même de faire l'objet d'une évaluation ;

Considérant, en troisième lieu, que, si M. X... fait état du préjudice résultant pour lui de la privation des bénéfices qu'il espérait retirer de l'exploitation de la clinique chirurgicale projetée, la réalisation de ces bénéfices ne présente, en l'absence de tout début d'exploitation, qu'un caractère éventuel ; que, dans ces conditions, ledit chef de préjudice ne peut être retenu ;
Considérant, en dernier lieu, qu'il résulte de l'instruction que M. X... a subi d'importants préjudices personnels en conséquence des refus illégaux qui lui ont été opposés par l'administration et du fait de la privation du bénéfice du délai de validité de son autorisation, qui a contribué à lui faire perdre toute possibilité de mener à bien son projet ; que, dans les circonstances de l'affaire, il sera fait une juste appréciation du préjudice moral subi par M. X... ainsi que des troubles de toute nature rencontrés par l'intéressé dans ses conditions d'existence du fait des fautes de l'administration, en fixant à la somme de soixante cinq mille (65 000) euros (ou quatre cent vingt six mille trois cent soixante douze francs cinq centimes (426 372,05) la réparation due à ces divers titres ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a limité à 273 046 F (41 626 euros) l'indemnité que l'Etat a été condamné à lui verser ; qu'il y a lieu de porter à 99 003 euros (649 417,11 F) la réparation due à l'intéressé ;
Sur les intérêts :
Considérant que M. X... a droit aux intérêts de la somme de 99 003 euros (649 417,11 F) à compter du jour de la réception par le ministre de sa demande, soit du 29 décembre 1992 ;
Sur les intérêts des intérêts :
Considérant que la capitalisation des intérêts a été demandée le 2 octobre 1998 ; qu'à cette date, il était dû au moins une année d'intérêts ; que, dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande ;
Sur les conclusions de M. X... tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de condamner l'Etat à payer à M. X... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Article 1er : La somme que l'Etat a été condamné à verser à M. Hubert X... par le jugement du tribunal administratif de Rouen du 29 mai 1998 est portée à 99 003 euros (quatre vingt dix neuf mille trois euros), majorée des intérêts calculés au taux légal à compter du 29 décembre 1992. Ces sommes porteront elles-mêmes intérêts à compter du 2 octobre 1998.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Rouen du 29 mai 1998 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à M. X... la somme de 2 000 euros (deux mille euros) au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. Hubert X... est rejeté.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. Hubert X... et au ministre de l'emploi et de la solidarité.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1e chambre
Numéro d'arrêt : 98DA12373
Date de la décision : 14/03/2002
Type d'affaire : Administrative

Analyses

RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - FAITS SUSCEPTIBLES OU NON D'OUVRIR UNE ACTION EN RESPONSABILITE - RESPONSABILITE ET ILLEGALITE - ILLEGALITE ENGAGEANT LA RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE.

RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - REPARATION - EVALUATION DU PREJUDICE.

SANTE PUBLIQUE - ETABLISSEMENTS PRIVES D'HOSPITALISATION - AUTORISATIONS DE CREATION - D'EXTENSION OU D'INSTALLATION D'EQUIPEMENTS MATERIELS LOURDS - PROCEDURE D'AUTORISATION.


Références :

Code civil 1154
Code de justice administrative L761-1


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Laugier
Rapporteur public ?: M. Yeznikian

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2002-03-14;98da12373 ?
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