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24/04/2002 | FRANCE | N°99DA20113;99DA20114

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3e chambre, 24 avril 2002, 99DA20113 et 99DA20114


1 ) Vu la requête, enregistrée le 24 septembre 1999 au greffe de la cour administrative d'appel de Douai, sous le n 99DA20113, présentée par M. Pierre X..., qui demande à la Cour d'annuler le jugement n 992088, en date du 19 août 1999, par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté ses conclusions tendant à la décharge des cotisations de taxe foncière sur les propriétés bâties auxquelles il a été assujetti au titre des années 1994 à 1997 dans les rôles de la commune de Hénin-Beaumont, de lui accorder la décharge des cotisations contestées et de condamner l'Etat à

lui verser la somme de 300 francs au titre des frais irrépétibles ;
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1 ) Vu la requête, enregistrée le 24 septembre 1999 au greffe de la cour administrative d'appel de Douai, sous le n 99DA20113, présentée par M. Pierre X..., qui demande à la Cour d'annuler le jugement n 992088, en date du 19 août 1999, par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté ses conclusions tendant à la décharge des cotisations de taxe foncière sur les propriétés bâties auxquelles il a été assujetti au titre des années 1994 à 1997 dans les rôles de la commune de Hénin-Beaumont, de lui accorder la décharge des cotisations contestées et de condamner l'Etat à lui verser la somme de 300 francs au titre des frais irrépétibles ;
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu les pièces du dossier établissant que les parties ont été informées par lettre de la Cour du 11 mars 2002 conformément à l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt est susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office ;
Vu les ordonnances en date du 2 octobre 2000 portant clôture d'instruction au 4 décembre 2000 à 16 heures 30 ;
Vu l'ordonnance en date du 27 août 2001 portant réouverture de l'instruction du dossier n 99DA20114 ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code de la construction et de l'habitation ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 27 mars 2002
- le rapport de M. Rebière, conseiller,
- les observations de M. Pierre X..., requérant,
- et les conclusions de M. Evrard, commissaire du gouvernement ;

Considérant que les requêtes susvisées nos 99DA20113 et 99DA20114 sont relatives à la situation du même contribuable et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
Sur l'étendue du litige :
Considérant que, par décision en date du 23 février 2000, postérieure à l'introduction de la requête n 99DA20114, le directeur des services fiscaux du Pas-de-Calais a prononcé des dégrèvements des cotisations de taxe foncière sur les propriétés bâties auxquelles a été assujetti M. X... au titre des années 1987 à 1989, pour un montant total de 25 367 francs ; que les conclusions du requérant relatives à ces impositions sont, dans cette mesure, devenues sans objet ;
Sur le bien-fondé des impositions restant en litige :
Considérant que M. Pierre X... conteste son assujettissement en qualité d'indivisaire de la succession de M. Louis X..., au titre des années 1990 à 1997, à la taxe foncière sur les propriétés bâties dans les rôles de la commune de Henin-Beaumont, à raison d'un immeuble et comprenant un établissement d'enseignement privé, dit "Ecole Saint louis", ainsi que deux appartements et un garage ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que, par un acte en date du 31 octobre 1933 transcrit à la conservation des hypothèques de Béthune le 17 janvier 1934, la société des Mines de Dourges, aux droits de laquelle se présente l'établissement public des Houillères du Bassin du Nord et du Pas-de-Calais, a donné à bail à M. Louis X..., père du requérant, un terrain situé à Henin-Beaumont, afin d'y édifier un établissement scolaire ; que cet acte stipule qu'à l'expiration du bail, qui d'une durée de trente ans est de plein droit renouvelable deux fois, était encore en vigueur à la date des impositions contestées, la société bailleresse avait l'obligation alternative soit de reprendre les constructions pour elle-même, soit d'abandonner le terrain loué à M. Louis X... ou ses ayants droit, pour un prix fixé contradictoirement dans l'un et l'autre cas ; que par un acte en date du 10 mars 1934, M. Louis X... a loué le groupe scolaire qu'il avait fait construire à l'Association Saint-Louis, pour une durée de 29 ans et 7 mois, susceptible d'être prorogée dans les mêmes conditions que le contrat conclu avec la société des Mines de Dourges ; qu'à la suite du décès accidentel en 1967 de M. et Mme Louis X..., il a été procédé aux opérations de partage de la succession desdits époux ; qu'à cette occasion, le tribunal de grande instance de Béthune a, par un jugement du 23 juin 1970, indiqué "que Louis X... avait reçu à bail un terrain nu pour y ériger une école et que le bail a été rétrocédé à l'association Saint-Louis ; qu'ainsi l'ensemble appartient aux Houillères, y compris l'école érigée par l'association" et qu'en conséquence "les cohéritiers n'ont, sur l'école Saint-Louis et le terrain attenant de 322 m, qu'une créance mobilière à faire valoir" ; que, par un arrêt en date du 6 juillet 1971, la cour d'appel de Douai a confirmé ce jugement en retenant que les bâtiments ont été édifiés sur un terrain loué par M. Louis X... et que, par voie d'accession, ils sont devenus la propriété du bailleur en la personne de la société des Mines de Dourges, laquelle, prend, conformément à l'article 3 du bail, la qualité de propriétaire des immeubles à construire ; que dans le partage de la succession publié à la conservation des hypothèques de Béthune, M. Pierre X... a reçu les droits dont il s'agit et en a fait apport le 29 décembre 1978, par un acte également publié, à la société civile immobilière Simenin dont il était gérant ; que toutefois, par un arrêt du 12 mars 1980, la cour d'appel de Douai a constaté l'inexistence de la SCI Simenin et ordonné la réintégration de son patrimoine dans celui de la succession de M. Louis X... ;

Considérant que le bail du 31 octobre 1933, d'une durée de trente années, renouvelable deux fois, sauf dénonciation, conclu entre la société des Mines de Dourges et M. Louis X..., avait pour objet la construction de bâtiments scolaires conformes à des plans approuvés par la société, qui pouvait, à l'expiration ou à la résiliation anticipée du bail, soit reprendre les constructions pour elle-même, soit abandonner le terrain à M. X... ou à ses ayants droits, présente le caractère d'un bail à construction, nonobstant la circonstance alléguée par le requérant qu'il comporte une clause de tacite reconduction ;
En ce qui concerne l'année 1990 :
Considérant qu'aux termes des dispositions alors insérées au II de l'article 1400 du code général des impôts alors en vigueur pour l'année 1990 : "Lorsqu'un immeuble est ... loué ... par bail à construction, la taxe foncière est établie au nom ... du preneur à bail à construction" ;
Considérant que ces dispositions sont issues du décret n 65-1062 du 3 décembre 1965, portant incorporation dans le code général des impôts de divers textes modifiant et complétant certaines dispositions de ce code, dont les auteurs ont entendu tirer les conséquences de la loi n 64-1247 du 16 décembre 1964, instituant le bail à construction et relative aux opérations d'urbanisme ;
Considérant, toutefois, que les dispositions de cette loi, et notamment celles de son article 4, aux termes desquelles "le preneur est tenu de toutes les charges, taxes et contributions relatives tant aux constructions qu'au terrain", n'ont eu, ni pour objet, ni pour effet de désigner le redevable légal de la taxe foncière, mais seulement de régir les relations entre les parties pour ce qui est des charges, taxes et contributions ci-dessus mentionnées ; qu'ainsi, le décret du 3 décembre 1965 est entaché d'incompétence en tant qu'il désigne comme redevable de la taxe foncière le preneur d'un bail à construction ; qu'avant le 1er janvier 1991, date d'entrée en vigueur de l'article 39 de la loi n 90-1169 du 29 décembre 1990, portant loi de finances rectificative pour 1990, était seule applicable la règle énoncée par l'article 3 de l'ordonnance n 59-108 du 7 janvier 1959, portant réforme des impositions perçues au profit des collectivités locales et de divers organismes, et rendue applicable par la loi n 73-1229 du 31 décembre 1973, aux termes de laquelle : "La taxe foncière sur les propriétés bâties est due par les propriétaires ou usufruitiers" ; qu'ainsi, c'est à tort que l'imposition contestée a été mise à la charge des héritiers de M. Louis X... et non pas des Houillères du Bassin du Nord et du Pas-de-Calais ; que, par suite, M. Pierre X... doit être déchargé de la cotisation de taxe foncière sur les propriétés bâties à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 1990 ;
En ce qui concerne les années 1991 à 1997 :

Considérant qu'aux termes de l'article 1400 du code général des impôts, dans sa version issue de l'article 39 II de la loi n 90-1169 du 29 décembre 1990, portant loi de finances rectificative pour 1990, applicable aux impositions en litige des années 1991 à 1997 : "I - Sous réserve des dispositions des articles 1403 et 1404, toute propriété, bâtie ou non bâtie, doit être imposée au nom du propriétaire actuel. II - Lorsqu'un immeuble est grevé d'usufruit ou loué soit par bail emphytéotique, soit par bail à construction, soit par bail à réhabilitation, la taxe foncière est établie au nom de l'usufruitier, de l'emphytéote ou preneur à bail à construction ou à réhabilitation" ;
Considérant, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, que le bail du 31 octobre 1933, présente le caractère d'un bail à construction ; que, par suite, la taxe foncière afférente aux bâtiments édifiés par le preneur à bail sur le terrain ainsi loué doit être établie au nom du preneur à bail, c'est-à-dire l'indivision X..., pour les années 1991 à 1997 ;
Considérant que par un arrêt du 12 mars 1980, la cour d'appel de Douai, après avoir constaté l'inexistence de la société Simenin, à qui les droits de propriété litigieux avaient été apportés, a ordonné la réintégration du patrimoine de cette société dans celui de la succession de M. Louis X... ; que les droits dont s'agit, qui, ainsi qu'il est dit ci-dessus, doivent être regardés comme constituant des droits de propriété sur la construction, sont par suite revenus rétroactivement dans l'actif de ladite succession ; que, par conséquent, c'est à bon droit que les impositions litigieuses à la taxe foncière sur les propriétés bâties ont été mises à la charge de la succession de M. Louis X..., au sein de laquelle M. Pierre X... figure pour sa quote-part indivise de 1/10 , pour les années 1991 à 1997 ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté ses demandes au titre des cotisations contestées des années 1991 à 1997, qu'il est toutefois fondé à demander son annulation en tant qu'il concerne l'année 1990 ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative:
Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, susvisé : "Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou, à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation" ;
Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative, il y a lieu de condamner l'Etat à verser à M. X... la somme de 30,49 euros (200 francs) qu'il demande au titre des frais de timbre fiscaux exposés par lui ;
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n 99DA20114 de M. Pierre X... à concurrence d'une somme de 25 367 francs (3 867,17 euros), en ce qui concerne les droits et pénalités afférents aux cotisations de taxe foncière sur les propriétés bâties auxquelles a été assujetti M. Pierre X... au titre des années 1987 à 1989.
Article 2 : M. Pierre X... est déchargé de la cotisation de taxe foncière sur les propriétés bâties à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 1990.
Article 3 : Le jugement n 96151 du tribunal administratif de Lille, en date du 19 août 1999, est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera à M. Pierre X... une somme de 30,49 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions présentées par M. Pierre X... est rejeté.
Article 6 : La présente décision sera notifiée à M. Pierre X... et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Copie en sera adressée au directeur de contrôle fiscal Nord.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

19-03-03-01 CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOSITIONS LOCALES AINSI QUE TAXES ASSIMILEES ET REDEVANCES - TAXES FONCIERES - TAXE FONCIERE SUR LES PROPRIETES BATIES


Références :

CGI 1400
Code de justice administrative L761-1
Décret 65-1062 du 03 décembre 1965
Loi 64-1247 du 16 décembre 1964 art. 4
Loi 73-1229 du 31 décembre 1973
Loi 90-1169 du 29 décembre 1990 art. 39
Ordonnance 59-108 du 07 janvier 1959 art. 3


Publications
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Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Rebière
Rapporteur public ?: M. Evrard

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3e chambre
Date de la décision : 24/04/2002
Date de l'import : 06/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 99DA20113;99DA20114
Numéro NOR : CETATEXT000007601079 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2002-04-24;99da20113 ?
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