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21/05/2002 | FRANCE | N°98DA01903

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre, 21 mai 2002, 98DA01903


Vu l'ordonnance en date du 30 août 1999 par laquelle le président de la cour administrative d'appel de Nancy a, en application du décret n 99-435 du 28 mai 1999 portant création d'une cour administrative d'appel à Douai et modifiant les articles R. 5, R. 7 et R. 8 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, alors applicables, transmis à la cour administrative d'appel de Douai la requête présentée pour la S.A. d'assurances Lloyd Y..., subrogée dans les droits et actions du centre hospitalier de Valenciennes et dont le siège est situé ... (59671), par l

a SCP Savoye et associés, avocats ;
Vu la requête, enregis...

Vu l'ordonnance en date du 30 août 1999 par laquelle le président de la cour administrative d'appel de Nancy a, en application du décret n 99-435 du 28 mai 1999 portant création d'une cour administrative d'appel à Douai et modifiant les articles R. 5, R. 7 et R. 8 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, alors applicables, transmis à la cour administrative d'appel de Douai la requête présentée pour la S.A. d'assurances Lloyd Y..., subrogée dans les droits et actions du centre hospitalier de Valenciennes et dont le siège est situé ... (59671), par la SCP Savoye et associés, avocats ;
Vu la requête, enregistrée le 27 août 1998 au greffe de la cour administrative d'appel de Nancy, par laquelle la S.A. d'assurances Lloyd Y... demande à la Cour :
1 ) de réformer le jugement en date du 4 juin 1998 par lequel le tribunal administratif de Lille n'a fait que partiellement droit à sa demande de condamnation des constructeurs à la suite de l'incendie du 3 mars 1987 ayant détruit le poste de transformation du centre hospitalier ;
2 ) de condamner conjointement et solidairement MM. B..., Zadgraski et Maignan, architectes, le bureau d'études techniques Sodeteg et l'entreprise Santerne à lui verser la somme de 4 672 652 francs à titre de dommages-intérêts, avec intérêts et capitalisation des intérêts et une somme de 50 000 francs au titre de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code civil ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu le décret n 99-435 du 28 mai 1999 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 mai 2002
- le rapport de Mme Lemoyne de Forges, président-assesseur,
- les observations de Me Z..., avocat, membre de la SCP Savoye et associés, pour la compagnie d'assurance Lloyd Y..., de Me X..., avocat, pour le bureau Véritas et de Me A..., avocat, membre du cabinet d'avocats Caille-Lequai, pour le bureau d'études techniques Sodeteg,
- et les conclusions de M. Michel, commissaire du gouvernement ;

Considérant que la société d'assurances Lloyd Y..., régulièrement subrogée dans les droits du centre hospitalier de Valenciennes par quittances en date des 18 mai et 10 novembre 1997 et 5 décembre 1991, demande la réformation du jugement en date du 4 juin 1998 par lequel le tribunal administratif de Lille, après avoir mis hors de cause l'entreprise Santerne et déclaré responsables des conséquences dommageables afférentes à l'aggravation de l'incendie du 3 mars 1987 MM. B..., Zadgrasky et Maignan, architectes et le bureau d'études techniques Sodeteg, a limité au tiers la part de responsabilité leur incombant conjointement et solidairement et les a condamnés à verser à la société d'assurances Lloyd Y... la somme de 1 069 470 francs (163 039,65 euros) ; qu'elle demande la condamnation conjointe et solidaire de MM. B..., Zadgrasky et Maignan, architectes, du bureau d'études techniques Sodeteg et de l'entreprise Santerne à lui payer la somme de 4 672 652 francs à titre de dommages-intérêts ; que par la voie de l'appel incident, MM. B..., Zadgraski et Maignan, architectes, demandent à être déchargés de toute condamnation et à être garantis par le bureau d'études techniques Sodeteg et le bureau Véritas ;
En ce qui concerne le déclenchement de l'incendie :
Considérant que la société d'assurances Lloyd Y... soutient que l'origine de l'incendie résiderait dans la forme découpée en dents de scie du carénage de tôle servant de support au passage des câbles regroupés en nappes dans la partie haute du tableau général de basse tension qui aurait perforé deux câbles provoquant un arc électrique enflammant les nappes disposées à la partie supérieure dudit tableau ; que, contrairement à ce que soutient la société d'assurances, cette hypothèse, envisagée parmi d'autres dans le rapport d'expertise, n'a pas été
retenue par l'expert qui relève notamment que le feu a pris naissance dans la partie basse dudit tableau et que la probabilité que deux câbles voisins se soient perforés en même temps est très faible ; qu'il résulte au contraire des énonciations du même rapport que la cause du déclenchement de l'incendie provient d'un échauffement des câbles dans une cellule basse du tableau, provoqué lui-même, soit par une surintensité, soit par le desserrage ou le mauvais serrage d'un câble au niveau de la plage de raccordement d'un disjoncteur ; qu'ainsi, le déclenchement de l'incendie ne peut être imputé aux vices ayant pu affecter la construction du tableau général de basse tension par l'entreprise Santerne, chargée du lot électricité ;
En ce qui concerne l'aggravation de l'incendie :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la propagation importante de l'incendie a été favorisée par la localisation du poste de transformation au quatrième étage de l'établissement hospitalier et également par le regroupement des réseaux de basse et moyenne tension dans un même local ; qu'il ressort également du rapport d'expertise que le feu n'a pu atteindre aussi rapidement plusieurs étages au dessus du poste de transformation qu'en raison de l'insuffisance des recoupements au niveau des planchers coupe-feu ; que les vices de conception et de construction ont concouru en partie à faciliter la propagation de l'incendie sans que, cependant, aucun de ces vices ne soit imputable à l'entreprise Santerne, chargée uniquement de l'exécution du lot électricité ; que, par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont déclaré MM. B..., Zadgraski et Maignan, architectes et le bureau d'études techniques Sodeteg responsables des conséquences dommageables afférentes à l'aggravation du sinistre du 3 mars 1987 ;
Considérant qu'il résulte toutefois de l'instruction que l'extension de l'incendie a été rendue possible par les fautes commises par le centre hospitalier lui-même qui, d'une part, a fait procéder à de nombreuses modifications aux équipements électriques depuis leur mise en service sans que le bureau Véritas ait pu en contrôler la portée quant à la sécurité des installations et, d'autre part, a organisé un système d'alarme qui s'est révélé inadapté, en particulier lors du service de nuit du fait du renvoi dans le seul local du service médical d'urgence d'un dispositif d'alerte imprécis qui n'a pas mis à même le technicien de garde d'alerter sans délai les services de lutte contre l'incendie ; que, par suite, la société d'assurances Lloyd Y... n'est pas fondée à soutenir que le tribunal ait fait une inexacte appréciation de l'ensemble des circonstances de la cause en laissant à la charge du centre hospitalier de Valenciennes les 2/3 des conséquences dommageables de l'incendie du 3 mars 1987 ;
Sur le préjudice :
Considérant que la compagnie d'assurances Lloyd Y... soutient que le coût des travaux nécessaires au remplacement des équipements détruits s'élève à la somme de 4 672 652 francs (712 341,21 euros) ; que, toutefois, elle n'établit pas les chiffres avancés s'agissant tant des dégâts causés aux bâtiments que du remplacement du matériel non électrique ; que les frais des experts mandatés par la compagnie d'assurances de son chef n'ont pas à être indemnisés ; que, dès lors, le tribunal administratif a fait une exacte appréciation du coût des travaux nécessaires en le fixant à la somme de 3 208 410,10 francs (489 118,97 euros) et en condamnant conjointement et solidairement MM. B..., Zadgrasky et Maignan et le bureau d'études techniques Sodeteg, compte tenu du partage de responsabilités, à verser à la compagnie d'assurances Lloyd Y... la somme de 1 069 470 francs (163 039,65 euros) ;
Sur la capitalisation des intérêts :

Considérant que la compagnie d'assurances Lloyd Y... a demandé la capitalisation des intérêts les 27 août 1998 et 3 mai 2002 ; qu'il était dû, à chacune de ces dates, au moins une année d'intérêts ; que par suite et conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à ces demandes ;
Sur les appels en garantie :
Considérant que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a fait droit aux conclusions d'appels en garantie formés par les architectes et constructeurs ; que si ces conclusions sont renouvelées en appel, elles ne remettent pas en cause les partages de responsabilités fixés par les premiers juges ; qu'il y a lieu, dès lors, et par les mêmes motifs, de confirmer le jugement attaqué sur ce point ;
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que MM. B..., Zadgrasky et Maignan, le bureau d'études techniques Sodeteg et l'entreprise Santerne qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes soient condamnés à payer à la société d'assurances Lloyd Y... la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de condamner la société d'assurances Lloyd Y... à payer à l'entreprise Santerne une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de condamner la société d'assurances Lloyd Y... à payer à MM. B..., Zadgrasky et Maignan, au bureau Véritas et au bureau d'études techniques Sodeteg les sommes qu'ils demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;
Article 1er : Les intérêts de la somme de 163 039,65 euros échus les 27 août 1998 et 3 mai 2002 seront capitalisés à ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de la société d'assurances Lloyd Y... est rejeté.
Article 3 : Les appels incident et provoqué de MM. B..., Zadgrasky et Maignan sont rejetés.
Article 4 : La société d'assurances Lloyd Y... versera à l'entreprise Santerne une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Les conclusions de MM. B..., Zadgrasky et Maignan, du bureau Véritas et du bureau d'études techniques Sodeteg tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 6 : La présente décision sera notifiée à la compagnie d'assurances Lloyd Y..., à MM. B..., Maignan et Zadgrasky, au bureau d'études techniques Sodeteg, à la société Santerne, au bureau Véritas, à la société Rémy, à la société Coignet et au ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Copie sera transmise au préfet de la région Nord/Pas-de-Calais, préfet du Nord.


Type d'affaire : Administrative

Analyses

MARCHES ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - RAPPORTS ENTRE L'ARCHITECTE - L'ENTREPRENEUR ET LE MAITRE DE L'OUVRAGE - RESPONSABILITE DES CONSTRUCTEURS A L'EGARD DU MAITRE DE L'OUVRAGE - RESPONSABILITE DECENNALE - DESORDRES DE NATURE A ENGAGER LA RESPONSABILITE DECENNALE DES CONSTRUCTEURS - ONT CE CARACTERE.

MARCHES ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - RAPPORTS ENTRE L'ARCHITECTE - L'ENTREPRENEUR ET LE MAITRE DE L'OUVRAGE - RESPONSABILITE DES CONSTRUCTEURS A L'EGARD DU MAITRE DE L'OUVRAGE - RESPONSABILITE DECENNALE - RESPONSABILITE DE L'ARCHITECTE - FAITS DE NATURE A ENGAGER SA RESPONSABILITE.

MARCHES ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - RAPPORTS ENTRE L'ARCHITECTE - L'ENTREPRENEUR ET LE MAITRE DE L'OUVRAGE - RESPONSABILITE DES CONSTRUCTEURS A L'EGARD DU MAITRE DE L'OUVRAGE - RESPONSABILITE DECENNALE - RESPONSABILITE DE L'ENTREPRENEUR - FAITS DE NATURE A ENGAGER SA RESPONSABILITE.


Références :

Code civil 1154
Code de justice administrative L761-1


Publications
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Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Lemoyne de Forges
Rapporteur public ?: M. Michel

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre
Date de la décision : 21/05/2002
Date de l'import : 06/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 98DA01903
Numéro NOR : CETATEXT000007601848 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2002-05-21;98da01903 ?
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