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03/06/2002 | FRANCE | N°98DA10693

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre, 03 juin 2002, 98DA10693


Vu l'ordonnance en date du 31 août 1999 par laquelle le président de la cour administrative d'appel de Nantes a, en application du décret n 99-435 du 28 mai 1999 portant création d'une cour administrative d'appel à Douai et modifiant les articles R. 5, R. 7 et R. 8 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, alors applicables, transmis à la cour administrative d'appel de Douai la requête présentée pour M. Jean-Claude X..., Mme Florence Y... née X..., et M. Jean-Luc X..., par Me Julia, avocat ;

Vu la requête, enregistrée le 25 mars 1998 au greff

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Vu l'ordonnance en date du 31 août 1999 par laquelle le président de la cour administrative d'appel de Nantes a, en application du décret n 99-435 du 28 mai 1999 portant création d'une cour administrative d'appel à Douai et modifiant les articles R. 5, R. 7 et R. 8 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, alors applicables, transmis à la cour administrative d'appel de Douai la requête présentée pour M. Jean-Claude X..., Mme Florence Y... née X..., et M. Jean-Luc X..., par Me Julia, avocat ;

Vu la requête, enregistrée le 25 mars 1998 au greffe de la cour administrative d'appel de Nantes, par laquelle M. Jean-Claude X..., Mme Florence Y... et M. Jean-Luc X... demandent à la Cour :
1 ) d'annuler le jugement du 31 décembre 1997 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté leur demande tendant à ce que le centre hospitalier universitaire de Rouen soit condamné à leur verser la somme de 562 349,45 francs en réparation du préjudice subi du fait du décès de Mme Bernadette X... survenu dans cet établissement ;
2 ) de condamner le centre hospitalier universitaire de Rouen à leur verser la somme globale de 556 412,45 francs y compris les frais d'expertise, augmentée des intérêts à compter du 24 mai 1996 et des intérêts des intérêts ;
3 ) de condamner le centre hospitalier universitaire de Rouen à leur verser la somme de 35 000 francs au titre de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu le décret n 99-435 du 28 mai 1999 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 21 mai 2002
le rapport de M. Paganel, premier conseiller,
les observations de Me Jegu, avocat, membre de la SCP d'avocats Julia-Chabert, pour les consorts X...,
et les conclusions de M. Michel, commissaire du gouvernement ;
Sur la fin de non recevoir opposée par le centre hospitalier universitaire de Rouen :
Considérant que, par jugement en date du 31 décembre 1997, le tribunal administratif de Rouen a rejeté la demande de M. Jean-Claude X... qui tendait à la condamnation du centre hospitalier universitaire de Rouen sur le fondement de la faute médicale ; que si les appelants se prévalent pour la première fois en appel d'un défaut d'information de Mme Bernadette X... sur les conséquences prévisibles de l'intervention qu'elle a subie dans ledit établissement et de la survenance d'infections nosocomiales, ces moyens ne reposent pas sur une cause juridique distincte de celle présentée devant le tribunal administratif ; qu'ainsi, et contrairement à ce que soutient le centre hospitalier universitaire de Rouen, les appelants sont recevables à invoquer devant la Cour les moyens susmentionnés ;
Sur la responsabilité :

Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que Mme Bernadette X..., qui souffrait depuis novembre 1994 de douleurs de l'hypochondre droit accompagnées de nausées et de pesanteur post-prandiale, a été admise dans l'unité d'hospitalisations programmées et d'endoscopie du centre hospitalier universitaire de Rouen pour y subir, le 23 février 1995, un cathétérisme rétrograde de la papille par voie endoscopique en vue d'une exploration des voies bilio-pancréatiques ; que dans les heures qui ont suivi cet examen, lequel échoua après de multiples tentatives d'opacification de la voie biliaire principale, une douleur épigastrique transfixiante apparut, traduisant une pancréatite aiguë nécrosante ; qu'en dépit des soins dispensés notamment dans le service de réanimation chirurgicale du centre hospitalier, Mme X... décédera le 3 mai 1995 des conséquences de la poursuite du processus de pancréatite aiguë ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise que la pancréatite aiguë nécrosante sévère ayant entraîné le décès de Mme Bernadette X... doit, compte tenu des conditions de sa survenance dans les suites immédiates du cathétérisme rétrograde par voie endoscopique et alors qu'elle constitue une complication possible de cet examen pouvant évoluer jusqu'au décès dans les formes sévères, être mise en relation avec ce dernier ; que, par suite, et contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, le décès de Mme X... trouve son origine directe et exclusive dans le cathétérisme rétrograde pratiqué sur elle au centre hospitalier universitaire de Rouen ;
Considérant qu'ainsi qu'il a été dit, l'exploration des canaux bilio-pancréatiques par cathétérisme rétrograde de la papille par voie endoscopique, même effectuée dans les règles de l'art, présente des risques élevés de complications graves pouvant évoluer jusqu'au décès du patient sous forme d'une pancréatite aiguë ; que ces risques doivent être portés à la connaissance du patient ;
Considérant que les appelants soutiennent, et sont en cela confirmés par l'expert, que Mme Bernadette X... n'a pas été informée des risques de l'intervention ; que le centre hospitalier universitaire de Rouen ne conteste pas utilement cette affirmation ; qu'ainsi, le centre hospitalier universitaire de Rouen a commis une faute susceptible d'engager sa responsabilité ; que, par suite, M. Jean-Claude X..., Mme Florence Y... et M. Jean-Luc X... sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté leur demande ;
Sur l'évaluation du préjudice :

Considérant que la faute commise par les praticiens de l'hôpital, en l'absence de toute urgence et alors qu'une échoendoscopie ne comportant aucun risque iatrogène aurait pu être proposée à Mme Bernadette X..., a entraîné pour celle-ci la perte complète d'une chance de se soustraire au cathétérisme et à ses conséquences fatales ; que, par suite, la totalité des préjudices doivent être regardés comme directement imputables à l'examen du 23 février 1995 ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que les frais médicaux et d'hospitalisation résultant directement des conséquences dommageables de l'intervention s'élèvent à 245 125,05 francs (37 369,07 euros) ; que les frais funéraires et d'obsèques dont il n'est pas établi, contrairement à ce que soutient le centre hospitalier de Rouen, qu'ils auraient été pris en charge par la caisse primaire d'assurance maladie, s'élèvent au montant de 37 349,45 francs (5 693,89 euros) ; qu'il sera fait une juste appréciation du préjudice moral subi par M. Jean-Claude X..., époux de la défunte, et par chacun des enfants majeurs, Mme Florence Y... et M. Jean-Luc X..., en l'évaluant respectivement à 100 000 francs (15 244,90 euros), 40 000 francs (6 097,96 euros) et 40 000 francs (6 097,96 euros) ; qu'ainsi, le préjudice global s'élève à 462 474,50 francs (70 503,78 euros) ;
Sur les droits de la caisse primaire d'assurance maladie de la Seine-Maritime :
Considérant que le montant de la créance de la caisse primaire d'assurance maladie de la Seine-Maritime s'élève, compte tenu des indemnités journalières versées à Mme X... pour 14 340,68 francs (2 186,22 euros) et d'un capital décès de 38 790 francs (5 913,50 euros), à la somme totale de 298 255,73 francs (45 488,79 euros) ; que compte tenu de la part de l'indemnité sur laquelle peuvent s'imputer les droits de la caisse, par application des dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, lesquelles excluent la part d'indemnité de caractère personnel, la caisse primaire d'assurance maladie de la Seine-Maritime a droit au remboursement d'une somme de 282 474,50 francs (43 062,96 euros) ; que, dès lors, il y a lieu de condamner le centre hospitalier universitaire de Rouen à lui payer la somme de 43 062,96 euros ;
Sur les droits des consorts X... :
Considérant que, compte tenu de ce qui vient d'être dit, le montant de l'indemnité due par le centre hospitalier universitaire de Rouen à M. Jean-Claude X... s'élève à 100 000 francs (15 244,90 euros), à Mme Florence Y... X... et à M. Jean-Luc X..., à 40 000 francs (6 097,96 euros) chacun ;
Sur les intérêts :
Considérant que M. Jean-Claude X..., Mme Florence Y... et M. Jean-Luc X... ont droit aux intérêts des sommes qui leur sont dues à compter du 22 novembre 1996, date d'enregistrement de leur requête devant le tribunal administratif de Rouen ;
Sur la capitalisation des intérêts :

Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article 1154 du code civil que la capitalisation des intérêts est de droit lorsque la demande en est formulée expressément devant le juge et qu'au moins une année d'intérêts est due ; que les conclusions de M. Jean-Claude X..., Mme Florence Y... et M. Jean-Luc X... tendant à la capitalisation des intérêts échus chaque année doivent, en l'absence de demande présentée au juge, être rejetées ; que cependant la capitalisation des intérêts a été demandée le 25 mars 1998 ; qu'à cette date, il était dû au moins une année d'intérêts depuis le 22 novembre 1996 ; que, dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande ;
Sur les frais d'expertise exposés devant le tribunal administratif de Rouen :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'affaire, de mettre les frais d'expertise exposés devant le tribunal administratif de Rouen, liquidés et taxés au montant non contesté de 19 063,00 francs (2 906,14 euros), à la charge du centre hospitalier universitaire de Rouen ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de condamner le centre hospitalier universitaire de Rouen à payer à M. Jean-Claude X..., Mme Florence Y... et M. Jean-Luc X..., une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de condamner le centre hospitalier universitaire de Rouen à payer à la caisse primaire d'assurance maladie de la Seine-Maritime une somme de 760 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Rouen en date du 31 décembre 1997 est annulé.
Article 2 : Le centre hospitalier universitaire de Rouen est condamné à verser à M. Jean-Claude X... la somme de 15 244,90 euros (100 000 francs), à Mme Florence Y... la somme de 6 097,96 euros (40 000 francs) et à M. Jean-Luc X... la somme de 6 097,96 euros (40 000 francs). Lesdites sommes porteront intérêts au taux légal à compter du 22 novembre 1996. Les intérêts échus le 25 mars 1998 seront capitalisés à cette date pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 3 : Le centre hospitalier universitaire de Rouen est condamné à verser à la caisse primaire d'assurance maladie de la Seine-Maritime la somme de 43 062,96 euros (284 474,50 francs).
Article 4 : Le centre hospitalier universitaire de Rouen versera au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative à M. Jean-Claude X..., Mme Florence Y... et M. Jean-Luc X... la somme globale de 1 500 euros et à la caisse primaire d'assurance maladie de la Seine-Maritime la somme de 760 euros.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête et de la demande de la caisse primaire d'assurance maladie de la Seine-Maritime est rejeté.
Article 6 : Les frais d'expertise exposés devant le tribunal administratif de Rouen liquidés et taxés à la somme de 19 063,00 francs (2 906,14 euros) sont mis à la charge du centre hospitalier universitaire de Rouen.
Article 7 : La présente décision sera notifiée à M. Jean-Claude X..., à Mme Florence Y..., à M. Jean-Luc X..., au centre hospitalier universitaire de Rouen, à la caisse primaire d'assurance maladie de la Seine-Maritime et au ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Copie sera transmise au préfet de la région Haute-Normandie, préfet de la Seine-Maritime.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre
Numéro d'arrêt : 98DA10693
Date de la décision : 03/06/2002
Type d'affaire : Administrative

Analyses

60-02-01-01-01-01-04 RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - RESPONSABILITE EN RAISON DES DIFFERENTES ACTIVITES DES SERVICES PUBLICS - SERVICE PUBLIC DE SANTE - ETABLISSEMENTS PUBLICS D'HOSPITALISATION - RESPONSABILITE POUR FAUTE SIMPLE : ORGANISATION ET FONCTIONNEMENT DU SERVICE HOSPITALIER - EXISTENCE D'UNE FAUTE - MANQUEMENTS A UNE OBLIGATION D'INFORMATION ET DEFAUTS DE CONSENTEMENT


Références :

Code civil 1154
Code de justice administrative L761-1
Code de la sécurité sociale L376-1
Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel L8-1
Décret 99-435 du 28 mai 1999


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Paganel
Rapporteur public ?: M. Michel

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2002-06-03;98da10693 ?
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