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06/06/2002 | FRANCE | N°99DA00678

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1e chambre, 06 juin 2002, 99DA00678


Vu l'ordonnance en date du 30 août 1999 par laquelle le président de la cour administrative d'appel de Nancy a, en application du décret n 99-435 du 28 mai 1999 portant création d'une cour administrative d'appel à Douai et modifiant les articles R. 5, R. 7 et R. 8 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, alors applicables, transmis à la cour administrative d'appel de Douai la requête présentée pour la société anonyme d'habitations à loyer modéré de Lille et Environs, dont le siège social est sis 7, rue Solférino à Lille (59000), représentée

par son président en exercice, par Me Tomme, avocat ;
Vu la requê...

Vu l'ordonnance en date du 30 août 1999 par laquelle le président de la cour administrative d'appel de Nancy a, en application du décret n 99-435 du 28 mai 1999 portant création d'une cour administrative d'appel à Douai et modifiant les articles R. 5, R. 7 et R. 8 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, alors applicables, transmis à la cour administrative d'appel de Douai la requête présentée pour la société anonyme d'habitations à loyer modéré de Lille et Environs, dont le siège social est sis 7, rue Solférino à Lille (59000), représentée par son président en exercice, par Me Tomme, avocat ;
Vu la requête, enregistrée le 24 mars 1999 au greffe de la cour administrative d'appel de Nancy, par laquelle la société anonyme d'habitations à loyer modéré de Lille et Environs demande à la Cour :
1 ) d'annuler le jugement n 91-788 en date du 21 janvier 1999 par le quel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à ce que l'Etat soit condamné à l'indemniser du préjudice causé par le retard de l'administration à lui prêter main-forte pour l'exécution d'une décision d'expulsion prononcée par l'autorité judiciaire le 15 septembre 198 9 ;
2 ) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 39 363,10 francs, avec les intérêts au taux légal et la capitalisation des intérêts à compter du 1er novembre 1991 ;
3 ) de condamner l'Etat à lui payer la somme de 10 000 francs au titre de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n 68-1250 du 31 décembre 1968 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu le décret n 99-435 du 28 mai 1999 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 23 mai 2002
le rapport de M. Laugier, président-assesseur,
et les conclusions de M. Yeznikian, commissaire du gouvernement ;

Considérant que, par jugement en date du 15 septembre 1989, le tribunal d'instance de Douai a fait droit à la demande de la société anonyme d'habitations à loyer modéré de Lille et Environs (S.L.E.) tendant à l'expulsion de M. et Mme X... d'un logement appartenant à ladite société et situé à Anhiers ; que celle-ci, qui avait demandé au sous-préfet de Douai le 8 juin 1990 le concours de la force publique en vue de l'exécution de ce jugement, a présenté à l'administration, par lettre du 13 novembre 1990, une demande d'indemnisation du préjudice résultant pour elle de l'absence d'octroi dudit concours, puis a saisi aux mêmes fins le tribunal administratif de Lille, par requête du 10 mai 1991, à raison du refus implicite qui était opposé à sa demande ; qu'en cours d'instance, l'administration a, d'une part, procédé à plusieurs règlements, en 1991 et 1992, qui ont apuré, ainsi qu'y a acquiescé la société anonyme d'habitations à loyer modéré de Lille et Environs, la période de responsabilité de l'Etat s'étendant du 8 août 1990 au 31 octobre 1991, et a, d'autre part, accordé à compter du 12 juillet 1993 le concours de la force publique en vue de l'expulsion, qui a eu lieu le 27 juillet 1993 ; que le litige porte ainsi sur la période courant de novembre 1991 à juillet 1993, pour laquelle la société anonyme d'habitations à loyer modéré de Lille et Environs a présenté au tribunal, par mémoire enregistré le 28 mai 1997, des conclusions à fin d'indemnité à hauteur de 39 363,10 francs en principal ;
Sur la recevabilité :
Considérant que, pour rejeter lesdites conclusions indemnitaires, le tribunal administratif a estimé que celles-ci en tant qu'elles portaient sur la période comprise entre le 1er novembre 1991 et le 31 juillet 1993, n'avaient été précédées d'aucune demande préalable auprès de l'administration ; qu'il résulte toutefois de l'instruction, et notamment des termes de la réclamation susmentionnée adressée au sous-préfet de Douai le 13 novembre 1990, que la société anonyme d'habitations à loyer modéré de Lille et Environs sollicitait la réparation de son préjudice, d'une part, pour les loyers et indemnités échus à octobre 1990 et d'autre part, pour les loyers et indemnités " à échoir de novembre 1990 jusqu'à la libération des lieux " ; que, si la société anonyme d'habitations à loyer modéré de Lille et Environs chiffrait dès cette demande les montants qui étaient alors échus, elle a ensuite chiffré, dans son mémoire susmentionné du 28 mai 1997, le montant des loyers ultérieurs jusqu'à la libération des lieux ; que, par suite, c'est à tort que par le jugement du 21 janvier 1999 le tribunal administratif a fait droit à la fin de non-recevoir opposée par l'Etat le 9 mars 1998 et tirée de ce que le contentieux n'aurait pas été lié, nonobstant la réclamation préalable susrappelée ; qu'ainsi, ledit jugement doit être annulé ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la société anonyme d'habitations à loyer modéré de Lille et Environs ;
Sur l'exception de prescription quadriennale :

Considérant qu'aux termes de l'article 2 de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat : " La prescription est interrompue par : ... Tout recours formé devant une juridiction, relatif au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance ..." ;
Considérant que l'action introduite par la société anonyme d'habitations à loyer modéré de Lille et Environs devant le tribunal administratif de Lille le 10 mai 1991 a interrompu le délai de prescription à l'égard de la créance de ladite société ; que, par suite, il y a lieu de rejeter l'exception de prescription quadriennale opposée par le ministre de l'intérieur ;
Sur le montant de l'indemnité :
Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'instruction que le montant des loyers, charges et indemnités d'occupations afférents à la période s'étendant du 1er novembre 1991 au 30 juin 1993 s'élève à une somme non contestée de 37 097,10 francs (5 655,42 euros) ; que, d'autre part, si la société anonyme d'habitations à loyer modéré de Lille et Environs demande l'indemnisation du mois de juillet 1993, soit 2 266 francs, il résulte de l'instruction que, par lettre du 9 juin 1993, le sous-préfet de Douai a accordé le concours de la force publique avec effet au 12 juillet suivant ; que, par suite, la période de responsabilité de l'Etat ne saurait s'étendre au-delà de cette dernière date ; que le préjudice indemnisable au titre de ce mois s'établit ainsi à 877,16 francs (133,72 euros) et qu'en conséquence, le préjudice total s'élève à 37 974,26 francs (5 789,14 euros) ;
Sur les intérêts :
Considérant que la société anonyme d'habitations à loyer modéré de Lille et Environs a demandé que les intérêts calculés au taux légal lui soient alloués à compter du 1er novembre 1991 ; qu'elle n'y a droit qu'à compter des dates respectives auxquelles les loyers et indemnités susdéfinies étaient dus ; que, dès lors, les sommes correspondant aux loyers et indemnités échus du 1er novembre 1991 au 12 juillet 1993 et restés impayés porteront intérêts à compter des dates d'échéance successives de ces loyers ;
Sur les intérêts des intérêts :
Considérant que la capitalisation des intérêts a été demandée une première fois le 1er novembre 1991 ; qu'à cette date, il n'était pas dû une année d'intérêts ; que, dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de rejeter cette demande ;
Considérant que la capitalisation a été de nouveau demandée par la société anonyme d'habitations à loyer modéré de Lille et Environs les 28 mai 1997 et 24 mars 1999 ; qu'à chacune de ces dates, il était dû au moins une année d'intérêts ; que, dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à ces demandes ;
Sur les conclusions subsidiaires du ministre tendant à la subrogation de l'Etat :

Considérant qu'il y a lieu de faire droit aux conclusions tendant à ce que l'Etat soit subrogé dans les droits que la société anonyme d'habitations à loyer modéré de Lille et Environs détient contre M. et Mme X... pour la période du 1er novembre 1991 au 12 juillet 1993 ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel devenu L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la société anonyme d'habitations à loyer modéré de Lille et Environs et de condamner l'Etat à payer à ladite société une somme de 1 200 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
Article 1er : Le jugement n 91-788 du tribunal administratif de Lille en date du 21 janvier 1999 est annulé.
Article 2 : L'Etat est condamné à verser à la société anonyme d'habitations à loyer modéré de Lille et Environs la somme de 5 789 euros (cinq mille sept cent quatre vingt neuf euros).
Article 3 : La somme mentionnée à l'article 2 portera intérêts au taux légal à compter des dates d'échéance respectives des loyers dus du 1er novembre 1991 au 12 juillet 1993.
Article 4 : Les intérêts échus les 28 mai 1997 et 24 mars 1999 seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 5 : L'Etat est subrogé dans les droits de la société anonyme d'habitations à loyer modéré de Lille et Environs envers M. et Mme X... et tous occupants de leur chef pour avoir paiement, dans la limite des condamnations prononcées ci-dessus, des sommes dues par ces derniers au titre de la période du 1er novembre 1991 au 12 juillet 1993.
Article 6 : L'Etat versera à la société anonyme d'habitations à loyer modéré de Lille et Environs la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 7 : Le surplus des conclusions de la requête de la société anonyme d'habitations à loyer modéré de Lille et Environs est rejeté.
Article 8 : La présente décision sera notifiée à la société anonyme d'habitations à loyer modéré de Lille et Environs et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Copie sera transmise au préfet de la région Nord/Pas-de-Calais, préfet du Nord.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1e chambre
Numéro d'arrêt : 99DA00678
Date de la décision : 06/06/2002
Type d'affaire : Administrative

Analyses

60-02-03-01-03 RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - RESPONSABILITE EN RAISON DES DIFFERENTES ACTIVITES DES SERVICES PUBLICS - SERVICES DE POLICE - SERVICES DE L'ETAT - EXECUTION DES DECISIONS DE JUSTICE


Références :

Code civil 1154
Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel L8-1
Loi 68-1250 du 31 décembre 1968 art. 2


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Laugier
Rapporteur public ?: M. Yeznikian

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2002-06-06;99da00678 ?
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