Vu la requête, enregistrée le 29 décembre 2000 au greffe de la cour administrative d'appel de Douai, présentée pour M. Guy X, demeurant ... ; par Me Dutat, avocat ; M. X demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement en date du 19 octobre 2000 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande dirigée contre l'arrêté du 2 septembre 1998 du préfet du Pas-de-Calais réglementant le tir à partir de postes fixes ;
2°) d'annuler ledit arrêté ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 6 000 francs sur le fondement de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Il soutient que le ministre était seul compétent, en vertu de l'article L. 224-4 du code rural pour réglementer, comme il l'a fait, le mode de chasse spécifique qu'est le tir à vol et à plombs des pigeons ramiers, depuis un poste fixe situé en élévation ; que l'arrêté critiqué est entaché
Code C+ Classement CNIJ : 03-08-005
d'erreur manifeste d'appréciation et porte une atteinte décisive au droit de chasser dès lors qu'il n'opère aucune distinction entre les animaux chassés et les modes et moyens de tir ; qu'il est disproportionné à ce qui était nécessaire au maintien de l'ordre et de la sécurité publics ; qu'il ne pouvait, sans habilitation législative, soumettre cette activité à une autorisation préalable ; qu'il ne pouvait davantage imposer l'octroi d'un permis de construire ou d'une autorisation de travaux, l'article R. 421-1 du code de l'urbanisme l'excluant expressément ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire, enregistré le 14 février 2001, présenté pour l'Union départementale des chasseurs de pigeons, dont le siège est 65, rue principale à Dennebroeucq (62560), par Me Jacques Dutat, avocat, laquelle déclare s'associer à la requête de M. X, s'en approprier les moyens et conclure aux mêmes fins ;
Vu le mémoire en intervention, enregistré le 3 août 2001, présenté pour la Fédération départementale des chasseurs du Pas-de-Calais, dont le siège est La fosse aux loups , rue Victor Gressier à Saint Laurent Blangy (62053), par Me Charles Lagier, avocat ; elle demande à la Cour : 1°) de rejeter la requête ; 2°) de condamner solidairement M. X et l'Union départementale des chasseurs de pigeons à lui payer la somme de 6 000 francs sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; elle soutient que l'intérêt à agir de M. X n'est pas établi ; que le préfet était compétent pour prendre l'arrêté attaqué dans le cadre des pouvoirs de police qu'il tient de l'article L. 2225-1 du code général des collectivités territoriales ; que compte tenu des risques d'accident, le préfet a pu instaurer une distance minimale entre territoires de chasse voisins ; qu'une telle mesure n'est pas disproportionnée ;
Vu le courrier, en date du 27 février 2002 par lequel le ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement a été mis en demeure de produire des observations en défense ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code rural ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 avril 2003 où siégeaient Mme Sichler, président de chambre, Mme Merlin-Desmartis, président-assesseur et M. Lequien, premier conseiller :
- le rapport de Mme Merlin-Desmartis, président-assesseur,
- les observations de Me Masson, avocat, de la SCP d'avocats Dutat, pour M. Guy X et l'Union départementale des chasseurs de pigeons,
- et les conclusions de M. Yeznikian, commissaire du gouvernement ;
Sur les interventions :
Considérant que l'Union départementale des chasseurs de pigeons et la Fédération départementale des chasseurs du Pas-de-Calais ont intérêt, la première à l'annulation et la seconde au maintien de l'arrêté attaqué ; que leur intervention est, par suite, recevable ;
Sur la fin de non-recevoir opposée par la Fédération départementale des chasseurs du Pas-de-Calais :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le requérant pratique de façon habituelle la chasse aux pigeons ramiers depuis une palombière édifiée sur un terrain dont il est propriétaire à Eperlecques ; qu'il a par suite intérêt lui donnant qualité pour contester la légalité de l'arrêté en date du 2 septembre 1998 par lequel le préfet du Pas-de-Calais a réglementé le tir à partir de postes fixes appelés miradors ;
Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête :
Considérant que l'existence de pouvoirs de police spéciale attribués par l'article L. 224-4 du code rural au ministre chargé de la chasse pour réglementer les chasses dites traditionnelles ne faisait pas obstacle à ce que le préfet usât des pouvoirs de police générale qu'il tient de l'article L. 2215-1 du code général des collectivités territoriales, pour réglementer l'installation des postes fixes de tir appelés miradors afin de préserver la sécurité des personnes ; que, toutefois, aucune disposition législative ne donnait au préfet le pouvoir de subordonner l'utilisation des miradors à une autorisation préalable ainsi qu'il l'a fait à l'article 2 de l'arrêté attaqué ; que dès lors, les
dispositions litigieuses étant indivisibles des autres dispositions, l'arrêté préfectoral du 2 septembre 1998 est, dans son ensemble, entaché d'excès de pouvoir ; que, par suite, M. X et l'Union départementale des chasseurs de pigeons sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté leur demande dirigée contre cet arrêté ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'Etat à verser à M. X la somme de 800 euros au titre des frais engagés par lui et non compris dans les dépens ;
Considérant que les dispositions de cet article prévoient seulement la mise à la charge d'une des parties de l'instance des frais exposés par une autre partie et non compris dans les dépens ; qu'elles ne sauraient recevoir application au profit ou à l'encontre d'une personne qui a la qualité d'intervenant à l'instance ; que, par suite, les conclusions de l'Union départementale des chasseurs de pigeons et de la Fédération départementale des chasseurs du Pas-de-Calais tendant au bénéfice de ces dispositions ne peuvent qu'être écartées ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement en date du 19 octobre 2000 du tribunal administratif de Lille et l'arrêté en date du 2 septembre 1998 du préfet du Pas-de-Calais sont annulés.
Article 2 : L'Etat versera à M. X la somme de 800 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Les conclusions de l'Union départementale des chasseurs de pigeons et de la Fédération départementale des chasseurs du Pas-de-Calais tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. Guy X, à l'Union départementale des chasseurs de pigeons, à la Fédération départementale des chasseurs du Pas-de-Calais et au ministre de l'écologie et du développement durable.
Copie sera transmise au préfet du Pas-de-Calais.
Délibéré à l'issue de l'audience publique du 3 avril 2003 dans la même composition que celle visée ci-dessus.
Prononcé en audience publique le 29 avril 2003.
Le rapporteur
Signé : M. Merlin-Desmartis
Le président de chambre
Signé : F. Sichler
Le greffier
Signé : M. Milard
La République mande et ordonne au ministre de l'écologie et du développement durable en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
Le greffier
Muriel Milard
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N°00DA01470