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29/04/2003 | FRANCE | N°99DA00976

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3eme chambre, 29 avril 2003, 99DA00976


Vu l'ordonnance en date du 30 août 1999 par laquelle le président de la cour administrative d'appel de Nancy a, en application du décret n° 99-435 du 28 mai 1999 portant création d'une cour administrative d'appel à Douai et modifiant les articles R. 5, R. 7 et R. 8 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, alors applicables, transmis à la cour administrative d'appel de Douai la requête présentée pour la caisse régionale de crédit agricole mutuel du Nord dont le siège social est ..., par Me Patrick X..., avocat ;

Vu la requête, enregistrée

le 4 mai 1999 au greffe de la cour administrative d'appel de Nancy, ...

Vu l'ordonnance en date du 30 août 1999 par laquelle le président de la cour administrative d'appel de Nancy a, en application du décret n° 99-435 du 28 mai 1999 portant création d'une cour administrative d'appel à Douai et modifiant les articles R. 5, R. 7 et R. 8 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, alors applicables, transmis à la cour administrative d'appel de Douai la requête présentée pour la caisse régionale de crédit agricole mutuel du Nord dont le siège social est ..., par Me Patrick X..., avocat ;

Vu la requête, enregistrée le 4 mai 1999 au greffe de la cour administrative d'appel de Nancy, par laquelle la caisse régionale de crédit agricole mutuel du Nord demande à la Cour :

1') d'annuler le jugement n° 96-3777 du 25 février 1999 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande en décharge des compléments de taxe sur les salaires auxquels elle a été assujettie du 1er janvier 1988 au 30 septembre 1991 et l'a condamnée à payer une amende de 15 000 francs ;

2°) à titre principal de prononcer la décharge demandée ;

Code D

3°) subsidiairement, de saisir à titre préjudiciel la Cour de justice des communautés européennes sur l'interprétation à donner de l'article 19 de la sixième directive du conseil des communautés économiques européennes et sur le respect des principes de sécurité et de confiance légitime par les dispositions interprétatives de l'article 7 de la loi n° 91-716 du 26 juillet 1991 ;

Elle soutient qu'elle a appliqué aux opérations de change manuel les règles de droit commun applicables aux livraisons de biens et aux prestations de service entrant dans le champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée au sens de l'article 256 du code général des impôts ; qu'elle était fondée à retenir le prix total des devises vendues pour le calcul du prorata de déduction prévu à l'article 212 de l'annexe II audit code ; que l'article 7-1 de la loi n° 91-716 du 26 juillet 1991 a validé la position opposée de l'administration ; que l'interprétation de cette disposition par la jurisprudence pose la question de sa compatibilité avec la sixième directive du conseil des communautés économiques européennes, notamment ses articles 5-1, 6-1 et 11-A ; qu'avant la publication de ladite loi, la réglementation française n'était ni claire ni précise ; qu'une proposition de dix-neuvième directive était destinée à ajouter à l'article 19-1 de la sixième directive ; que l'Etat français n'avait donc pas, à l'époque des faits, respecté le principe de sécurité juridique ; que cette loi par son effet rétroactif lié à son caractère interprétatif a porté atteinte au principe de confiance légitime ; que l'infliction de l'amende pour recours abusif, qui n'est pas motivée, n'est pas justifiée alors qu'aucun évènement particulier ne peut justifier une discrimination dans ce sens par rapport à sa requête précédente relative à la taxe sur la valeur ajoutée ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 22 novembre 2000, présenté par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ; le ministre conclut au rejet de la requête ; il soutient que les premiers juges ont parfaitement défini l'intervention de l'établissement dans le cadre de l'opération de change manuel ; qu'ils n'ont apporté aucune dérogation injustifiée aux dispositions des articles 5-1, 6-1 et 11-A de la sixième directive ; que la demande de saisine de la Cour de justice des communautés européennes se réfère à l'article 177 du traité de Rome du 25 mars 1957 qui ne vise pas la compatibilité d'une disposition de droit national avec le droit communautaire ; que l'appréciation de la pertinence et de la nécessité d'une question préjudicielle appartient au juge national ; que la requérante ne fait état d'aucune question présentant une difficulté juridique réelle et utile à la solution du litige ; que les dispositions de l'article 7 de la loi du 26 juillet 1991 ne sauraient être attaquées au regard des principes de la protection de la sécurité juridique et de la confiance légitime ; que, s'agissant de l'amende pour recours abusif, la requérante parait mal fondée à alléguer d'une quelconque discrimination qui aurait été opérée à son encontre ; que les premiers juges ne sont pas tenus de motiver une telle décision ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 24 octobre 2001, présenté pour la caisse régionale de crédit agricole mutuel du Nord qui, par les mêmes moyens, reprend les conclusions de la requête ; elle soutient en outre que les dispositions de l'article 7 de la loi du 26 juillet 1991 constituent une violation de l'article 1 du protocole n° 1 à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ; qu'elle a été privée du droit d'obtenir l'annulation des redressements notifiés, lequel peut passer pour un bien, par une ingérence injustifiée de l'Etat ; que l'effet rétroactif donné à ces dispositions ne poursuivait pas un intérêt général évident et impérieux ; que ces mêmes dispositions constituent une violation de l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ;

Vu le nouveau mémoire en défense, enregistré le 18 janvier 2002, présenté par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie qui maintient ses précédentes conclusions ; il soutient que le Conseil d'Etat par un arrêt du 26 novembre 1999, n° 184474, refuse la possibilité de contrôler la conformité des litiges d'assiette qui mettent en oeuvre une validation législative fiscale au regard de l'article 6-1 du la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ; que la disposition incriminée a été approuvée par le Conseil constitutionnel comme étant justifiée par des motifs d'intérêt général tout en respectant les droits fondamentaux des individus ; que, dans ces conditions, l'article 7 de la loi de 1991 doit être reconnu conforme aux exigences imposées par l'article 1 du premier protocole à ladite convention ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le traité de Rome instituant la Communauté économique européenne devenue la Communauté européenne ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son premier protocole additionnel ;

Vu la sixième directive du conseil des Communautés européennes du 17 mai 1977 ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu l'article 7-1 de la loi du 26 juillet 1991 portant diverses mesures d'ordre économique et financier ;

Vu le décret n° 99-435 du 28 mai 1999 ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 9 avril 2003 où siégeaient Mme de Segonzac, président de chambre, Mme Brin, président-assesseur et M. Baranès, conseiller :

- le rapport de Mme Brin, président-assesseur,

- et les conclusions de M. Evrard, commissaire du gouvernement ;

Sur le bien-fondé des impositions :

Considérant que la caisse régionale de crédit agricole mutuel (C.R.C.A.M.) du Nord a opté pour l'assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée des opérations portant sur les devises, les billets de banque et les monnaies ayant cours légal ; qu'elle conteste le bien-fondé des compléments de taxe sur les salaires auxquels elle a été assujettie du 1er janvier 1988 au 30 septembre 1991 en raison de la position de l'administration consistant, pour l'application de la règle dite du prorata , posée par l'article 212 de l'annexe II au code général des impôts relative à la taxe sur la valeur ajoutée déductible à ne prendre en compte, dans le calcul des recettes visées par ledit article que le montant des profits réalisés par la caisse lors des opérations de change manuel, aux lieu et place de la totalité des sommes encaissées à l'occasion de ces transactions ;

Considérant qu'aux termes de l'article 212 de l'annexe II au code général des impôts pris en application des articles 271 et 273 du code : Les assujettis qui ne réalisent pas exclusivement des opérations ouvrant droit à déduction sont autorisés à déduire une fraction de la taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les biens constituant des immobilisations égales au montant de cette taxe multiplié par le rapport existant entre le montant annuel des recettes afférentes à des opérations ouvrant droit à déduction et le montant annuel des recettes afférentes à l'ensemble des opérations réalisées ; que les deux premières phrases du 1er alinéa du 1 de l'article 231 du même code disposent que : Les sommes payées à titre de traitements, salaires, indemnités et émoluments y compris la valeur des avantages en nature, sont soumises à une taxe sur les salaires égale à 4,25 % de leur montant, à la charge des personnes ou organismes qui paient des traitements, salaires, indemnités et émoluments lorsqu'ils ne sont pas assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée ou ne l'ont pas été sur 90 % au moins de leur chiffre d'affaires au titre de l'année civile précédant celle du paiement desdites rémunérations. L'assiette de la taxe due par ces personnes ou organismes est constituée par une partie des rémunérations versées, déterminée en appliquant à l'ensemble de ces rémunérations le rapport existant, au titre de cette même année, entre le chiffre d'affaires qui n'a pas été passible de la taxe sur la valeur ajoutée et le chiffre d'affaires total ; que les troisième et quatrième phrases qui ont été ajoutées au même alinéa du 1 de l'article 231 par le I de l'article 18 de la loi de finances rectificative pour 1993, n° 93-1353 du 30 décembre 1993, et dont, aux termes du II du même article, les dispositions ont un caractère interprétatif et s'appliquent aux instances en cours, sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée , précisent notamment que : le chiffre d'affaires qui n'a pas été assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée ou sur 90 % au moins de son montant, ainsi que le chiffre d'affaires total mentionné au dénominateur du rapport s'entendent du total des recettes et autres produits, y compris ceux correspondant à des opérations qui n'entrent pas dans le champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée et que le chiffre d'affaires qui n'a pas été passible de la taxe sur la valeur ajoutée mentionné au numérateur du rapport s'entend du total des recettes et autres produits qui n'ont pas ouvert droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée ;

Considérant qu'il résulte des dispositions combinées de l'article 256-I, du d) du 1° de l'article 261-C et de l'article 260-B du code général des impôts, dans leur rédaction applicable avant le 29 juillet 1991, que les opérations portant sur les devises, visées au d) du 1° de l'article 261-C d) sont exonérées de taxe sur la valeur ajoutée mais peuvent y être assujetties sur option ; que, dans ce cas, le montant des recettes provenant de ces opérations doit être pris en compte, pour le rapport défini à l'article 212 de l'annexe II précité, tant au numérateur qu'au dénominateur, et pour le rapport défini au 1 de l'article 231 précité, au dénominateur seulement ;

Considérant qu'il découle de ce qui précède qu'au regard de la taxe sur la valeur ajoutée, les opérations de change, et notamment de change manuel, même si elles donnent lieu à un contrat d'achat et de vente portant sur les devises, consistent en un échange d'instruments de paiement, dans lequel l'intervention de l'établissement bancaire ne peut être regardée que comme une prestation de service, dont la rémunération est constituée par la commission perçue et le profit de change réalisé ; que c'est cette rémunération, et non le prix total des devises échangées, qui constitue pour l'établissement bancaire qui procède à l'opération la recette ou le chiffre d'affaires, au sens tant de l'article 212 précité de l'annexe II au même code, qui a transposé l'article 19-1 de la sixième directive du conseil des communautés européennes en date du 17 mai 1977, relatif au calcul du prorata de déduction, que du 1 de l'article 231 précité du code général des impôts ;

Considérant qu'aux termes de l'article 7 susvisé de la loi du 26 juillet 1991 portant diverses dispositions d'ordre économique et financier : I. Pour l'application de l'article 256 du code général des impôts, les opérations mentionnées au d) ... du 1 de l'article 261 C du même code sont considérées comme des prestations de service. Le chiffre d'affaires afférent à ces opérations est constitué par le montant des profits et autres rémunérations. Cette disposition présente un caractère interprétatif sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée ;

Considérant que le I de l'article 7 ci-dessus, dans la mesure où il dispose que les opérations mentionnées au d) du 1er de l'article 261 C du code général des impôts, parmi lesquelles figurent les opérations de change, notamment de change manuel, doivent être regardées comme des prestations de service dont le chiffre d'affaires est constitué par le montant des profits et autres rémunérations, se borne à expliciter la règle de droit déjà applicable, avant l'intervention dudit article, aux opérations de change ;

Considérant qu'il suit de là que c'est à bon droit que l'administration a estimé que, pour les opérations de change manuel réalisées par la CRCAM du Nord, les recettes à prendre en compte pour le calcul du rapport de l'article 212 de l'annexe II précité devaient être regardées comme constituées par le montant brut des profits réalisés et non par l'intégralité du produit des ventes, montant du prix des devises inclus ;

Considérant, toutefois, que la requérante soutient que les dispositions du I de l'article 7 de la loi du 26 juillet 1991, et donc celles du code général des impôts qu'elles explicitent, sont incompatibles avec les objectifs de la sixième directive n° 77/388/CEE du conseil des communautés européennes du 17 mai 1977 ; qu'à cet effet elle fait valoir que la qualification des opérations de change manuel comme prestations de service n'est pas conforme aux articles 5 et 6 de ladite directive et que, par conséquent, la disposition selon laquelle le chiffre d'affaires afférent à ces opérations est constitué par le montant des profits et autres rémunérations n'est pas conforme aux articles 11 A I et 19 de cette directive ;

Considérant que la sixième directive dispose en son article 5 : 1. Est considéré comme livraison d'un bien le transfert du pouvoir de disposer d'un bien corporel comme un propriétaire ... et en son article 6 : 1. Est considérée comme prestations de services toute opération qui ne constitue pas une livraison d'un bien au sens de l'article 5 ... ; qu'aux termes de l'article 11 A de ladite directive : 1. La base d'imposition est constituée : a) pour les livraisons de biens et les prestations de services ... par tout ce qui constitue la contrepartie obtenue ou à obtenir par le fournisseur ou le prestataire pour ces opérations de la part de l'acheteur, du preneur ou d'un tiers ... ; que selon son article 19-1 : Le prorata de déduction prévu par l'article 17 paragraphe 5 premier alinéa, résulte d'une fraction comportant : - au numérateur le montant total, déterminé par année, du chiffre d'affaires, taxe sur la valeur ajoutée exclue, afférent aux opérations ouvrant droit à déduction ... - au dénominateur, le montant total , déterminé par année, du chiffre d'affaires, taxe sur la valeur ajoutée exclue, afférent aux opérations figurant au numérateur ainsi qu'aux opérations qui n'ouvrent pas droit à déduction ... ;

Considérant, en premier lieu, qu'il résulte clairement des dispositions précitées des articles 5, 6, 11 A et 19-1 de la directive du 17 mai 1977 que les dispositions de l'article 7-1 de la loi du 26 juillet 1991 ne sont pas incompatibles avec les objectifs de ladite directive ;

Considérant, en deuxième lieu, que la CRCAM du Nord ne saurait utilement invoquer, en tout état de cause, l'incompatibilité de l'article 7-1 avec le projet de la dix-neuvième directive soumis au conseil des ministres de la Communauté le 5 décembre 1984, dès lors que ce texte, à défaut d'avoir été adopté par le conseil des ministres et notifié aux Etats membres, n'est pas opposable à ces derniers ;

Considérant, en troisième lieu, que compte tenu de ce qu'aucune instruction administrative antérieure à la loi du 26 juillet 1991 dont l'article 7-1 se borne à expliciter la règle de droit applicable avant sa publication aux opérations de change manuel et est compatible avec les objectifs de la sixième directive européenne, n'a adopté le point de vue de la caisse requérante, nonobstant la circonstance que des tribunaux administratifs ou cours administratives d'appel aient cru devoir accueillir des demandes en ce sens, ladite caisse ne peut se prévaloir des principes de légitime confiance ou de sécurité juridique reconnu par le droit communautaire pour soutenir que les impositions en litige ne seraient pas légalement fondées ;

Considérant que, dans ces conditions, il n'y a pas lieu de renvoyer la présente affaire, pour interprétation, devant la Cour de justice des communautés européennes ;

Considérant enfin que, pour écarter l'application des dispositions précitées de l'article 7-1 de la loi du 26 juillet 1991 qui feraient obstacle à ce qu'elle obtienne la décharge des compléments de taxe sur les salaires auxquels elle a été assujettie, la CRCAM du Nord soutient que ces dispositions sont incompatibles avec l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi qu'avec l'article 1er de son premier protocole additionnel ;

Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 6 de ladite convention : Toute personne à droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations, sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle ; que cet article ne peut être utilement invoqué devant le juge de l'impôt, qui ne statue pas en matière pénale et ne tranche pas des contestations sur des droits et obligations à caractère civil, quand bien même il fait application d'une législation ayant pour effet de priver rétroactivement le contribuable de la possibilité d'obtenir la décharge d'une imposition ;

Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention précitée : Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur des lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes ; qu'il résulte des termes mêmes de ces stipulations que le droit au respect de ses biens reconnu à toute personne physique ou morale ne porte pas atteinte au droit de chaque Etat de mettre en oeuvre les lois qu'il juge nécessaires pour assurer le paiement des impôts ; que l'article 7-1 de la loi du 26 juillet 1991, à caractère interprétatif, a pour seul objet, ainsi qu'il a déjà été dit, d'expliciter la règle de droit déjà applicable avant l'intervention dudit article ; que dès lors l'article 7-1 précité ne saurait être regardé comme méconnaissant le respect dû aux biens de la contribuable en vertu de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la CRCAM du Nord n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande ;

Sur l'amende pour recours abusif :

Considérant, en premier lieu, que par application de l'article R. 88 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel alors applicable, les premiers juges ont infligé à la caisse régionale de crédit agricole mutuel du Nord une amende d'un montant de 15 000 francs ; que, d'une part, le pouvoir conféré au juge administratif d'assortir, le cas échéant, sa décision d'une amende pour recours abusif n'est pas soumis à l'exigence d'une motivation spéciale ; que, d'autre part, il résulte de l'instruction que le tribunal administratif de Lille n'a pas fait une inexacte appréciation des circonstances de l'affaire en jugeant que la demande dont il avait été saisi par la caisse régionale de crédit agricole mutuel du Nord présentait un caractère abusif ;

Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article R. 741-12 du code de justice administrative : Le juge peut infliger à l'auteur d'une requête qu'il estime abusive une amende dont le montant ne peut excéder 3 000 euros ; qu'en l'espèce la requête de la CRCAM du Nord présente un caractère abusif ; qu'il y a lieu de la condamner à payer une amende de 3 000 euros ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la caisse régionale de crédit agricole mutuel du Nord est rejetée.

Article 2 : La caisse régionale de crédit agricole mutuel du Nord est condamnée à payer une amende de 3 000 euros.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la caisse régionale de crédit agricole Nord de France, au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et au trésorier-payeur général du Nord.

Délibéré à l'issue de l'audience publique du 9 avril 2003 dans la même composition que celle visée ci-dessus.

Prononcé en audience publique le 29 avril 2003.

Le rapporteur

Signé : D. Brin

Le président de chambre

Signé : M. de Segonzac

Le greffier

Signé : P. Y...

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

Le greffier

Philippe Y...

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N°99DA00976


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3eme chambre
Numéro d'arrêt : 99DA00976
Date de la décision : 29/04/2003
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Président : Mme de Segonzac
Rapporteur ?: Mme Brin
Rapporteur public ?: M. Evrard
Avocat(s) : BINET

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2003-04-29;99da00976 ?
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