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29/04/2003 | FRANCE | N°99DA01282

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3eme chambre, 29 avril 2003, 99DA01282


Vu l'ordonnance du 30 août 1999 par laquelle le président de la cour administrative d'appel de Nancy a, en application du décret n° 99-435 du 28 mai 1999 portant création d'une cour administrative d'appel à Douai et modifiant les articles R. 5, R. 7 et R. 8 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, alors applicables, transmis à la cour administrative d'appel de Douai la requête présentée pour la caisse régionale de crédit agricole mutuel du Nord, dont le siège social est ..., par Me Patrick X..., avocat ;

Vu la requête enregistrée au greff

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Vu l'ordonnance du 30 août 1999 par laquelle le président de la cour administrative d'appel de Nancy a, en application du décret n° 99-435 du 28 mai 1999 portant création d'une cour administrative d'appel à Douai et modifiant les articles R. 5, R. 7 et R. 8 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, alors applicables, transmis à la cour administrative d'appel de Douai la requête présentée pour la caisse régionale de crédit agricole mutuel du Nord, dont le siège social est ..., par Me Patrick X..., avocat ;

Vu la requête enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Nancy le 11 juin 1999 par laquelle la caisse régionale du crédit agricole mutuel du Nord (CRCAM) demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 97-3297 et n° 97-3298 du 18 mars 1999 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté ses demandes en décharge des sommes de 2 191 350 francs et 1 822 413 francs qui lui ont été réclamées en vue du reversement des intérêts moratoires qui lui ont été initialement alloués en complément de la restitution d'une part, de la taxe sur la valeur ajoutée remise à sa charge au titre de la période couvrant les années 1980, 1981 et 1982, d'autre part, de la taxe sur les salaires remise à sa charge au titre de ces années et l'a condamnée à payer une amende de 15 000 francs ;

Code C Classement CNIJ : 19-01-05-02-03

2°) de prononcer la décharge demandée ;

Elle soutient que la restitution des intérêts moratoires prévus à l'article L. 208 du livre des procédures fiscales ne peut pas être exigée dans le cas particulier où l'imposition a été rétablie par le Conseil d'Etat après le vote et la publication d'une loi interprétative destinée à faire échec à la jurisprudence univoque qui s'était formée en faveur de la thèse de la requérante ; que le Conseil constitutionnel a rappelé que l'application rétroactive de la loi fiscale ne saurait permettre d'infliger des sanctions en raison d'agissements antérieurs à la publication des nouvelles dispositions ; qu'en l'absence de disposition expresse d'une loi fiscale rétroactive, le Conseil d'Etat exclut l'application d'intérêts de retard pour la période antérieure à la publication de cette loi ; que le remboursement des intérêts moratoires en l'espèce équivaut à lui infliger des intérêts de retard ; que, sur le fondement de l'article L. 80-A du livre des procédures fiscales, elle invoque les dispositions de l'instruction du 30 juillet 1991 commentant la portée du I de l'article 7 de la loi n° 91-716 du 26 juillet 1991 ; qu'une symétrie existe entre les dispositions des articles L. 208 et L. 209 du livre des procédures fiscales et les intérêts moratoires de ce dernier article représentent selon l'administration une pénalité de recouvrement pour le contribuable ; que l'amende pour recours abusif, qui n'est pas motivée, n'est pas justifiée ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 22 août 2001, présenté par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ; le ministre conclut au rejet de la requête ; il soutient qu'à la suite de la décision du Conseil d'Etat du 17 juin 1994 qui a annulé le jugement ayant prononcé la restitution des droits de taxe sur la valeur ajoutée et de taxe sur les salaires, l'attribution des intérêts moratoires était privée de base légale ; que leur reversement ne peut pas être assimilé à l'application d'intérêts de retard ; que les sommes en cause ne revêtent pas le caractère d'une sanction ; que la position de l'administration n'est pas contraire à l'instruction du 30 juillet 1991 ; que les premiers juges ne sont pas tenus de motiver leur décision d'infliger l'amende pour recours abusif ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu l'article 7-1 de la loi du 26 juillet 1991 portant diverses mesures d'ordre économique et financier ;

Vu le décret n° 99-435 du 28 mai 1999 ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 9 avril 2003 où siégeaient Mme de Segonzac, président de chambre, Mme Brin, président-assesseur, et M. Baranès, conseiller :

- le rapport de Mme Brin, président-assesseur,

- et les conclusions de M. Evrard, commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales, il appartient au comptable de payer d'office les intérêts moratoires en même temps que les sommes remboursées en raison des dégrèvements prononcés ; qu'il résulte nécessairement des mêmes dispositions que lorsque l'instance fiscale aboutit devant le juge d'appel ou de cassation au rétablissement de l'impôt, les intérêts perçus à tort doivent, selon les mêmes principes, être reversés par le contribuable sur l'invitation qui lui en sera faite par le comptable du Trésor ou des impôts ;

Considérant que, par jugement en date du 28 décembre 1989, le Tribunal administratif de Lille a accordé à la CRCAM du Nord décharge du complément de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé au titre de l'année 1983, réduction de la même taxe au titre des années 1980 à 1982 et réduction de la taxe sur les salaires mise à sa charge au titre des années 1981 à 1983 ; que sur le recours du ministre de l'économie et des finances dirigé contre l'arrêt du 5 février 1991 par lequel la Cour administrative d'appel de Nancy a confirmé ledit jugement, le Conseil d'Etat statuant en cassation, par sa décision du 17 juin 1994, a annulé l'arrêt susmentionné de la Cour administrative d'appel de Nancy ainsi que les articles 3 à 5 du jugement susrappelé du Tribunal administratif de Lille et a remis intégralement à la charge de la CRCAM du Nord les impositions à la taxe sur la valeur ajoutée et à la taxe sur les salaires auxquelles elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 1980 au 31 décembre 1983 d'une part, au titre des années 1981 à 1983 d'autre part ; que, pour l'exécution de la décision du Conseil d'Etat, les comptables compétents ont invité la CRCAM du Nord à reverser les intérêts moratoires d'un montant de 2 191 350 francs et 1 822 413 francs ayant assorti les décharges respectivement de taxe sur la valeur ajoutée et de taxe sur les salaires auxquelles il a été procédé en exécution du jugement en date du 28 décembre 1989 du Tribunal administratif de Lille ;

Considérant, en premier lieu, que la créance du Trésor résulte dans l'hypothèse évoquée ci-dessus de son droit à obtenir la restitution des intérêts moratoires indûment versés au contribuable à la suite d'un dégrèvement prononcé à tort par une juridiction de première instance ; que lesdits intérêts ne sont pas des intérêts de retard tels que ceux institués par les dispositions de l'article 1727 du code général des impôts qui visent essentiellement à réparer les préjudices de toute nature subis par l'Etat du fait de la perception différée de sa créance ; qu'ils ne sont pas non plus des intérêts de retard qui auraient assorti des impositions fondées sur les dispositions à caractère interprétatif de l'article 7-1 de la loi susvisée du 26 juillet 1991 ; qu'ils ne revêtent pas davantage le caractère d'une pénalité fiscale assimilable à une sanction ;

Considérant, en second lieu, que le présent litige, qui, comme il vient d'être dit, porte sur les intérêts moratoires de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales, n'entre pas dans le champ d'application de l'article L. 80 A du même livre ; que, dès lors, la caisse requérante ne peut se prévaloir sur le fondement de ce dernier article, de la doctrine de l'administration ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la CRCAM du Nord n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté ses demandes ;

Sur l'amende pour recours abusif :

Considérant, en premier lieu, que par application de l'article R. 88 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel alors en vigueur, les premiers juges ont infligé à la CRCAM du Nord une amende de 15 000 francs ; que, d'une part, le pouvoir conféré au juge administratif d'assortir, le cas échéant, sa décision d'une amende pour recours abusif n'est pas soumis à l'exigence d'une motivation spéciale ; que, d'autre part, il résulte de l'instruction que le tribunal administratif de Lille n'a pas fait une inexacte appréciation des circonstances de l'affaire en jugeant que les demandes dont il avait été saisi par la CRCAM du Nord présentaient un caractère abusif ;

Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article R. 741-12 du code de justice administrative : Le juge peut infliger à l'auteur d'une requête qu'il estime abusive une amende dont le montant ne peut excéder 3 000 euros ; qu'en l'espèce la requête de la CRCAM du Nord présente un caractère abusif ; qu'il y a lieu de la condamner à payer une amende de 3 000 euros.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la caisse régionale de crédit agricole mutuel du Nord est rejetée.

Article 2 : La caisse régionale de crédit agricole mutuel du Nord est condamnée à payer une amende de 3 000 euros.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la caisse régionale de crédit agricole Nord de France, au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et au trésorier-payeur général du département du Nord.

Délibéré à l'issue de l'audience publique du 9 avril 2003 dans la même composition que celle visée ci-dessus.

Prononcé en audience publique le 29 avril 2003.

Le rapporteur

Signé : D. Brin

Le président de chambre

Signé : M. de Segonzac

Le greffier

Signé : P. Y...

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

Le greffier

Philippe Y...

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N°99DA01282


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3eme chambre
Numéro d'arrêt : 99DA01282
Date de la décision : 29/04/2003
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Président : Mme de Segonzac
Rapporteur ?: Mme Brin
Rapporteur public ?: M. Evrard
Avocat(s) : BINET

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2003-04-29;99da01282 ?
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