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06/05/2003 | FRANCE | N°01DA00587

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2eme chambre, 06 mai 2003, 01DA00587


Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Douai le 6 juin 2001, présentée pour le centre hospitalier de Laon, en la personne de son directeur, par la SCP JP. et C. Sterlin, avocats ; le centre hospitalier de Laon demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement en date du 20 mars 2001 par lequel le tribunal administratif d'Amiens l'a déclaré responsable du décès de Mme Patricia FEX et l'a condamné à payer à M. Guy FEX en son nom personnel et au nom de ses deux enfants mineurs une somme globale de 240 000 francs, à Mme Josiane K la somme de 20

000 francs, à M. Paul IHGDC et à Mme Marcelle IHGDC la somme de 5 ...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Douai le 6 juin 2001, présentée pour le centre hospitalier de Laon, en la personne de son directeur, par la SCP JP. et C. Sterlin, avocats ; le centre hospitalier de Laon demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement en date du 20 mars 2001 par lequel le tribunal administratif d'Amiens l'a déclaré responsable du décès de Mme Patricia FEX et l'a condamné à payer à M. Guy FEX en son nom personnel et au nom de ses deux enfants mineurs une somme globale de 240 000 francs, à Mme Josiane K la somme de 20 000 francs, à M. Paul IHGDC et à Mme Marcelle IHGDC la somme de 5 000 francs chacun, à Mme Pascale K, Mme Dominique A et M. Laurent K la somme de 5 000 francs chacun et à Mme Joëlle FEX la somme de 3 000 francs, à la caisse primaire d'assurance maladie de Laon la somme de 980 091,36 francs et aux consorts FEX une somme de 5 000 francs au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) de rejeter les demandes des consorts FEX et de la caisse primaire d'assurance maladie de Laon ;

3°) de les condamner au paiement d'une somme de 5 000 francs au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Code C Classement CNIJ : 60-02-01-01-01-01-06

Il soutient qu'aucune expertise contradictoire n'est venue corroborer les prétentions des consorts FEX ; qu'aucune condamnation n'a été prononcée par le tribunal correctionnel de Laon à l'encontre du docteur L ; que l'ordonnance de renvoi devant un magistrat instructeur ne pouvait servir de fondement pour retenir la responsabilité du centre hospitalier ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 30 juillet 2001, présenté pour les consorts FEX par Me Jérôme Lavocat, avocat ; ils concluent au rejet de la requête et, par la voie de l'appel incident, à la condamnation du centre hospitalier de Laon et du docteur M à verser à M. Guy FEX agissant en son nom personnel et en qualité de représentant de ses deux enfants mineurs la somme de 1 400 000 francs dont 800 000 francs au titre du préjudice économique, 300 000 francs pour son préjudice moral et 150 000 francs pour le préjudice moral des enfants, à Mme Josiane IHGDC, une somme de 100 000 francs, à Mmes Z et A, à M. Laurent K, à M. et Mme IHGDC, une somme de 50 000 francs chacun et une somme de 30 000 francs au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Ils soutiennent que les rapports des contre-expertise mettent clairement en cause la responsabilité du centre hospitalier de Laon ; que les faits sont établis par différents témoignages ;

Vu le mémoire enregistré le 14 août 2001, présenté pour la caisse primaire d'assurance maladie de Laon par la SCI Godin-Dragon-Biernacki ; elle conclut au rejet de la requête et à la condamnation du centre hospitalier de Laon à lui payer la somme de 980 091,36 francs au titre des débours définitifs et de 3 000 francs au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu le mémoire, enregistré le 26 mars 2003, présenté pour les consorts FEX ; ils concluent aux mêmes fins que le précédent mémoire et à la capitalisation des intérêts, par les mêmes moyens, et soutiennent, en outre, que les conclusions tendant à l'indemnisation du préjudice économique ne constituent pas un chef de préjudice nouveau en appel ;

En application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, les parties ont été informées que l'arrêt paraissait susceptible d'être fondé sur un moyen soulevé d'office ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 8 avril 2003 où siégeaient Mme Fraysse, président de chambre, M. Laugier et Mme Lemoyne de Forges, présidents-assesseurs :

- le rapport de Mme Lemoyne de Forges, président-assesseur,

- les observations de Me Delahousse, avocat, pour le centre hospitalier de Laon, et de M. Guy FEX,

- et les conclusions de M. Michel, commissaire du gouvernement ;

Considérant que, par jugement en date du 20 mars 2001, le tribunal administratif d'Amiens a déclaré le centre hospitalier de Laon responsable du décès de Mme Patricia FEX et l'a condamné à indemniser le préjudice moral de sa famille ainsi qu'à verser à la caisse primaire d'assurance maladie de Laon la somme de 980 091,36 francs (149 413,96 euros) au titre de ses débours ; que, par la voie de l'appel principal, le centre hospitalier de Laon conteste le principe même de sa responsabilité ; que M. Guy FEX, agissant tant en son nom personnel qu'en qualité de représentant légal de ses deux enfants mineurs, demande, par la voie de conclusions incidentes, la condamnation du centre hospitalier de Laon et du docteur M à lui verser la somme de 1 400 000 francs (213 428,62 euros) dont 800 000 francs (121 959,21 euros) au titre du préjudice économique ;

Considérant qu'à la suite d'un accident de la circulation, Mme Patricia FEX a été admise le 27 novembre 1993 au centre hospitalier de Laon pour y subir divers examens cliniques, radiologiques et neurologiques ; que l'évolution de son état semblant satisfaisante, Mme FEX a été autorisée à regagner son domicile le 29 novembre 1993 ; que, dans la nuit du 5 au 6 décembre 1993, Mme FEX est décédée brutalement à la suite d'un arrêt cardiorespiratoire ;

Sur la responsabilité :

En ce qui concerne le docteur M :

Considérant que les conclusions présentées par M. Guy FEX tendant à engager la responsabilité du docteur M, médecin généraliste, exerçant à titre privé au centre hospitalier de Laon, ressortissent à la compétence de l'autorité judiciaire ; que, par suite, elles ne peuvent qu'être rejetées, ainsi qu'en a décidé à bon droit le tribunal, comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître ;

En ce qui concerne le centre hospitalier de Laon :

Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment des rapports des expertises ordonnées par le juge pénal, et dont le contenu n'est pas contesté par le centre hospitalier de Laon, que si, eu égard aux symptômes constatés lors de l'admission de Mme FEX dans le service hospitalier, aucun diagnostic précis n'avait pu être posé, cette incertitude sur la nature des lésions dont l'intéressée avait été victime commandait de suivre avec attention sous la surveillance de médecins compétents l'évolution de son état ; que la décision de renvoyer Mme FEX chez elle trois jours après son admission alors qu'elle présentait encore des anomalies au scanner et une symptomatologie fonctionnelle avec des céphalées importantes et un syndrome confusionnel constitue, aux dires mêmes des experts, une négligence et une imprudence graves révélatrices de fautes tant médicales que dans l'organisation et le fonctionnement du service public hospitalier, quelle que soit l'hypothèse envisagée quant au traumatisme initial ; que, par suite, le centre hospitalier de Laon n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a retenu sa responsabilité ;

Sur le préjudice :

En ce qui concerne M. Guy FEX et ses deux enfants mineurs :

Considérant qu'il y a lieu d'estimer à 35 % et à 15 % des revenus annuels de Mme FEX les parts destinées à son époux et à ses deux enfants ; qu'ainsi, compte tenu de la moyenne des salaires perçus par la victime, soit 80 000 francs (12 195,92 euros) et de la valeur du franc de rente tel que défini par le barème de capitalisation annexé au décret du 8 août 1986 et de l'âge de Mme FEX au moment de son décès, il y a lieu de fixer le montant du préjudice économique de M. FEX à la somme de 398 244 francs (60 711,91 euros) et celui de ses deux filles Florine et Jennifer respectivement aux sommes de 42 508,20 francs(6 480,33 euros) et de 32 214 francs (4 910,99 euros) sur lesquelles s'exercent les droits prioritaires de la caisse primaire d'assurance maladie de Laon ; que les frais médicaux et d'hospitalisation ainsi que les indemnités journalières versées à Mme FEX correspondent à l'accident de circulation dont elle a été victime et ne sont pas imputables à la faute commise par le centre hospitalier de Laon ; qu'ainsi, ces frais ne doivent pas être inclus dans le préjudice global ; qu'il y a lieu de retenir par contre la somme de 7 566 francs (1 153,43 euros) représentant le capital décès versé par la caisse primaire d'assurance maladie ;

Considérant qu'en évaluant la douleur morale subie par M. Guy FEX et ses enfants Florine et Jennifer aux sommes respectives de 120 000 francs (18 293,88 euros) et de 60 000 francs (9 146,94 euros), le tribunal n'a pas fait une appréciation insuffisante de ce chef de préjudice ; que M. FEX n'est dès lors pas fondé à en demander la réévaluation ;

En ce qui concerne les autres membres de la famille de Mme FEX :

Considérant qu'en allouant les sommes de 20 000 francs (3 048,98 euros) à la mère de Mme FEX et de 5 000 francs (762,25 euros) chacun aux grands-parents maternels et aux soeurs et frère de Mme FEX, le tribunal n'a pas fait une appréciation insuffisante du préjudice moral subi par eux ; qu'ils ne sont, par suite, pas fondés à demander une réévaluation des indemnités mises à la charge du centre hospitalier de Laon ;

Sur les droits de la caisse primaire d'assurance maladie de Laon :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 454-1, alinéa 3, du code de la sécurité sociale applicable aux accidents du travail : Si la responsabilité du tiers auteur de l'accident est entière ou si elle est partagée avec la victime, la caisse est admise à poursuivre le remboursement des prestations mises à sa charge à due concurrence de la part d'indemnité mise à la charge du tiers qui répare l'atteinte à l'intégrité physique de la victime, à l'exclusion de la part d'indemnité, de caractère personnel, correspondant aux souffrances physiques ou morales par elle endurées et au préjudice esthétique et d'agrément... ; que la caisse primaire d'assurance maladie de Laon a droit au remboursement des sommes qu'elle a versées dans la mesure seulement où ces frais sont imputables à la faute du centre hospitalier ; qu'il résulte de ce qui précède que les frais médicaux et d'hospitalisation remboursés par la caisse et les indemnités journalières qu'elle a versées à la victime ne sont pas imputables à une faute du centre hospitalier de Laon ; que la caisse primaire d'assurance maladie de Laon a droit, par contre, dans les limites ainsi indiquées, au versement du capital décès exposé pour Mme FEX, soit la somme de 7 566 francs (1 153,43 euros) et au remboursement, d'une part, des arrérages échus au 15 octobre 2000 - dernière date à laquelle la caisse a indiqué ce montant - de la rente versée à M. FEX et à ses filles, et, d'autre part, au remboursement, au fur et à mesure de leurs échéances, des arrérages d'une rente, déterminée par application des barèmes fixant le capital représentatif d'une rente d'accident du travail, dont le capital constitutif ne peut être supérieur à la différence entre la part d'indemnité mise à la charge du centre hospitalier de Laon sur laquelle peut s'exercer la créance de la caisse et le montant des sommes versées par la caisse au 15 octobre 2000 ;

Considérant que la caisse primaire d'assurance maladie justifie de débours s'élevant à respectivement 94 916,02 francs (14 469,85 euros) et 189 698,10 francs (28 919,29 euros) au titre des arrérages échus au 15 octobre 2000 des deux rentes orphelin et de la rente conjoint qu'elle verse à Florine et Jennifer FEX et à M. FEX, soit au total 379 530,24 francs (57 859 euros) ; que le total de cette dernière somme et du capital constitutif de la rente, qui s'élève à 578 301,76 francs (88 161,53 euros), est supérieur à la somme de 480 532 francs (73 256,66 euros) sur laquelle peut s'exercer la créance de cette caisse ; que, dès lors, celle-ci a droit, d'une part, au remboursement de la somme de 387 096,24 francs (59 012,43 euros) et, d'autre part, au remboursement, au fur et à mesure de leurs échéances postérieures au 15 octobre 2000, des arrérages à échoir des rentes dans la limite d'un capital constitutif, calculé comme il est dit ci-dessus, de 93 435,76 francs (14 244,19 euros) ; qu'il y a lieu en conséquence de réformer en ce sens le jugement attaqué ;

Sur les droits de M. FEX et de Florine et Jennifer FEX :

Considérant que les droits de la caisse primaire d'assurance maladie de Laon absorbant l'intégralité de la somme de 480 532 francs (73 256,66 euros) sur laquelle peut s'exercer la créance de la caisse, M. FEX, d'une part, et Florine et Jennifer FEX, d'autre part, ne peuvent prétendre qu'au paiement des sommes respectivement de 120 000 francs (18 293,88 euros) et de 60 000 francs (9 146,94 euros) chacune ainsi qu'en a jugé à bon droit le Tribunal ;

Sur les intérêts des intérêts :

Considérant que la capitalisation des intérêts a été demandée le 26 mars 2003 ; qu'à cette date, il n'était pas dû une année d'intérêts, ceux-ci n'ayant jamais été demandés tant en première instance que devant la Cour ; que, dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de rejeter cette demande ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que le centre hospitalier de Laon qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à la caisse primaire d'assurance maladie de Laon et aux consorts FEX la somme qu'ils demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de condamner la caisse primaire d'assurance maladie de Laon à payer au centre hospitalier de Laon une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de condamner les consorts FEX à verser au centre hospitalier de Laon la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le centre hospitalier de Laon est condamné à payer à la caisse primaire d'assurance maladie de Laon, aux lieu et place de la condamnation prononcée par le jugement attaqué, d'une part, une indemnité de 59 012,43 euros (387 096,24 francs), d'autre part, au fur et à mesure de leurs échéances postérieures au 15 octobre 2000, les arrérages des rentes conjoint et orphelin dont le capital constitutif est fixé à 14 244,19 euros (93 435,76 francs).

Article 2 : L'article 9 du jugement du tribunal administratif d'Amiens en date du 20 mars 2001 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.

Article 3 : La caisse primaire d'assurance maladie de Laon versera au centre hospitalier de Laon une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête du centre hospitalier de Laon, les conclusions incidentes des consorts FEX ainsi que le surplus des conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de Laon sont rejetés.

Article 5 : La présente décision sera notifiée au centre hospitalier de Laon, aux consorts FEX, à la caisse primaire d'assurance maladie de Laon ainsi qu'au ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées.

Copie sera transmise au préfet de l'Aisne.

Délibéré à l'issue de l'audience publique du 8 avril 2003 dans la même composition que celle visée ci-dessus.

Prononcé en audience publique le 6 mai 2003.

Le rapporteur

Signé : P. Lemoyne de Forges

Le président de chambre

Signé : G. Fraysse

Le greffier

Signé : M.T. Lévèque

La République mande et ordonne au ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

Le greffier

M.T. Lévèque

8

N°01DA00587


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2eme chambre
Numéro d'arrêt : 01DA00587
Date de la décision : 06/05/2003
Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme Fraysse
Rapporteur ?: Mme Lemoyne de Forges
Rapporteur public ?: M. Michel
Avocat(s) : SCP J.P. ET C. STERLIN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2003-05-06;01da00587 ?
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