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03/06/2003 | FRANCE | N°99DA20316

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2eme chambre, 03 juin 2003, 99DA20316


Vu la requête, enregistrée le 6 décembre 1999 au greffe de la cour administrative d'appel de Douai, présentée pour la société à responsabilité limitée L'Himalaya, dont le siège est ..., représentée par son gérant, par Me Y..., avocat ; la société à responsabilité limitée L'Himalaya demande à la Cour :

1') d'annuler le jugement du 23 septembre 1999 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices 1990, 1991 et

1992, de l'imposition forfaitaire annuelle des sociétés au titre de l'année 1992 ...

Vu la requête, enregistrée le 6 décembre 1999 au greffe de la cour administrative d'appel de Douai, présentée pour la société à responsabilité limitée L'Himalaya, dont le siège est ..., représentée par son gérant, par Me Y..., avocat ; la société à responsabilité limitée L'Himalaya demande à la Cour :

1') d'annuler le jugement du 23 septembre 1999 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices 1990, 1991 et 1992, de l'imposition forfaitaire annuelle des sociétés au titre de l'année 1992 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés pour la période du 1er avril 1990 au 30 septembre 1992 ;

2°) de prononcer la décharge demandée ;

3') de condamner l'Etat à lui rembourser les frais exposés par elle et non compris dans les dépens tant en première instance qu'en appel ;

Code C Classement CNIJ : 19-04-01-04-03

19-06-02-07-03

Elle soutient que l'avis de mise en recouvrement du 23 juin 1994 en matière de taxe sur la valeur ajoutée ne satisfait pas aux prescriptions du 2° de l'article R. 256-1 du livre des procédures fiscales ; que le coefficient applicable aux achats de vins effectués en 1991 et que le service a omis de prendre en compte est inférieur à celui établi par le service au titre de ladite année ; que les achats de vins au titre de l'année 1992 sont surévalués ; que l'administration, pour la détermination du rapport entre les recettes-vins et les recettes totales, a injustement pris en compte les notes et additions relatives aux ventes à emporter et les notes et additions pour lesquelles la ventilation entre les solides et les liquides n'a pas été effectuée ; que l'administration a également omis de prendre en compte l'incidence des vins consommés à l'occasion de repas offerts à la clientèle et ceux du personnel ; qu'elle pouvait valablement proposer une méthode de reconstitution de recettes faisant état de données afférentes à l'exercice 1993 ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu les conclusions, enregistrées le 10 décembre 1999, jointes à la requête ci-dessus, par lesquelles la société à responsabilité limitée L'Himalaya demande, d'une part, que la Cour prononce la suspension provisoire du jugement attaqué pendant une durée de trois mois, en application de l'article L. 10 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, d'autre part, qu'elle ordonne que, jusqu'à ce qu'il ait été statué sur la requête, il sera sursis à l'exécution des articles de rôle correspondant aux impositions contestées ; elle soutient que les moyens invoqués sont sérieux et de nature à entraîner l'annulation du jugement attaqué ; que l'exécution dudit jugement entraînerait pour la société des conséquences irréversibles ;

Vu le mémoire en défense enregistré le 4 avril 2000, présenté par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie (direction générale de la comptabilité publique), par lequel il est favorable à la demande de sursis à exécution de la société à responsabilité limitée L'Himalaya ; il soutient que l'exécution du jugement entraînerait effectivement pour la société des conséquences difficilement réparables ;

Vu le mémoire en défense enregistré le 25 juillet 2000, présenté par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie (direction générale des impôts), tendant au rejet de la requête ; le ministre soutient que la requête d'appel est tardive et, par suite, irrecevable ; que la comptabilité n'était pas probante ; que la méthode de reconstitution du chiffre d'affaires proposée en première instance par la société a été à bon droit écartée par les premiers juges ; que les montants de chiffres d'affaires reconstitués ont été acceptés par la société le 11 mai 1994 ; qu'il appartient donc à ladite société, en application de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales, de démontrer le caractère exagéré des impositions contestées ; qu'en ce qui concerne la part de consommation des vins dans les recettes totales, les notes du premier trimestre 1993 qui ont été dépouillées ne portaient que sur les vins vendus ; que le rapport recettes vins/recettes totales n'était donc pas affecté par les repas offerts et les repas consommés par le personnel ; qu'il n'y avait pas lieu de retrancher des recettes totales les notes ne comportant pas de ventilation entre solides et liquides et les ventes à emporter ; que s'agissant des recettes vins de 1992, le montant des achats de vins estimé à partir des factures présentées par l'entreprise ne saurait être contesté ; que la valorisation des achats a été faite à partir du dépouillement des factures d'achats de vins et des tarifs des boissons qui ont été communiqués par la société ; que la requérante ne saurait utilement contester la validité de l'avis de mise en recouvrement, compte tenu des dispositions de l'article 25 II-B de la loi n° 99-1173 du 30 décembre 1999 ;

Vu les mémoires en réplique enregistrés les 31 juillet 2000 et 3 mars 2003, présentés pour la société à responsabilité limitée L'Himalaya, tendant aux mêmes fins que la requête et, en outre, à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 30 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens tant en première instance qu'en appel, par les mêmes moyens et, en outre, par les moyens que la requête n'est pas tardive ; que les dispositions de l'article 25 II-B de la loi n° 99-1173 du 30 décembre 1999 ne peuvent être invoquées par l'administration sous peine de violer les stipulations de l'article 6 § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que l'avis de mise en recouvrement ne comportait pas la ventilation des taux de taxe sur la valeur ajoutée appliqués aux rappels ; que la formulation de l'avis de vérification n'était pas conforme au deuxième alinéa de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales qui dispose que le contribuable a la faculté de se faire assister par un conseil de son choix ;

Vu le mémoire en défense enregistré le 5 mars 2003, présenté par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, tendant au rejet de la requête, par les mêmes motifs et, en outre, par le motif que le renvoi aux notifications de redressements pouvait remplacer la mention, dans l'avis de mise en recouvrement, des différents taux de taxe sur la valeur ajoutée ;

Vu l'ordonnance en date du 4 mars 2003 fixant la clôture de l'instruction au 4 avril 2003 à 16 heures 30 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 mai 2003 où siégeaient Mme Fraysse, président de chambre, M. Laugier, président-assesseur et M. Paganel, premier conseiller :

- le rapport de M. Paganel, premier conseiller,

- les observations de Me Y..., avocat, pour la SARL l'Himalaya,

- et les conclusions de M. Michel, commissaire du gouvernement ;

Sur la recevabilité de la requête :

Considérant que le jugement du 23 septembre 1999 du tribunal administratif d'Amiens rejetant la requête de la société à responsabilité limitée L'Himalaya a été notifié à celle-ci le 5 octobre 1999 ; que la requête d'appel de ladite société a été enregistrée au greffe de la Cour le 6 décembre 1999, dans le délai prescrit par l'article R. 229 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, alors applicable ; qu'elle est, par suite, recevable ;

Sur l'impôt sur les sociétés et l'imposition forfaitaire annuelle des sociétés :

En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales : Un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle au regard de l'impôt sur le revenu ou une vérification de comptabilité ne peut être engagée sans que le contribuable en ait été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification. Cet avis doit préciser les années soumises à la vérification et mentionner expressément, sous peine de nullité de la procédure, que le contribuable a la faculté de se faire assister par un conseil de son choix ; que l'avis de vérification de comptabilité qui a été notifié le 29 décembre 1992 à la société à responsabilité limitée L'Himalaya mentionnait qu'au cours du contrôle, elle aurait la faculté de se faire assister par un conseil de son choix ; qu'ainsi, et contrairement à ce que soutient la société requérante, ledit avis ne méconnaissait pas les dispositions précitées de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales ;

En ce qui concerne la charge de la preuve :

Considérant que l'administration a estimé, et qu'il n'est d'ailleurs pas contesté, que la comptabilité présentée par la société à responsabilité limitée L'Himalaya, qui exploite un restaurant à Amiens, devait être rejetée comme dépourvue de valeur probante ; qu'elle a, en conséquence, reconstitué le chiffre d'affaires de cette période à partir, pour l'année 1991, des achats de boissons revendues en tenant compte, d'une part, de la marge appliquée aux différentes catégories de boissons, d'autre part, de la fraction moyenne des notes de restaurant que représentent ces consommations et, pour les années 1990 et 1992, à partir des achats revendus ; qu'à la suite des notifications en date des 11 mai 1993 et 7 juillet 1993, la société L'Himalaya a présenté des observations qui ont conduit l'administration à établir des redressements de montants moins élevés, qui sont à l'origine du complément d'impôt sur les sociétés auquel elle a été assujettie au titre des exercices 1990, 1991 et 1992, et de l'imposition forfaitaire annuelle des sociétés établie au titre de l'année 1992 ; que, par lettre du 11 mai 1994, la requérante a accepté les nouvelles propositions de redressement qui lui étaient ainsi faites ; qu'il suit de là qu'ayant donné son accord aux redressements envisagés, le contribuable a la charge d'apporter la preuve de l'exagération des bases d'imposition retenues ;

En ce qui concerne les bases d'imposition :

Considérant que, pour établir le caractère exagéré du chiffre d'affaires reconstitué par l'administration, la société L'Himalaya soutient, en premier lieu, que le rapport entre les recettes vins et les recettes totales, évalué à partir des notes de restaurant remises aux clients du 4 janvier 1993 au 10 avril 1993, prenait indûment en compte celles pour lesquelles la consommation de liquides n'était pas précisée, notamment les ventes à emporter, et excluait, à tort, les vins consommés par le personnel et par la clientèle à l'occasion des repas offerts ; que toutefois, et en tout état de cause, ladite société n'établit pas le caractère sous évalué du rapport entre les recettes-vins et les recettes totales dès lors, d'une part, qu'elle ne démontre pas que l'absence de mention de consommation de vin dans certaines notes procéderait d'une omission, d'autre part, que l'administration, en procédant à l'évaluation de la part des consommations de vins vendus dans les recettes totales, était fondée à exclure les repas offerts ou consommés par le personnel ; que si la société requérante soutient, en second lieu, que l'administration aurait omis de prendre en compte des achats de vins effectués en 1991 justifiant selon elle un coefficient multiplicateur appliqué aux achats dont s'agit inférieur à celui appliqué aux achats pris en compte par le service au titre de l'année 1991 et que l'administration aurait procédé à une évaluation des recettes de vins au titre de l'année 1992 à partir d'un montant erroné de bouteilles achetées et en omettant de soustraire les pertes et les bouteilles de vin blanc destinées au kir maison offert à la clientèle, elle n'établit pas, en tout état de cause, en contestant ainsi les éléments contenus dans les notifications de redressement susmentionnées ayant seulement permis d'engager un débat contradictoire avec l'administration et en se bornant à alléguer qu'elle pouvait valablement proposer une méthode de reconstitution de recettes faisant état de données afférentes à l'exercice 1993, le caractère exagéré des bases d'imposition ; qu'ainsi, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté sa demande en décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices 1990, 1991 et 1992, et de l'imposition forfaitaire annuelle des sociétés au titre de l'année 1992 ;

Sur la taxe sur la valeur ajoutée :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 256-1 du livre des procédures fiscales : L'avis de mise en recouvrement individuel prévu à l'article L. 256 comporte : 1° Les indications nécessaires à la connaissance des droits, taxes, redevances, impositions ou autres sommes qui font l'objet de cet avis ; 2° Les éléments du calcul et le montant des droits et des pénalités, indemnités ou intérêts de retard, qui constituent la créance. Toutefois, les éléments du calcul peuvent être remplacés par le renvoi au document sur lequel ils figurent lorsque ce document a été établi ou signé par le contribuable ou son mandataire ou lui a été notifié antérieurement... ;

Considérant que l'avis de mise en recouvrement du 20 juin 1994, par lequel l'administration a assujetti la société à responsabilité limitée L'Himalaya à un rappel de taxe sur la valeur ajoutée, pour la période du 1er janvier 1990 au 30 septembre 1992, ne comportait pas les éléments du calcul de la somme de 1 072 095 francs correspondant aux droits rappelés, intérêts de retard et pénalités ; que si les bases d'imposition avaient été portées à la connaissance de l'intéressée, par lettre en date du 11 avril 1994, il est constant que l'avis de mise en recouvrement susindiqué ne renvoyait pas le contribuable à ce document et que les éléments de calcul ne figuraient pas davantage dans la notification de redressements du 11 mai 1993 à laquelle il faisait renvoi, le service ayant substitué de nouvelles bases d'imposition à celles qui étaient portées sur cette dernière ; que l'avis de mise en recouvrement ne peut donc être regardé comme satisfaisant aux prescriptions de l'article R. 256-1 du livre des procédures fiscales ; que, dans ces conditions, la société à responsabilité limitée L'Himalaya est fondée à soutenir, ainsi qu'elle le fait pour la première fois en appel, qu'elle n'a pas eu connaissance des éléments de calcul des droits et pénalités notifiés et à obtenir la décharge des impositions litigieuses ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de condamner l'Etat à payer à la société à responsabilité limitée la somme de 30 euros qu'elle demande au titre des frais exposés par elle en première instance et en appel et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La société à responsabilité limitée L'Himalaya est déchargée de la taxe sur la valeur ajoutée mise à sa charge pour la période du 1er avril 1990 au 30 septembre 1992 à concurrence de la somme de 163 439,83 euros (1 072 095 francs).

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif d'Amiens en date du 23 septembre 1999 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la société à responsabilité limitée L'Himalaya est rejeté.

Article 4 : L'Etat (ministre de l'économie, des finances et de l'industrie) versera à la société à responsabilité limitée L'Himalaya une somme de 30 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à la société à responsabilité limitée L'Himalaya et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Copie en sera adressée au directeur de contrôle fiscal Nord.

Délibéré à l'issue de l'audience publique du 20 mai 2003 dans la même composition que celle visée ci-dessus.

Prononcé en audience publique le 3 juin 2003.

Le rapporteur

Signé :M. Z...

Le président de chambre

Signé :G. X...

Le greffier

Signé : M.T Lévèque

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

le greffier

M.T Lévèque

8

N°99DA20316


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2eme chambre
Numéro d'arrêt : 99DA20316
Date de la décision : 03/06/2003
Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme Fraysse
Rapporteur ?: M. Paganel
Rapporteur public ?: M. Michel
Avocat(s) : LABINY

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2003-06-03;99da20316 ?
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