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08/07/2003 | FRANCE | N°00DA00632

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1ere chambre, 08 juillet 2003, 00DA00632


Vu la requête, enregistrée le 31 mai 2000 au greffe de la cour administrative d'appel de Douai, présentée pour Me X, agissant en qualité de liquidateur de la S.A.R.L. Teinturerie du Pile, demeurant ..., par Me Lequint ; Me X demande à la Cour :

1') d'annuler le jugement en date du 19 avril 2000 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande dirigée contre l'arrêté du 5 novembre 1998 du préfet du Nord lui ordonnant de consigner entre les mains du trésorier-payeur général une somme de 400 000 francs en vue de réaliser les travaux les plus urgents pour la

remise en état du site de l'atelier de teinture sis ... et contre l'...

Vu la requête, enregistrée le 31 mai 2000 au greffe de la cour administrative d'appel de Douai, présentée pour Me X, agissant en qualité de liquidateur de la S.A.R.L. Teinturerie du Pile, demeurant ..., par Me Lequint ; Me X demande à la Cour :

1') d'annuler le jugement en date du 19 avril 2000 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande dirigée contre l'arrêté du 5 novembre 1998 du préfet du Nord lui ordonnant de consigner entre les mains du trésorier-payeur général une somme de 400 000 francs en vue de réaliser les travaux les plus urgents pour la remise en état du site de l'atelier de teinture sis ... et contre l'arrêté du 6 novembre 1998 du préfet du Nord le mettant en demeure de respecter les dispositions de l'arrêté préfectoral du 25 juin 1997 imposant des prescriptions complémentaires pour la remise en état de ce site ;

2°) d'annuler lesdits arrêtés ;

3°) de condamner l'Etat à lui payer la somme de 5 000 francs sur le fondement de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

Code C+ Classement CNIJ : 44-02-02-01

Il soutient que l'administration avait plusieurs solutions pour faire réaliser les travaux, en particulier la réalisation d'office par l'Etat aux frais de l'exploitant ; qu'en préférant la solution de consignation, le préfet a méconnu le principe général du droit : à l'impossible nul n'est tenu ; qu'il a également, ce faisant, méconnu les objectifs de la loi du 19 juillet 1976 qui consistent, notamment, à obtenir rapidement la dépollution du site afin d'éviter toute atteinte à l'environnement ; que le préfet a entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation dès lors que le liquidateur judiciaire se trouve incapable de financer les mesures ordonnées ; qu'il convenait de mettre en oeuvre la procédure dite de site orphelin ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 4 février 2002, présenté par le ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement, concluant au rejet de la requête ; le ministre se reporte aux observations produites devant le tribunal administratif de Lille par le préfet du Nord ; il fait valoir, en outre, que le requérant reprend en appel les moyens déjà soulevés devant le tribunal ; que le préfet peut mettre en oeuvre successivement les différentes mesures prévues par l'article 23 de la loi du 19 juillet 1976 ; que ces mesures peuvent être engagées à l'encontre d'un mandataire de justice désigné comme liquidateur judiciaire ; que le préfet peut engager à son encontre la procédure de consignation des sommes correspondant aux travaux nécessaires à la remise en état du site ; que le préfet peut choisir entre la mesure de consignation et l'exécution d'office des travaux ; qu'il peut également mettre en oeuvre successivement les deux procédures ; que le principe selon lequel à l'impossible nul n'est tenu s'applique aux seules obligations contractuelles ; que la mise en liquidation judiciaire d'une entreprise est sans effet sur la légalité des mesures de consignation, le liquidateur ne pouvant s'exonérer de ses obligations en faisant valoir son impécuniosité ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 13 mars 2002, présenté pour Me X, concluant aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens ; il ajoute que l'administration a été informée antérieurement aux arrêtés attaqués de l'impécuniosité de la liquidation ; qu'elle a commis une erreur manifeste d'appréciation en persistant à vouloir imposer des mesures dont elle savait qu'elles ne pouvaient être financées par le liquidateur ; qu'il est inexact d'affirmer que le principe général selon lequel à l'impossible nul n'est tenu ne vaut qu'en matière contractuelle ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 76-663 du 19 juillet 1976 relative aux installations classées pour la protection de l'environnement ;

Vu la loi n° 85-98 du 25 janvier 1985 relative au redressement et à la liquidation judiciaire des entreprises ;

Vu la loi n° 95-101 du 2 février 1995 relative au renforcement de la protection de l'environnement ;

Vu le décret n° 77-1133 du 21 décembre 1977 pris pour l'application de la loi n° 76-663 du 19 juillet 1976 relative aux installations classées pour la protection de l'environnement ;

Vu le code de l'environnement ;

Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 26 juin 2003 où siégeaient Mme Sichler, président de chambre, Mme Merlin-Desmartis, président-assesseur et M. Lequien, premier conseiller :

- le rapport de Mme Merlin-Desmartis, président-assesseur,

- et les conclusions de M. Yeznikian, commissaire du gouvernement ;

Considérant que l'article 34-1 du décret du 21 septembre 1977 prévoit que, lorsqu'une installation cesse l'activité au titre de laquelle elle était autorisée ou déclarée, son exploitant remet le site de l'installation dans un état tel qu'il ne s'y manifeste aucun des dangers ou inconvénients mentionnés à l'article 1er de la loi du 19 juillet 1976 (...). Le préfet peut à tout instant imposer à l'exploitant les prescriptions relatives à la remise en état du site ; qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 19 juillet 1976, relative aux installations classées pour la protection de l'environnement, aujourd'hui codifié à l'article L. 511-1 du code de l'environnement : Sont soumis aux dispositions de la présente loi les usines, ateliers, dépôts, chantiers, carrières et d'une manière générale les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature et de l'environnement, soit pour la conservation des sites et des monuments. ; que l'article 23 de la même loi, codifié à l'article L. 514-1 du même code, dispose que : indépendamment des poursuites pénales qui peuvent être exercées et lorsqu'un inspecteur des installations classées ou un expert désigné par le ministre chargé des installations classées a constaté l'inobservation des conditions imposées à l'exploitant d'une installation classée, le préfet met en demeure ce dernier de satisfaire à ces conditions dans un délai déterminé. Si, à l'expiration du délai fixé pour l'exécution, l'exploitant n'a pas obtempéré à cette injonction, le préfet peut : a) obliger l'exploitant à consigner entre les mains d'un comptable public une somme répondant du montant des travaux à réaliser, laquelle sera restituée à l'exploitant, au fur et à mesure de l'exécution des mesures prescrites ; il est procédé au recouvrement de cette somme comme en matière de créances étrangères à l'impôt et au domaine ; b) faire procéder d'office, aux frais de l'exploitant, à l'exécution des mesures prescrites ; c) suspendre par arrêté, après avis du conseil départemental d'hygiène, le fonctionnement de l'installation, jusqu'à exécution des conditions imposées et prendre les mesures provisoires nécessaires ;

Considérant que, par arrêté en date du 5 novembre 1998, le préfet du Nord a ordonné à Me X, en sa qualité de liquidateur de la société Teinturerie du Pile, de consigner entre les mains du trésorier-payeur général une somme de 400 000 francs correspondant au montant des travaux les plus urgents pour la remise en état du site de l'atelier de teinture exploité par la société Teinturerie du Pile, jusqu'à sa cessation d'activité, rue Copernic à Roubaix ; que, par arrêté en date du 6 novembre 1998, le préfet du Nord a mis en demeure la société Teinturerie du Pile, représentée par Me X, de respecter les dispositions de son arrêté du 19 juillet 1997 imposant des prescriptions complémentaires pour la remise en état du site ; que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté la demande de Me X tendant à l'annulation des arrêtés des 5 et 6 novembre 1997 ;

Considérant, en premier lieu, que les mesures énumérées à l'article 23 de la loi du 19 juillet 1976 ont été instituées pour contraindre les exploitants à prendre les dispositions nécessaires à la sauvegarde des intérêts visés à l'article 1er ; qu'aussi longtemps que subsiste l'un des dangers ou inconvénients mentionnés à cet article, le préfet peut mettre en oeuvre, indifféremment et, le cas échéant, successivement, les mesures prévues par cet article ; que, par suite, le préfet du Nord a pu, sans méconnaître ces dispositions, recourir à la procédure de consignation prévue au a) de l'article 34 précité et ce alors même qu'il avait été informé de ce que la société Teinturerie du Pile avait été mise en liquidation judiciaire et de ce que le liquidateur ne disposait pas des sommes nécessaires ; qu'une telle décision, ne fait pas obstacle à ce que, faisant application du b) du même article, le préfet fasse ultérieurement procéder à l'exécution d'office des mesures prescrites, aux frais de l'exploitant ou de son représentant légal ; que le requérant ne peut utilement se prévaloir, pour contester les obligations mises à sa charge au titre de la législation et de la réglementation sur les installations classées, d'un principe selon lequel à l'impossible nul n'est tenu ; qu'à supposer que les dispositions de l'article 61 de la loi n° 95-101 du 2 février 1995, modifiant la loi du 15 juillet 1975 et relatives à la réhabilitation des sites dits orphelins puissent trouver application en l'espèce, ce ne pourrait être qu'après qu'aient été épuisées les autres voies et procédures offertes pour la remise en état du site ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'en prenant les décisions critiquées, le préfet n'a commis aucune erreur manifeste dans l'appréciation qu'il a faite des intérêts protégés par l'article 1er de la loi du 19 juillet 1976 ;

Considérant, en troisième lieu, qu'il résulte des dispositions de l'article 152 de la loi du 25 janvier 1985 aujourd'hui codifié à l'article L. 622-9 du code de commerce qu'après le prononcé de la liquidation des biens, le débiteur est dessaisi de ces derniers et que les droits et actions (...) concernant son patrimoine sont exercés, pendant toute la durée de la liquidation judiciaire par le liquidateur ; qu'ainsi c'est à bon droit que la procédure de consignation a été engagée à l'encontre de Me X, pris en sa qualité de liquidateur des biens de la société Teinturerie du Pile ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le requérant n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté la demande de Me X tendant à l'annulation des arrêtés des 5 et 6 novembre 1997 ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que l'Etat n'étant pas, dans la présente instance, la partie perdante, il ne saurait être condamné à verser à Me X la somme qu'il demande au titre des frais engagés par lui et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Me Jean-Lin X est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à Me Jean-Lin X, à la S.A.R.L. Teinturerie du Pile et au ministre de l'écologie et du développement durable.

Délibéré à l'issue de l'audience publique du 26 juin 2003 dans la même composition que celle visée ci-dessus.

Prononcé en audience publique le 8 juillet 2003.

Le rapporteur

Signé : M. Merlin-Desmartis

Le président de chambre

Signé : F. Sichler

Le greffier

Signé : M. Milard

La République mande et ordonne au ministre de l'écologie et du développement durable en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

Le Greffier

Muriel Milard

6

N°00DA00632


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1ere chambre
Numéro d'arrêt : 00DA00632
Date de la décision : 08/07/2003
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme Sichler
Rapporteur ?: Mme Merlin-Desmartis
Rapporteur public ?: M. Yeznikian
Avocat(s) : CABINET LEGALIS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2003-07-08;00da00632 ?
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