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20/11/2003 | FRANCE | N°00DA00921

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1re chambre - formation a 3, 20 novembre 2003, 00DA00921


Vu le recours, enregistré le 7 août 2000 au greffe de la cour administrative d'appel de Douai, présenté par le ministre de l'équipement, des transports et du logement ; il demande à la Cour :

1') d'annuler le jugement n° 97-1170 en date du 3 mai 2000 en tant que le tribunal administratif de Lille a condamné l'Etat à verser à M. André X et à Mme Claude Y les sommes de 360 855 francs en réparation des préjudices subis dans leur maison d'habitation et de 15 180,52 francs au titre des frais d'expertise ;

2') de rejeter la demande de M. X et Mme Y présentée devant le t

ribunal administratif de Lille ;

Il soutient que le tribunal administratif...

Vu le recours, enregistré le 7 août 2000 au greffe de la cour administrative d'appel de Douai, présenté par le ministre de l'équipement, des transports et du logement ; il demande à la Cour :

1') d'annuler le jugement n° 97-1170 en date du 3 mai 2000 en tant que le tribunal administratif de Lille a condamné l'Etat à verser à M. André X et à Mme Claude Y les sommes de 360 855 francs en réparation des préjudices subis dans leur maison d'habitation et de 15 180,52 francs au titre des frais d'expertise ;

2') de rejeter la demande de M. X et Mme Y présentée devant le tribunal administratif de Lille ;

Il soutient que le tribunal administratif a insuffisamment motivé son jugement ; que c'est à tort qu'il a été jugé que les services de l'Etat avaient commis une faute en délivrant le permis de construire en méconnaissance des dispositions de l'arrêté de lotir et a retenu une part de responsabilité à hauteur de 50 % à la charge de l'Etat ; que le tribunal administratif a commis une double erreur de droit, d'une part, en retenant comme date à compter de laquelle devait être

Code C Classement CNIJ : 60-01-04-01

60-04-02-01

apprécié le montant des travaux, le 11 février 1997 et d'autre part, en indemnisant la valeur de remplacement de la maison et non sa valeur vénale ; que concernant le montant des indemnités auquel l'Etat a été condamné, le tribunal a statué ultra-petita en indemnisant les propriétaires de préjudices qui n'avaient pas été demandés ; que, compte tenu du partage de responsabilité, le montant retenu par le tribunal est surévalué, certains frais ayant été comptés deux fois ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 5 octobre 2000, présenté pour M. André X et Mme Claude Y, demeurant ..., par Me Basilios, avocat, qui conclut au rejet du recours du ministre et à la condamnation de l'Etat et de la commune de Boyelles, d'une part, à leur payer les sommes de 595 697,91 francs au titre des travaux de remise en état et 66 292,29 francs au titre du préjudice subi, avec indexation desdites sommes en fonction de l'indice BT 01 au jour du paiement effectif ainsi que la somme de 40 000 francs au titre de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, d'autre part, aux frais et dépens, lesquels comprendront les frais de constat du 11 août 1995 ainsi que les frais des deux expertises ; ils soutiennent que le recours du ministre est irrecevable en raison de sa présentation tardive et de sa méconnaissance des dispositions de l'article R. 87 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ; que la responsabilité de l'Etat est engagée dès lors qu'il a failli à sa mission quant aux conditions de l'implantation et de l'aspect des constructions ; que l'autorisation du permis de construire n'aurait pas dû intervenir dès lors qu'elle méconnaît l'arrêté préfectoral du 21 mai 1974 ; qu'ils demandent qu'il soit fait droit à la totalité de leurs conclusions de première instance pour lesquelles ils n'ont reçu que partiellement satisfaction alors que la situation ne peut leur incomber ;

Vu le mémoire, enregistré le 18 septembre 2002, présenté pour la commune de Boyelles, représentée par son maire en exercice, par Me Dumortier, avocat, qui conclut à l'irrecevabilité des conclusions présentées devant la Cour par M. X et Mme Y en ce qu'elle tendent à la condamnation de la commune et à titre subsidiaire de prononcer la déchéance quadriennale et de rejeter toutes leurs demandes formulées à l'encontre de la commune et à tout le moins à la condamnation de la D.D.E. à la garantir de toutes condamnations pouvant être prononcées à son encontre ; la commune demande en outre la condamnation de M. X et Mme Y à lui verser la somme de 6 100 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et à supporter tous frais et dépens ; elle soutient que les conclusions de M. X et Mme Y sont irrecevables en tant qu'elles sont dirigées contre la commune dès lors qu'elles ont été présentées alors que le délai d'appel était expiré ; qu'il y a lieu de prononcer la déchéance quadriennale sur le fondement de l'arrêté du maire du 6 novembre 1997 ; que le permis de construire accordé à M. X et Mme Y est conforme à l'arrêté préfectoral d'autorisation du lotissement qui ne précisait pas que les garages en sous-sol étaient interdits ; qu'en outre, à la suite de l'inondation de 1995, les intéressés ont obtenu du conseil général du Pas-de-Calais une aide qui n'aurait pu être versée si la cause des désordres avait tenu à l'irrégularité de la construction de leur immeuble ; que l'arrêté préfectoral d'autorisation du lotissement a été pris sur proposition de la D.D.E. du Pas-de-Calais qui a elle-même donné un avis favorable à la demande de permis de construire de M. X et Mme Y ; que la commune n'a aucune part de responsabilité dans la survenance du préjudice invoqué et en tout état de cause, sa responsabilité ne saurait être engagée pour un permis de construire qui a été accordé par son maire, dès lors que le permis a été accordé au nom de l'Etat ; que la commune n'a pas été appelée à participer à la seconde expertise où elle est mise en cause et ce rapport d'expertise lui est inopposable dès lors que le principe du contradictoire n'a pas été respecté ; que M. X et Mme Y se rallient sans fondement à la solution la plus coûteuse proposée par l'expert dans le chiffrage de leur préjudice ;

Vu le mémoire, enregistré le 31 octobre 2003, présenté par le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer qui conclut aux mêmes fins que son recours par les mêmes moyens ; il soutient en outre que son recours transmis par télécopie le 7 août 2000 puis confirmé par courrier le 10 août 2000 a été présenté dans le délai légal de deux mois ; que l'appel incident de M. X et Mme Y est irrecevable dès lors qu'ils ne mettent pas la Cour en mesure de se prononcer sur les erreurs que les premiers juges auraient pu commettre ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu le décret n° 99-435 du 28 mai 1999 ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 novembre 2003 où siégeaient M. Merloz, président de chambre, Mme Merlin-Desmartis, président-assesseur et M. Lequien, premier conseiller :

- le rapport de M. Lequien, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Yeznikian, commissaire du gouvernement ;

Considérant que le recours du ministre de l'équipement, des transports et du logement est dirigé contre un jugement en date du 3 mai 2000 en tant que le tribunal administratif de Lille a condamné l'Etat à verser à M. X et à Mme Y les sommes de 360 855 francs en réparation des préjudices subis dans leur maison d'habitation et de 15 180,52 francs au titre des frais d'expertise ; que, par la voie de l'appel incident, M. X et Mme Y demandent la condamnation de l'Etat et de la commune de Boyelles à leur payer les sommes de 595 697,91francs au titre des travaux de remise en état et 66 292,29 francs au titre du préjudice subi ; que la commune de Boyelles soutient notamment que sa responsabilité ne saurait être engagée par les permis de construire accordés par son maire au nom de l'Etat ;

Sur la recevabilité de l'appel :

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le recours formé par le ministre de l'équipement, des transports et du logement contre le jugement du tribunal administratif de Lille du 3 mai 2000, notifié le 8 juin 2000, a été enregistré, sous forme de télécopie le 7 août 2000 au greffe de la Cour, dans le délai d'appel, et a été régularisé par un exemplaire dûment signé, enregistré le 10 août 2000 ; qu'ainsi, le moyen tiré de la prétendue tardiveté du recours du ministre doit être écarté ;

Considérant que le recours présenté par le ministre satisfait aux prescriptions de l'article R. 87 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel alors applicable, selon lesquelles la requête doit contenir l'exposé des faits et des moyens sur lesquels elle se fonde, les conclusions, nom et demeure des parties ; qu'ainsi, M. X et Mme Y ne sont pas fondés à soutenir que ce recours n'était pas recevable ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant que le moyen tiré de l'insuffisante motivation du jugement attaqué au regard des moyens dont était saisi le tribunal administratif de Lille, qui n'est d'ailleurs assorti d'aucune précision de nature à en apprécier le bien fondé, manque en fait ;

Sur la responsabilité et sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de l'appel incident :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. X et Mme Y ont acquis un terrain dans un lotissement autorisé par arrêté préfectoral en date du 21 mai 1974 ; qu'ils ont fait construire sur leur parcelle une maison d'habitation conformément au permis de construire qui leur a été délivré le 30 septembre 1977 par le maire de Boyelles ; qu'en 1981, 1988, 1995 et 1996 leur garage situé en sous-sol a été inondé et d'importants désordres tant au sous-sol qu'au rez-de-chaussée de la maison ont été constatés ;

Sur les conclusions dirigées contre la commune de Boyelles :

Considérant qu'il est constant que le permis de construire a été délivré à M. X et Mme Y par le maire de la commune de Boyelles au nom de l'Etat ; que, dès lors, la responsabilité de la commune de Boyelles ne saurait être engagée par les permis de construire accordés par son maire au nom de l'Etat ; que les conclusions de M. X et Mme Y dirigées contre la commune doivent donc être rejetées ;

Sur les conclusions dirigées contre l'Etat :

Considérant qu'aux termes de l'article 1er de l'arrêté préfectoral du 21 mai 1974, au chapitre implantations et aspect des constructions les habitations seront à simple rez-de-chaussée sous combles aménageables éventuels... Les garages et annexes seront soit incorporés dans le volume construit, soit accolés à l'habitation. ; qu'il est en outre précisé dans une disposition particulière du même arrêté que le terrain étant appelé à recevoir les eaux de ruissellement en provenance des fonds supérieurs, il importe que le niveau du rez-de-chaussée soit surélevé de 70 cm par rapport au niveau du terrain naturel, plus particulièrement sur les parcelles 5 et 6 ; que ces dispositions, nonobstant l'absence d'interdiction expresse, ne sauraient autoriser la construction de garage ou de toute autre pièce en sous-sol compte tenu des risques d'inondation explicitement formulés et connus par l'administration ; que, dès lors, le permis de construire délivré à M. X et Mme Y est illégal et constitue une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat ;

Considérant, toutefois, qu'il résulte de l'instruction que M. X et Mme Y ne pouvaient ignorer l'existence des prescriptions établies par l'arrêté préfectoral d'autorisation de lotir, qui étaient signalées dans le permis de construire et jointes à l'acte notarié par lequel ils ont acquis le terrain ; qu'ils ont fait preuve d'imprudence en entreprenant les travaux, qui comportaient notamment la création de sous-sol avec garage, sans procéder ou faire procéder à l'analyse de ces documents ; qu'en outre, le sous-sol de leur habitation a été construit avec des matériaux qui se sont révélés inadaptés aux caractéristiques du sol du site de la construction ; qu'ils ont ainsi commis une faute de nature à atténuer la responsabilité de l'Etat dans la survenance du préjudice qu'ils ont subi à hauteur de 50 % ;

Sur le préjudice :

Considérant qu'il résulte de l'instruction, notamment des rapports d'expertise, que la réparation du préjudice subi par M. X et Mme Y ne peut être correctement assurée que par les seules démolition et reconstruction de leur maison d'habitation endommagée, dont le montant est d'ailleurs sensiblement équivalent à celui des travaux nécessaires pour remédier aux désordres et conformes à l'arrêté préfectoral ; que toutefois, le permis de construire la maison d'habitation ayant été délivré en 1977 et les premières inondations étant apparues en 1981 et 1988, il y aura lieu, à défaut de chiffrage de valeur vénale du logement, d'appliquer un abattement pour vétusté équivalent à 30 % de la somme retenue par l'expert pour la reconstruction du bâtiment ; que l'expert ayant chiffré le montant des travaux à 595 697,91 francs, ce montant sera ramené, après abattement de 30 % de vétusté, à 416 988,54 francs ; qu'à cette somme, il y a lieu d'ajouter le chiffre correspondant aux autres préjudices, fixé par l'expert à 66 292,29 francs ; qu'au nouveau total ainsi obtenu, soit 483 280,83 francs (73 675,69 euros), il y a lieu de tenir compte du partage de responsabilité de 50 % susmentionné ; qu'ainsi, l'Etat doit être condamné à payer à M. X et Mme Y la somme de 241 640,42 francs (36 837,84 euros) ; qu'il y a lieu de réformer dans cette mesure le jugement du tribunal administratif de Lille du 3 mai 2000 ;

Considérant que contrairement à ce que soutient le ministre, le montant des travaux doit être apprécié au 11 février 1997, date du dépôt du second rapport d'expertise qui a seul permis de déterminer l'exacte étendue des dommages ; que, cependant, M. X et Mme Y ne sont pas fondés à demander l'actualisation du montant de la réparation de leur préjudice en fonction de l'indice BT01 connu au jour du paiement effectif, dès lors qu'ils ne justifient pas avoir été dans l'impossibilité de faire réaliser les travaux à la date susdite ;

Sur les frais d'expertise :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de confirmer le tribunal administratif qui a mis pour moitié à la charge de l'Etat les frais d'expertise, taxés et liquidés à la somme totale de 30 361,05 francs ;

Sur les frais de constat :

Considérant qu'il y a lieu dans les circonstances de l'espèce de laisser à la charge de M. X et Mme Y les frais de constat du 11 août 1995, qui au demeurant ne sont pas chiffrés ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel devenu L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de condamner l'Etat à payer à M. X et Mme Y la somme qu'ils demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ; que dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de rejeter également les conclusions de la commune de Boyelles tendant à la condamnation de M. X et Mme Y au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : L'Etat est condamné à verser à M. André X et Mme Claude Y la somme de 241 640,42 francs (36 837,84 euros) en réparation des préjudices subis dans leur maison d'habitation.

Article 2 : L'article 2 du jugement du tribunal administratif de Lille du 3 mai 2000 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Les conclusions de M. André X et Mme Claude Y et de la commune de Boyelles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le surplus des conclusions du recours et le surplus des conclusions de M. André X et Mme Claude Y sont rejetés.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. André X et Mme Claude Y, à la commune de Boyelles et au ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer.

Délibéré à l'issue de l'audience publique du 6 novembre 2003 dans la même composition que celle visée ci-dessus.

Prononcé en audience publique le 20 novembre 2003.

Le rapporteur

Signé : A. Lequien

Le président de chambre

Signé : G. Merloz

Le greffier

Signé : B. Robert

La République mande et ordonne au ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

Le greffier

Bénédicte Robert

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N°00DA00921


Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. Merloz
Rapporteur ?: M. Lequien
Rapporteur public ?: M. Yeznikian
Avocat(s) : SOCIETE D'AVOCATS TYTGAT-BARRE-DUMORTIER

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1re chambre - formation a 3
Date de la décision : 20/11/2003
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 00DA00921
Numéro NOR : CETATEXT000007601256 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2003-11-20;00da00921 ?
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