La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

12/02/2004 | FRANCE | N°01DA00981

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1re chambre - formation a 3, 12 février 2004, 01DA00981


Vu la requête, enregistrée le 19 octobre 2001 au greffe de la cour administrative d'appel de Douai, présentée pour l'E.A.R.L. des Vertes Prairies, dont le siège est à Ménerval (76220), représentée par M. Benoît Parésy en sa qualité de gérant, par Me Régis Y..., avocat ; l'E.A.R.L. des Vertes Prairies demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 98-1418 du 29 juin 2001 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa requête tendant à l'annulation de l'arrêté en date du

29 juin 1998 par lequel le préfet de la Seine-Maritime lui a transféré de

s quantités de référence laitière dont disposait le G.A.E.C. des Vertes Prairies en ...

Vu la requête, enregistrée le 19 octobre 2001 au greffe de la cour administrative d'appel de Douai, présentée pour l'E.A.R.L. des Vertes Prairies, dont le siège est à Ménerval (76220), représentée par M. Benoît Parésy en sa qualité de gérant, par Me Régis Y..., avocat ; l'E.A.R.L. des Vertes Prairies demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 98-1418 du 29 juin 2001 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa requête tendant à l'annulation de l'arrêté en date du

29 juin 1998 par lequel le préfet de la Seine-Maritime lui a transféré des quantités de référence laitière dont disposait le G.A.E.C. des Vertes Prairies en opérant un prélèvement au profit de la réserve nationale ;

2°) d'annuler ledit arrêté préfectoral ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 12 000 francs en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Code C Classement CNIJ : 03-05-03-02

Elle soutient que le G.A.E.C. n'a été l'objet d'aucune réunion d'exploitations laitières, ni lors de sa formation, ni pendant son fonctionnement ; que la même exploitation a été exploitée individuellement puis transmise et continuée par une personne morale sous diverses formes ; qu'une quantité de références laitières n'est transférée que par le transfert de terres de l'exploitation auquel elle est affectée ; que c'est à tort que les premiers juges se sont fondés sur des textes réglementaires spécifiques du G.A.E.C. qui sont étrangers au décret du 22 janvier 1996 et à la réglementation communautaire issue du règlement n° 3950/92 du Conseil du 28 décembre 1992 ; que la transformation régulière d'une personne morale en une autre société n'entraîne pas création d'une personne morale nouvelle et n'entraîne donc pas une mutation d'exploitation ; que le préfet ne pouvait non plus se prévaloir des dispositions de l'article 10 du décret du

22 janvier 1996 ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 19 juin 2003, présenté par le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales ; il conclut au rejet de la requête ; il soutient que la transformation du G.A.E.C. des Vertes Prairies en E.A.R.L. a entraîné le retrait de l'agrément du G.A.E.C. et a, par suite, justifié les prélèvements prévus par les articles 2 et 3 du décret du 22 janvier 1996 ; qu'il résulte de l'article L. 323-13 et R. 323-49 du code rural que les quantités de référence laitière sont attribuées non à l'exploitation mais au producteur c'est-à-dire à chacun des associés du G.A.E.C. ; que la transformation d'un G.A.E.C. en E.A.R.L. correspond en droit et en fait à une réunion d'exploitations laitières au sens des dispositions de l'article 10 du décret du 22 janvier 1996 ; qu'il y a eu mise à disposition à la nouvelle société de terres antérieurement rattachées à l'associé sortant constitutive d'une mutation en jouissance de biens fonciers et, par suite, génératrice d'un transfert de quantités de référence laitière ; que la référence à l'article 1844-3 du code civil est inopérante ; que la réglementation applicable était celle en vigueur à la date des décisions attaquées ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 28 juillet 2003, présenté pour l'E.A.R.L. des Vertes Prairies qui conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens ; elle soutient, en outre, que la décision attaquée est intervenue en méconnaissance de la circulaire n° 7006 du 13 février 1996 ; que le dispositif prévu à l'article 2 du décret du 22 janvier 1996 est inapplicable dès lors qu'il ne donne aucune précision sur les modalités à suivre pour la fixation du montant du prélèvement dans une telle situation ; que le calcul du prélèvement opéré par le préfet est erroné ;

Vu le mémoire en complémentaire, enregistré le 29 septembre 2003, présenté pour le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales qui conclut aux mêmes fins par les mêmes motifs ; il soutient, en outre, que les dispositions de l'article 2 du décret du 22 janvier 1996 ne sont pas contraires à celles du règlement communautaire n°3950/92 ; que la requérante n'établit pas que les modalités de calcul du prélèvement opéré seraient erronées ; que la requérante ne peut utilement se prévaloir de la circulaire du

13 février 1996 ;

Vu les mémoires complémentaires, enregistrés le 27 octobre 2003 et le 1er décembre 2003, présentés pour l'E.A.R.L. des Vertes Prairies qui conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens ; elle demande, en outre, la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 1 829,39 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; elle soutient que l'arrêté préfectoral attaqué n'est motivé ni en droit, ni en fait ; que le moyen tiré de l'insuffisance de motivation est recevable ;

En application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, les parties ayant été informées que l'arrêt paraissait susceptible d'être fondé sur un moyen soulevé d'office ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le règlement (CEE) n°3950/92 du Conseil du 28 décembre 1992 établissant un prélèvement supplémentaire dans le secteur du lait et des produits laitiers ;

Vu la loi n°95-95 du 1er février 1995 de modernisation de l'agriculture ;

Vu le décret n°96-47 du 22 janvier 1996 relatif au transfert des quantités de référence laitières ;

Vu le code civil ;

Vu le code rural ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 29 janvier 2004 où siégeaient M. Merloz, président de chambre, Mme Merlin-Desmartis, président-assesseur et M. Quinette, premier conseiller :

- le rapport de M. Quinette, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Yeznikian, commissaire du gouvernement ;

Sur la légalité de l'arrêté préfectoral attaqué :

Considérant, en premier lieu, que devant le tribunal administratif de Rouen, l'E.A.R.L. Des Vertes Prairies s'est bornée à mettre en cause la légalité interne de l'arrêté préfectoral attaqué ; que le moyen tiré de l'absence de motivation de cet arrêté a été invoqué pour la première fois en appel ; qu'un tel moyen qui est fondé sur une cause juridique distincte et qui n'est pas d'ordre public constitue une demande nouvelle qui, présentée tardivement, n'est pas recevable ;

Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 7 du règlement (CEE) n°3950/92 du Conseil du 28 décembre 1992 susvisé : 1. La quantité de référence disponible sur une exploitation est transférée avec l'exploitation en cas de vente, location ou transmission par héritage aux producteurs qui la reprennent, selon des modalités à déterminer par les Etats membres en tenant compte des surfaces utilisées pour la production laitière ou d'autres critères objectifs et, le cas échéant, d'un accord entre les parties. La partie de la quantité de référence laitière qui, le cas échéant, n'est pas transférée avec l'exploitation est ajoutée à la réserve nationale. Les mêmes dispositions s'appliquent aux autres cas de transferts qui comportent des effets juridiques comparables pour les producteurs ; qu'aux termes de l'article 15 de la loi du 1er février 1995 susvisée : L'autorité administrative chargée de répartir les références de production ou des droits à aides, introduits en vue de maîtriser les volumes de certaines productions, après le 1er janvier 1984, en application des règles de la politique agricole commune (...) applique, dans la mesure où aucune règle de droit communautaire n'y fait obstacle, les règles suivantes : (...) 4° Les mises en société, à l'exception de celles mentionnées à l'article L. 323-1 du code rural, impliquant plusieurs exploitations sont assimilées à des réunions d'exploitations ; qu'aux termes de l'article L. 323-13 du code rural : La participation à un groupement agricole d'exploitation en commun ne doit pas avoir pour effet de mettre ceux des associés qui sont considérés comme chefs d'exploitation et leur famille, pour tout ce qui touche leur statut économique, social et fiscal, dans une situation inférieure à celle des autres chefs d'exploitation agricole, et à celles des autres familles de chefs d'exploitation ; qu'aux termes de l'article 2 du décret n°96-47 du 22 janvier 1996 susvisé : Lorsque la vente, la location, la donation, la transmission par héritage ou l'apport, dans les conditions visées à l'article 1°, portent sur une ou plusieurs parties d'une exploitation ou lorsque ceux-ci conduisent à la réunion d'exploitations laitières, le transfert de référence laitière est régi par les articles 3 et 4 du présent décret. Dans tous les cas, si le producteur cédant bénéficie de quantités de référence supplémentaires, accordées sur le fondement de l'article 9 du décret du 11 février 1991 susvisé ou des dispositions de l'article 5 du décret n°84-661 du 17 juillet 1984 alors en vigueur, ces quantités de référence sont reversées à la réserve (...) En outre, un prélèvement de 10 % est opéré sur la quantité à transférer et affecté à la réserve ; qu'aux termes de l'article 3 de ce décret : En cas de réunion d'exploitations laitières, la quantité de référence laitière de l'exploitation cédée est transférée au producteur, personne physique ou morale, qui reprend celle-ci et y poursuit la production laitière (...) Lorsque le repreneur dispose avant transfert d'une quantité inférieure à 300 000 litres, le taux du prélèvement additionnel est de 30 % de la fraction de la quantité de référence restant à transférer lui permettant d'atteindre, après prélèvement, au plus 300 000 litres ; au-delà de ce seuil, le taux de 40 % est applicable. Lorsque le repreneur dispose avant transfert d'une quantité de référence inférieure à 200 000 litres, le prélèvement additionnel n'est appliqué qu'à la fraction de la quantité de référence après transfert qui excède le seuil, dans les mêmes conditions qu'à l'alinéa précédent ;

Considérant que M. et Mme Z... et Elisabeth X, exploitants individuels disposant d'une référence laitière, ont constitué le 30 avril 1986 avec leur fils X... X, qui réalisait ainsi sa première installation, le groupement agricole d'exploitation en commun des Vertes Prairies ; que des quantités de références laitières supplémentaires ont alors été prélevées sur la réserve nationale pour être accordées à hauteur de 170 000 litres à ce nouveau G.A.E.C., ce dernier disposant, dès lors, d'une quantité de référence laitière de 543 178 litres ; qu'après que M. Z... X se soit retiré du G.A.E.C. lors de son départ en retraite en novembre 1992, il a été décidé d'un commun accord par les deux associés, M. X... X et B... Elisabeth X qu'à compter du 1er janvier 1998 les parts sociales de cette dernière qui partait également en retraite seraient cédées à M. X... X et que le G.A.E.C. serait transformé en E.A.R.L. ayant pour objet l'exploitation des biens auparavant exploités dans le cadre de ce groupement ; que le préfet de la Seine-Maritime, par la décision attaquée en date du 29 juin 1998, a, en application du décret susvisé du 22 janvier 1996, autorisé le transfert à l'E.A.R.L. des Vertes Prairies d'une quantité de référence laitière de 459 910 litres provenant de la quantité de référence du G.A.E.C. après prélèvement de 83 268 litres qui ont été affectés à la réserve nationale ;

Considérant qu'il résulte des pièces du dossier que le capital social du G.A.E.C. des Vertes Prairies avait été réparti entre ses deux associés, M. Benoît Parésy et B... Elisabeth X, qui, en vertu des dispositions précitées de l'article L 323-13 du code rural à l'application desquelles ni les dispositions précitées de l'article 7 du règlement (CEE) n° 3950/92 du Conseil du 28 décembre 1992, ni celles des articles 2 et 3 du décret du 22 janvier 1996 ne font obstacle, doivent être considérés comme chefs d'exploitation disposant chacun d'une quantité de référence laitière ; que la transformation du G.A.E.C. des Vertes Prairies en E.A.R.L. des Vertes Prairies s'est ainsi accompagnée de la cession de l'exploitation laitière mise en valeur par B... Elisabeth X et de sa réunion avec l'exploitation laitière auparavant mise en valeur par M. X... X ; que cette mise en société impliquant ces deux exploitations doit, conformément aux dispositions précitées de l'article 15 de la loi du 1er février 1995, être assimilée à une réunion d'exploitations et soumise aux prélèvements prévus par les dispositions précitées des articles 2 et 3 du décret du 22 janvier 1996 dont il n'est pas établi qu'elles seraient contraires au règlement communautaire du 28 décembre 1992 ; que les dispositions de l'article 1844-3 du code civil aux termes desquelles la transformation régulière d'une personne morale en une autre société n'entraîne pas création d'une personne morale nouvelle ne sauraient avoir pour effet de permettre à une E.A.R.L., alors même qu'elle résulte de la transformation d'un G.A.E.C., de faire obstacle au prélèvement prévu en cas de réunion d'exploitations ; que la circulaire ministérielle en date du 13 février 1996 qui se borne à interpréter les dispositions précitées du décret du 22 janvier 1996 ne peut être utilement invoquée ; que, si la requérante soutient également que le prélèvement auquel le préfet de la Seine-Maritime a procédé ne serait pas conforme aux dispositions précitées de l'article 3 de ce même décret qui a pour objet de définir les modalités selon lesquelles ce prélèvement doit être opéré, ce moyen n'est pas assorti de précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé et ne peut qu'être, par suite, rejeté ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'E.A.R.L. des Vertes Prairies n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision préfectorale en date du 29 juin 1998 ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante soit condamnée à payer à l'E.A.R.L. des Vertes Prairies la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de l'E.A.R.L. des Vertes Prairies est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à l'E.A.R.L. des Vertes Prairies et au ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales.

Copie sera transmise, pour information, au préfet de la Seine-Maritime.

Délibéré à l'issue de l'audience publique du 29 janvier 2004 dans la même composition que celle visée ci-dessus.

Prononcé en audience publique le 12 février 2004.

Le rapporteur

Signé : J. C...

Le président de chambre

Signé : G. A...

Le greffier

Signé : B. D...

La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

Le greffier

Bénédicte D...

2

N°01DA00981


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1re chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 01DA00981
Date de la décision : 12/02/2004
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Merloz
Rapporteur ?: M. Quinette
Rapporteur public ?: M. Yeznikian
Avocat(s) : HENRY

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2004-02-12;01da00981 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award