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13/05/2004 | FRANCE | N°02DA00761

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1re chambre - formation a 3, 13 mai 2004, 02DA00761


Vu la requête, enregistrée le 16 août 2002 au greffe de la cour administrative d'appel de Douai, présentée pour l'E.A.R.L. Gérard Y, dont le siège est situé ..., par Me A..., avocat ; l'E.A.R.L. Gérard Y demande à la Cour d'annuler le jugement n° 00-1378 du 13 juin 2002 par lequel le tribunal administratif de Lille a annulé l'arrêté en date du 2 octobre 1998 par lequel le maire de la commune de Cambligneul lui a accordé, au nom de l'Etat, un permis de construire et la décision en date du

13 janvier 2000 par lequel ce dernier a rejeté leur recours gracieux à l'encontre

dudit permis de construire ;

Elle soutient que la requête présentée d...

Vu la requête, enregistrée le 16 août 2002 au greffe de la cour administrative d'appel de Douai, présentée pour l'E.A.R.L. Gérard Y, dont le siège est situé ..., par Me A..., avocat ; l'E.A.R.L. Gérard Y demande à la Cour d'annuler le jugement n° 00-1378 du 13 juin 2002 par lequel le tribunal administratif de Lille a annulé l'arrêté en date du 2 octobre 1998 par lequel le maire de la commune de Cambligneul lui a accordé, au nom de l'Etat, un permis de construire et la décision en date du

13 janvier 2000 par lequel ce dernier a rejeté leur recours gracieux à l'encontre dudit permis de construire ;

Elle soutient que la requête présentée devant le tribunal administratif était tardive et donc irrecevable ; que le comportement procédural des requérants est malveillant ; que le dossier de la demande de permis de construire était complet et ne pouvait induire en erreur l'autorité compétente qui connaît parfaitement les lieux ; que le bâtiment est destiné au stockage de paille, de betteraves fourragères, de pommes de terre et à l'entreposage de matériel agricole et non au stockage de produits phytosanitaires ; qu'il existe deux accès et deux citernes d'eau ayant vocation à être utilisés en cas d'incendie ; que le bâtiment s'intègre dans le paysage ;

Vu le jugement attaqué ;

Code C Classement CNIJ : 68-01-01-02-02-11

Vu le mémoire en défense et aux fins d'appel incident, enregistré le 30 septembre 2002, présenté pour MM. Y... et X... X, par Me F..., avocat ; ils concluent au rejet de la requête, à la réformation du jugement en ce qu'il n'a pas retenu les moyens tirés de l'illégalité interne du permis de construire accordé le 2 octobre 1998 et à la condamnation de l'E.A.R.L. Gérard Y à leur verser une somme de 1 500 euros en application de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative ; ils soutiennent que le permis de construire n'a pas été affiché en mairie ; que l'affichage du permis de construire sur le terrain était incomplet et erroné ; que le permis de construire a été accordé en méconnaissance des articles R. 421-2, R. 111-2,

R. 111-4 et R. 111-21 du code de l'urbanisme ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 27 août 2003, présenté pour l'E.A.R.L. Gérard Y qui conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens ; elle demande, en outre, la condamnation de MM. Y... et X... X à lui verser chacun une somme de

1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; elle soutient que le permis de construire n'a pas été accordé en violation des articles R. 111-2, R 111-4 et

R. 111-21 du code de l'urbanisme ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 3 février 2004, présenté par le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer qui conclut au rejet de la requête ; il soutient que la requête tendant à l'annulation du permis de construire accordé le

2 octobre 1998 était irrecevable ; que le permis de construire n'a pas été accordé en violation des articles R. 421-2, R. 111-2, R. 111-4 et R. 111-21 du code de l'urbanisme ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 15 avril 2004 où siégeaient

M. Merloz, président de chambre, Mme Merlin-Desmartis, président-assesseur et M. Quinette, premier conseiller :

- le rapport de M. Quinette, premier conseiller,

- les observations de Me C..., avocat, substituant Me A..., avocat, pour l'E.A.R.L. Gérard Y et Me Z..., avocat, pour MM. Y... et X... X,

- et les conclusions de M. Yeznikian, commissaire du gouvernement ;

Sur la légalité du permis de construire :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 421-2 du code de l'urbanisme dans sa rédaction applicable à la date du permis de construire attaqué : A. - Le dossier joint à la demande de permis de construire comporte : (...) 2° Le plan de masse des constructions à édifier ou à modifier coté dans les trois dimensions (...) ; 4° Une ou des vues en coupe précisant l'implantation de la construction par rapport au terrain naturel à la date du dépôt de la demande de permis de construire et indiquant le traitement des espaces extérieurs ; (...) 6 Un document graphique au moins permettant d'apprécier l'insertion du projet de construction dans l'environnement, son impact visuel ainsi que le traitement des accès et des abords. Lorsque le projet comporte la plantation d'arbres de haute tige, les documents graphiques devront faire apparaître la situation à l'achèvement des travaux et la situation à long terme ; 7° Une notice permettant d'apprécier l'impact visuel du projet. A cet effet, elle décrit le paysage et l'environnement existants et expose et justifie les dispositions prévues pour assurer l'insertion dans ce paysage de la construction, de ses accès et de ses abords ; (...) B - Les pièces 6 et 7 ne sont pas exigibles pour les demandes de permis de construire répondant à la fois aux trois conditions suivantes : a) Etre situées dans une zone urbaine d'un plan d'occupation rendu public ou approuvé ou, en l'absence de document d'urbanisme opposable, dans la partie actuellement urbanisée de la commune ; b) Etre situées dans une zone ne faisant pas l'objet d'une protection particulière au titre des monuments historiques, des sites, des paysages ou de la protection du patrimoine architectural et urbain ; c) Etre exemptées du recours à un architecte en application de l'article L. 421-2 ;

Considérant, d'une part, que le dossier de la demande de permis de construire au vu duquel l'autorisation attaquée a été accordée mentionnait notamment la hauteur du projet et celle des constructions voisines qui lui sont contiguës et comportait le plan précis de chacune des façades du bâtiment ; qu'eu égard à ces indications et à l'ensemble des autres documents joints à la demande, l'administration pouvait ainsi aisément corriger l'erreur contenue dans le plan de masse relative à la longueur et à la largeur du bâtiment et n'a pu, dans les circonstances de l'espèce, se méprendre ni sur la consistance de ce dernier, ni sur sa conformité aux règles d'urbanisme ;

Considérant qu'il ressort, d'autre part, des pièces du dossier que le terrain d'assiette du projet est situé dans une partie actuellement urbanisée de la commune de Cambligneul et dans une zone ne faisant pas l'objet d'une protection particulière au titre des monuments historiques, des sites, des paysages ou de la protection du patrimoine architectural et urbain ; que la demande de permis de construire qui porte sur un bâtiment à usage agricole d'une surface hors oeuvre brute de 410 m² était exemptée du recours à un architecte en application de l'article R. 421-2 du code de l'urbanisme ; que le dossier joint à cette demande pouvait, par suite, légalement ne pas comporter le document graphique et la notice prévus aux 6° et 7° de l'article R. 421-2 précité ;

Considérant que l'E.A.R.L. Gérard Y est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Lille s'est fondé sur les moyens ci-dessus examinés pour annuler le permis de construire en date du 2 octobre 1998 ;

Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. Y... X et à

M. X... X devant le tribunal administratif de Lille ;

Sur les fins de non-recevoir opposées par l'E.A.R.L. Gérard Y et par le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article R. 490-7 du code de l'urbanisme : Le délai de recours contentieux à l'encontre d'un permis de construire court à l'égard des tiers à compter de la plus tardive des deux dates suivantes : a) Le premier jour d'une période continue de deux mois d'affichage sur le terrain des pièces mentionnées, selon le cas, au premier ou au deuxième alinéa de l'article R. 421-39 ; b) Le premier jour d'une période continue de deux mois d'affichage en mairie des pièces mentionnées au troisième alinéa de l'article R. 421-39... ; qu'aux termes de l'article A-421-7 du même code, pris sur le fondement de l'article R. 421-39 : L'affichage du permis de construire sur le terrain est assuré par les soins du bénéficiaire...

(ce panneau) indique... s'il y a lieu ... la hauteur de la construction... ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le panneau installé sur le chantier du bâtiment à usage agricole dont le permis de construire est attaqué ne comportait pas la mention de la hauteur de ce bâtiment ; que cette mention était nécessaire s'agissant de volumes nouveaux ; que la publication réalisée ne peut être regardée comme complète et régulière, alors qu'aucune indication ne permettait aux tiers d'estimer cette hauteur ; que le recours gracieux qui a été formé par M. Y... X et à M. X... X à l'encontre du permis de construire accordé le 2 octobre 1998 par le maire de la commune de Cambligneul et a été reçu le

21 décembre 1999 par ce dernier a prolongé le délai de recours contentieux qui à la date du

13 mars 2000 à laquelle la demande d'annulation dudit permis de construire a été présentée n'était pas expiré ; que la fin de non-recevoir opposée par l'E.A.R.L. Gérard Y tirée de la tardiveté de cette demande ne peut donc être accueillie ;

Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article L. 600-3 du code de l'urbanisme repris à l'article R. 411-7 du code de justice administrative : En cas de déféré du préfet ou de recours contentieux à l'encontre d'un document d'urbanisme ou d'une décision relative à l'occupation ou l'utilisation du sol régie par le présent code, le préfet ou l'auteur du recours est tenu, à peine d'irrecevabilité, de notifier son recours à l'auteur de la décision et s'il y a lieu, au titulaire de l'autorisation. Cette notification doit également être effectuée dans les mêmes conditions en cas de demande tendant à l'annulation ou à la réformation d'une décision juridictionnelle concernant un document d'urbanisme ou une décision relative à l'occupation ou l'utilisation du sol. L'auteur d'un recours administratif est également tenu de le notifier à peine d'irrecevabilité du recours contentieux qu'il pourrait intenter ultérieurement en cas de rejet du recours administratif ; qu'aux termes de l'article R. 600-2 du code de l'urbanisme alors applicable : La notification du recours à l'auteur de la décision et, s'il y a lieu, au titulaire de l'autorisation est réputée accomplie à la date d'envoi de la lettre recommandée avec accusé de réception. Cette date est établie par le certificat de dépôt de la lettre recommandée auprès des services postaux ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que les requérants ont procédé aux notifications de leur recours gracieux et leur requête en annulation conformément aux dispositions précitées des articles L. 600-3 et R. 600-2 du code de l'urbanisme ; que la fin de non-recevoir opposée par le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer sur le fondement de ces dispositions doit donc être écartée ;

Sur la légalité de la décision attaquée :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme : Le permis de construire peut être refusé... si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrage à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants ;

Considérant qu'il résulte des pièces du dossier que le projet autorisé par le permis de construire attaqué consiste en la réalisation d'un bâtiment agricole constitué par un bardage en maçonnerie sur une hauteur de 2 mètres surmonté d'un bardage en tôle laquée verte, la hauteur à l'égout étant de 6 mètres d'un côté et de 4 mètres de l'autre côté et sa hauteur au faîtage atteignant 6,90 mètres sur un terrain comportant des bâtiments à usage agricole d'aspect et de volume similaires ; que, eu égard à la situation de la construction en cause qui est prévue à proximité de plusieurs maisons à usage d'habitation au coeur du village de Cambligneul et à son aspect extérieur et à ses dimensions, le maire de la commune de Cambligneul a commis une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions précitées de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme en accordant le permis contesté ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, issu de l'article 37 de la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 : Lorsqu'elle annule pour excès de pouvoir un acte intervenu en matière d'urbanisme ou en ordonne la suspension, la juridiction administrative se prononce sur l'ensemble des moyens de la requête qu'elle estime susceptibles de fonder l'annulation ou la suspension, en l'état du dossier ; qu'en l'espèce et en l'état du dossier, les autres moyens invoqués par les requérants ne sont pas susceptibles de fonder l'annulation de la décision attaquée ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'E.A.R.L. Gérard Y n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a annulé le permis de construire qui lui a été accordé le 2 octobre 1998 ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que MM. Y... et X... X qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes, soient condamnés à payer à l'E.A.R.L. Gérard Y la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative de condamner l'E.A.R.L. Gérard Y à payer à MM. Y... et X... X la somme globale de 1 500 euros qu'ils demandent au titre des frais qu'ils ont exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de l'E.A.R.L. Gérard Y est rejetée.

Article 2 : L'E.A.R.L. Gérard Y versera à MM. Y... et X... X une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'E.A.R.L. Gérard Y, à MM. Y... et X... X et au ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer.

Copie en sera adressée au procureur de la République près le tribunal de grande instance d'Arras au titre de l'article R. 751-11 du code de justice administrative et au préfet du Pas-de-Calais.

Délibéré à l'issue de l'audience publique du 15 avril 2004 dans la même composition que celle visée ci-dessus.

Prononcé en audience publique le 13 mai 2004.

Le rapporteur

Signé : J. D...

Le président de chambre

Signé : G. B...

Le greffier

Signé : B. E...

La République mande et ordonne au ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

Le greffier

Bénédicte E...

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N°02DA00761


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1re chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 02DA00761
Date de la décision : 13/05/2004
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Merloz
Rapporteur ?: M. Jean Quinette
Rapporteur public ?: M. Yeznikian
Avocat(s) : SCP LAMORIL ROBIQUET DELEVACQUE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2004-05-13;02da00761 ?
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