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27/05/2004 | FRANCE | N°02DA00656

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1re chambre - formation a 3, 27 mai 2004, 02DA00656


Vu 1°) sous le n° 02DA00656, la requête, enregistrée le 29 juillet 2002 au greffe de la cour administrative d'appel de Douai, présentée pour la société civile immobilière Les Dunes d'Opale , dont le siège est situé ..., par la

S.C.P. Tirard et Associés ; la société demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 99-1861 en date du 30 mai 2002 du tribunal administratif de Lille en ce qu'il a limité le préjudice subi par elle à la somme de

886 637,60 euros ;

2°) de dire et juger que la responsabilité de la commune du Touquet-Paris-Plage est

pleine et entière et de la condamner, en conséquence, à payer à la société civile immobilière...

Vu 1°) sous le n° 02DA00656, la requête, enregistrée le 29 juillet 2002 au greffe de la cour administrative d'appel de Douai, présentée pour la société civile immobilière Les Dunes d'Opale , dont le siège est situé ..., par la

S.C.P. Tirard et Associés ; la société demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 99-1861 en date du 30 mai 2002 du tribunal administratif de Lille en ce qu'il a limité le préjudice subi par elle à la somme de

886 637,60 euros ;

2°) de dire et juger que la responsabilité de la commune du Touquet-Paris-Plage est pleine et entière et de la condamner, en conséquence, à payer à la société civile immobilière Les Dunes d'Opale le montant total du préjudice subi qui s'élève à 4 374 263,63 euros hors taxes avec les intérêts de droit à compter du 17 novembre 1998, date de sa demande préalable, et la capitalisation desdits intérêts ;

3°) de condamner la commune du Touquet-Paris-Plage à verser à la société civile immobilière Les Dunes d'Opale la somme de 15 000 euros au titre de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

Code C+ Classement CNIJ : 68-001-01-02-03

60-02-05-01

60-04-02-01

Elle soutient que la commune du Touquet-Paris-Plage a, comme l'a jugé le tribunal administratif, commis des fautes en délivrant un permis de construire suivi de deux permis modificatifs méconnaissant les articles L. 146-6 et R. 146-1 du code de l'urbanisme et en subordonnant par le protocole d'accord du 20 décembre 1995 le retrait de l'arrêté du

21 août 1995 à l'achat par la société Pierre et Vacances d'un terrain inconstructible ; qu'aucune faute ne saurait lui être reprochée ; qu'elle était en droit de considérer que le terrain était constructible ; qu'à la date de l'achat dudit terrain, elle était persuadée de l'illégalité de la décision de retrait du permis de construire modificatif prise par le maire et de son intention de rapporter ledit retrait ; qu'en tout état de cause, il lui était possible de mettre en service le projet autorisé par le permis de construire initial du 8 juillet 1994, modifié le 8 novembre 1994, le retrait n'ayant porté que sur le permis de construire modificatif du 20 avril 1995 ; qu'elle est en droit de demander réparation pour l'ensemble des dépenses engagées par Pierre et Vacances qui lui ont été refacturées ainsi que les dépenses nouvellement engagées ; que le préjudice doit inclure le prix d'acquisition hors taxes des terrains qui ont perdu toute valeur du fait de l'illégalité des permis de construire résultant du jugement du tribunal administratif du

12 décembre 1996 augmenté des frais et honoraires (1 105 255,40 euros + 46 079,24 euros) ; que les frais engagés pour la réalisation de l'opération de construction s'élèvent à

2 966 748,37 euros ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 27 mars 2003, présenté pour la commune du Touquet-Paris-Plage, représentée par son maire en exercice, par la S.C.P. Tirard et Associés ; la commune demande à la Cour ;

1°) de rejeter la requête de la société civile immobilière Les Dunes d'Opale ;

2°) d'exonérer la commune de toute responsabilité ;

3°) à titre subsidiaire, de réduire sensiblement tant la part des responsabilités qui lui est imputable, que le montant du préjudice indemnisé ;

4°) de condamner la société civile immobilière Les Dunes d'Opale à lui verser la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que la demande présentée par la société civile immobilière devant le tribunal administratif était irrecevable pour un double motif ; que l'action formée devant le juge administratif avait le même fondement juridique et le même objet que l'action rejetée par le juge civil de Boulogne-sur-Mer ; que la prohibition du cumul d'actions n'est pas limitée à un seul et même ordre de juridiction ; que la société civile immobilière Les Dunes d'Opale n'avait pas intérêt à agir, le terrain étant dépourvu du permis de construire au moment de son achat ; que la faute commise par la commune en délivrant un permis illégal n'a causé aucun préjudice à la société civile immobilière ; qu'en effet, à la date d'acquisition du terrain, soit le

1er septembre 1995, le permis de construire du 20 avril 1995 avait été retiré par arrêté du

21 août 1995 ; qu'à cette date le permis initial de 1994 n'existait pas non plus, dès lors qu'il ressort de l'arrêté de retrait que, compte tenu des modifications substantielles résultant du projet autorisé le 20 avril 1995, cette autorisation constituait un nouveau permis se substituant au permis initial ; qu'ainsi la société civile immobilière a acquis en toute connaissance de cause un terrain dépourvu de permis de construire ; qu'en signant la convention du 20 décembre 1995, la commune a seulement entendu créer une coupure d'urbanisation conforme aux exigences de la loi littoral ; que nul n'a contraint la société Pierre et Vacances à la signer ; qu'ainsi la commune n'a commis à cet égard aucune faute de nature à engager sa responsabilité ; que la société civile immobilière ne saurait être indemnisée ni pour la perte de valeur vénale des terrains qu'elle a achetés, ni pour les frais librement engagés par la société Pierre et Vacances pour la réalisation d'une opération de construction dont la réalisation était rien moins que certaine ;

Vu 2°) sous le n° 02DA00687, la requête, enregistrée le 2 août 2002 au greffe de la cour administrative d'appel de Douai, présentée pour la commune du Touquet-Paris-Plage représentée par son maire en exercice, par la S.C.P. Savoye et Associés ; elle demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement susvisé du tribunal administratif de Lille en date du

30 mai 2002 la condamnant à verser à la société civile immobilière Les Dunes d'Opale la somme de 886 637,60 euros ;

2°) de rejeter la demande de la société civile immobilière Les Dunes d'Opale comme irrecevable ou, subsidiairement, comme mal fondée ;

3°) à défaut, de réduire substantiellement la part de responsabilité et le montant de la condamnation de la commune ;

4°) de condamner la société civile immobilière Les Dunes d'Opale à lui verser la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que la demande de la société civile immobilière devant le tribunal administratif était irrecevable, le cumul d'actions étant interdit et la société n'ayant pas intérêt à agir ; que l'illégalité des permis de construire délivrés à la société Pierre et Vacances n'a causé aucun préjudice à la société civile immobilière Les Dunes d'Opale ; qu'à la date où elle a acheté le terrain d'assiette, celui-ci était dépourvu de permis de construire ; que si l'annulation des permis de construire par le tribunal administratif a été possible, c'est en raison de l'irrégularité délibérée de l'affichage sur le terrain par son bénéficiaire, la société Pierre et Vacances ; que les fautes commises par la société civile immobilière sont totalement exonératoires de la responsabilité de la commune ; qu'en tout état de cause la part de responsabilité de celle-ci est inférieure à deux tiers dès lors qu'elle a tout fait pour rapporter les permis de construire ; que la commune n'a commis aucune faute en signant le protocole d'accord, la société civile immobilière n'ayant pas été contrainte à le signer ; que la société civile immobilière ne peut être indemnisée pour la perte de la valeur vénale des terrains qu'elle savait inconstructibles ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 3 février 2003, présenté pour la société civile immobilière Les Dunes d'Opale , par la S.C.P. Savoye et Associés, concluant à la jonction des deux instances, au rejet de la requête de la commune du Touquet-Paris-Plage, à la réforme du jugement attaqué en tant qu'il a limité aux deux tiers la responsabilité de la commune ; à ce que la commune soit condamnée à réparer l'entier préjudice subi par la société civile immobilière, d'un montant de 4 374 263,77 euros hors taxes, avec les intérêts de droit et à la capitalisation des intérêts et à lui verser la somme de 15 000 euros sur le fondement de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ; elle soutient qu'il n'est pas sérieux d'affirmer que la règle de non cumul des actions civiles posée par la cour de cassation ne s'applique qu'aux actions introduites devant les juridictions judiciaires et n'interdit pas au juge administratif de connaître d'une action responsabilité pour faute de la commune qui a délivré un permis de construire illégal ; que la société civile immobilière, à laquelle le permis de construire irrégulier a été transféré, a intérêt à demander réparation du préjudice subi ; que lorsqu'elle a acheté le terrain d'assiette du projet, le permis initial du 12 juillet 1994 n'avait pas été retiré par le maire ; qu'en effet l'arrêté du 21 août 1995 a seulement retiré le permis modificatif du 20 août 1995 ; que, de plus, elle savait à cette date que le préfet estimait illégale la décision de retrait et qu'un accord allait intervenir avec la ville du Touquet, la nouvelle municipalité entendant renégocier les conditions de la vente ; que la commune a commis une double faute en délivrant un permis de construire illégal et en signant le protocole d'accord du

20 décembre 1995 ; qu'en revanche, aucune faute ne saurait être reprochée à la société civile immobilière qui a acheté un terrain bénéficiant d'un permis de construire qui plus est définitif ; que l'irrégularité de l'affichage du permis de construire n'est pas à l'origine du préjudice ; que la commune ne conteste pas utilement le montant de ce préjudice ;

Vu, dans les affaires susvisées, le mémoire enregistré le 27 mars 2003, présenté pour la commune du Touquet concluant aux mêmes fins que sa requête et à ce que la Cour prononce la jonction des deux affaires ; elle soutient à nouveau que le permis délivré le 20 avril 1995 n'était pas un permis de construire modificatif mais un permis de construire nouveau se substituant au permis initial ; que le permis du 20 avril 1995 ayant été retiré à la date de l'achat du terrain, il n'a pu produire aucun effet à l'encontre de la société civile immobilière ; que son préjudice financier est imputable à la seule faute de la société civile immobilière qui a acheté, en toute connaissance de cause, un terrain dépourvu de permis de construire ; que le seul objet du protocole d'accord était de créer une coupure d'urbanisation ;

Vu, dans les affaires susvisées, les mémoires enregistrés le 23 juillet 2003, présentés par la société civile immobilière Les Dunes d'Opale concluant aux mêmes fins que ses précédents mémoires par les mêmes moyens ;

Vu, dans les affaires susvisées, le mémoire, enregistré le 1er août 2003, présenté pour la commune du Touquet concluant aux mêmes fins que ses précédents mémoires par les mêmes moyens ; elle soutient que, tout au long de la procédure, la seule préoccupation de la commune était la protection de l'environnement ainsi que cela ressort de la délibération du conseil municipal du 11 décembre 1995 ; que le montant du préjudice de la société n'est ni justifié ni argumenté ;

Vu, dans les affaires susvisées, le mémoire, enregistré le 1er avril 2004, présenté pour la société civile immobilière Les Dunes d'Opale , concluant aux mêmes fins que ses précédentes écritures et à la capitalisation des intérêts de la somme de 4 180 987,38 euros ; elle soutient que la société Pierre et Vacances, et, à fortiori elle-même, n'ont pas renoncé, dans le protocole d'accord, à demander réparation à la commune du préjudice, qui n'était pas encore né, résultant de ses agissements fautifs notamment dans la délivrance d'autorisations de construire ; qu'elle établit la réalité du préjudice subi ;

Vu, dans les affaires susvisées, le mémoire, enregistré le 19 avril 2004, présenté pour la commune du Touquet-Paris-Plage, concluant aux mêmes fins que ses précédentes écritures par les mêmes moyens ; elle soutient, en outre, que le seul fondement possible des prétentions de la S.C.I. Les Dunes d'Opale est la délivrance d'autorisations de construire dont la dernière a été annulée par le tribunal administratif ; que les prétentions de la S.C.I. Les Dunes d'Opale sont manifestement exorbitantes ; que les préjudices dont il est demandé réparation sont postérieurs au retrait de permis de construire et ont pour cause essentielle l'obstination des deux sociétés à récupérer des permis de construire dont elles savaient manifestement qu'ils étaient illégaux ;

Vu, dans les affaires susvisées, le mémoire, enregistré le 3 mai 2004, présenté par la S.C.I. Les Dunes d'Opale concluant aux mêmes fins que ses précédentes écritures par les mêmes moyens ; elle rappelle que l'opération autorisée par le permis de construire de 1994 est une opération voulue, dès le départ, par la commune du Touquet ; qu'elle ne demande réparation que du préjudice né de la faute commise par le maire en délivrant un permis de construire illégal, consistant en l'ensemble des dépenses engagées entre la délivrance de ce permis de construire et son annulation par le tribunal administratif ;

Vu les notes en délibéré produites le 14 mai 2004 par la S.C.P. Tirard et associés pour la société civile immobilière Les Dunes d'Opale et par la S.C.P. Savoye et associés pour la ville du Touquet Paris-Plage ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 13 mai 2004 où siégeaient

M. Merloz, président de chambre, Mme Merlin-Desmartis, président-assesseur et M. Le Garzic, conseiller :

- le rapport de Mme Merlin-Desmartis, président-assesseur,

- les observations de Me X..., avocat, membre de la S.C.P. Savoye et associés, pour la commune du Touquet-Paris-Plage, et de Me A..., avocat, membre de la

S.C.P. Tirard et associés, pour la société civile immobilière Les Dunes d'Opale ,

- et les conclusions de M. Yeznikian, commissaire du gouvernement ;

Considérant que les requêtes susvisées de la société civile immobilière Les Dunes d'Opale et de la commune du Touquet sont dirigées contre le même jugement ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;

Considérant que par arrêté en date du 12 juillet 1994, modifié le 8 novembre de la même année, le maire de la commune du Touquet Paris-Plage a délivré à la société Pierre et Vacances un permis de construire afin d'édifier une résidence de tourisme et un centre de remise en forme sur le terrain cadastré AO n° 75, 77, 79 et 81 situé entre l'estuaire de la Canche et la Manche sur la pointe du Touquet ; qu'un arrêté du 20 avril 1995 a autorisé une nouvelle modification du projet transformant la partie à habiter et réduisant la surface du centre de remise en forme ; que, par arrêté du 21 août 1995, le maire a retiré le permis de construire, arrêté qui a lui-même été retiré par un arrêté du 11 janvier 1996, conformément à un protocole d'accord conclu le 20 décembre 1995 entre la commune et la société Pierre et Vacances , faisant ainsi revivre les autorisations de construire ; que, par arrêté du 19 février 1996, pris après renouvellement du conseil municipal, le maire a transféré le permis de construire du

12 juillet 1994 et ses permis de construire modificatifs à la société civile immobilière

Les Dunes d'Opale qui avait acheté le terrain d'assiette à la société Pierre et Vacances le 1er septembre 1995 ; qu'enfin, saisi par des propriétaires riverains, le tribunal administratif de Lille, après avoir admis la recevabilité de la demande en raison de l'insuffisance de l'affichage, a, par jugement en date du 12 décembre 1996, annulé le permis de construire du

12 juillet 1994 et ses permis modificatifs au motif que le projet, qui s'inscrivait dans un paysage caractéristique du patrimoine naturel et culturel du littoral Nord-Pas-de-Calais, était contraire aux dispositions des articles L. 146-6 et R. 146-1 du code de l'urbanisme ; qu'en se fondant sur l'illégalité fautive entachant tant les permis de construire qui lui ont été transférés que le protocole d'accord du 20 décembre 1995, la société civile immobilière a demandé devant le tribunal administratif de Lille que lui soit versée une indemnité correspondant à la perte de valeur vénale des terrains devenus inconstructibles et aux dépenses engagées et réglées en pure perte en vue de la réalisation du projet ; que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont admis que la responsabilité de la commune du Touquet était engagée à hauteur des deux-tiers du préjudice né des illégalités fautives et condamné celle-ci à verser à la société civile immobilière la somme de 886 637,60 euros ;

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

Considérant que la société civile immobilière Les Dunes d'Opales était recevable à demander devant le tribunal administratif réparation du préjudice que lui aurait causé la faute commise par le maire du Touquet Paris-Plage en délivrant un permis de construire illégal, alors même qu'elle avait présenté devant le tribunal de grande instance de Boulogne-sur-Mer une première action, dont elle a été déboutée, afin d'obtenir la résolution de la vente et la réparation du préjudice né de l'impossibilité de réaliser l'opération projetée ; que la même société qui, après avoir acheté les terrains litigieux, a obtenu le transfert du permis de construire initial, avait intérêt à présenter des conclusion indemnitaires après l'annulation de ce permis de construire par jugement du tribunal administratif en date du 12 décembre 1996 ; qu'ainsi la demande présentée devant les premiers juges était recevable ;

Sur les conclusions indemnitaires de la société civile immobilière Les Dunes d'Opale :

Considérant qu'il résulte des termes mêmes de l'arrêté du 21 août 1995 que le maire a alors entendu retirer son arrêté du 20 avril 1995 dont il estimait que, sous couvert de modificatif , il constituait, eu égard aux modifications substantielles qu'il emportait, un nouveau permis de construire se substituant à celui délivré le 12 juillet 1994 et modifié le 8 novembre de la même année ; que ce retrait était principalement motivé par le fait que l'édification en milieu dunaire d'un immeuble à usage d'habitation d'une surface hors-oeuvre brute de 14 851 m² pour une surface hors-oeuvre nette de 9 786 m², d'une hauteur de 14 mètres à l'égout du toit, comportant 189 logements dont 86 à usage hôtelier, avec les parkings, voies et réseaux divers y afférents, était manifestement incompatible avec la loi littoral du 3 janvier 1986 au respect de laquelle est subordonnée la constructibilité de la zone 33 NA ; qu'ainsi la commune du Touquet Paris-Plage est fondée à soutenir que le 1er septembre 1995, date à laquelle la société civile immobilière Les Dunes d'Opale a acheté le terrain en cause, aucune autorisation de construire n'était plus attachée à celui-ci ; que, dans ces conditions, si en délivrant par ses arrêtés des 12 juillet et 8 novembre 1994 un permis de construire illégal, le maire du Touquet a commis une faute de nature à engager la responsabilité de la commune, la société civile immobilière Les Dunes d'Opale , professionnel de l'immobilier, en se portant acquéreur au pris d'un terrain à bâtir en front de mer d'un terrain auquel n'était, à la date de la vente, attachée aucune autorisation de construire, le maire du Touquet Paris-Plage ayant retiré le permis de construire en raison de son incompatibilité manifeste avec la loi littoral, a elle-même commis une imprudence constitutive de faute qui, dans les circonstances de l'espèce, exonère totalement la commune de sa responsabilité ; que la société ne peut utilement se prévaloir de ce qu'elle savait, dès la date d'achat, que le maire envisageait de conclure avec elle un accord et de rapporter son arrêté de retrait ; qu'il y a lieu, par suite, faisant droit aux conclusions de la commune du Touquet Paris-Plage, de rejeter la demande d'indemnisation présentée par la société civile immobilière Les Dunes d'Opale ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la commune du Touquet Paris-Plage est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille l'a condamnée à verser à la société civile immobilière Les Dunes d'Opale la somme de

886 637,60 euros ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'affaire, de condamner la société civile immobilière Les Dunes d'Opale à verser à la commune du Touquet Paris-Plage la somme de 2 000 euros au titre des frais engagés par elle et non compris dans les dépens ; qu'en revanche la commune, qui n'est pas, dans la présente affaire, partie perdante, ne saurait être condamnée à verser à la société civile immobilière la somme qu'elle demande au même titre ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement en date du 30 mai 2002 du tribunal administratif de Lille est annulé.

Article 2 : La demande présentée devant le tribunal administratif de Lille par la société civile immobilière Les Dunes d'Opale et sa requête sont rejetées.

Article 3 : La société civile immobilière Les Dunes d'Opale versera à la commune du Touquet la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société civile immobilière Les Dunes d'Opale , à la commune du Touquet Paris-Plage, à la société Pierre et Vacances et au ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer.

Copie sera transmise au préfet du Pas-de-Calais.

Délibéré à l'issue de l'audience publique du 13 mai 2004 dans la même composition que celle visée ci-dessus.

Prononcé en audience publique le 27 mai 2004.

Le rapporteur

Signé : M. Merlin-Desmartis

Le président de chambre

Signé : G. Y...

Le greffier

Signé : B. Z...

La République mande et ordonne au ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

Le greffier

Bénédicte Z...

N°02DA00656 2

N°02DA00687


Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. Merloz
Rapporteur ?: Mme Marie Merlin-Desmartis
Rapporteur public ?: M. Yeznikian
Avocat(s) : SCP TIRARD et ASSOCIES

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1re chambre - formation a 3
Date de la décision : 27/05/2004
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 02DA00656
Numéro NOR : CETATEXT000007602611 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2004-05-27;02da00656 ?
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