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29/06/2004 | FRANCE | N°00DA00721

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation a 5, 29 juin 2004, 00DA00721


Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Douai le

21 juin 2000, présentée par la société anonyme Café Grand'Mère, représentée par son

président-directeur général, dont le siège social est situé ... ; la société Café Grand'Mère demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 97-251 du 30 mars 2000 par lequel le tribunal administratif de Lille ne lui a accordé la décharge que des pénalités de mauvaise foi ayant assorti les cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été ass

ujettie au titre de l'année 1988 ;

2°) de prononcer la décharge des impositions restant en litige...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Douai le

21 juin 2000, présentée par la société anonyme Café Grand'Mère, représentée par son

président-directeur général, dont le siège social est situé ... ; la société Café Grand'Mère demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 97-251 du 30 mars 2000 par lequel le tribunal administratif de Lille ne lui a accordé la décharge que des pénalités de mauvaise foi ayant assorti les cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 1988 ;

2°) de prononcer la décharge des impositions restant en litige ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 25 000 francs au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

Code C Classement CNIJ : 19-01-03-01-01

19-01-03-01-02

19-04-02-01-08

Elle soutient que la procédure menée par l'administration fiscale à l'égard des fonds communs de placement est irrégulière en l'absence de vérification de comptabilité de ces derniers ; qu'elle a été, depuis le début du litige, dans l'incapacité de formuler des observations sur les éléments relatifs au fonctionnement des fonds critiqués, tels qu'ils étaient invoqués par le service, faute de disposer d'un pouvoir de contrôle sur les opérations faites par les gérants de ces fonds ; que l'administration, avant la mise en recouvrement des impositions, n'a pas respecté les règles applicables à l'information du contribuable sur la teneur des renseignements obtenus dans le cadre de l'exercice de son droit de communication ; que les conditions de l'intervention du vérificateur n'ont pas permis d'établir un véritable débat oral et contradictoire ; qu'avec la substitution de base légale demandée par l'administration, la société a été privée de la possibilité de saisir du désaccord la commission départementale des impôts qui était compétente ; qu'elle ne saurait supporter la charge de la preuve, faute de disposer d'informations sur les éléments de dysfonctionnement recueillis par l'administration dans le cadre de son droit de communication ; que les fonds communs de placement Kléber Sélection 2 et 9 n'ont pas distribué des acomptes supérieurs aux revenus nets encaissés mais ont simplement inclus dans le montant distribué le solde du compte de régularisation ; que ni la commission des opérations de bourse, ni les commissaires aux comptes n'ont signalé d'anomalie à ce titre ; que c'est donc à tort que le tribunal administratif a refusé à la société le bénéfice de l'instruction 4-K-1-83 du

13 janvier 1983 ; que, si le tribunal a fait droit aux conclusions tendant à la décharge des pénalités, c'est à tort qu'il a refusé l'application de la tolérance légale prévue à l'article 1733 du code général des impôts ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 15 février 2001, présenté par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie qui demande à la Cour de rejeter la requête et, par la voie du recours incident, d'annuler l'article 2 du jugement du 30 mars 2000 du tribunal administratif de Lille et de décider que la société Café Grand'Mère sera rétablie au rôle de l'impôt sur les sociétés (année 1988) à concurrence de la réduction prononcée en première instance ; il soutient que les constatations relevées par l'administration permettent d'établir que les conditions de fonctionnement des fonds communs de placement Kléber Sélection 2 et 9 n'étaient pas conformes au dispositif légal et réglementaire propre à ces fonds ; qu'il en est ainsi en ce qui concerne la confusion des fonctions de gérant et de dépositaire, point sur lequel il est demandé à la Cour de réformer le jugement, en ce qui concerne l'absence de souscription de parts à tout moment, la transgression de l'interdiction de publicité ou de démarchage, et la distribution d'acomptes excédant les revenus nets encaissés ; que, sur ce dernier élément, l'article 7 du décret du 2 mai 1983 interdit que le solde du compte de régularisation participe à la distribution et aucune dérogation à cette règle n'est prévue par l'instruction du 13 janvier 1983 ; qu'il s'ensuit que ces fonds doivent être regardés comme n'ayant pas fonctionné dans le respect des dispositions réglementaires et statutaires les régissant ; que l'administration, qui a renoncé à la mise en oeuvre des dispositions de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales, se prévaut, dans le cadre de la procédure de droit commun, de la méconnaissance des règles fixées par l'article 199 ter A du code général des impôts ; que dès lors la société requérante ne peut se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales de la mesure d'assouplissement prévue par l'instruction du 13 janvier 1983, les conditions expresses dont elle était assortie n'étant pas remplies ; que la société n'apporte pas la preuve qui lui incombe en s'appuyant sur son absence prétendue d'informations et la circonstance que ni le commissaire aux comptes, ni la commission des opérations de bourse n'auraient signalé d'anomalies ; que seules les dispositions légales pouvaient être appliquées en la circonstance ; qu'à cet égard, le droit à imputation des crédits d'impôt ne peut excéder celui auquel la société aurait pu prétendre si elle avait perçu directement sa quote-part des produits encaissés par les fonds précités ; que la société Café Grand'Mère ne peut en aucun cas bénéficier de la tolérance légale prévue à l'article 1733-I du code général des impôts alors en vigueur car elle n'a vocation à s'appliquer qu'aux insuffisances affectant la base d'imposition et non à celles relatives aux éléments servant à la liquidation de l'impôt ; que c'est à tort que le tribunal administratif a déchargé les pénalités de mauvaise foi, laquelle est établie ; que les fonds communs de placement ne sont ni des contribuables susceptibles de faire l'objet d'une vérification de comptabilité au sens de l'article L. 13 du livre des procédures fiscales, ni des sociétés dont les associés sont personnellement soumis à l'impôt pour la part de bénéfices correspondant à leurs droits au sens de l'article L. 53 du même livre ; que c'est à bon droit que l'administration a procédé à l'exercice de son droit de communication auprès des fonds dans les conditions définies par l'article R. 87-1 de ce livre ; que l'obligation d'information sur la teneur des renseignements recueillis par l'administration dans l'exercice de son droit de communication a été respectée ; qu'en qualité de porteur de parts des fonds communs de placement la société Café Grand'Mère avait un droit de communication permanent sur tous les documents détenus par ces derniers, en application de l'article 22 de la loi du 13 juillet 1979 ; que la requérante n'établit pas que le vérificateur se serait refusé à tout échange de vues avec elle et l'aurait ainsi privée de la possibilité d'un débat oral et contradictoire au cours des opérations sur place ; que le litige d'espèce portant sur le droit à imputation de crédits d'impôt ne relève pas de la compétence de la commission départementale des impôts ; que la société requérante ne saurait valablement soutenir qu'elle a été privée des garanties attachées à la nouvelle procédure mise en oeuvre par l'administration ; que l'administration ne saurait être regardée, en l'espèce, comme partie succombant à l'instance ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 11 mai 2001, présenté par la société

Café Grand'Mère qui, par les mêmes moyens, reprend les conclusions de la requête et conclut au rejet des conclusions de recours incident du ministre ; elle soutient, en outre, que la preuve demandée au contribuable confine à l'impossible et vide de tout contenu la garantie donnée par l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales ; que, dans le cadre de l'approche dialectique de la charge de la preuve, le principe de la contradiction doit être respecté ; que s'agissant de la confusion des fonctions du gérant et du dépositaire des fonds Kléber Sélection 2 et 9 , de l'absence de souscription de parts à tout moment, de la transgression de l'interdiction de publicité ou de démarchage l'administration n'apporte aucun élément circonstancié ; que, contrairement à ce que soutient le ministre, les fonds susmentionnés n'ont pas distribué d'acomptes supérieurs aux revenus nets encaissés mais ont simplement inclus dans le montant distribué le solde du compte de régularisation, ce qui constitue un fonctionnement normal de ces fonds ; que le ministre n'est pas fondé à demander le rétablissement des pénalités de mauvaise foi ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 10 avril 2002, présenté par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie qui se désiste de son recours incident et par, les mêmes moyens, maintient ses conclusions tendant au rejet de la requête ; il soutient, en outre, que les données sur lesquelles reposent la démonstration du fonctionnement irrégulier des fonds

Kléber Sélection 2 et 9 , consignées dès la notification de redressement, étaient suffisamment précises pour permettre au contribuable de contrôler l'exactitude des indications exposées ; que la société a fait valoir ses observations à ladite notification les 13 décembre 1991 et

30 avril 1992 ; que seul le refus de faire droit à une demande de communication expressément formulée par le contribuable en réponse à la notification de redressement serait susceptible de vicier la procédure d'imposition, et l'intéressée n'a présenté aucune demande en ce sens ; que la nouvelle base légale a été portée à la connaissance de manière suffisamment précise et a été discutée de manière contradictoire devant le juge ; que la société n'est pas fondée à soutenir que la comparaison à opérer pour vérifier le respect de la limite prévue par l'article 7 du décret du

2 mai 1983 devrait tenir compte des soldes des comptes de régularisation ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 5 août 2002, présenté par la société anonyme Kraft Foods France, venant aux droits de la société Café Grand'Mère, dont le siège social est situé ... ; la société Kraft Foods France porte sa demande de condamnation de l'Etat à lui payer les frais exposés et non compris dans les dépens à 15 000 euros et, par les mêmes moyens, reprend ses précédentes conclusions ; elle soutient, en outre, que l'administration n'a produit aucun justificatif pour corroborer ses dires relatifs aux versements reçus des fonds qui proviendraient d'acomptes ; que la définition des acomptes par l'article 7 du décret du 2 mai 1983, telle qu'implicitement retenue par le Conseil d'Etat dans ses décisions du 26 octobre 2001 aboutirait à restreindre anormalement le champ d'application de la loi du 13 juillet 1979 en son article 21 ; qu'il semble nécessaire de se poser la question préalable de la conformité à la loi de l'article 7 du décret du 2 mai 1983 dès lors que le législateur n'a pas expressément habilité le pouvoir réglementaire à prendre des dispositions plus restrictives que celles clairement énoncées dans la loi elle-même ; que l'analyse des travaux parlementaires est instructive à cet égard ; qu'il est demandé de ne pas faire application en l'espèce de la solution des décisions du Conseil d'Etat du 26 octobre 2001 et suggéré de demander à ce dernier son avis sur ce point ;

Vu l'ordonnance en date du 8 janvier 2004 par laquelle le président de la 2ème chambre fixe la clôture d'instruction au 13 février 2004 à 16 heures 30 ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 6 février 2004, présenté par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie qui, par les mêmes moyens, persiste dans ses précédentes conclusions ; en produisant les rapports de visite des fonds communs de placement en cause, il soutient, en outre, que l'article 21 de la loi du 13 juillet 1979 est relatif à la distribution du solde, qui doit intervenir dans les quatre mois de la clôture ; que l'article 7 du décret du 2 mai 1983 qui reprend les dispositions antérieures de l'article 16 du décret du

27 septembre 1979 traitant des acomptes que les fonds ont la faculté de distribuer, ne peut restreindre le champ d'application de la loi de 1979 sur la question des distributions ; que le décret du 27 septembre 1979 a été adopté conformément à l'article 42 de la loi de 1979 ; qu'ainsi il ne saurait être valablement soutenu que la définition des acomptes donnée par l'article 7 du décret de 1983 restreint le champ d'application de la loi ; que l'argumentation développée par la requérante ne soulève pas de question de droit nouvelle présentant une difficulté sérieuse dès lors que le Conseil d'Etat a clairement et explicitement tranché la question de la non-inclusion du solde du compte de régularisation dans les sommes distribuables à titre d'acompte ; qu'il n'y a pas lieu de rechercher dans les travaux préparatoires de la loi les éléments nécessaires à en éclairer le sens puisque l'article 42 de la loi de 1979 dispose que ses dispositions sont fixées, en tant que de besoin, par décret en Conseil d'Etat ; qu'à aucun moment il n'a été considéré que le pouvoir réglementaire ait restreint l'application de l'article 21 de la loi du 13 juillet 1979 ; qu'à la supposer établie, en tout état de cause, l'illégalité dudit décret se révèlerait constituer un moyen inopérant ; que l'administration renonce à se prévaloir des moyens relatifs à la confusion des fonctions de gérant et de dépositaire, de l'absence de souscription de parts à tout moment et de la transgression de l'interdiction de publicité ;

Vu l'ordonnance en date du 16 février 2004 par laquelle le président de la 2ème chambre rouvre l'instruction ;

Vu le nouveau mémoire, enregistré le 4 mars 2004, présenté par la société Kraft Foods France, qui porte à 20 000 euros la somme demandée au titre des frais exposés et non compris dans les dépens et réitère, par les mêmes moyens, ses conclusions antérieures ; elle soutient, en outre, qu'aucune disposition de la loi du 13 juillet 1979 n'envisage la question des acomptes ; qu'à aucun moment le législateur n'a estimé nécessaire de donner une quelconque délégation au pouvoir exécutif sur cette question ; qu'il est question en l'espèce de l'article 7 du décret de 1983 et non de l'article 16 du décret du 27 septembre 1979 ; qu'on ne peut déduire de l'article 42 de la loi de 1979 que le pouvoir réglementaire aurait reçu compétence pour restreindre l'application de l'article 21 de la loi ; que les références aux textes comptables ne permettent pas de pallier l'absence de fondement légal de l'argumentation de l'administration ;

Vu le mémoire, enregistré le 10 mars 2004, présenté pour la société Kraft Foods France, par Mes Frédéric A... et Jean-Philippe Bidegainberry, avocats du C.M.S. Bureau Francis Y..., qui reprend les termes du mémoire susvisé enregistré le 4 mars 2004 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 79-594 du 13 juillet 1979 ;

Vu le décret n° 79-835 du 27 septembre 1979 ;

Vu le décret n° 83-357 du 2 mai 1983 ;

Vu l'instruction 4-K-1-83 du 13 janvier 1983 ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 15 juin 2004 où siégeaient

M. Daël, président de la Cour, M. Gipoulon, président de chambre, Mme Brin,

président-assesseur, M. Quinette, premier conseiller et Mme Eliot, conseiller :

- le rapport de Mme Brin, président-assesseur,

- les observations de Me A..., membre du bureau Francis Y..., avocat, pour la S.A. Café Grand Mère,

- et les conclusions de M. Paganel, commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'à la suite d'une vérification de comptabilité ponctuelle portant sur l'exercice 1988 le service des impôts a refusé l'imputation, effectuée sur son impôt sur les sociétés par la société anonyme Café Grand'Mère, aux droits de laquelle vient la société anonyme Kraft Foods France, des crédits d'impôts appréhendés à la suite d'opérations relatives aux parts des fonds communs de placement Kléber Sélection 2 et Kléber Sélection 9 ; que la société Café Grand'Mère a contesté ces redressements en invoquant l'instruction

4-K-1-83 du 13 janvier 1983 ; qu'elle fait appel du jugement en date du 30 mars 2000 par lequel le tribunal administratif de Lille ne lui a accordé la décharge que des pénalités de 40 % et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande tendant à la décharge du complément d'impôt sur les sociétés auquel elle a été assujettie au titre de l'année 1988 ;

Sur les conclusions du recours incident du ministre :

Considérant que par son mémoire enregistré le 10 avril 2002, le ministre se désiste des conclusions de son recours incident ; que le désistement du ministre est pur et simple ; que rien ne s'oppose à ce qu'il en soit donné acte ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 1er de la loi susvisée du

13 juillet 1979 relative aux fonds communs de placement : Le fonds commun de placement est une copropriété de valeurs mobilières et de sommes placées à court terme et à vue... Il n'a pas la personnalité morale. Les dispositions du code civil relatives à l'indivision ne s'appliquent pas au fonds commun de placement. Il en est de même des dispositions régissant les sociétés ;

Considérant qu'il résulte de ces dispositions que les fonds communs de placement, contrairement à ce que soutient la société requérante, ne peuvent être regardés comme une indivision et qu'ils ne font pas partie des sociétés auxquelles se réfère l'article L. 53 du livre des procédures fiscales qui sont citées à l'article 8 du code général des impôts dont les obligations sont définies à l'article 60 du même code ; que si les dispositions des articles 41 sexdecies A à

41 sexdecies F de l'annexe III audit code soumettent de tels fonds à des obligations déclaratives, elles ont pour objet de permettre à l'administration fiscale de contrôler les revenus de capitaux mobiliers versés aux porteurs de parts en usant, le cas échéant, du droit de communication spécifique prévu par l'article R. 87-1 du livre des procédures fiscales ; que, par suite, les fonds communs de placement ne sont pas au nombre des contribuables susceptibles de faire l'objet d'une vérification de comptabilité au sens de l'article L. 13 du livre des procédures fiscales ; qu'il s'ensuit que la société requérante, en tout état de cause, n'est pas fondée à soutenir que les fonds communs de placement Kléber Sélection 2 et Kléber Sélection 9 auraient fait l'objet d'une vérification de comptabilité et que les dispositions de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales prescrivant en ce cas l'envoi d'un avis de vérification auraient été méconnues ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de l'instruction que l'avis de vérification de comptabilité reçu par la société Café Grand'Mère spécifiait que la vérification serait limitée à l'examen des crédits d'impôts imputés sur l'impôt sur les sociétés dû au titre de l'exercice clos en 1988, ce qui conduisait à n'examiner que quelques écritures comptables ; que dès lors que le contrôle a été effectué dans les propres locaux de l'entreprise, il appartient à la contribuable qui allègue que les opérations de vérification ont été conduites sans qu'elle ait eu la possibilité d'avoir un débat oral et contradictoire avec le vérificateur de justifier que ce dernier se serait refusé à un tel débat, ce qu'elle ne fait pas en l'espèce en se bornant à invoquer que le contrôle n'a duré qu'une journée ;

Considérant, en troisième et dernier lieu, qu'il résulte de l'instruction que dans la notification de redressement en date du 18 décembre 1991 le vérificateur a précisé et individualisé, d'une part, les informations obtenues auprès des fonds communs de placement Kléber Sélection 2 et Kléber Sélection 9 et, d'autre part, celles recueillies auprès de la société Café Grand'Mère ; que ce faisant il a précisé à la contribuable l'origine et la teneur des renseignements obtenus auprès desdits fonds, en la mettant en mesure d'obtenir la communication des éléments en cause avant la mise en recouvrement des impositions ; qu'ainsi cette dernière a été suffisamment informée, quoique succinctement, de l'origine et de la teneur des renseignements recueillis auprès de tiers et effectivement utilisés par l'administration, même si le vérificateur n'a pas expressément précisé dans la notification susmentionnée qu'il avait fait usage du droit de communication et n'a pas précisé les modalités suivant lesquelles il avait usé de son droit ; que, par suite, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que les droits de la défense n'ont pas été respectés ;

Sur le principe de la substitution de base légale demandée par l'administration :

Considérant, en premier lieu, que l'administration, qui a établi l'imposition en litige dans le cadre de la répression des abus de droit prévue par l'article L. 64 du livre des procédures fiscales entend substituer à cette base légale celle prévue par les dispositions de l'article

199 ter A du code général des impôts, comme elle l'a mentionné dans ses observations enregistrées le 2 décembre 1999 devant le tribunal administratif ; que l'administration, qui ne peut renoncer à appliquer la loi fiscale, est en droit à tout moment de justifier l'impôt sur un nouveau fondement légal qu'elle a compétence liée pour appliquer ; que, toutefois, cette substitution ne peut pas avoir pour effet, sauf à entraîner la décharge de l'imposition, de priver le contribuable des garanties attachées à ce nouveau fondement et dont il aurait pu bénéficier s'il avait été initialement retenu par l'administration ; qu'en l'espèce, il résulte de l'instruction que la société Café Grand'Mère n'a été privée d'aucune garantie du fait de cette substitution dès lors qu'elle a été destinataire d'une notification de redressement qui est suffisamment motivée comme l'est également la réponse aux observations du contribuable qui lui a été adressée, que les droits de la défense, ainsi qu'il vient d'être dit, ont été respectés et que la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, contrairement à ce que soutient la requérante, n'était pas compétente pour examiner le litige qui tenait à l'imputabilité de crédits d'impôt ;

Sur l'imputabilité des crédits d'impôt :

Considérant qu'aux termes de l'article 199 ter A du code général des impôts : Les porteurs de parts d'un fonds commun de placement peuvent effectuer l'imputation de tout ou partie des crédits d'impôts et avoirs fiscaux attachés aux produits des actifs compris dans ce fonds. Pour chaque année, le gérant du fonds calcule la somme totale à l'imputation de laquelle les produits encaissés par le fonds donnent droit. Le droit à imputation par chaque porteur est déterminé en proportion de sa quote-part dans la répartition faite au titre de l'année considérée (...).Ce droit à imputation ne peut excéder celui auquel l'intéressé aurait pu prétendre s'il avait perçu directement sa quote-part des mêmes produits... ;

Considérant qu'il est constant que le droit à imputation de crédits d'impôt qui a résulté pour la société Café Grand'Mère des opérations effectuées sur les fonds communs de placement Kléber Sélection 2 et Kléber Sélection 9 ont excédé en ce qui concerne l'exercice 1988 celui auquel cette société aurait pu prétendre si elle avait perçu directement sa quote-part des mêmes produits et que les redressements résultant des crédits d'impôts excédant ce droit et non admis sont ainsi fondés au regard des dispositions précitées de l'article 199 ter A du code général des impôts ;

Considérant, toutefois, que la société requérante invoque, sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, les dispositions des paragraphes 66 et 67 de l'instruction 4-K-1-83 du 13 janvier 1983 qui, à titre d'assouplissement , prévoient l'attribution aux parts supplémentaires créées entre la clôture de l'exercice et la date de mise en paiement des produits, d'un crédit d'impôt unitaire de même montant que celui alloué aux parts existant à la clôture de l'exercice ; que ces dispositions formelles ne sont susceptibles d'être invoquées par les contribuables pour faire échec à l'application des dispositions précitées de l'article 199 ter A du code général des impôts, que si l'ensemble des conditions posées par l'instruction sont remplies ; qu'aux termes du paragraphe 100 de cette instruction : l'application aux fonds communs de placement et à leurs membres des dispositions dérogatoires au droit commun dont ils peuvent bénéficier sur le plan fiscal, tant en matière de droits d'enregistrement que d'impôt sur les revenus, est subordonnée à la condition que ces organismes fonctionnent conformément aux dispositions législatives, réglementaires ou statutaires qui les régissent et qu'ils respectent leurs obligations ; qu'ainsi les dispositions de l'instruction du 13 janvier 1983 ne sont susceptibles d'être invoquées par les contribuables pour faire échec à l'application de l'article 199 ter A du code général des impôts, que si l'ensemble des conditions posées par l'instruction sont remplies ;

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 7 du décret susvisé du 2 mai 1983 fixant les conditions d'application de la loi susvisée du 13 juillet 1979 relative aux fonds communs de placement : Les acomptes éventuellement distribués en avance des produits des actifs de l'exercice ne peuvent excéder les revenus nets encaissés ; que cette limite interdit à un fonds commun de placement d'inclure dans les sommes distribuables à titre d'acompte le solde du compte de régularisation où sont enregistrées les sommes reçues ou versées par le fonds à l'occasion des souscriptions ou rachats de parts, à raison de l'acquisition ou de la perte du droit au coupon couru, dès lors que les mouvements de ce compte ne font intervenir que des comptes de bilan et n'affectent donc pas les résultats du fonds ; que cette règle, contrairement à ce que soutient la société requérante, concerne le solde du compte de régularisation de l'exercice en cours ; que la circonstance qu'en vertu de l'article 21 de la loi susvisée du 13 juillet 1979, le solde du compte de régularisation est ajouté aux produits nets de l'exercice pour déterminer la distribution des résultats d'un exercice clos n'est pas de nature à modifier l'interprétation de la règle susénoncée qui est propre aux distributions d'acomptes ; que, par ailleurs, si l'article 21, alinéa 3, de ladite loi du 13 juillet 1979 inclut le solde du compte de régularisation dans la distribution de fin d'exercice, aucune disposition expresse de la loi ne régit la prise en compte de ce solde dans les acomptes ; que, cependant, dans la mesure où l'exclusion susrappelée du solde du compte de régularisation des sommes distribuables à titre d'acomptes résulte de la nature même de ce solde, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que cet article 7 du décret du 2 mai 1983, lequel décret a été pris en application de l'article 42 de la loi du 13 juillet 1979, serait contraire aux dispositions de l'article 21 de cette loi, ni qu'il aurait ajouté une condition non prévue par la loi ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que les revenus nets encaissés par le fonds Kléber Sélection 2 lors de la distribution de l'acompte le 23 novembre 1988 se sont élevés à 871 193 francs alors que les acomptes qu'il a distribués étaient d'un montant de

21 340 371 francs et que les revenus nets encaissés par le fonds Kléber Sélection 9 lors de la distribution de l'acompte le 27 octobre 1988 se sont élevés à 627 214 francs alors que les acomptes qu'il a distribués étaient d'un montant de 14 657 340 francs ; que, par suite, ces deux fonds communs de placement ont méconnu la règle susénoncée et n'ont pas fonctionné dans les conditions de régularité auxquelles devaient veiller leur dépositaire en vertu de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1979 ; que la société requérante ne peut dès lors utilement invoquer le bénéfice de l'instruction du 13 janvier 1983 ;

Considérant, en second lieu, que ladite société n'est pas fondée à soutenir que n'ayant connaissance d'aucune observation émanant tant des commissaires aux comptes que de la commission des opérations de bourse, elle ne peut se voir opposer le non-respect des conditions de fonctionnement régulier des fonds communs de placement, dès lors que pour qu'un contribuable bénéficie des dispositions d'une instruction administrative, l'ensemble des conditions posées par celle-ci doit être rempli ;

Sur la dispense de l'intérêt de retard :

Considérant qu'aux termes de l'article 1733 du code général des impôts dans sa rédaction alors applicable : I. L'intérêt de retard et les majorations prévues à l'article 1729 ne sont pas applicables... en ce qui concerne les impôts sur les revenus... lorsque l'insuffisance des chiffres déclarés n'excède pas le dixième de la base d'imposition... ; qu'il résulte de ces dispositions que la tolérance qu'elle prévoit ne s'applique qu'aux insuffisances affectant les bases d'imposition déclarées et non à celles relatives aux éléments servant à la liquidation de l'impôt qui, en l'espèce, sont à l'origine de l'application de l'intérêt de retard aux redressements contestés ; que, par suite, la société requérante n'est pas fondée à demander que l'intérêt de retard ne soit pas appliqué ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Kraft Foods France n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté le surplus des conclusions de la demande de la société Café Grand'Mère ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que lesdites dispositions font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à la société Kraft Foods France la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Il est donné acte du désistement du recours incident du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Article 2 : La requête de la société Kraft Foods France est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Kraft Foods France et au ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Délibéré à l'issue de l'audience publique du 15 juin 2004 dans la même composition que celle visée ci-dessus.

Prononcé en audience publique le 29 juin 2004.

Le rapporteur

Signé : D. Brin

Le président de la Cour

Signé : S. X...

Le greffier

Signé : G. Z...

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

Le greffier

Guillaume Z...

11

N°00DA00721


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation a 5
Numéro d'arrêt : 00DA00721
Date de la décision : 29/06/2004
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. le Prés Daël
Rapporteur ?: Mme Dominique Brin
Rapporteur public ?: M. Paganel
Avocat(s) : C M S BUREAU FRANCIS LEFEBVRE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2004-06-29;00da00721 ?
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