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29/06/2004 | FRANCE | N°02DA00502

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation a 5, 29 juin 2004, 02DA00502


Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Douai le

17 juin 2002, présentée pour la commune de Cysoing, représentée par son maire en exercice, par la S.C.P. d'avocats Savoye et associés ; la commune de Cysoing demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 9602169 et 980543 par lequel le tribunal administratif de Lille a annulé le titre exécutoire émis par elle le 26 octobre 1992 à l'encontre de la société X pour une somme de 73 392,33 francs, a déchargé ladite entreprise de cette somme et l'a condamnée à verser à la même

entreprise la somme de 10 347,21 euros au titre du solde des travaux d'humanisati...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Douai le

17 juin 2002, présentée pour la commune de Cysoing, représentée par son maire en exercice, par la S.C.P. d'avocats Savoye et associés ; la commune de Cysoing demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 9602169 et 980543 par lequel le tribunal administratif de Lille a annulé le titre exécutoire émis par elle le 26 octobre 1992 à l'encontre de la société X pour une somme de 73 392,33 francs, a déchargé ladite entreprise de cette somme et l'a condamnée à verser à la même entreprise la somme de 10 347,21 euros au titre du solde des travaux d'humanisation de la maison de retraite de Cysoing ;

2°) de condamner la société X à lui verser la somme de 915 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que le montant global du marché litigieux d'extension et d'humanisation de la maison de retraite de Cysoing s'élevait pour l'ensemble des lots à 8 000 000 francs et aurait du faire l'objet d'un appel d'offre ; que le marché, en visant l'article 232-10 du code des marchés relatif à la procédure négociée a été passé en violation des dispositions dudit code et est , par conséquent, entaché d'une nullité absolue qui interdit à la société X de se prévaloir d'aucun droit au titre du marché ; qu'en n'ayant pas soulevé ce moyen d'ordre public, le jugement du tribunal administratif doit être annulé ; que le même jugement est entaché d'une autre irrégularité

Code C Classement CNIJ : 39-05-02

en ce qu'il ne mentionne aucune réclamation de la société X préalable à ses conclusions présentées en première instance ; que le tribunal n'a pas tenu compte de la résiliation du marché, avant la fin de son exécution, pour faute de la société à qui il revenait, dans ces conditions, d'apporter la preuve du bien-fondé de ses prétentions ; que s'agissant des portillons de jardin et de la verrière entre les bâtiments A et B, le seul fait qu'aucune réserve n'ait été émise dans le procès-verbal de réception n'implique pas que ces travaux aient été effectivement effectués ; que le tribunal donne un effet juridique à la réception des travaux et aux réserves un effet qu'ils n'ont pas ;

Vu le jugement et l'état exécutoire attaqués ;

Vu le mémoire, enregistré le 9 août 2002, pour la commune de Cysoing qui conclut aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens ; elle soutient, en outre, qu'il est constant que le marché litigieux ne rentrait dans aucune des conditions énumérées par l'article 312-2 du code des marchés publics qui prévoit la possibilité de passer des marchés négociés d'un montant supérieur à 700 000 francs ; que la société X n'a pas produit le mémoire préalable exigé par les dispositions de l'article 50 du cahier des clauses administratives générales ; que le moyen nouveau en appel qu'elle invoque, et tiré de l'enrichissement sans cause, est irrecevable ;

Vu le mémoire, enregistré le 4 août 2003, pour la société X, qui conclut au rejet de la requête, à la confirmation du jugement attaqué et à la condamnation de la commune de Cysoing à lui verser la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; elle soutient que l'argumentation de la commune de Cysoing faisant référence à l'article 232-10 du code des marchés publics est confuse ; que, si la collectivité soutient qu'aucun appel d'offres n'a été réalisé alors que le marché litigieux dépassait 700 000 francs, ce moyen manque en fait ; que la nullité du marché invoquée ne repose sur aucun élément probant ; qu'en tout état de cause, même en admettant une quelconque nullité du marché, elle serait fondée à réclamer le remboursement des dépenses qui ont été utiles à la collectivité ou à engager la responsabilité de celle-ci sur le fondement de la faute quasi délictuelle ; qu'aucune disposition n'impose au requérant d'établir un mémoire préalable en matière de marchés publics et qu'elle a adressé une mise en demeure de payer à la commune le 30 décembre 1996, qui est restée sans effet ; que le tribunal a effectué, en toute cohérence, un décompte partant du montant du marché et prenant en considération les sommes versées et les sommes correspondantes aux travaux non exécutés suivant le procès-verbal de réception ; que le marché ayant fait l'objet d'une résiliation simple, aucune indemnité ne peut lui être réclamée ; qu'il est constant que l'inexécution des travaux concernant les portillons de jardin et la verrière aurait inévitablement été mentionnée au procès-verbal de réception si elle avait été constatée ; que la commune ne démontre pas avoir du effectuer elle-même ces travaux ; qu'elle n'a jamais signé le décompte général établi par la commune qui ne lui a jamais été notifié et qui ne lui est donc pas opposable ; qu'en tout état de cause, ce décompte a été établi après la résiliation du marché ; que, selon l'état d'acomptes établi par le maître d'oeuvre le 30 septembre 1998 et signé par le conducteur d'opération le

18 octobre 1998, il lui a été versé une somme de 278 405,95 francs, soit 82 271 francs de moins que la somme initialement prévue ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 15 juin 2004 où siégeaient

M. Daël, président de la Cour, M. Gipoulon, président de chambre, Mme Brin, président-assesseur, M. Quinette, premier conseiller et Mme Eliot, conseiller :

- le rapport de Mme Eliot, conseiller,

- les observations de Me Savoye, avocat, pour la commune de Cysoing, et de

Me Noubel-Guillot, avocat, pour la société X,

- et les conclusions de M. Paganel, commissaire du gouvernement ;

Sur la recevabilité de la demande :

Considérant, d'une part, que le titre exécutoire émis le 17 juin 1996 par le maire de la commune de Cysoing constitue une décision faisant directement grief à la société X ; que celle-ci était, dès lors, directement recevable à en demander l'annulation devant le tribunal administratif ;

Considérant, d'autre part, qu'il ressort de l'instruction que le décompte des travaux du marché de travaux d'humanisation de la maison de retraite de Cysoing, dressé le 31 juillet 1990, n'a jamais été notifié à la société X ; que, dans ces conditions, l'entreprise ayant saisi la commune de Cysoing d'une demande préalable, en date du 30 décembre 1988 reçue le

31 décembre, tendant au règlement du solde du marché, la commune n'est pas fondée à soutenir qu'une telle demande était tardive au motif qu'elle aurait été présentée postérieurement à l'expiration du délai de six mois prescrit par l'article 50-32 du cahier des clauses administratives générales des marchés de travaux, texte qui n'est applicable que lorsque le maître de l'ouvrage a notifié à l'entreprise le décompte général ; que la commune de Cysoing n'est pas davantage fondée à soutenir que ladite demande était tardive pour avoir été présentée postérieurement à l'expiration du délai de droit commun du recours contentieux, ce délai de deux mois ne s'appliquant pas en matière de travaux publics ;

Sur l'exception de nullité du marché litigieux opposée par la commune :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que le marché dont s'agit, passé le 22 mai 1987 avec un groupement d'entreprises a été conclu selon la procédure de marché négocié sur la base des dispositions de l'article 312-2 du code des marchés publics, alors en vigueur, qui prévoyait que pouvaient être passés des marchés négociés sans limitation de montant pour des travaux qui, après adjudication ou appel d'offres, n'ont fait l'objet d'aucune soumission ou offre ou pour lesquels il n'a été proposé que des soumissions ou offres inacceptables ; que, si la commune de Cysoing fait valoir que, compte tenu du montant du marché, la procédure de passation suivie était irrégulière, elle n'apporte aucun élément de nature à établir, alors que la société X soutient que le marché a bien été précédé d'un appel d'offres, que l'absence de mise en concurrence alléguée ne reposait sur aucune des justifications prévues par l'article 312-2 du code des marchés publics précité ;

Sur le règlement du solde du marché :

Considérant que le décompte général et définitif établi le 31 juillet 1990 et signé par l'entreprise Botte, qui n'était plus le mandataire de la société X dont le contrat avait été résilié, n'a pas été notifié à cette dernière entreprise ; que, par suite, il ne saurait lui être opposable ;

Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article 46-2 du cahier des clauses administratives générales-travaux, applicable au marché dont s'agit, le procès-verbal des travaux dressé après la résiliation d'un marché vaut réception des travaux et constitue le point de départ du délai pour le règlement final du marché ; que ce procès-verbal, en l'absence de décompte général et définitif opposable tant au maître de l'ouvrage qu'à l'entrepreneur, constitue le seul document sur lequel ces derniers sont fondés à se référer pour déterminer leurs droits et obligations réciproques concernant le règlement du solde du marché résilié ; que, dès lors, c'est à tort que le tribunal administratif de Lille, pour apprécier le bien fondé du titre exécutoire émis par la ville de Cysoing et la demande de règlement de travaux présentée par ladite société, s'est notamment fondé sur un procès-verbal de réception prononcé avec réserves le 22 juillet 1988, soit avant la résiliation du marché dont s'agit, intervenue le 23 décembre 1988 ;

Considérant qu'à la suite de la résiliation, sur le fondement de l'article 46-2 du code des marchés publics précité, du marché passé avec la société X dans le cadre des travaux d'humanisation de la maison de retraite de Cysoing, un constat contradictoire des travaux de métallerie, jusqu'alors confiés à la société X, a été dressé le 13 janvier 1989, en présence du maître d'ouvrage, du maître d'oeuvre et des sociétés Botte et X ; qu'à cette date, il ressort de ce procès-verbal que n'avaient pas été exécutés par la société X la main courante en acier de l'escalier de la façade ouest, les gardes corps et la rampe en acier de l'escalier extérieur, du perron et de la rampe du rez-de-chaussée de la façade ouest ainsi que ceux du perron du

rez-de-chaussée de la façade est, la grille de ventilation du local poubelle, la verrière entre le bâtiment A et B et les portillons de jardin ; qu'il résulte de l'instruction, et notamment du devis du marché établi par la société X, non contesté par la commune, que le montant de ces différents travaux s'élève à la somme de 10 177,80 euros toutes taxes comprises

(66 762,02 francs toutes taxes comprises) ;

Considérant que le marché passé entre la commune de Cysoing et la société X portait, après avenant, sur un montant de 59 303,89 euros toutes taxes comprises

(389 008 francs) ; que, compte tenu du montant des travaux non exécutés tel que mentionné précédemment, le montant total du règlement du marché exécuté par la société X s'élève à 49 126,08 euros toutes taxes comprises (322 245,98 francs) ; que, selon l'état d'acompte n°5 établi par le maître d'oeuvre le 30 septembre 1988 et signé par le conducteur d'opérations le

18 octobre 1988, a été versée à la société X une somme de 42 442,71 euros toutes taxes comprises (278 405,95 francs) ; qu'ainsi, il reste dû à la société X la somme de

6 683,37 euros toutes taxes comprises (43 840,03 francs) ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède, d'une part, que c'est à bon droit que le tribunal administratif a annulé le titre exécutoire émis par la commune de Cysoing à l'encontre de la société X pour un montant de 11 188,59 euros (73 392,33 francs) ; qu'en revanche, il y a lieu de réduire la somme que la commune de Cysoing a été condamnée à verser à la société X à 6 683,37 euros ; que la commune est, dès lors, fondée à demander la réformation du jugement attaqué sur ce point ;

Sur les intérêts :

Considérant que la société X a droit aux intérêts au taux légal de la somme de

6 683,37 euros à compter du 31 décembre 1996, jour de la réception par la commune de Cysoing de sa demande ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de condamner la société X à verser à la commune de Cysoing la somme de 915 euros qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

Considérant, en revanche, que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la commune de Cysoing, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamnée à payer à la société X la somme qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La somme que la commune a été condamnée, par le tribunal administratif de Lille en date du 12 mars 2002, à verser à la société X, est réduite à

6 683,37 euros. Elle portera intérêts au taux légal à compter du 31 décembre 1996.

Article 2 : Le jugement est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : La société X est condamnée à verser à la commune de Cysoing la somme de 915 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société X, à la commune de Cysoing et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.

Copie sera transmise au préfet du Nord.

Délibéré à l'issue de l'audience publique du 15 juin 2004 dans la même composition que celle visée ci-dessus.

Prononcé en audience publique le 29 juin 2004.

Le rapporteur

Signé : A. Eliot

Le président de la Cour

Signé : S. Daël

Le greffier

Signé : G. Vandenberghe

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

Le greffier

Guillaume Vandenberghe

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N°02DA00502


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation a 5
Numéro d'arrêt : 02DA00502
Date de la décision : 29/06/2004
Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. le Prés Daël
Rapporteur ?: Mme Agnès Eliot
Rapporteur public ?: M. Paganel
Avocat(s) : SCP SAVOYE ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2004-06-29;02da00502 ?
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